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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_138/2022  
 
 
Arrêt du 3 août 2022  
 
IIe Cour de droit social  
 
Composition 
M. et Mmes les Juges fédéraux Stadelmann, Juge présidant, Moser-Szeless et Bechaalany, Juge suppléante. 
Greffier : M. Bürgisser. 
 
Participants à la procédure 
Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève, rue des Gares 12, 1201 Genève, 
recourant, 
 
contre  
 
A.________, 
agissant par ses parents B.B.________et C.B.________, représentés par PROCAP, Service juridique pour personnes avec handicap, 
intimée. 
 
Objet 
Assurance-invalidité, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 20 janvier 2022 (A/2748/2020 ATAS/74/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________, née en décembre 2009, présente un trouble du spectre autistique, un trouble du déficit de l'attention avec impulsivité sans hyperactivité, ainsi qu'une dyscalculie. Le 7 février 2019, l'assurée a, par l'intermédiaire de ses parents, déposé une demande d'allocation pour impotent auprès de l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après: l'office AI). Après avoir notamment diligenté une enquête sur l'impotence effectuée en date du 29 mai 2019, l'office AI a rejeté la demande d'allocation pour impotent le 14 août 2020. En bref, il a considéré que l'assurée présentait un besoin d'aide régulière et importante d'autrui pour un seul des six actes ordinaires de la vie (se déplacer). 
 
B.  
Statuant le 20 janvier 2022 sur le recours formé par l'assurée contre la décision du 14 août 2020, la Cour de justice de la République et can ton de Genève, Chambre des assurances sociales, l'a admis. Elle a annulé la décision de l'office AI et reconnu le droit de A.________ à une allocation pour impotence pour mineur de degré moyen à compter du 1 er août 2019 (ch. 3 et 4 du dispositif). Elle a également renvoyé la cause à l'office AI pour calcul des prestations dues (ch. 5 du dispo sitif).  
 
C.  
L'office AI interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, dont il demande l'annulation. Il conclut à la confirmation de sa décision du 14 août 2020 et sollicite en outre l'octroi de l'effet sus pensif à son recours. A.________ conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déter miner. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Bien que le dispositif (ch. 5) de l'arrêt entrepris renvoie la cause à l'office AI pour le calcul des prestations, il ne s'agit pas d'une décision incidente au sens de l'art. 93 LTF, car l'autorité précédente a statué définitivement sur les points contestés. Le recours est dès lors recevable puisqu'il est dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF; ATF 144 V 280 consid. 1.2; 140 V 321 consid. 3.2 et la référence; arrêt 9C_76/2019 du 1 er mai 2019 consid. 1).  
 
2.  
Le recours en matière de droit public peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il statue par ailleurs sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend s'en écarter doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne peut pas être pris en considération. 
 
3.  
 
3.1. Le litige porte sur le droit de l'assurée à une allocation pour mineur impotent. Alors que l'office recourant admet que l'assurée présente un besoin d'aide pour accomplir l'acte "se déplacer/entretenir des contacts sociaux", est seule litigieuse, en instance fédérale, la question de savoir si l'intéressée nécessite également une aide d'au trui pour trois autres actes ordinaires de la vie (à savoir "se vêtir/se dévêtir", "manger" et "faire sa toilette"), comme l'a admis la juridiction cantonale, avec pour conséquence qu'elle a octroyé à l'intimée une allocation pour impotent de degré moyen. Les parties ne contestent pas que l'assurée n'a pas droit à un supplément pour soins intenses (au sens de l'art. 42 ter al. 3 LAI en relation avec l'art. 39 RAI). Elles n'évoquent pas non plus un besoin de surveillance personnelle (au sens de l'art. 37 al. 2 let. b et al. 3 let. b RAI).  
 
3.2. L'arrêt entrepris expose de manière complète les conditions légales du droit à une allocation pour impotent dans le cas de mineurs (art. 9 LPGA, art. 42 et 42 bis al. 3 LAI, art. 37 RAI) et la jurisprudence y relative, en particulier quant aux six actes ordinaires de la vie déterminants pour évaluer l'impotence (se vêtir/se dévêtir, se lever/s'asseoir/se coucher, manger, faire sa toilette, aller aux toilettes et se déplacer à l'intérieur/à l'extérieur; ATF 127 V 94 consid. 3c et les références) et au besoin de surveillance personnelle permanente (art. 37 al. 1, 37 al. 2 let. b ou 37 al. 3 let. b RAI). Il rappelle égale ment les règles relatives à la valeur probante des rapports d'enquête pour l'évaluation du degré d'impotence (ATF 130 V 61 consid. 6 et les arrêts cités). Il suffit d'y renvoyer, tout en précisant qu'ont été rappelées les dispositions légales dans leur version en vigueur jusqu'au 31 décembre 2021, applicable en l'espèce dans la mesure où la décision litigieuse a été rendue avant cette date (à cet égard, cf. notamment ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et les références).  
 
3.3. On ajoutera que l'interprétation et l'application correctes de la notion juridique de l'impotence, ainsi que les exigences relatives à la valeur probante de rapports d'enquête au domicile de l'assuré relè vent de questions de droit, que le Tribunal fédéral examine librement (art. 95 let. a LTF). Les constatations de la juridiction cantonale relatives aux limitations fonctionnelles de la personne assurée pour accomplir certains actes ordinaires de la vie, fondées sur le résultat d'examens médicaux et sur un rapport d'enquête à domicile ayant valeur probante, constituent en revanche des questions de fait, soumises au Tribunal fédéral sous un angle restreint (art. 105 al. 2 LTF; cf. ATF 132 V 393 consid. 3.2; arrêt 9C_283/2021 du 7 mars 2022 consid. 3.3 et les arrêts cités).  
 
4.  
 
4.1. Dans un premier grief, le recourant reproche à la juridiction can tonale de n'avoir appliqué qu'un seul et même principe, soit celui de la présence d'une différence avec un enfant sans problèmes de santé (au sens de l'art. 37 al. 4 RAI), en omettant d'appliquer les dispositions légales relatives au besoin d'aide régulière et importante. Ce faisant, les premiers juges auraient, selon lui, fait "abstraction" de l'évaluation faite par l'enquêtrice.  
A titre liminaire, on rappellera qu'en vertu de l'art. 37 al. 4 RAI, l'impotence des mineurs doit être évaluée en prenant en considération uniquement le surcroît d'aide et de surveillance que l'assuré présentant un handicap nécessite par rapport à un mineur du même âge et en bonne santé. Afin de faciliter cette évaluation, des lignes directrices figurent dans l'annexe III de la Circulaire sur l'invalidité et l'impotence dans l'assurance-invalidité (CIIAI) établie par l'Office fédéral des assurances sociales (valable jusqu'au 31 décembre 2021). 
Dès lors et contrairement à ce que soutient le recourant, la cour cantonale a correctement appliqué le droit fédéral en se référant en premier lieu à l'art. 37 al. 4 LAI et à la circulaire administrative correspondante. Il convient également de constater, à l'inverse de ce que l'office recourant prétend, que la juridiction cantonale a également apprécié dans le cas d'espèce si l'aide apportée pour les actes ordi naires de la vie litigieux revêtait une intensité suffisante et si elle était régulière au regard, en particulier, des constatations de l'enquêtrice. Partant, la voie suivie par les premiers juges échappe à toute critique. 
 
4.2. Il reste dès lors à examiner si le résultat auquel est parvenue la juridiction cantonale est conforme au droit fédéral, ce que conteste en second lieu le recourant en reprochant à la juridiction cantonale d'avoir établi les faits de manière manifestement inexacte en ce qui concerne certains actes ordinaires.  
 
4.2.1. S'agissant d'abord de l'acte "se vêtir/se dévêtir", la Cour de justice a constaté, en se fondant sur le rapport d'enquête à domicile, ainsi que sur la description de l'aide directe et indirecte fournie à l'assurée par sa mère (annexe datée du 8 août 2019 à la déter mination sur le projet de décision du 5 juin 2019), que si l'intimée était capable de mettre et d'enlever les pièces de vêtement seule, elle nécessitait une aide régulière indirecte d'une intensité suffisante en début de journée pour l'obliger, au moyen d'injonctions, de mener la tâche à son terme dans des délais raisonnables, et ce quand bien même elle se débrouillait toute seule à l'extérieur lorsqu'elle était entourée de ses camarades qui lui montraient l'exemple. Alors qu'il ressortait de l'annexe III de la CIIAI qu'un enfant de 10 ans était apte à choisir ses habits en fonction de la météo, l'assurée devait cependant être encadrée dans le choix de ses vêtements en fonction du temps qu'il faisait. A cet égard, le fait que l'enquêtrice avait relevé que l'assurée avait des idées arrêtées sur ce qu'elle souhaitait porter ne signifiait pas pour autant que ses choix fussent adéquats.  
A l'encontre de ce raisonnement, le recourant fait valoir que l'assurée peut se débrouiller seule lors de ses activités scolaires et sportives, de sorte que la cour cantonale a constaté les faits de manière inexacte en retenant que l'aide pour l'acte de se vêtir/se dévêtir est régulière et importante. Ce faisant, il ne démontre pas que et en quoi l'autorité cantonale de recours aurait établi les faits de manière arbitraire. Par ailleurs, contrairement à ce que fait valoir l'office AI, le fait que les camarades de l'assurée lui montrent l'exemple lors des activités spor tives ou scolaires plaide plutôt en faveur d'une aide indirecte d'un tiers sans laquelle elle ne ferait l'acte qu'imparfaitement ou à contretemps (comp. arrêt 9C_664/2020 du 27 janvier 2021 consid. 4.2). Pour le surplus, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral lorsqu'elle a considéré que l'aide apportée à l'assurée était régulière, dès lors qu'elle doit être cadrée quotidiennement dans le choix de ces vêtements en fonction du temps qu'il fait (cf., annexe III CIIAI, p. 213 et ch. 8014 CIIAI). Il n'y a dès lors pas lieu de s'écarter de sa constatation selon laquelle l'assurée a besoin d'aide pour se vêtir/se dévêtir ou pourrait en avoir besoin chaque jour (au sujet de la régularité de l'aide d'autrui, cf. arrêt 9C_562/2016 du 13 janvier 2017 consid. 5.3 et les références). 
 
4.2.2. En ce qui concerne ensuite l'acte ordinaire "faire sa toilette", les premiers juges ont retenu que selon l'enquête sur l'impotence, A.________ pouvait se débrouiller seule, mais devait être rappelée à l'ordre pour se concentrer sur ce qu'elle faisait et pour ne pas être trop lente. Quant à ses parents, bien qu'ils aient reconnu que leur fille maîtrisait le côté technique de l'acte, ils ont indiqué qu'elle avait besoin d'être encadrée par un tiers qui devait se tenir à ses côtés pour la guider et l'encourager lorsqu'elle se lavait les cheveux ou se coiffait de même que pour vérifier le brossage des dents. Dès lors que se coiffer et se laver les cheveux font partie de l'acte quotidien "faire sa toilette" (ATF 147 V 35 consid. 9.2.3; ch. 8020 CIIAI) et qu'il ressort des consta tations cantonales, non contestées par l'office recourant, que l'intimée a besoin d'être "guidée" et "encouragée" pour ces actes, qui sont répétés quotidiennement, c'est à bon droit que la cour cantonale a retenu que l'aide indirecte est régulière et importante. On rappellera en effet à cet égard que l'annexe III de la CIIAI précise qu'un enfant ayant atteint l'âge de 10 ans n'a plus besoin de contrôle régulier pour se laver et se coiffer les cheveux, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.  
 
4.2.3. S'agissant enfin de l'acte "manger", la juridiction cantonale a constaté que l'intimée maniait le couteau pour pousser, déchirer et tar tiner, mais non pas pour couper (apprentissage en cours). Il en découlait que, puisqu'elle ne pouvait couper seule ses aliments, une aide régulière et importante était nécessaire. Pour l'office recourant, l'assurée est au contraire "majoritairement indépendante dans l'acte de manger", ce qui démontrerait que le besoin d'aide régulière et impor tante n'est pas avéré.  
Le Tribunal fédéral a eu l'occasion de préciser qu'il n'y a pas d'impo tence si l'assuré n'a besoin de l'aide directe d'autrui que pour couper des aliments durs, car de tels aliments ne sont pas consommés tous les jours et que l'intéressé n'a donc pas besoin de cette aide de façon régulière ni dans une mesure considérable (arrêt 8C_30/2010 du 8 avril 2010 consid. 6.2.). Il en va en revanche différemment lorsque l'assuré ne peut pas du tout se servir d'un couteau et se trouve dans l'impossibilité de se préparer une tartine ou de couper des aliments non durs (arrêt 9C_791/2016 du 22 juin 2017, consid. 4.3). Compte tenu de ces principes, la cour cantonale a violé le droit fédéral, en considérant, contrairement à la jurisprudence précitée, que l'aide apportée à l'intimée était nécessaire et régulière alors que celle-ci a besoin d'aide uniquement pour couper ses aliments, étant capable d'utiliser un couteau pour pousser, déchirer et tartiner. 
 
4.3. Compte tenu de ce qui précède, l'intimée, qui présente un besoin d'aide régulière et importante d'autrui pour seulement trois actes ordinaires de la vie, n'a pas droit à une allocation pour impotent pour mineur de degré moyen, mais de degré faible à compter du 1 er août 2019 (art. 37 al. 3 let. a RAI). Le recours doit dès lors être partiel lement admis et l'arrêt attaqué réformé en ce sens.  
 
5.  
Le présent arrêt rend sans objet la demande d'effet suspensif. 
 
6.  
Vu l'issue du litige, les frais judiciaires seront répartis par moitié entre les parties (art. 66 al. 1 LTF). L'intimée a par ailleurs droit à une indemnité de dépens réduite à la charge du recourant (art. 68 al. 1 LTF). La cause sera renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure antérieure (art. 68 al. 5 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est partiellement admis. Le ch. 4 du dispositif de l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Cour des assurances sociales, du 20 janvier 2022, est réformé en ce sens que l'intimée a droit à une allocation pour impotent pour mineur de degré faible à compter du 1 er août 2019. Le recours est rejeté pour le surplus.  
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis pour 250 fr. à la charge du recourant, et pour 250 fr. à la charge de l'intimée. 
 
3.  
Le recourant versera à l'intimée la somme de 1400 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.  
La cause est renvoyée à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Cour des assurances sociales, pour nouvelle décision sur les frais et les dépens de la procédure antérieure. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 3 août 2022 
 
Au nom de la IIe Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Stadelmann 
 
Le Greffier : Bürgisser