Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
8C_800/2023
Arrêt du 3 septembre 2024
IVe Cour de droit public
Composition
M. et Mmes les Juges fédéraux Maillard, Juge présidant, Heine et Viscione.
Greffière : Mme Castella.
Participants à la procédure
A.________,
recourant,
contre
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Division juridique, Fluhmattstrasse 1, 6002 Lucerne,
intimée.
Objet
Assurance-accidents
(procédure administrative, assistance gratuite),
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal
du canton de Vaud du 2 novembre 2023
(AA 8/22 et 41/22 - 116/2023).
Faits :
A.
Le 19 juillet 2017, B.________ a été victime d'une chute lui causant des fractures lombaires, dont les suites ont été prises en charge par la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA).
Par décision du 9 novembre 2020, la CNA a accordé à l'assuré l'assistance gratuite d'un conseil juridique et désigné l'avocat A.________ à cet effet. Le 17 octobre 2021, A.________ a fait parvenir à la CNA une note d'honoraires d'un montant de 7'261 fr. 56, correspondant à 21,75 heures d'activité au tarif horaire de 300 fr., soit 6'525 fr., auxquels s'ajoutaient les frais de photocopies, d'envois et de téléphonie ainsi que la TVA. Par lettre du 23 décembre 2021, la CNA a communiqué à A.________ qu'elle lui verserait une indemnité de 3'500 fr. (TVA incluse) pour son activité de conseiller juridique au titre de l'assistance gratuite. Sur requête de l'intéressé, elle a rendu une décision formelle le 21 février 2022, par laquelle elle a confirmé le montant précité, en exposant notamment que l'indemnité tenait compte de 15 heures de travail rémunérées à 200 fr. de l'heure.
B.
A.________ a recouru contre la décision du 21 février 2022. Il a également interjeté un recours, pour son client, contre une décision sur opposition du 26 novembre 2021, par laquelle la CNA a nié le droit de celui-ci à une rente d'invalidité et lui a octroyé une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 15 %.
Par arrêt du 2 novembre 2023, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud a joint les deux causes et a rejeté les recours.
C.
A.________ forme un recours en matière de droit public ainsi qu'un recours constitutionnel subsidiaire contre cet arrêt, en tant qu'il confirme le montant de l'indemnité accordée au titre de l'assistance gratuite. Il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle fixation de l'indemnité dans le sens des considérants. A titre subsidiaire, il demande la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens qu'une indemnité de 7'261 fr. 55, débours et TVA compris, lui soit allouée pour son intervention en qualité de conseil juridique gratuit du 9 juillet 2020 au 26 décembre 2021.
La CNA conclut au rejet du recours. La cour cantonale se réfère purement et simplement à son arrêt. L'Office fédéral de la santé publique ne s'est pas déterminé.
Considérant en droit :
1.
1.1. Le recours porte sur le montant de l'indemnité de conseil juridique fixé dans une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière d'assurance-accidents par un tribunal supérieur en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF); il peut donc faire l'objet d'un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. En conséquence, le recours constitutionnel subsidiaire formé simultanément par le recourant est irrecevable (art. 113 LTF a contrario).
Pour le surplus, le conseil juridique est légitimé à former un recours en son propre nom contre la fixation de ses honoraires au titre de l'assistance gratuite par un tribunal cantonal (cf. ATF 110 V 360 consid. 2; ANNE-SYLVIE DUPONT, in Commentaire romand, LPGA, n° 46 ad art. 37). Le recours a en outre été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites (art. 42 LTF). Il y a donc lieu d'entrer en matière.
1.2. Il y a de relever d'emblée que l'arrêt cantonal s'est substitué à la décision de l'intimée du 21 février 2022 en vertu de l'effet dévolutif du recours (cf. ATF 136 II 539 consid. 1.2). Dans la mesure où ils ne seraient pas dirigés contre la motivation de l'arrêt entrepris, les griefs de violation du droit invoqués par le recourant ne sont pas recevables (cf. art. 42 al. 2 LTF).
2.
2.1. Le litige porte sur le point de savoir si la cour cantonale a violé le droit fédéral en confirmant le montant de 3'500 fr., accordé par l'intimée au recourant, en sa qualité de conseil juridique, au titre de l'assistance gratuite pour la procédure administrative.
2.2. Aux termes de l'art. 37 al. 4 LPGA, lorsque les circonstances l'exigent, l'assistance gratuite d'un conseil juridique est accordée au demandeur. Conformément à l'art. 12a OPGA (RS 830.11), les art. 8 à 13 du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral (FITAF; RS 173.320.2) sont applicables par analogie aux frais d'avocat d'une partie au bénéfice de l'assistance gratuite d'un conseil juridique. Selon l'art. 10 FITAF, les honoraires d'avocat et l'indemnité du mandataire professionnel n'exerçant pas la profession d'avocat sont calculés en fonction du temps nécessaire à la défense de la partie représentée (al. 1); le tarif horaire des avocats est de 200 fr. au moins et de 400 fr. au plus (hors TVA) (al. 2).
3.
3.1. Dans un grief d'ordre formel qu'il convient d'examiner en premier lieu (ATF 141 V 495 consid. 2.2 et les arrêts cités), le recourant se plaint d'un défaut de motivation de la décision relative à son indemnité de conseil juridique et d'une violation de son droit constitutionnel et conventionnel d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst., 6 CEDH et 14 Pacte ONU II [RS 0.103.2]). Il reproche à la cour cantonale d'avoir confirmé la réduction de près de moitié de l'indemnité réclamée, sans analyse concrète de la situation. En effet, celle-ci aurait fondé son raisonnement sur la motivation, elle aussi, lacunaire de la décision de l'intimée du 21 février 2022. Le recourant invoque en particulier un manque de motivation du tarif horaire appliqué.
3.2.
3.2.1. Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. (les art. 6 § 1 CEDH et 14 ch. 1 du Pacte ONU II n'ayant pas de portée propre à cet égard; cf. arrêt 5A_462/2019 du 29 janvier 2020 consid. 5.2.3.1), implique pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la comprendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et afin que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Le juge doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1). Il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 149 V 156 consid. 6.1).
3.2.2. En l'espèce, après avoir exposé les dispositions et la jurisprudence applicables au cas d'espèce, les juges cantonaux ont retenu que la décision entreprise permettait de comprendre les motifs fondant le montant de l'indemnité accordée et de les contester utilement. Le fait que la motivation ne convenait pas au recourant relevait du fond. Sur ce point, les juges cantonaux ont relevé que l'intimée avait appliqué aux heures effectuées par l'avocat une rétribution correspondant au tarif minimum légal (art. 10 al. 2 FITAF). Cette rétribution minimale n'était pas critiquable en tant que telle et ne pouvait être contestée au seul motif qu'un tarif cantonal prévoirait une gratification plus élevée. Au demeurant, les juges cantonaux ne voyaient pas quels motifs imposeraient d'appliquer aux heures consacrées à la procédure administrative litigieuse une rétribution différente de celle retenue par l'intimée. Ils ont considéré que la cause ne sortait pas de l'ordinaire. En effet, les normes applicables n'étaient pas particulièrement ardues à définir ou à interpréter et le cas de l'assuré ne présentait pas de complexité particulière, étant rappelé qu'il s'agissait de la résolution partielle du cas, une rechute à l'automne 2020 faisant l'objet d'une procédure séparée. En outre, la liste des opérations devait correspondre au travail raisonnablement attendu d'un avocat et il ne saurait être admis qu'un avocat multiplie les opérations ou que son client profite de l'assistance gratuite pour demander à son avocat un travail qu'il n'aurait pas admis s'il avait dû payer son avocat avec ses propres deniers. En tant que le recourant faisait valoir que le traitement des correspondances se limitant à trois minutes devait être rétribué, il s'appuyait sur une jurisprudence du Tribunal fédéral rendue en matière de droit privé, alors que le devoir d'instruction de l'administration et du tribunal n'était pas le même en droit public et nécessitait moins d'intervention de la part de l'avocat. De plus, le fait de ne pas systématiquement écarter les opérations relatives à la prise de connaissance des courriers ne signifiait pas pour autant que toutes les activités déployées pouvaient être retenues. En conclusion, l'appréciation de l'intimée, selon laquelle l'activité facturée par l'avocat d'office excédait ce qui devait être admis, pouvait être suivie au vu de la complexité ordinaire du cas, sans question ou norme sortant du cadre habituel et de la période temporelle limitée.
3.3. A l'aune de la jurisprudence susmentionnée (consid. 3.2.1 supra), la motivation de l'autorité précédente apparaît largement suffisante. Celle-ci a justifié le montant alloué de manière à permettre au recourant de comprendre les motifs qui les ont conduits à confirmer l'indemnité de 3'500 fr., quand bien même elle n'a pas discuté en détail la note de frais produite par le recourant. Le grief tiré d'un défaut de motivation et d'une violation du droit d'être entendu est mal fondé.
4.
4.1. Sur le fond, le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir abusé de son pouvoir d'appréciation et d'avoir appliqué arbitrairement (art. 9 Cst.) les dispositions en lien avec les conditions de rémunération du conseil juridique (art. 37 al. 4 LPGA et 10 FITAF). Selon lui, dès lors que l'assistance gratuite a été accordée, les juges cantonaux ne pouvaient pas partir du principe que la cause ne présentait pas de complexité particulière. En ce qui concerne le tarif horaire, le recourant invoque la jurisprudence fédérale en matière d'assurances sociales, laquelle retiendrait un seuil d'au moins 250 fr. (en référence à plusieurs arrêts du Tribunal administratif fédéral C-6318/2019 du 8 juillet 2021; C-2615/2018 du 23 avril 2020; C-4739/2018 du 18 février 2020; C-1028/2016 du 20 juillet 2017; C-6239/2014 du 25 mars 2015). Enfin, il soutient que si l'on suivait l'avis de l'autorité précédente, le risque serait grand qu'à l'avenir, les avocats désignés d'office dans les affaires en matière d'assurances sociales n'assurent plus une partie de la mission confiée par le législateur.
4.2.
4.2.1. Le montant de l'indemnité d'un conseil juridique au titre de l'assistance gratuite concerne une question d'appréciation qui ne peut être corrigée en dernière instance que lorsque la juridiction précédente a violé les prescriptions pertinentes ou a exercé son pouvoir d'appréciation de manière contraire au droit, soit si elle a commis un excès positif ("Ermessensüberschreitung") ou négatif ("Ermessensunterschreitung") de son pouvoir d'appréciation ou a abusé ("Ermessensmissbrauch") de celui-ci (arrêt 8C_676/2010 du 11 février 2011 consid. 3), notamment en retenant des critères inappropriés, en ne procédant pas à un examen complet des circonstances pertinentes ou en n'usant pas de critères objectifs (ATF 148 V 419 consid. 5.4 et les arrêts cités). Dans ce contexte, le Tribunal fédéral a jugé que les différentes structures des frais d'avocats cantonales ainsi que la réglementation cantonale sur les tarifs des avocats ne constituaient pas un critère pour le montant de l'indemnité et qu'un taux d'honoraires de 200 fr. (hors TVA) se révélait conforme au droit fédéral dans son résultat (ATF 131 V 153 consid. 6.2 et 7).
4.2.2. En l'espèce, le tarif horaire de 200 fr., qui a servi de base à la fixation de l'indemnité, s'inscrit dans la fourchette prévue par l'art. 10 FITAF, applicable en vertu du renvoi de l'art. 12a OPGA en lien avec l'art. 37 al. 4 LPGA, de sorte que la juridiction cantonale n'a en tout cas pas violé les dispositions légales et réglementaires applicables en confirmant un tel tarif. En outre, les arrêts du Tribunal administratif fédéral cités par le recourant ne sont pas pertinents; le tarif appliqué dans ces arrêts concerne les dépens accordés en procédure judiciaire, ce qui ne relève pas de l'assistance gratuite au sens de l'art. 37 al. 4 LPGA. Pour le reste, on ne décèle, dans la motivation de l'arrêt attaqué, ni abus ni excès du pouvoir d'appréciation des premiers juges. En justifiant la réduction de l'indemnité réclamée eu égard à la complexité somme toute relative de l'affaire et à l'existence d'une nouvelle procédure à partir de la rechute à l'automne 2020, ils se sont fondés sur des critères objectifs et appropriés. S'agissant précisément de la complexité du cas, un degré élevé de difficulté ne peut pas être déduit du seul fait que l'assuré s'est vu accordé le bénéfice de l'assistance gratuite, dès lors que la question du droit ou non à une telle assistance n'était pas litigieuse et n'a pas fait l'objet d'un examen par le juge. En outre, le recourant ne démontre pas que la cour cantonale aurait mal apprécié la situation en considérant que le cas ne posait aucune question qui sortait du cadre habituel dans ce genre de procédure. On ne peut donc en déduire de leur part une pratique restrictive qui justifierait le tarif minimal indépendamment des circonstances du cas d'espèce. C'est également à juste titre qu'elle n'a tenu compte que de ce qui était raisonnablement attendu d'un avocat, compte tenu de la maxime inquisitoire qui régie la procédure administrative en matière d'assurances sociales (cf. 43 LPGA; arrêt I 786/05 du 12 septembre 2006 consid. 4.1).
Il suit de là que le recours est mal fondé et doit être rejeté.
5.
Succombant, le recourant supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable.
2.
Le recours en matière de droit public est rejeté.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 700 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral de la santé publique.
Lucerne, le 3 septembre 2024
Au nom de la IVe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge présidant : Maillard
La Greffière : Castella