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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_457/2022  
 
 
Arrêt du 3 avril 2023  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, Stadelmann et Scherrer Reber. 
Greffier : M. Bleicker. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Séverin Tissot-Daguette, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, 
avenue du Général-Guisan 8, 1800 Vevey, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-invalidité (révision), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 29 août 2022 (AI 363/21 - 273/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________ a déposé une première demande de prestations de l'assurance-invalidité le 12 octobre 2004. Dans le cadre de l'instruction de cette demande, l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après: l'office AI) a notamment mis en oeuvre une expertise psychiatrique auprès de la Clinique B.________ (rapport du 25 novembre 2005 du docteur C.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie). Le 15 novembre 2007, l'office AI a, en se fondant sur les conclusions de l'expertise psychiatrique, nié le droit de l'assuré à des prestations de l'assurance-invalidité. 
Par décision du 29 août 2013, l'office AI a rejeté la deuxième demande de prestations déposée par l'assuré en date du 10 mai 2012. Il a constaté qu'il n'existait aucun fait médical nouveau depuis la décision du 15 novembre 2007. 
Le 5 janvier 2021, l'assuré a déposé une troisième demande de prestations. Par décision du 2 septembre 2021, l'office AI a rejeté cette nouvelle demande. 
 
B.  
Statuant le 29 août 2022, le Tribunal cantonal du canton de Vaud a admis le recours formé par l'assuré, annulé la décision du 2 septembre 2021 et renvoyé la cause à l'office AI pour qu'il complète l'instruction dans le sens des considérants puis rende une nouvelle décision. 
 
C.  
A.________ forme un recours contre cet arrêt dont il demande l'annulation. Il conclut à ce qu'il soit admis "la présence d'un motif de révision procédurale au sens de l'article 53 al. 1 LPGA des décisions du 15 novembre 2007, respectivement du 29 août 2013" et à ce que l'office AI soit condamné à lui verser une rente entière d'invalidité conformément à l'incapacité de travail reconnue par les médecins traitants. Subsidiairement, il demande le renvoi de la cause à l'autorité précédente ou à l'office AI pour nouvelle expertise psychiatrique portant sur le droit aux prestations à partir de 2004, puis nouvelle décision au sens des considérants. Le recours est assorti d'une demande d'assistance judiciaire. 
Le 1 er novembre 2022, l'office AI s'est déterminé sur le recours, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.  
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 145 V 380 consid. 1 et les références). 
 
1.1. Le contenu et la portée d'une décision ressortent en premier lieu de son dispositif. En principe, seul le dispositif d'une décision peut être attaqué par un recours, et non pas ses motifs. Lorsque le dispositif se réfère aux motifs, ceux-ci en deviennent partie intégrante et acquièrent force matérielle, dans la mesure où ils font partie de l'objet du litige (arrêts 9C_399/2020 du 1 er septembre 2020 consid. 2; 1C_125/2018 du 8 mai 2019 consid. 3.1, non publié in ATF 145 II 218). Par conséquent, en l'absence de recours, les motifs auxquels renvoie le dispositif deviennent contraignants pour l'autorité à laquelle la cause est retournée (arrêt 9C_399/2020 précité consid. 2 et les références).  
 
1.2. Interprétant les motifs du recours cantonal, la juridiction cantonale a retenu qu'elle était saisie de deux questions distinctes: la révision procédurale des décisions de refus de prestations de l'assurance-invalidité des 15 novembre 2007 et 29 août 2013 (art. 53 al. 1 LPGA), d'une part, et la révision ensuite d'une aggravation alléguée de l'état de santé de l'assuré depuis la décision du 29 août 2013 (art. 17 al. 1 LPGA), d'autre part.  
Dans son dispositif, elle a admis le recours (ch. 1 du dispositif), puis annulé la décision rendue le 2 septembre 2021, et renvoyé la cause à l'office intimé pour qu'il complète l'instruction dans le sens des considérants puis rende une nouvelle décision (ch. 2 du dispositif). Dans la motivation du recours, elle a expressément rejeté la révision procédurale des décisions des 15 novembre 2007 et 29 août 2013. 
 
1.3. En l'espèce, en tant que l'autorité de recours s'est prononcée de manière définitive (sous réserve d'un recours) sur le droit du recourant à une révision procédurale des décisions des 15 novembre 2007 et 29 août 2013 (au sens de l'art. 53 al. 1 LPGA) et a renvoyé la cause à l'administration pour nouvelle décision concernant la révision de la décision du 29 août 2013 (au sens de l'art. 17 al. 1 LPGA), le jugement attaqué constitue une décision partielle au sens de l'art. 91 let. a LTF pour la partie de la décision qui se rapporte à la question définitivement tranchée et une décision incidente au sens de l'art. 93 al. 1 LTF pour la seconde partie du prononcé portant sur le renvoi. Aussi, le recourant dirige à juste titre exclusivement son recours contre la décision partielle, qui peut et doit être immédiatement portée devant le Tribunal fédéral (ATF 144 III 298 consid. 6.2.3 et 6.3.1; 137 III 421 consid. 1.1 et la référence). Le recours est donc recevable.  
 
2.  
Compte tenu des conclusions et motifs du recours, le litige porte sur la révision procédurale des décisions de l'office AI des 15 novembre 2007 et 29 août 2013. 
 
3.  
 
3.1. Selon l'art. 53 al. 1 LPGA, les décisions et les décisions sur opposition formellement passées en force sont soumises à révision si l'assuré ou l'assureur découvre subséquemment des faits nouveaux importants ou trouve des nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits auparavant.  
Aussi, par analogie avec la révision des décisions rendues par les autorités judiciaires, l'administration est tenue de procéder à la révision (dite procédurale) d'une décision formellement passée en force lorsque sont découverts des faits nouveaux importants ou de nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits avant et qui sont susceptibles de conduire à une appréciation juridique différente (ATF 148 V 277 consid. 4.3 et la référence). La notion de faits ou moyens de preuve nouveaux s'apprécie de la même manière en cas de révision (dite procédurale) d'une décision administrative (art. 53 al. 1 LPGA), de révision d'un jugement cantonal (art. 61 let. i LPGA) ou de révision d'un arrêt du Tribunal fédéral fondée sur l'art. 123 al. 2 let. a LTF (qui correspond à l'ancien art. 137 let. b OJ et auquel s'applique la jurisprudence rendue à propos de cette norme, cf. ATF 144 V 245 consid. 5.1). La révision suppose la réalisation de cinq conditions: 1° le requérant invoque un ou des faits; 2° ce ou ces faits sont "pertinents", dans le sens d'importants ("erhebliche"), c'est-à-dire qu'ils sont de nature à modifier l'état de fait qui est à la base du jugement et à conduire à un jugement différent en fonction d'une appréciation juridique correcte; 3° ces faits existaient déjà lorsque le jugement a été rendu: il s'agit de pseudo-nova ("unechte Noven"), c'est-à-dire de faits antérieurs au jugement ou, plus précisément, de faits qui se sont produits jusqu'au moment où, dans la procédure principale, des allégations de faits étaient encore recevables; 4° ces faits ont été découverts après coup ("nachträglich"), soit postérieurement au jugement, ou, plus précisément, après l'ultime moment auquel ils pouvaient encore être utilement invoqués dans la procédure principale; 5° le requérant n'a pas pu, malgré toute sa diligence, invoquer ces faits dans la procédure précédente (ATF 143 III 272 consid. 2.2; arrêt 8C_562/2020 du 14 avril 2021 consid. 3.2). 
 
3.2. S'agissant des délais applicables en matière de révision, l'art. 53 al. 1 LPGA n'en prévoit pas. En vertu du renvoi prévu par l'art. 55 al. 1 PA, sont déterminants les délais applicables à la révision de décisions rendues sur recours par une autorité soumise à la PA (ATF 143 V 105 consid. 2.1). A cet égard, l'art. 67 al. 1 PA prévoit un délai (de péremption) absolu de dix ans dès la notification de la décision sur recours (soit la décision soumise à révision; ATF 148 V 277 consid. 4.3). La jurisprudence a précisé que ce délai absolu de dix ans était aussi applicable lorsque la révision procédurale porte sur une décision de l'administration (ATF 140 V 514 consid. 3.3; arrêt 8C_377/2017 du 28 février 2018 consid. 7.2 et la référence).  
Après dix ans, la révision ne peut être demandée qu'en vertu de l'art. 66 al. 1 PA (art. 67 al. 2 PA; ATF 140 V 514 consid. 3.3). Aux termes de cette disposition, l'autorité de recours procède, d'office ou à la demande d'une partie, à la révision de sa décision lorsqu'un crime ou un délit l'a influencée. 
 
3.3. Sur le vu des éléments qui précèdent, la demande de révision procédurale de la décision du 15 novembre 2007 devait être adressée par écrit à l'autorité qui a rendu la décision dans les 90 jours qui suivaient la découverte du motif de révision, mais au plus tard dix ans après la notification de la décision (art. 67 al. 1 PA en corrélation avec l'art. 55 al. 1 LPGA; arrêt 8C_434/2011 du 8 août 2011 consid. 3, in SVR 2012 UV n° 17 p. 63). En agissant le 5 janvier 2021, soit plus de 13 ans après la notification de la décision du 15 novembre 2007, le recourant a agi tardivement. Il ne prétend par ailleurs pas qu'un crime ou un délit a influencé cette décision (révision "propter falsa", au sens de l'art. 66 al. 1 PA).  
Dans ces conditions, le droit de demander la révision procédurale de la décision du 15 novembre 2007, fondée sur les irrégularités alléguées de l'expertise psychiatrique du 25 novembre 2005, était périmé au moment où le recourant s'en est prévalu le 5 janvier 2021. Les conditions d'une révision procédurale au sens de l'art. 53 al. 1 LPGA ne sont dès lors pas réalisées, sans qu'il y ait lieu de trancher les autres questions soulevées dans le recours. 
 
4.  
L'introduction du délai absolu de 10 ans de l'art. 67 al. 2 PA a pour double finalité de garantir la sécurité juridique et de faciliter le bon fonctionnement de l'administration, en stabilisant définitivement des rapports de droit après l'écoulement d'un certain temps, sans que cette durée ne puisse être prolongée. Aussi, après un délai de 10 ans, le recourant ne saurait demander la révision procédurale de la décision du 15 novembre 2007 qui est entrée en force (consid. 3.3 supra), ni la révision procédurale de la décision ultérieure du 29 août 2013 en raison d'éléments - l'expertise psychiatrique du 25 novembre 2005 - qui ont déjà fondé la décision du 15 novembre 2007. 
A moins qu'il existe un motif de révision matérielle (art. 17 LPGA), l'autorité de la chose décidée interdit de recommencer la procédure qui a conduit à la décision du 15 novembre 2007 sur le même objet. Pour demander la révision procédurale de la décision du 29 août 2013, le recourant devait invoquer, conformément aux exigences découlant de la sécurité du droit, des faits nouveaux importants ou des nouveaux moyens de preuve qui ne fondent pas déjà la décision du 15 novembre 2007. La répétition des moyens invoqués tardivement pour demander la révision de la décision du 15 novembre 2007 ne saurait par conséquent ouvrir la voie de la révision "propter nova" de la décision du 29 août 2013. 
 
5.  
Mal fondé, le recours doit être rejeté. 
Vu l'issue du litige, les frais afférents à la procédure seront supportés par le recourant (art. 66 al. 1 LTF). Il a cependant déposé une demande d'assistance judiciaire visant à la dispense des frais judiciaires et à la désignation d'un avocat d'office. Dès lors que les conditions d'octroi en sont réalisées (art. 64 al. 1 et al. 2 LTF), l'assistance judiciaire lui est accordée. 
Le recourant est rendu attentif au fait qu'il devra rembourser la caisse du Tribunal fédéral, s'il retrouve ultérieurement une situation financière lui permettant de le faire (art. 64 al. 4 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est admise. Maître Séverin Tissot-Daguette est désigné comme avocat d'office du recourant. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant. Ils sont toutefois supportés provisoirement par la caisse du Tribunal fédéral. 
 
4.  
Une indemnité de 2'800 fr. est allouée à l'avocat du recourant à titre d'honoraires à payer par la caisse du Tribunal fédéral. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 3 avril 2023 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
Le Greffier : Bleicker