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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_310/2022  
 
 
Arrêt du 2 novembre 2022  
 
Ire Cour de droit social  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Wirthlin, Président, 
Heine et Abrecht. 
Greffière : Mme Castella. 
 
Participants à la procédure 
Caisse cantonale genevoise de chômage, rue de Montbrillant 40, 1201 Genève, 
recourante, 
 
contre  
 
A.________, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-chômage (gain intermédiaire), 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 11 avril 2022 (A/349/2022 ATAS/333/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________, né en 1969, a perçu des indemnités de chômage à compter du 1er avril 2018. Durant le délai-cadre d'indemnisation, il a réalisé des gains intermédiaires en travaillant comme chargé de cours au sein de la Haute école B.________ de U.________ durant les mois d'avril 2018 et de mars et avril 2020. 
Par décision du 23 août 2021, confirmée sur opposition le 16 décembre 2021, la Caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après: la caisse de chômage) a demandé à l'assuré la restitution de la somme de 671 fr. 80. Elle considérait que celui-ci avait déclaré des gains intermédiaires trop faibles pour les mois de mars et avril 2020; en effet, les gains en cause devaient être considérés comme provenant d'une activité salariée et non indépendante, de sorte que certaines déductions opérées par l'assuré n'avaient pas lieu d'être. Les gains intermédiaires à prendre en considération s'élevaient ainsi à 1473 fr. 70 pour chacun des deux mois en question. Après rectification des indemnités compensatoires, il en résultait que l'assuré avait reçu 671 fr. 80 de trop. 
 
B.  
Par arrêt du 11 avril 2022, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève a partiellement admis le recours de l'assuré, a annulé la décision sur opposition du 16 décembre 2021 et a renvoyé la cause à la caisse de chômage pour nouveau calcul du montant à restituer (cf. consid. 2.2 infra). 
 
C.  
La caisse de chômage forme un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant à sa réforme en ce sens que la décision sur opposition du 16 décembre 2021 soit confirmée. Elle sollicite en outre l'octroi de l'effet suspensif à son recours. 
L'intimé conclut au rejet du recours, ainsi qu'à la réforme de l'arrêt cantonal dans le sens des conclusions prises dans son recours contre la décision sur opposition du 16 décembre 2021 et à la mise en oeuvre de mesures d'instruction. La cour cantonale et le Secrétariat d'État à l'économie (SECO) ne se sont pas déterminés. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. En tant qu'il renvoie la cause à la recourante pour nouvelle décision, l'arrêt entrepris doit être qualifié de décision incidente, qui ne peut être déférée immédiatement au Tribunal fédéral que si la condition du préjudice irréparable est réalisée ou pour des motifs d'économie de la procédure (art. 93 al. 1 LTF). Lorsqu'une administration ou un assureur social sont contraints par l'arrêt incident à rendre une décision qu'ils estiment contraire au droit et qu'ils ne pourront eux-mêmes pas attaquer, un tel arrêt incident peut être déféré au Tribunal fédéral sans attendre le prononcé de la décision finale (ATF 145 V 266 consid. 1.3; 145 I 239 consid. 3.3; 141 V 330 consid. 1.2). Cette éventualité est réalisée en l'espèce, car l'arrêt attaqué a un effet contraignant pour la caisse recourante en ce sens qu'elle devra rendre une nouvelle décision sur l'étendue de la somme à restituer tout en considérant que l'indemnité pour jours fériés doit être déduite des gains intermédiaires (cf. consid. 2.2 infra).  
Pour le surplus, le recours est dirigé contre un arrêt rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable. 
 
1.2.  
 
1.2.1. La loi sur le Tribunal fédéral ne connaît pas l'institution du recours joint (ATF 145 V 57 consid. 10; 144 V 173 consid. 2.1; 138 V 106 consid. 2.1), de sorte qu'en principe, si une partie entend contester une décision sujette à recours devant le Tribunal fédéral, elle doit agir dans le délai de recours de l'art. 100 LTF. A défaut, elle ne peut, dans sa détermination sur le recours, que proposer l'irrecevabilité et/ou le rejet, en tout ou partie, de celui-ci. En revanche, il en va différemment en présence d'une décision cantonale de renvoi, attaquable aux conditions de l'art. 93 al. 1 LTF, qui donne partiellement raison aux deux parties et qui est attaquée dans le délai seulement par l'une d'entre elles (ATF 138 V 106 consid. 2.2 et 2.3). Dans ces circonstances, il convient d'entrer en matière sur les conclusions prises dans la réponse de la partie qui n'a pas recouru, sous peine de la priver de la possibilité de contester la décision de renvoi par le biais du recours contre la décision finale selon l'art. 93 al. 3 LTF (cf. arrêt 8C_402/2019 du 14 janvier 2020 consid. 4.2, non publié in ATF 146 V 1).  
 
1.2.2. En l'occurrence, les conclusions de l'intimé allant au-delà du simple rejet ou de l'irrecevabilité du recours doivent d'emblée être rejetées dans la mesure où elles sont recevables. En effet, en tant qu'il demande diverses mesures d'instruction, comme l'audition de témoins, son argumentation semble concerner la procédure parallèle (cause 8C_312/2022). A tout le moins ne voit-on pas en quoi ces mesures seraient susceptibles d'influer sur la présente procédure. Quant à l'argumentation relative au versement d'une indemnité équitable, elle est mal fondée. En effet, l'intimé conteste le refus de la cour cantonale de lui allouer des dépens en invoquant l'art. 95 al. 3 let. c CPC, qui n'est toutefois pas applicable en l'espèce, la décision des premiers juges se fondant sur la loi cantonale de procédure administrative et la jurisprudence y relative, dont la violation ne peut pas être invoquée en tant que telle devant le Tribunal fédéral (art. 95 LTF a contrario).  
 
2.  
 
2.1. Selon l'art. 25 al. 1, 1 re phrase, LPGA (RS 830.1), auquel renvoie l'art. 95 al. 1 LACI (RS 837.0), les prestations indûment touchées doivent être restituées. L'obligation de restituer suppose que soient réunies les conditions d'une révision procédurale (art. 53 al. 1 LPGA) ou d'une reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA) de la décision par laquelle les prestations en cause ont été allouées (ATF 142 V 259 consid. 3.2; 138 V 426 consid. 5.2.1; 130 V 318 consid. 5.2 et les références citées).  
 
2.2. En l'espèce, les juges cantonaux ont constaté que l'activité lucrative de chargé de cours externe exercée par l'intimé au service de la Haute école B.________ était une activité dépendante; le revenu brut total d'un montant de 3200 fr. pour les mois de mars et avril 2020 était donc un revenu salarié. Le gain perçu pour le mois d'avril 2018 avait d'ailleurs été déclaré comme tel. Par conséquent, l'intimé ne pouvait pas déduire de ses revenus les frais de matériel et de marchandise, ni opérer une déduction forfaitaire de 20 %. En revanche, les indemnités de 9,76 % pour vacances non prises et de 5,54 % pour jours fériés qu'il avait perçues devaient être déduites du gain intermédiaire. Aussi le calcul de la recourante devait-il être corrigé en ce sens que le salaire brut à prendre en considération était de 2710 fr. 40 (3200 - [0,0976 + 0,0554] x 3200) au lieu des 2947 fr. 40 retenus par la recourante. Par ailleurs, les premiers juges ont retenu que le délai de prescription de l'art. 25 al. 2 LPGA - que ce soit dans sa version en vigueur avant ou après le 1er janvier 2021 - avait été respecté par la recourante. Aussi lui ont-ils renvoyé le dossier pour qu'elle calcule les indemnités journalières dues pour les mois de mars et avril 2020 sur la base d'un gain intermédiaire de 1355 fr. 20 pour chacun des deux mois et détermine le montant à restituer.  
 
2.3. Se référant à l'art. 24 al. 1 LACI, ainsi qu'au ch. C125 du Bulletin LACI IC, la recourante reproche aux juges cantonaux d'avoir déduit à tort du gain intermédiaire la part relative à l'indemnité pour jours fériés. Le calcul de la juridiction précédente serait donc erroné dans la mesure où celle-ci a déduit la part relative à l'indemnité pour jours fériés du montant total de 3200 fr., lequel représenterait en réalité le 123,63 % du salaire de base perçu par l'intimé (salaire de base de 2588 fr. 35 auquel s'ajoute les indemnités pour jours fériés de 5,54 %, vacances de 9,76 % et 13e salaire de 8,33 %). Selon la recourante, il faudrait tenir compte d'un gain intermédiaire de 1473 fr. 70 pour chacun des deux mois, soit 2947 fr. 40 au total (3200 : 123,63 % x 113,87 % [composé des indemnités pour jours fériés et 13e salaire]).  
 
3.  
 
3.1. Aux termes de l'art. 24 LACI, est réputé intermédiaire tout gain que le chômeur retire d'une activité salariée ou indépendante durant une période de contrôle; l'assuré qui perçoit un gain intermédiaire a droit à la compensation de la perte de gain (al. 1, 1re et 2 e phrases).  
Selon le ch. C125 du Bulletin LACI IC, publié par le SECO - dont les directives ne lient toutefois pas le juge (cf. ATF 145 V 84 consid. 6.1.1; 142 V 442 consid. 5.2) -, le gain intermédiaire est calculé normalement sur le total du revenu réalisé pendant la période de contrôle; y entrent le salaire de base, les indemnités pour jours fériés et autres éléments constitutifs du salaire auxquels l'assuré a droit, tels que 13e salaire, gratifications, commissions, allocations de résidence, allocation de renchérissement, supplément pour travail de nuit, travail du dimanche, travail en équipes, service de piquet, si l'assuré touche normalement ces suppléments en raison de la nature de ses activités ou de son horaire de travail. L'indemnité de vacances versée en plus du salaire de base n'est prise en compte comme gain intermédiaire qu'au moment où l'assuré prend effectivement ses vacances (C149 ss). 
 
3.2. Selon la jurisprudence, l'indemnité pour jours fériés versée en plus du salaire de base doit - comme pour la détermination du gain assuré (cf. à ce sujet ATF 125 V 50 consid. 8) - être prise en compte dans le calcul du gain intermédiaire; la prise en compte doit avoir lieu le mois au cours duquel elle est versée (arrêt C 41/99 du 24 décembre 1999 consid. 3b, in SVR 2000 ALV n° 22 p. 63).  
Les juges cantonaux ont donc violé le droit en déduisant du salaire perçu par l'intimé l'indemnité pour jours fériés, puisque celle-ci fait partie du revenu à prendre en considération au titre de gain intermédiaire. La référence doctrinale sur laquelle ils se sont fondés pour justifier leur raisonnement (BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, n° 11 ad art. 23 LACI relatif au gain assuré) est d'ailleurs erronée. Dans son commentaire de l'art. 24 LACI relatif à la question ici topique de la prise en considération du gain intermédiaire, l'auteur mentionne bel et bien que le gain intermédiaire est composé, entre autres éléments, des indemnités pour jours fériés (RUBIN, op. cit., n° 27 ad art. 24 LACI). 
 
3.3. Il y a donc lieu de s'en tenir au gain intermédiaire retenu par la recourante dans son recours, respectivement dans sa décision sur opposition. Quant aux autres conditions de la restitution, elles ne sont pas contestées. Il s'ensuit que le recours doit être admis, l'arrêt attaqué annulé et la décision sur opposition confirmée.  
 
4.  
La cause étant tranchée, la requête d'effet suspensif devient sans objet. 
 
5.  
Vu l'issue du litige, les frais judiciaires doivent être mis à la charge de l'intimé (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis. L'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, du 11 avril 2022 est annulé et la décision sur opposition de la Caisse cantonale genevoise de chômage du 16 décembre 2021 est confirmée. 
 
2.  
Les conclusions prises par l'intimé dans sa réponse sont rejetées dans la mesure où elles sont recevables. 
 
3.  
La requête d'effet suspensif est sans objet. 
 
4.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève et au Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO). 
 
 
Lucerne, le 2 novembre 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
La Greffière : Castella