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Chapeau

148 III 232


30. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit civil dans la cause A. contre B. et Office cantonal des poursuites de Genève (recours en matière civile)
5A_907/2021 du 20 avril 2022

Regeste

Art. 92 al. 1 ch. 10 et art. 275 LP; art. 4 al. 1 LFLP; art. 16 al. 1 OLP; séquestre des avoirs de prévoyance professionnelle; prestation de sortie transférée à une institution sur un compte de libre passage; condition de l'exigibilité du droit aux prestations.
La prestation de sortie versée à une institution de libre passage est exigible au sens de l'art. 92 al. 1 ch. 10 LP si le poursuivi en demande le versement (consid. 6).

Faits à partir de page 232

BGE 148 III 232 S. 232

A.

A.a B., né en 1956, exerce à titre indépendant la profession d'avocat.

A.a.a Jusqu'au 31 décembre 2020, B. a été affilié à titre facultatif à l'institution de prévoyance C. Le 31 mars 2020, il a fait part à ladite institution de sa décision de mettre un terme à cette affiliation, ce dont C. a pris acte avec effet au 31 décembre 2020. Par lettre de son conseil du 12 janvier 2021, B. a mis C. en demeure de verser le montant de sa prestation de sortie sur un compte de libre passage ouvert auprès de l'institution de libre passage D., à U.

A.a.b B. bénéficie également d'une prévoyance liée (3e pilier A) sous la forme d'un compte de prévoyance auprès de la Fondation de prévoyance E. SA.
Le 19 décembre 2016, B. a informé la Fondation de prévoyance E. SA de sa volonté d'obtenir le versement anticipé, au 3 janvier 2017, de
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son avoir de prévoyance. Par courriers de son conseil des 13 janvier et 3 février 2021, il a réitéré cette demande et mis en demeure la Fondation de prévoyance E. SA de verser l'intégralité de son capital de prévoyance sur le compte dont il disposait auprès de F. AG.

A.b Par arrêt du 26 mai 2020, confirmé le 22 décembre 2020 par le Tribunal fédéral (arrêt 6B_815/2020 / 6B_823/2020 / 6B_826/2020 / 6B_831/2020), la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice de Genève (ci-après: Chambre pénale d'appel et de révision) a, notamment, reconnu B. coupable de complicité de gestion déloyale et l'a condamné, entre autres, conjointement avec un autre prévenu, à payer à A. une somme de 20'460'487 fr., avec intérêts, à titre de réparation du dommage matériel, a prononcé une créance compensatrice du même montant, avec intérêts, en faveur de l'Etat de Genève, allouée à A., a ordonné le maintien de divers séquestres, de même que la levée de certains autres, en particulier les séquestres portant sur le compte de prévoyance 3e pilier A au nom de B. auprès de la Fondation de prévoyance E. SA et sur la prestation de sortie du prénommé auprès de C. Sur ces derniers points, la Chambre pénale d'appel et de révision a retenu que les actifs considérés étaient insaisissables en vertu de l'art. 92 al. 1 ch. 10 LP et ne pouvaient donc pas faire l'objet d'un séquestre pénal visant à garantir une créance compensatrice.

A.c Par ordonnance de séquestre prononcée le 22 janvier 2021 sur requête de A., le Tribunal de première instance de Genève (ci-après: tribunal) a ordonné le séquestre à hauteur de 20'460'487 fr. plus intérêts au taux de 5 % l'an à compter du 1er novembre 2012 de divers actifs censés appartenir à B., débiteur séquestré, parmi lesquels l'avoir de prévoyance 2e pilier dont il bénéficiait auprès de C. ou auprès de D., ainsi que le compte de prévoyance liée (3e pilier A) dont il était titulaire auprès de la Fondation de prévoyance E. SA.

B.

B.a Le 22 janvier 2021, l'Office cantonal des poursuites (ci-après: office) a exécuté le séquestre en adressant des avis ad hoc aux tiers en mains desquels des actifs étaient susceptibles d'être séquestrés, soit notamment C., D. et la Fondation de prévoyance E. SA.
Au moment de l'exécution du séquestre, la prestation de sortie devant revenir à B. n'avait pas encore été transférée à la D. et a donc été séquestrée en mains de C.
Il ressort du procès-verbal de séquestre établi le 23 février 2021 que le séquestre a porté en mains de C. sur les avoirs de prévoyance
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professionnelle (2e pilier) dont bénéficiait B., pour une valeur estiméeà 8'738'284 fr. 27, ainsi qu'en mains de la Fondation de prévoyance E. SA. Il n'a en revanche pas porté en mains de D.

B.b

B.b.a Par acte adressé le 3 mars 2021 à la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites de la Cour de justice de Genève (ci-après: Chambre de surveillance), B. a formé une plainte contre le procès-verbal de séquestre, concluant à ce que le séquestre ne porte ni sur ses avoirs de prévoyance professionnelle (2e pilier), ni sur son compte de prévoyance liée (3e pilier A).
(...)

B.b.c Par décision du 21 octobre 2021, la Chambre de surveillance a partiellement admis la plainte déposée contre le procès-verbal de séquestre. Elle a annulé le séquestre en tant qu'il avait été exécuté sur les avoirs de prévoyance professionnelle déposés par B. auprès de C. et invité l'office à rectifier en ce sens le procès-verbal de séquestre. La plainte a été rejetée pour le surplus.
(...)
Par arrêt du 20 avril 2022, le Tribunal fédéral a rejeté le recours en matière civile interjeté par A. contre la décision du 21 octobre 2021.
(extrait)

Considérants

Extrait des considérants:

6. La question qui se pose est de savoir si la prestation de sortie de l'intimé qui est détenue par son ancienne institution de prévoyance à laquelle il n'est plus affilié et à qui il a donné l'ordre de transférer dite prestation à une institution sur un compte de libre passage est séquestrable.

6.1 Aux termes de l'art. 275 LP, les art. 91 à 109 relatifs à la saisie s'appliquent par analogie à l'exécution du séquestre.
Le moment déterminant pour décider du caractère saisissable d'un actif est celui de l'exécution du séquestre. Un bien qui avait été défini comme insaisissable peut, par la survenance d'évènements le rendant saisissable, être séquestré à la condition toutefois que l'office soit requis de procéder à un nouvel examen du patrimoine du poursuivi (OCHSNER, in Commentaire romand, Poursuite et faillite, 2005, nos 55 s. ad art. 92 LP).
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6.2 L'art. 92 LP déclare insaisissables certains actifs en raison de leur caractère indispensable à l'égard du débiteur et de sa famille. Il en va ainsi, aux termes du chiffre 10 de cette norme, des "droits aux prestations de prévoyance et de libre passage non encore exigibles à l'égard d'une institution de prévoyance professionnelle".
Cette disposition tient compte du principe fondamental de la LPP qui veut que la protection offerte par les institutions de prévoyance soit maintenue jusqu'à la survenance du décès ou de l'invalidité. Cette insaisissabilité vaut non seulement pour la prévoyance professionnelle obligatoire, mais aussi pour la prévoyance se situant en deçà ou au-delà du régime obligatoire. Ne peuvent en revanche bénéficier de ce statut particulier le compte d'épargne traditionnel ainsi que la police de prévoyance "libre" (ou 3e pilier B), dont le preneur a la faculté de disposer à sa guise (ATF 119 III 18 consid. 3a; arrêt 5A_746/ 2010 du 12 janvier 2011 consid. 3.1).

6.2.1 Dans la prévoyance professionnelle, on distingue entre cas de prévoyance (vieillesse, invalidité ou décès) et cas de libre passage (libre passage, répartition de la prestation de sortie à la suite d'un divorce ou encouragement à la propriété du logement).

6.2.1.1 La loi fédérale du 17 décembre 1993 sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (loi sur le libre passage, LFLP; RS 831.42) réglemente la question du maintien de la prévoyance professionnelle en cas de libre passage de manière exhaustive. Son objectif principal est de permettre à l'assuré de maintenir ou de continuer d'édifier sa prévoyance sur la base de celle qu'il a déjà acquise auprès de son ancienne institution de prévoyance (ATF 129 V 440 consid. 6.2).

6.2.1.2

6.2.1.2.1 Lorsque l'assuré quitte l'institution de prévoyance avant la survenance d'un cas de prévoyance (cas de libre passage), il a droit à une prestation de sortie (art. 2 al. 1 LFLP). La prestation de sortie est exigible lorsque l'assuré quitte l'institution de prévoyance (art. 2 al. 3, 1re phrase, LFLP).
Si l'assuré n'entre pas dans une autre institution de prévoyance (cf. art. 3 LFLP), il doit notifier à son institution de prévoyance sous quelle forme admise il entend maintenir sa prévoyance (art. 4 al. 1 LFLP). Contrairement aux principes régissant le droit aux prestations provenant d'une caisse de pensions, la cessation de l'activité lucrative n'est en principe pas déterminante. L'objectif des formes de
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maintien de la prévoyance consiste notamment à protéger, jusqu'à la naissance du droit aux prestations de vieillesse, les assurés qui cessent leur activité avant la survenance d'un cas de prévoyance (art. 1 al. 2 LFLP) et qui, à la sortie de l'institution de prévoyance, ne remplissent pas les conditions d'un versement en espèces ou ne le demandent pas (art. 5 LFLP;SCHNEIDER/MERLINO/MANGE,inCASS, LPP et LFLP, 2e éd. 2020, n° 29 ad art. 84 LPP). Ces fonds restent dans le 2e pilier, c'est-à-dire qu'ils sont considérés comme servant exclusivement et irrévocablement à la prévoyance et ne peuvent être retirés que lors d'un évènement prévu par la loi, conformément à l'art. 13 al. 2 OLP (WENGER, Probleme rund um die vorzeitige Pensionierung in der beruflichen Vorsorge, 2009, p. 61).
Conformément à l'art. 26 al. 1 LFLP, le Conseil fédéral a adopté l'ordonnance du 3 octobre 1994 sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (OLP; RS 831.425), par laquelle il a notamment réglementé les formes admises du maintien de la prévoyance. Celles-ci sont au nombre de deux, à savoir le compte de libre passage, soit un contrat spécial affecté exclusivement et irrévocablement à la prévoyance et qui a été conclu avec une fondation (bancaire) réalisant certaines conditions (cf. art. 10, 19 et 19a OLP, en relation avec l'art. 26 al. 1 LFLP), et la police de libre passage (art. 10 al. 1 OLP). Ces deux formes de maintien de la prévoyance sont gérées par des "institutions de libre passage". Si celles-ci font partie de la prévoyance professionnelle au sens large (cf. art. 1 al. 1 LFLP; ATF 135 V 80 consid. 2.1; ATF 129 III 305 consid. 3.3), elles ne sont pas des institutions de prévoyance au sens de l'art. 48 LPP. Le maintien de la prévoyance a lieu en dehors de la continuation de l'assurance auprès d'une institution de prévoyance (ATF 140 V 476 consid. 2.1 et les références; arrêt 9C_524/2019 du 30 septembre 2020 consid. 4.1, non publié aux ATF 146 V 341, mais in Pra 2021 n. 23 p. 211 et SVR 2021 BVG n. 14 p. 45).
Le maintien de la prévoyance au sens de l'art. 4 LFLP implique que les avoirs consacrés à la prévoyance sont maintenus pendant le temps durant lequel une personne n'est pas affiliée à une institution de prévoyance. En temps voulu, la protection de la prévoyance doit pouvoir être reprise au moins dans la mesure prévue par la loi et se poursuivre sans diminution. En règle générale, les polices et les comptes de libre passage n'ont qu'une fonction de passerelle, dans la mesure où ils servent avant tout à financer la prestation d'entrée dans la nouvelle institution de prévoyance (ATF 129 III 305 consid. 3.3).
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L'assuré peut en tout temps changer d'institution de libre passage ou adopter une autre forme de maintien de la prévoyance (art. 12 al. 2 OLP; arrêts 9C_149/2017 du 10 octobre 2017 consid. 5.2.2; 9C_479/2009 du 29 mars 2010 consid. 5, in SVR 2010 BVG n. 42 p. 161).

6.2.1.2.2 Dans le régime de maintien de la prévoyance, la forme et l'étendue des prestations en cas de vieillesse, de décès ou d'invalidité ressortent du contrat ou du règlement de l'institution de libre passage. L'institution de libre passage doit toutefois respecter les modalités prévues aux art. 13 à 18 OLP.
La LPP ne prévoyant pas de droit légal à la retraite anticipée, la perception de prestations de vieillesse du 2e pilier avant l'âge ordinaire de la retraite défini à l'art. 13 al. 1 LPP présuppose une base réglementaire (FLÜCKIGER, in CASS, LPP et LFLP, 2e éd. 2020, n° 20 ad art. 13 LPP). Les institutions de prévoyance ne peuvent prévoir le versement d'une prestation en capital à la suite de la retraite qu'à partir de l'âge de 58 ans révolus, qui constitue l'âge minimal requis pour une retraite anticipée (art. 13 al. 2 et art. 1 al. 3 LPP en relation avec l'art. 1i al. 1 OPP 2; cf. arrêt 2C_538/2009 du 19 août 2010 consid. 6.1.1, in RDAF 2011 II p. 60 et StE 2011 B 26.13 n. 26). En conséquence, lorsque les institutions de prévoyance accordent la possibilité d'une retraite anticipée, la survenance du cas de prévoyance "vieillesse" a lieu non seulement lorsque l'assuré atteint l'âge légal de la retraite selon l'art. 13 al. 1 LPP, mais aussi lorsqu'il atteint l'âge auquel le règlement lui donne droit à une retraite anticipée (ATF 138 V 227 consid. 5.2.1; arrêt 9C_792/2019 du 27 novembre 2020 consid. 3.1).
En revanche, dans le régime du maintien de la prévoyance, l'art. 16 al. 1 OLP prévoit que les prestations de vieillesse peuvent être versées au plus tôt cinq ans avant et au plus tard cinq ans après que l'assuré a atteint l'âge ordinaire de la retraite selon l'art. 13 al. 1 LPP. Durant la période de dix ans allant de 59/60 ans à 69/70 ans, le versement n'est ainsi pas lié à la cessation de l'activité lucrative, mais à la demande de versement de la prestation de vieillesse, à moins que le moment du versement d'une police ait été fixé contractuellement durant cette période (SCHNEIDER/MERLINO/MANGE, op. cit., n° 29 ad art. 84 LPP).
Dans le domaine de la prévoyance obligatoire, le Tribunal fédéral a jugé que la naissance du droit à des prestations de vieillesse au titre de retraite anticipée suppose, en plus de la cessation des rapports de
BGE 148 III 232 S. 238
travail avant l'âge réglementaire normal maximal de la retraite et la survenance de l'âge terme, une déclaration de volonté correspondante de l'assuré lorsque le règlement le prévoit (ATF 133 V 288 consid. 4.3.1; cf. aussi arrêt 9C_792/2019 précité et la référence). Cette déclaration est aussi nécessaire en application de l'art. 16 al. 1 OLP, cette norme offrant aussi une simple possibilité à l'assuré.

6.2.1.3 L'assuré ne peut demander le paiement en espèces de la prestation de sortie que, alternativement, lorsqu'il quitte définitivement la Suisse, lorsqu'il s'établit à son compte et qu'il n'est plus soumis à la prévoyance professionnelle obligatoire, ou lorsque le montant de la prestation de sortie est inférieur au montant annuel des cotisations de l'assuré (art. 5 al. 1 LFLP). La prestation en capital, en tant que versement unique en vertu de l'art. 37 LPP, doit être distinguée du paiement en espèces d'une prestation de libre passage. Tandis que ce paiement ne peut en principe avoir lieu que tant qu'aucun cas de prévoyance n'est survenu, le versement d'une prestation en capital est subordonné à la survenance d'un cas d'assurance (GEISER/SENTI, in CASS, LPP et LFLP, 2e éd. 2020, n° 7 ad art. 5 LFLP).

6.2.2 Une fois exigibles, les rentes et les capitaux de la prévoyance professionnelle (2e pilier et 3e pilier A; ATF 121 III 285 consid. 1) sont relativement saisissables (art. 93 al. 1 LP) et séquestrables (art. 275 LP; ATF 144 III 531 consid. 4.2.2 et les références; ATF 121 III 285 consid. 3; ATF 120 III 71 consid. 4). Ils peuvent donc être séquestrés dans la mesure qui excède le minimum vital. Il en va ainsi en particulier des prestations de vieillesse versées, sous forme de rente ou de capital, en application de l'art. 16 al. 1 OLP (ATF 148 V 114 consid. 7.2.3; arrêt 7B.22/2005 du 21 avril 2005 consid. 3.4, in JdT 2006 II p. 149; cf. aussi ATF 128 III 467 consid. 2.2 aux termes duquel les prestations résultant d'une police de libre passage sont saisissables selon les mêmes règles que celles valant pour les prestations des 2e et 3e piliers). La prestation de prévoyance versée sous forme de capital n'est saisissable qu'à concurrence de la part du capital disponible qui correspond à une rente viagère mensuelle hypothétique, déduction faite du minimum vital non couvert par les autres revenus, pendant une année (art. 93 al. 2 LP; arrêt 5A_338/2019 du 23 septembre 2019 consid. 6.2.1 et les références).
En revanche, une fois exigible, la prestation de sortie versée en espèces (art. 5 LFLP) devient saisissable et séquestrable sans restriction car elle ne vise plus le maintien du niveau de vie du bénéficiaire
BGE 148 III 232 S. 239
(ATF 118 III 18 consid. 3a; arrêts 7B.22/2005 du 21 avril 2005 consid. 3.4, in JdT 2006 II p. 149; 7B.12/1997 du 15 mai 1997 consid. 3). Il s'agit ici d'une différence importante faite par rapport à la prestation de prévoyance versée en capital au sens de l'art. 37 LPP (PÉTREMAND, in CASS, LPP et LFLP, 2e éd. 2020, n° 7 ad art. 39 LPP). Le débiteur peut librement disposer du capital reçu qui ne sert plus à la prévoyance, mais forme, sans restriction, un élément de son patrimoine (arrêt 5A_338/2019 précité et les références).

6.3 Comme dit précédemment (cf. supra consid. 6.2.1.2.1), selon l'art. 2 al. 3 LFLP, la prestation de sortie est exigible lorsque l'assuré quitte l'institution de prévoyance. Ce moment n'est toutefois déterminant que pour le transfert de la prestation de sortie à la nouvelle institution de prévoyance (art. 3 LFLP) ou de libre passage (art. 4 LFLP). Il est en revanche sans pertinence pour la question de l'exigibilité de cette prestation en application de l'art. 92 al. 1 ch. 10 LP. Dans les cas de transfert de la prestation de sortie dans le but de maintenir la prévoyance, celle-ci reste absolument insaisissable (LORANDI, Pfändbarkeit und Arrestierbarkeit von Leistungen der zweiten Säule [BVG], PJA 1997 p. 1171 ss [1172 s.]).
En l'espèce, la prestation de sortie de l'intimé est insaisissable. Aucun cas de paiement en espèces (art. 5 LFLP et 14 OLP) ne ressort de l'état de fait de la décision attaquée. La seule question qui se pose est donc celle des conditions auxquelles des prestations de vieillesse dues en vertu d'un compte de libre passage (art. 13 et 16 OLP) par une institution de libre passage (art. 4 LFLP) sont exigibles au sens de l'art. 92 al. 1 ch. 10 LP, de sorte qu'elles deviennent relativement séquestrables (art. 93 et 275 LP; cf. supra consid. 6.2.2).

6.3.1 Dans le domaine de la prévoyance professionnelle, le principe général est de maintenir la prévoyance jusqu'à la survenance de l'évènement assuré. L'assuré ou des tiers, tels que les créanciers de l'assuré, ne doivent ainsi pas pouvoir exercer une mainmise sur les moyens du 2e et 3 e pilier A (cf. LONGCHAMP, La mise en gage du droit aux prestations de prévoyance ou de la prestation de libre passage, in 20 ans d'encouragement à la propriété du logement au moyen de la prévoyance professionnelle, 2014, p. 123 ss [129 s.];PÉTREMAND, op. cit., n° 2 ad art. 39 LPP).
Au vu de ces principes, le législateur a exclu, à l'art. 39 al. 1 LPP (cf. aussi art. 17 OLP dans le domaine du maintien de la prévoyance), tout acte de disposition volontaire du droit aux prestations, tant que
BGE 148 III 232 S. 240
celles-ci ne sont pas exigibles. A l'art. 92 al. 1 ch. 10 LP, il a empêché toute exécution forcée des droits aux prestations de prévoyance non encore exigibles (PÉTREMAND, op. cit., nos 3 et 5 ad art. 39 LPP). Compte tenu de l'étroite parenté entre ces dispositions, lesquelles visent le même but de protection des droits de l'assuré à l'égard des institutions de prévoyance, les art. 39 al. 1, 1re phrase, LPP et 92 al. 1 ch. 10 LP s'interprètent de la même manière (ATF 126 V 258 consid. 3a).
Or, en application des normes précitées, la notion d'exigibilité diffère de celle du droit civil (art. 75 CO; ATF 135 I 288 consid. 2.4.3).

6.3.2 En droit de la prévoyance professionnelle, l'exigibilité d'une prestation de la prévoyance professionnelle se situe lors de la naissance du droit à cette prestation selon les dispositions légales et réglementaires qui lui sont applicables (ATF 132 V 159 consid. 3; arrêt 9C_701/2010 du 31 mars 2011 consid. 4.2, in SVR 2011 BVG n. 33 p. 122 et Plaidoyer 2011 3 p. 53). L'exigibilité de la prestation se distingue de l'exécutabilité de celle-ci. L'exécution peut être demandée dès que la créance en prestations futures n'est plus une simple expectative, mais peut être effectivement réalisée (ATF 117 V 303 consid. 2c; cf. aussi ATF 124 V 276; arrêt 9C_701/2010 précité). Ainsi, bien que l'on parle d'exigibilité pour déterminer le moment où les prestations peuvent être cédées, mises en gage ou compensées au sens de l'art. 39 LPP, il s'agit en réalité du moment où elles doivent être exécutées, ceci pour notamment empêcher que ces actes ne portent sur des créances futures.

6.3.3 En application de l'art. 92 al. 1 ch. 10 LP (ancien art. 92 ch. 13 LP), le Tribunal fédéral a jugé, au sujet du paiement en espèces de la prestation de sortie en cas de libre passage (art. 5 LFLP), que la simple possibilité de demander le paiement ne provoque pas l'exigibilité de la prestation. La demande de paiement en espèces de la prestation de sortie en cas de libre passage est une condition suspensive et potestative, dont dépend l'exigibilité du droit au paiement. Aussi longtemps qu'une telle demande n'est pas déposée, la prestation de libre passage doit rester affectée au maintien de la prévoyance (ATF 121 III 31 2b et c; ATF 120 III 75 consid. 1a; ATF 119 III 18 consid. 3b/bb, 3b/cc et 3c; arrêts 7B.22/2005 du 21 avril 2005 consid. 3.2.1, in JdT 2006 II p. 149; B.268/1995 du 5 décembre 1995 consid. 2b/cc).
Par la suite, citant la jurisprudence relative à l'art. 5 LFLP, le Tribunal fédéral a affirmé, de manière générale, qu'il ne suffit pas que
BGE 148 III 232 S. 241
l'évènement assuré soit survenu pour que les prestations des 2e pilier et 3e pilier A soient exigibles. Sans le formaliser strictement, on comprend qu'il retient que l'exigibilité dépend non seulement de la survenance de l'évènement assuré, mais aussi du versement des prestations (cf. ATF 121 III 285 consid. 1b; 5A_746/2010 du 12 janvier 2011 consid. 3.1: "les prestations versées"). En particulier, il a souligné qu'il ne faut pas confondre l'exigibilité d'une police de libre passage avec celle de la prestation de vieillesse du point de vue de la LP, soit le moment où la prestation doit, ou aurait dû, être payée (arrêt 7B.131/2002 du 4 octobre 2002 consid. 2.3 et 2.4, non publié aux ATF 128 III 467).
Enfin, le Tribunal fédéral a également considéré qu'il n'y a rien d'abusif à se conformer aux règles qui permettent de maintenir l'affectation de la prestation de sortie au but de prévoyance, même lorsque les conditions pour obtenir un versement sont remplies (ATF 121 III 285 consid. 4: départ à l'étranger sans demander le versement du montant dû en vertu d'une police de prévoyance professionnelle liée, 3e pilier A).

6.3.4 Dans le domaine du maintien de la prévoyance, même si l'art. 16 al. 1 OLP, contrairement à l'art. 5 LFLP, ne se réfère pas expressément à la requête de versement du preneur de prévoyance, la prestation de vieillesse n'est échue, de par la loi, qu'à l'âge-terme de 69/70 ans. Avant la survenance de cet évènement, le preneur de prévoyance est donc habilité, indépendamment de l'exercice d'une activité lucrative - contrairement à la situation prévalant pour les prestations de vieillesse auprès d'une caisse de pension (art. 13 LPP) -, à choisir l'échéance de la prestation de prévoyance, particularité propre à la réglementation valable pour les comptes et polices de libre passage (SCHNEIDER/MERLINO/MANGE, op. cit., nos 8 et 29 ad art. 84 LPP, qui réservent les cas d'abus).

6.3.5 Il faut retenir de ce dernier constat et des règles précédemment exposées que l'exigibilité, au sens de l'art. 92 al. 1 ch. 10 LP, de la prestation de sortie versée sur un compte ou une police de libre passage à la survenance du cas de prévoyance nécessite une demande de l'ayant droit. Comme c'est le cas pour le paiement en espèces de la prestation de sortie (art. 5 LFLP), cette demande constitue une condition potestative et suspensive, dont dépend l'exigibilité du droit au paiement et qui s'analyse comme l'exercice d'un droit formateur (dans ce sens pour le moment de l'imposition, cf. SCHNEIDER/MERLINO/ MANGE, op. cit., n° 30 ad art. 84 LPP).
BGE 148 III 232 S. 242
Par conséquent, la prestation est exigible au sens de l'art. 92 al. 1 ch. 10 LP et, partant, relativement saisissable (art. 93 LP), si le poursuivi en demande le versement et la touche effectivement. Avant qu'il ne dépose sa demande, il n'a qu'une expectative envers son institution de libre passage.

6.4 En l'espèce, au vu de ce qui précède, la prestation de libre passage n'est pas exigible, l'intimé ayant demandé à son ancienne institution de prévoyance le versement de celle-ci sur un compte ouvert auprès d'une institution de libre passage. Cela étant, c'est aussi à tort que les recourants soutiennent qu'il faut au moins retenir que les prestations de vieillesse envers cette dernière institution sont pour leur part exigibles indépendamment d'une demande effective, au motif que, l'intimé ayant atteint l'âge auquel il peut demander une retraite anticipée, il est en droit d'en demander le paiement. Une telle demande est, avant l'âge de 69/70 ans, une condition de l'exigibilité de ces prestations au sens de l'art. 92 al. 1 ch. 10 LP.
Le grief de violation de l'art. 92 al. 1 ch. 10 LP doit donc être rejeté.

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Erwägungen 6

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