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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
5A_689/2022  
 
 
Arrêt du 6 avril 2023  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Herrmann, Président, von Werdt, Schöbi, Bovey et De Rossa. 
Greffier : M. Piccinin. 
 
Participants à la procédure 
A.________ Sàrl, 
représentée par Mes Pierre Gabus et Lucile Bonaz, avocats, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________ SA, 
représentée par Me Mark Saporta, avocat, 
intimée. 
 
Objet 
inscription définitive d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, du 20 juillet 2022 (C/23066/2018, ACJC/989/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. B.________ SA est propriétaire de la parcelle n°xxx, de la Commune de U.________ (Genève), sise chemin chemin V.________.  
 
A.b. En janvier 2016, B.________ SA a confié à C.________ SA, société ayant pour but toutes activités d'une entreprise générale de construction, l'exécution de trois villas sur sa parcelle (ci-après: chantier V.________).  
A la demande de C.________ SA, A.________ Sàrl - société active dans les domaines du transport, de la manufacture d'engins spéciaux, de la voirie, de la gestion globale de déchets et autres matériaux, restructuration de terrains agricoles, terrassements et aménagements divers ainsi que le commerce de matériaux divers et gestions de comptabilité s'y rapportant - est intervenue à plusieurs reprises sur le chantier V.________ entre mai 2016 et octobre 2017. 
 
A.c. A.________ Sàrl a adressé à C.________ SA 24 factures concernant ses interventions sur le chantier V.________, datées du 27 juin 2016 au 23 octobre 2017 et totalisant 424'627 fr. 21.  
A.________ Sàrl n'a exécuté aucune prestation entre le 20 décembre 2016 et le 13 avril 2017, sous réserve de trois heures de transport le 14 février 2017 et entre le 10 mai 2017 et le 13 juin 2017. Le transport a été facturé en fonction du temps consacré sur la base d'un tarif horaire de 150 fr. HT. L'évacuation a été facturée au m3 ou à la tonne selon les divers types de déchets. 
 
A.d. Suite à un accord intervenu le 7 décembre 2017, C.________ SA a versé à A.________ Sàrl un montant total de 269'675 fr. 95 en relation avec les factures restées impayées.  
 
A.e. C.________ SA a été dissoute par jugement de faillite prononcé le 29 janvier 2018. A.________ Sàrl a produit, en date des 3 et 14 mai 2018, sa créance dans la faillite de C.________ SA, laquelle a été admise à l'état de collocation à concurrence de 440'515 fr. 43.  
 
B.  
 
B.a. Le 2 février 2018, A.________ Sàrl a déposé au Tribunal de première instance de Genève (ci-après: Tribunal) une requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles, aux termes de laquelle elle a sollicité l'inscription provisoire d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs pour un montant total de 424'627 fr. 21, correspondant à toutes les factures relatives au chantier V.________.  
 
B.b. Par ordonnance rendue le même jour, le Tribunal, statuant sur mesures superprovisionnelles, a accordé l'inscription provisoire immédiate de l'hypothèque légale sollicitée à concurrence de  
154'951 fr. 26, avec intérêts à 5 % dès le 19 décembre 2017 
(424'627 fr. 21 - 269'675 fr. 95 d'ores et déjà reçus par A.________ Sàrl). Il a confirmé le 5 février 2018, suite à la demande de reconsidération formée par A.________ Sàrl, l'ordonnance précitée. 
Le Registre foncier a porté l'inscription au journal le 5 février 2018, puis au Grand livre le 14 mars 2018. 
 
B.c. Par ordonnance du 10 septembre 2018, le Tribunal, statuant sur mesures provisionnelles, a confirmé l'inscription provisoire de l'hypothèque légale au profit de A.________ Sàrl, à hauteur de 154'591 fr. 26 avec intérêts à 5 % dès le 19 décembre 2017.  
 
B.d. Par demande du 11 octobre 2018 déposée au Tribunal, A.________ Sàrl a requis l'inscription définitive de l'hypothèque légale à hauteur de 154'952 fr. 26, avec intérêts à 5 % dès le 19 décembre 2017.  
 
B.e. Par jugement du 19 avril 2021, le Tribunal a, préalablement, déclaré irrecevables les pièces n° 58 à 62 produites par B.________ SA le 7 septembre 2020 (ch. 1 du dispositif) et écarté de la procédure les questions et réponses des parties et des témoins en lien avec lesdites pièces (ch. 2) et, principalement, a débouté A.________ Sàrl de toutes ses conclusions (ch. 3), ordonné la radiation de l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs inscrite provisoirement en faveur de A.________ Sàrl à concurrence de 154'951 fr. 26 avec intérêts à 5 % dès le 19 décembre 2017 contre B.________ SA, sur la parcelle n°xxx, Commune de U.________, propriété de celle-ci (ch. 4), communiqué au Registre foncier le chiffre 4 du dispositif du jugement en vue de son exécution (ch. 5), arrêté les frais judiciaires à 10'000 fr., les a compensés à due concurrence avec l'avance fournie et les a mis à la charge de A.________ Sàrl (ch. 6), condamné A.________ Sàrl à verser à B.________ SA la somme de 15'750 fr. TTC à titre de dépens (ch. 7) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 8).  
 
B.f. Par acte déposé le 21 mai 2021 au greffe de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: Cour de justice), A.________ Sàrl a appelé de ce jugement, dont elle a sollicité l'annulation en tant qu'il l'a déboutée des fins de son action en inscription définitive d'une hypothèque légale et a ordonné la radiation de l'hypothèque légale inscrite en sa faveur, ce avec suite de frais et dépens. Cela fait, elle a conclu à ce qu'il soit ordonné au Registre foncier de Genève de procéder à l'encontre de B.________ SA, à l'inscription définitive d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs, au profit de A.________ Sàrl, à concurrence de 153'151 fr. 26, avec intérêts à 5 % dès le 19 décembre 2017, sur la parcelle n°xxx, de la Commune de U.________, dont B.________ SA est propriétaire, à ce que cette dernière soit condamnée en tous les frais et dépens de première instance et d'appel.  
 
B.g. Par arrêt du 20 juillet 2022, expédié le 22 suivant, la Cour de justice a notamment confirmé le jugement entrepris et débouté les parties de toutes autres conclusions.  
 
C.  
Par acte posté le 14 septembre 2022, A.________ Sàrl exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 20 juillet 2022. Elle conclut à son annulation et à sa réforme dans le sens de ses conclusions d'appel. 
L'intimée a conclu principalement au rejet du recours, et subsidiairement au renvoi de la cause à l'autorité cantonale " pour détermination du montant de la créance de A.________ Sàrl à l'encontre de C.________ SA en liquidation et du montant de la créance objet de l'hypothèque légale inscrite sur la parcelle n°xxx de la Commune de U.________ dont B.________ SA est propriétaire ". La cour cantonale s'est référée aux considérants de son arrêt. 
La recourante n'a pas répliqué. 
 
D.  
Par ordonnance présidentielle du 6 octobre 2022, l'effet suspensif a été attribué au recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par le tribunal supérieur du canton, lequel a statué sur recours (art. 75 LTF). La cause atteint la valeur litigieuse de 30'000 fr. ouvrant le recours en matière civile (art. 74 al. 1 let. b LTF). La recourante, qui a succombé dans ses conclusions, a la qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF). Déposé dans le délai (art. 100 al. 1 et 46 al. 1 let. b LTF) et la forme (art. 42 al. 1 LTF) prévus par la loi, le recours est en principe recevable au regard des dispositions qui précèdent. 
 
2.  
 
2.1. Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 s. LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF; ATF 143 V 19 consid. 2.3; 140 III 86 consid. 2). Cela étant, eu égard à l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, il n'examine en principe que les griefs soulevés (ATF 142 III 364 consid. 2.4 et les références). Le recourant doit par conséquent discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi il estime que l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 142 I 99 consid. 1.7.1; 142 III 364 consid. 2.4 et la référence). Le Tribunal fédéral ne connaît par ailleurs de la violation de droits fondamentaux que si un tel grief a été expressément invoqué et motivé de façon claire et détaillée (" principe d'allégation ", art. 106 al. 2 LTF; ATF 147 I 73 consid. 2.1; 146 III 303 consid. 2; 142 III 364 consid. 2.4).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été constatés de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1). Le recourant qui soutient que les faits ont été établis d'une manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 147 I 73 consid. 2.2; 144 III 93 consid. 5.2.2; 140 III 264 consid. 2.3), doit, sous peine d'irrecevabilité, satisfaire au principe d'allégation susmentionné (art. 106 al. 2 LTF; cf. supra consid. 2.1; ATF 147 I 73 consid. 2.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il y a arbitraire lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 147 V 35 consid. 4.2; 143 IV 500 consid. 1.1; 140 III 264 consid. 2.3).  
 
3.  
La cour cantonale a retenu en substance qu'il ressortait des témoignages que les employés de la recourante " livraient le chantier " puis repartaient avec des déblais pour ne pas partir à vide ou attendaient que les bennes soient prêtes à être enlevées, de sorte que le travail de déblaiement n'avait pas été effectué par ses soins; seul le transport des déblais l'avait été et il s'agissait là d'une différence essentielle. L'inscription de l'hypothèque légale de l'entrepreneur n'était en effet possible que si celui-ci fournissait du matériel et du travail ou du travail seulement. Or, la recourante n'avait pas fourni de travail de déblaiement sur le chantier comme elle le soutenait mais uniquement le transport des bennes remplies de déchets que les employés d'autres entreprises préparaient. C'étaient donc ces dernières, et non la recourante, qui avaient fourni le travail lié au déblaiement du chantier. De plus, un témoin avait certifié que seule une autre entreprise avait effectué des travaux d'excavation sur le chantier, à l'exclusion de la rampe d'accès où la recourante était intervenue. 
La cour cantonale a également relevé qu'il fallait admettre qu'il n'y avait pas d'unicité, ni d'interdépendance dans les activités déployées par la recourante successivement sur le chantier. Celle-ci n'avait pas travaillé de manière continue sur celui-ci et ses interventions, à la demande et en exécution de divers contrats successifs, étaient pour l'essentiel du transport et ne permettaient pas l'inscription d'une hypothèque légale de l'entrepreneur. Les interventions ne formaient pas un tout, à ce point imbriquées qu'elles ne pouvaient être distinguées. Elles faisaient d'ailleurs l'objet de factures séparées. Toujours selon la cour cantonale, la recourante avait effectué des travaux qui remplissaient les conditions de l'art. 837 al. 1 ch. 3 CC, dès lors qu'elle avait effectué des travaux de creuse et de remblayage afin de remettre la feuille de plastique alvéolée assurant l'étanchéité du bâtiment à l'endroit et qu'elle avait réalisé des travaux sur la rampe d'accès, dont les parties admettaient qu'ils pouvaient donner droit à une hypothèque pour autant que les conditions d'inscription soient réunies. Cependant, il ressortait de la procédure que les travaux de creuse et de remblayage précités avaient été achevés en juillet 2017, de sorte que l'inscription obtenue le 5 février 2018 était tardive. Quant aux travaux sur la rampe d'accès, il convenait de constater que la recourante n'avait pas apporté la preuve qu'ils avaient été terminés en octobre 2017. Il ressortait du procès-verbal de chantier qu'ils avaient pris fin au plus tard à la date d'établissement de celui-ci, soit le 16 août 2017. Par ailleurs, les livraisons effectuées ultérieurement, soit d'août à mi-octobre 2017, ne paraissaient pas être effectuées en lien avec la rampe d'accès; cela n'avait en tous les cas pas été démontré. 
 
4.  
La recourante se plaint d'arbitraire dans l'établissement des faits en tant notamment que la cour cantonale a constaté qu'elle n'avait pas effectué de travail de déblaiement sur le chantier mais seulement une activité de transport des déblais, retenant arbitrairement que c'était uniquement les employés d'autres entreprises qui avaient effectué leur chargement. Elle considère que, sur la base des témoignages recueillis, les juges cantonaux auraient dû constater que, en sus de son activité de transport, elle avait bien effectué du travail sur le chantier, en chargeant et déchargeant elle-même les déblais et matériaux du chantier au moyen d'une pelle mécanique afin de les transporter sur ses camions et de les mettre en décharge. Ils auraient également dû retenir, sur la base de l'ensemble des témoins entendus et des pièces produites, que ses activités, incluant le chargement en vue du transport, le transport et la mise en déblai, avaient été continues et formaient un tout. Les conditions présidant à l'inscription définitive d'une hypothèque légale selon l'art. 837 al. 1 ch. 3 CC, en particulier la réalisation d'un travail sur l'ouvrage, étaient donc remplies et le résultat contraire auquel était parvenu la Cour de justice était arbitraire. Pour le cas où le constat des juges précédents selon lequel elle n'aurait effectué qu'une activité de transport de déblais sans réalisation d'un travail sur le chantier serait confirmé, la recourante soutient qu'une telle activité de transport donne aussi lieu à inscription d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs. Le nier comme l'avait fait la Cour de justice violait, selon elle, l'art. 837 al. 1 ch. 3 CC
 
5.  
 
5.1. Selon l'art. 837 al. 1 ch. 3 CC, les artisans et entrepreneurs employés à la construction ou à la destruction de bâtiments ou autres ouvrages, au montage d'échafaudages, à la sécurisation d'une excavation ou à d'autres travaux semblables, peuvent requérir l'inscription d'une hypothèque légale sur l'immeuble pour lequel ils ont fourni des matériaux et du travail ou du travail seulement, en garantie de leurs créances, que leur débiteur soit le propriétaire foncier, un artisan ou un entrepreneur, un locataire, un fermier ou une autre personne ayant un droit sur l'immeuble.  
La précision selon laquelle l'hypothèque légale s'étend aux travaux de destruction d'un bâtiment ou d'autres ouvrages et au montage d'échafaudages, à la sécurisation d'une excavation ou à d'autres travaux semblables a été introduite par la révision du Code civil relative aux droits réels immobiliers et au registre foncier (FF 2007 5015, FF 2009 7943), entrée en vigueur le 1er janvier 2012.  
 
5.2.  
 
5.2.1. La jurisprudence antérieure à cette révision a rappelé, à plusieurs reprises, que l'art. 837 al. 1 ch. 3 CC reposait sur l'idée que la plus-value d'un bien-fonds résultant de la construction devait garantir les créances des artisans et entrepreneurs qui avaient contribué à l'augmentation de la valeur par leurs prestations. Du moment que le résultat de leur travail sur le bâtiment ou un autre ouvrage sur un immeuble devenait partie intégrante de celui-ci en vertu des règles des droits réels, la créance en rémunération de ce travail ne pouvait pas être garantie autrement que par un droit de gage sur cet immeuble (ATF 136 III 6 consid. 5.1; 131 III 300 consid. 3; 103 II 33 consid. 2a; 97 II 212 consid. 1 et la jurisprudence citée). En revanche, celui qui fournissait des choses fongibles qu'il avait fabriquées lui-même ne profitait pas de l'hypothèque légale; il pouvait se prémunir contre l'insolvabilité de son partenaire contractuel en refusant de livrer et conservait la possibilité de disposer autrement de la marchandise (ATF 131 III 300 consid. 3; 103 II 33 consid. 2a; 97 II 212 consid. 1). Deux exceptions avaient été apportées à ces règles issues des droits réels en étendant la garantie, d'une part, à l'artisan-entrepreneur qui fournissait des choses fabriquées spécialement pour l'immeuble et qui étaient ainsi difficilement utilisables, voire inutilisables, ailleurs (ATF 104 II 348 consid. II/1; 103 II 33 consid. 3; 97 II 212 consid. 1) et, d'autre part, à l'artisan-entrepreneur qui effectuait des prestations mixtes, à savoir à la fois des prestations non typiques et typiques protégées par l'hypothèque, en lui permettant d'inscrire l'hypothèque pour la totalité des travaux découlant d'un " seul travail spécifique " formant une unité (ATF 131 III 300 consid. 3; 106 II 123 consid. 5b; 104 II 348 consid. II/2).  
 
5.2.2. En mentionnant les travaux de destruction ( Abbrucharbeiten; demolizione) et de sécurisation ( Baugrubensicherung; consolidamento di scavi) ainsi que le montage d'échafaudages ( Gerüstbau; montaggio di impalcature), la teneur actuelle de l'art. 837 al. 1 ch. 3 CC élargit le champ d'application de l'hypothèque légale par rapport aux principes jurisprudentiels précités, en permettant son inscription à des travaux qui sont dépourvus de rattachement physique définitif à l'immeuble (CARRON/FELLEY, L'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs: ce qui change et ce qui reste, in Le nouveau droit de l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs, Fond et procédure, 2012, n. 44 p. 14 s. et n. 62 p. 19) et qui, s'agissant plus particulièrement du montage d'échafaudages, ont pour objet une chose mobilière qui n'est pas définitivement intégrée au sol et dont les éléments peuvent être réutilisés (PAUL-HENRI STEINAUER, Les droits réels, Tome III, 5ème éd., 2021, n. 4473 p. 337; MATTHIAS STREIFF, Das neue Bauhandwerkerpfandrecht, 2011, p. 43). La nécessité que les travaux fournis entraînent une plus-value ou que leur résultat se rattache durablement à l'immeuble en vertu du principe de l'accession s'en trouve ainsi relativisée (Antoine EIGENMANN, Les modifications des dispositions générales sur les gages immobiliers, in La réforme des droits immobiliers, 2012, p. 91; STREIFF, op. cit., p. 35; CARRON/FELLEY, op. cit., n. 44 p. 14 s. et n. 62 p. 19; DENIS PIOTET, L'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs: les principes, JdT 2010 p. 6; GRÉGORY BOVEY, in Commentaire romand, Code civil II, 2016, no 11 ad art. 839 CC; CHRISTOPH THURNHERR, Das revidierte Bauhandwerkerpfandrecht - zu wenig Neues, aber noch mehr Problematisches?, RNRF 2012 [ci-après: RNRF 2012] p. 78; le même, in Basler Kommentar, Zivilgesetzbuch II, 7e éd. 2023, no 5a ad art. 839/840 CC).  
 
5.2.3. Dans l'ATF 136 III 6 rendu avant le vote sur le texte final des chambres fédérales, le Tribunal fédéral avait relevé, dans un obiter dictum, que la seule formulation du texte révisé mettait en évidence qu'il suffirait de travaux sur un immeuble en relation avec un projet de construction, que la liaison corporelle du travail avec l'immeuble, ou du moins la destination du travail à une telle liaison, ne serait plus exigée et que l'adjonction d'" autres travaux semblables " devrait signifier que toute fourniture de matériaux et de travail ou de travail seulement sur un immeuble donne un droit à l'inscription d'une hypothèque, si et dans la mesure où elle est en relation avec un projet concret de construction (consid. 6).  
Quelques auteurs, se référant à la position exprimée par le Tribunal fédéral dans l'ATF 136 précité, estiment qu'il convient de donner une interprétation large à l'art. 837 al. 1 ch. 3 CC, toute prestation de construction pour un projet de construction déterminé étant désormais en principe couverte (en ce sens notamment: PETER REETZ, Bauhandwerkerpfandrecht, Verwaltungsvermögen und das neue Recht, DC 2010 p. 122; EIGENMANN, op. cit., p. 91). Pour la doctrine majoritaire, la révision n'a pas fondamentalement changé l'étendue, respectivement la nature des prestations pouvant donner lieu à une hypothèque légale selon l'ancien droit; le législateur n'a fait qu'interpréter de manière authentique la notion de travaux de l'ancien droit pouvant donner lieu à une hypothèque légale du fait de la pratique restrictive du Tribunal fédéral (SCHUMACHER/REY, Das Bauhandwerkerpfandrecht, 4ème éd. 2022, n. 44 p. 13; CARRON/FELLEY, op. cit., n. 52 p. 17; PIOTET, op. cit., p. 6 s.; BETTINA HÜRLIMANN-KAUP, Bauhandwerkerpfandrecht: Baureinigung als pfandberechtigte Arbeit, DC 2017 p. 162 et sa note sur l'ATF 136 III 6, in RJB 2012 p. 300 s.). Ainsi, l'adjonction " d'autres travaux semblables " doit être interprétée de manière étroite et compatible avec le texte original. Le point de savoir à quelles prestations cette notion se rapporte est néanmoins controversé: une majorité d'auteurs est d'avis qu'elle vise les travaux semblables aux travaux de destruction, de sécurisation et de montage d'échafaudages (THURNHERR, op. cit., RNRF 2012 p. 77; JÖRG SCHMID, Neuerungen im Grundpfandrecht, in Die Dienstbarkeiten und das neue Schuldbriefrecht, 2012, p. 227; REETZ, op. cit., p. 122; EIGENMANN, op. cit., p. 91; RAINER SCHUMACHER, in Handkommentar zum Schweizer Privatrecht, 3e éd. 2016, no 10f ad art. 837 CC; SCHMID/HÜRLIMANN-KAUP, Sachenrecht, 6e éd. 2022, n. 1707b p. 507; HÜRLIMANN-KAUP, op. cit., DC 2017 p. 162), SCHUMACHER et REY estiment qu'elle se réfère, en sus des exemples de travaux énumérés à l'art. 837 al. 1 ch. 3 CC, de manière plus générale aux matériaux et travail ou au travail seulement (SCHUMACHER/REY, op. cit., n. 226 p. 77 qui relèvent néanmoins au n. 44 p. 13 que ces derniers termes ne doivent pas être interprétés différemment qu'avant la révision) et STEINAUER considère qu'elle ne vise que des travaux semblables au montage d'échafaudages ou à la sécurisation d'une excavation, à l'exclusion de ceux de démolition (STEINAUER, op. cit., n. 4474 p. 337).  
Quelle que soit l'interprétation choisie, la plupart des auteurs citent comme exemples de travaux similaires donnant droit à une hypothèque légale les travaux de sécurisation préalable et d'assèchement de la zone du chantier, de mise en place de gabarits et de montage ou de démontage d'une grue (voir S TEINAUER, op. cit., n. 4474 p. 337; CARRON/FELLEY, op. cit., n. 62 p. 19 s.; SCHMID, op. cit., p. 127; SCHUMACHER/REY, op. cit., n. 261 ss p. 92 et n. 351 ss p. 111 et 112; THURNHERR, op. cit., no 6 ad art. 839/840 CC; BOVEY, op. cit., no 13 ad art. 839 CC; contra pour le montage et le démontage d'une grue: SCHUMACHER/REY, op. cit., n. 261 p. 92 et n. 350 p. 111; THURNHERR, op. cit., no 6 ad art. 839/840 CC; le même, op. cit., RNRF 2012 p. 80). En sont en revanche exclus, les transports de personnes et de matériel ou d'installation de chantier, la location d'une installation de construction ou la mise à disposition de machines, les services de sécurité ou les travaux de nettoyage (SCHUMACHER/REY, op. cit., n. 261 ss p. 92 et n. 351 ss p. 111 et 112; THURNHERR, op. cit., no 6 ad art. 839/840 CC; le même, op. cit., RNRF 2012 p. 80; JÖRG SCHWARZ, Neuerungen beim Bauhandwerkerpfandrecht, in Revision des Sachenrechts 2012, p. 32; contra pour les travaux de nettoyage: STREIFF, op. cit., p. 50; S TEINAUER, op. cit., n. 4474 p. 337 qui se réfère à un arrêt du HGer ZH du 14.01.2016, HE150517, résumé et critiqué par HÜRLIMANN-KAUP, op. cit., DC 2017 p. 162), y compris les travaux d'évacuation de déchets de construction de toutes sortes (matériaux de bâtiment ou déblais) (SCHUMACHER/REY, op. cit., n.. 353 p. 112; THURNHERR, op. cit., no 6 ad art. 839/840 CC; STREIFF, op. cit., p. 52; voir également SCHMID/HÜRLIMANN-KAUP, op. cit., n. 1707b p. 508 qui distinguent les travaux d'élimination [ Entsorgungsarbeiten] des prestations d'enlèvement des déchets [ Abfuhrleistungen]).  
 
5.2.4. Il ne résulte pas du Message du Conseil fédéral concernant la révision du Code civil suisse (cédule hypothécaire de registre et autres modifications des droits réels) du 27 juin 2007 que le projet présenté aux chambres fédérales avait pour but de changer le concept de l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs; seule l'extension de la protection du gage aux travaux de démolition était mentionnée dans le projet soumis au Parlement (voir FF 2007 p. 5015 ss, spéc. 5051). L'adjonction relative au montage d'échafaudages, à la sécurisation d'un chantier ou à d'autres travaux semblables a été voulue par la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats, qui souhaitait prendre en compte la critique de SCHUMACHER (in DC 2005 p. 163 ss, spéc. 166) de l'arrêt 5C.183/2004, publié aux ATF 131 III 300, dans lequel le Tribunal fédéral avait refusé de considérer le montage d'échafaudages comme des travaux protégés par l'hypothèque légale. Selon cet auteur, contrairement à la position du Tribunal fédéral dans cet arrêt, le montage d'un échafaudage pouvait déjà donner droit à l'inscription d'une hypothèque légale sous l'empire de l'ancien art. 837 al. 1 ch. 3 CC car ces travaux constituaient un travail typique de construction. Il fallait profiter de la révision de la loi pour préciser les travaux spécifiques à la construction protégés par le gage, sans toutefois focaliser la réflexion sur le montage d'échafaudages mais en l'inscrivant dans un cadre plus large et systématique; il existait en effet d'autres travaux de construction tout aussi importants dans le processus global de construction et qui sont indispensables à celui-ci, tels que par exemple les travaux de sécurisation d'une excavation, qui, pour empêcher l'effondrement d'une fouille intervient souvent à l'aide d'armatures. C'est sur la base de cet avis que la commission précitée a donné mandat à l'Office fédéral de la justice d'examiner, dans le cadre de la révision, la possibilité d'étendre l'objet du gage au montage d'échafaudages et à la sécurisation d'un chantier et d'élaborer une définition des travaux spécifiques de construction (cf. procès-verbal de la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats des 7 et 8 avril 2008). L'Office fédéral de la justice a ainsi proposé de reformuler le projet en y incluant une liste d'exemples non exhaustifs de travaux de construction protégés par le gage (cf. procès-verbal de la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats des 14 et 15 avril 2008, avec en annexe le courrier du 6 février 2008 de l'Office fédéral de la justice). Cette proposition, correspondant à la teneur actuelle de l'art. 837 al. 1 ch. 3 CC, a été acceptée lors des délibérations par le Conseil des Etats (BO 2008 E p. 415 à 419), puis par le Conseil national (BO 2009 N p. 622 à 626), sans soulever de remarque ni d'objection.  
 
5.2.5. Au regard des travaux parlementaires, l'approche restrictive soutenue par la doctrine majoritaire doit être approuvée. Il n'apparaît en effet pas que le législateur ait voulu modifier le fondement de l'hypothèque légale en élargissant sans limites les travaux couverts, mais a souhaité étendre ponctuellement cette couverture, par rapport à la jurisprudence restrictive du Tribunal fédéral, à certains types de travaux de construction, qui sans être intégrés à l'ouvrage en tant que tel, participent au processus global de construction et sont indispensables à celui-ci. Il ressort de la doctrine que les travaux doivent revêtir les trois caractéristiques suivantes: (1) il doit s'agir de prestations de construction ou de destruction typiques, (2) qui doivent rester des prestations physiques manuelles et/ou mécaniques, à l'exclusion de prestations intellectuelles ou immatérielles, et (3) qui, si elles n'ont pas à être intégrées ou rattachées durablement à l'ouvrage en tant que tel, doivent être spécifiques à celui-ci, en ce sens qu'elles doivent présenter un lien fonctionnel direct et immédiat avec la réalisation individuelle de l'ouvrage et doivent, à ce titre, être difficilement ou pas réutilisables (cf. CARRON/FELLEY, op. cit., n. 52 p. 17; SCHUMACHER/REY, op. cit., n. 247 ss p. 86 ss; SCHUMACHER, note sur l'ATF 136 III 6, in DC 2010 p. 82; le même, op. cit., no 10 ad art. 837 CC; THURNHERR, op. cit., no 6 ad art. 839/840 CC; le même, op. cit., RNRF 2012 p. 78 s.; STREIFF, op. cit., p. 47 s.; DELPHINE ZARB, L'hypothèque légale, Revue de l'avocat 2018, p. 126; SCHWARZ, op. cit., p. 32; voir également SCHMID/HÜRLIMANN-KAUP, op. cit., n. 1707b p. 508; HÜRLIMANN-KAUP, Bauhandwerkerpfandrecht: Baureinigung als pfandberechtigte Arbeit, DC 2017 p. 162; voir cependant STEPHAN DUSIL, in Kurzkommentar, Schweizerisches Zivilgesetzbuch, 2e éd. 2018, no 13 ad art. 837 CC et STEINAUER, op. cit., n. 4474 p. 337 pour qui il suffit que les travaux soient nécessaires à la réalisation de l'ouvrage). L'interprétation donnée dans l'ATF 136 précité selon laquelle il suffirait que la fourniture de matériaux et de travail ou de travail seulement soit en rapport avec un projet de construction concret pour être couverte par le gage est trop large. Elle doit être revue.  
 
5.2.6. Ainsi, et comme sous l'ancien droit, la fourniture de matériaux de construction ne bénéficie de l'hypothèque légale que pour autant que ces matériaux aient été fabriqués spécialement pour l'immeuble en cause et spécialement déterminés (ATF 131 III 300 consid. 3;  
125 III 113 consid. 2a; 111 II 343 consid. 2a; 103 II 33; STEINAUER, op. cit., n. 4476 p. 338 et les références; SCHUMACHER/REY, op. cit., n. 237 p. 82 s.; SCHUMACHER, op. cit., n° 11 ad art. 837 CC; THURNHERR, op. cit., no 6 ad art. 839/840 CC; BOVEY, op. cit., no 21 ad art. 839 CC; STREIFF, op. cit., p. 58 ss). Tel est en particulier le cas de la fabrication et livraison du béton frais pour la construction d'un immeuble (ATF 104 II 348 consid. II.1; 97 II 212 consid. 1) ou de fers à béton spécialement façonnés (ATF 103 II 33 consid. 3). En revanche, le (simple) transport de matériaux - y compris les travaux de chargement et de déchargement pour le transport (T HURNHERR, op. cit., n° 6 ad art. 839/840 CC; le même, op. cit., RNRF 2012 p. 80; voir également SCHMID/HÜRLIMANN-KAUP, op. cit., n. 1707b p. 508 [ Abfuhrleistungen] et SCHUMACHER/REY, op. cit., n. 261 p. 92 qui excluent les déchargements au moyen d'un camion-grue) - ou encore la livraison de matériaux de construction non spécialement confectionnés pour un ouvrage déterminé ne donnent pas lieu à cette sûreté réelle (arrêt 5D_116/2014 du 13 octobre 2014 consid. 5.2.1, publié in RNRF 2016 p. 338; STEINAUER, op. cit., n. 4475 p. 338 et les références; SCHUMACHER/REY, op. cit., n. 229 p. 79 et n. 261 p. 92; THURNHERR, op. cit., n° 6 ad art. 839/840 CC; TAMARA BERCHTOLD, Zur Revisionsbedürftigkeit des Bauhandwerkerpfandrechts, 2008, p. 99 s.; STREIFF, op. cit., p. 52; cf. aussi ATF 131 III 300 consid. 4.2 et la référence; arrêt 5C.251/1991 du 19 mai 1992 consid. 3b et la référence). L'entrepreneur ayant livré des matériaux qui, pris isolément, ne peuvent pas donner lieu à l'hypothèque légale, peut néanmoins bénéficier de celle-ci si ces matériaux forment une unité avec d'autres qui, eux, donnent lieu à l'hypothèque (ATF 125 III 113 consid. 2a; STEINAUER, op. cit., n. 4476 p. 338; THURNHERR, op. cit., n° 6 ad art. 839/840 CC; SCHUMACHER/REY, op. cit., n. 266 p. 93 et n. 356 p. 112; BERCHTOLD, op. cit., p. 88).  
Il en découle que les prestations d'évacuation et d'élimination de déblais ou de gravats de chantier ne donnent en principe pas droit à l'inscription d'une hypothèque légale, à moins de former une unité fonctionnelle avec les travaux effectués par la même entreprise pour la construction d'un ouvrage (OGer ZH, 19.12.2019, LF190050, in ZR 119/2020 p. 49; SCHUMACHER/REY, op. cit., n° 356 p. 112 s.; STEINAUER, op. cit., n. 4476 p. 338 note infrapaginale 50; GERHARD FREY, in Schweizerisches Zivilgesetzbuch, OFK, 4e éd. 2021, no 16 ad art. 837 CC; STREIFF, op. cit., p. 39; contra apparemment concernant les travaux d'élimination de déchets [ Entsorgungsarbeiten]: SCHMID/HÜRLIMANN-KAUP, op. cit., n. 1707b p. 508 ET BERCHTOLD, OP. CIT., P. 95 S., AINSI QUE HGER, 26.11.2004, IN ZR 104/2004 P. 185 CITÉ PAR CETTE DERNIÈRE). Tel sera assurément le cas si les gravats sont débarrassés par l'entreprise qui a elle-même procédé aux travaux de démolition (BETTINA HÜRLIMANN-KAUP, Provisorische Eintragung eines Bauhandwerkerpfandrechts: Funktionale Einheit zwischen pfandgeschützten und nicht pfandgeschützten Arbeiten, in DC 2020 p. 335 et la référence; SCHUMACHER/REY, op. cit., n. 268 in fine p. 94; STREIFF, op. cit., p. 39).  
 
6.  
 
6.1. En l'occurrence, la recourante soutient avoir effectué du travail sur le chantier, dès lors qu'elle chargeait elle-même les déblais sur ses camions, au moyen d'une pelle mécanique, et qu'elle a déchargé une livraison de pavés transportés par une entreprise tierce. Il est vrai qu'il ressort des intitulés de certaines factures, tels que mentionnés dans l'arrêt entrepris, en particulier les factures 0917-0202 du 17 octobre 2017, 1017-004 et 1016-005 du 23 octobre 2017, que la recourante a entrepris des prestations de chargement et de déchargement de matériaux et déblais. Il est également vrai que le directeur de la recourante a précisé lors de son audition que les chauffeurs chargeaient généralement eux-mêmes les déblais pour éviter de perdre du temps et qu'un des employés a expliqué, concernant la rédaction des bons de travail, qu'il avait amené des matériaux sur le chantier, les avait déchargés, avait rechargé le camion avec des déblais puis les avait transportés en décharge. Cela étant, la question de savoir si la constatation de la cour cantonale selon laquelle la recourante s'était limitée à transporter des bennes remplies de déchets que les employés d'autres entreprises préparaient doit être qualifiée d'arbitraire n'est pas déterminante. En effet, ainsi qu'il vient d'être exposé (cf. supra consid. 5.2.6), les prestations de transport, y compris les travaux de chargement et de déchargement de matériaux, ne sont pas couvertes par le gage. La recourante ne saurait donc fonder sa prétention en inscription d'une hypothèque légale sur le motif qu'elle a chargé des déblais et déchargé des matériaux. Ces activités constituent des prestations de transport. Elles ne peuvent être qualifiées de travaux typiques de construction ou de destruction spécifiques à la réalisation de l'ouvrage, de sorte qu'elles ne réalisent pas, en tant que telles, les conditions de l'art. 837 al. 1 ch. 3 CC.  
 
6.2. Il reste à examiner si les prestations de transport de la recourante forment une unité fonctionnelle avec d'autres travaux qui eux sont protégés par le gage.  
 
6.2.1. Si la cour cantonale a relevé que la recourante avait effectué des prestations qui, en soi, pouvaient donner droit à l'inscription d'une hypothèque légale en réalisant des travaux de creuse et de remblayage autour du bâtiment et en effectuant des travaux sur la rampe d'accès du garage, elle a néanmoins considéré qu'il n'y avait pas d'unité et d'interdépendance entre les diverses activités déployées par la recourante sur le chantier. La recourante conteste cette appréciation, en affirmant, de manière générale, que l'ensemble des témoins entendus et des pièces produites montrent qu'elle a effectué du travail, incluant le chargement en vue du transport, le transport et la mise en déblai, sans aucune interruption, étant précisé qu'elle ne prétend pas avoir effectué d'autres travaux protégés par le gage que ceux retenus par la cour cantonale.  
 
6.2.2. Selon la jurisprudence et la doctrine relatives au délai de quatre mois de l'art. 839 al. 2 CC, une unité entre différentes prestations est admise lorsque celles-ci sont liées entre elles de telle sorte qu'elles forment un tout; la qualification juridique et le nombre de contrats, ou encore que les prestations aient pour objet plusieurs ouvrages ou parties de l'immeuble, s'ils peuvent constituer des indices, ne sont, à eux seuls, pas des éléments décisifs (cf. ATF 146 III 7 consid. 2.2.1; 125 III 113 consid. 3b; 106 II 123 consid. 5c; arrêts 5A_630/2021 du 26 novembre 2021 consid. 3.3.2.4; 5A_282/2016 du 17 janvier 2017 consid. 7.1; 5A_426/2015 du 8 octobre 2015 consid. 3.2; STEINAUER, op. cit., n. 4523 ss p. 354 s.; FREY, op. cit., no 16 ad art. 837 CC; THURNHERR, op. cit., no 30 ad art. 839/940 CC). Lorsque plusieurs contrats ont été conclus comme c'est le cas en l'espèce - la recourante ne contestant pas la constatation de la cour cantonale selon laquelle elle était intervenue en exécution de divers contrats successifs -, il faut considérer qu'ils forment une unité s'ils sont à ce point imbriqués les uns dans les autres qu'ils forment économiquement et matériellement un tout (ATF 146 III 7 consid. 2.2.1; 106 II 123 consid. 5b et c; 104 II 348 consid. II.2; arrêts 5A_630/2021 précité consid. 3.3.2.4; 5A_426/2015 précité consid. 3.2; 5D_116/2014 du 13 octobre 2014 consid. 5.2.3, publié in RNRF 2016 p. 338). Sont notamment considérés comme formant un tout des commandes successives de béton frais pour un même chantier (ATF 125 III 113 consid. 3b; 111 II 343 consid. 2c; 104 II 348 consid. 2) ou des travaux de terrassement qui doivent être effectués en même temps que la réalisation d'une paroi moulée (ATF 106 II 123 consid. 5c). L'existence d'une unité doit en revanche être niée lorsqu'un entrepreneur se voit attribuer, après coup, d'autres travaux de nature différente (ATF 111 II 343 consid. 2c; 104 II 348 consid. II.2; 76 II 134 consid. 1; arrêt 5A_630/2021 précité consid. 3.3.2.4).  
 
6.2.3. En l'occurrence, il résulte des constatations de l'arrêt querellé que les travaux de creuse et de remblayage autour du bâtiment ont été effectués afin de remettre à l'endroit la feuille de plastique alvéolée assurant l'étanchéité du bâtiment; il apparaît donc qu'ils ont été convenus en cours de chantier, en vue de corriger une erreur. Par ailleurs, l'employé de la recourante qui a exécuté ces travaux a déclaré en audience avoir enlevé la terre afin de dégager la feuille d'étanchéité avant de remblayer à nouveau la tranchée et il ne ressort pas du dossier, notamment de la facture du 28 août 2017 relative à ces travaux, que leur exécution aurait impliqué un transport de matériaux ou déblais. Partant, on ne discerne pas en quoi ils formeraient un tout avec les prestations de transport exécutées par la recourante sur le chantier. S'agissant des travaux réalisés sur la rampe d'accès, la recourante ne s'en prend pas à la motivation de la cour cantonale selon laquelle les livraisons effectuées ultérieurement, soit d'août à mi-octobre 2017, ne paraissaient pas être liées à cette partie de l'immeuble. Quoi qu'il en soit, il ressort de l'intitulé de la facture du 23 octobre 2017 que ces travaux comprenaient à la fois le transport de machines, le terrassement de la rampe, le transport et la décharge de déblais. L'intimée relève par ailleurs dans sa réponse - sans que la recourante le conteste en déposant une réplique - que la facture précitée mentionnait une quantité de déblais à extraire identique à celle à transporter et à évacuer; en outre, le directeur de la recourante avait indiqué lors de son audition que les travaux relatifs à cette facture étaient des travaux de sous-traitance qui avaient fait l'objet d'un accord à prix forfaitaire pour la creuse ainsi que pour le transport et la mise en décharge et qu'ils étaient dès lors facturés sur une base de calcul différente de ceux demandés au jour le jour. Au vu de ces éléments, l'on ne saurait reprocher à la cour cantonale d'avoir considéré que les travaux effectués sur la rampe d'accès, soit des travaux qui portaient sur une partie précise de l'immeuble, en incluant des prestations ponctuelles de terrassement et d'excavation, et qui ont donné lieu à une convention séparée globale prévoyant un tarif particulier, ne formaient pas, matériellement et économiquement, une unité avec les activités de transport de matériaux et de déblais que la recourante a réalisées pendant toute la durée du chantier.  
Il suit de là que, pour autant que suffisamment motivé, le moyen tiré de l'unité fonctionnelle que formeraient les travaux de transport avec les autres travaux protégés par le gage doit être rejeté. 
 
7.  
En conclusion, le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. Les frais judiciaires sont mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Elle versera en outre une indemnité de dépens à l'intimée qui s'est déterminée (art. 68 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Une indemnité de 6'000 fr., à payer à l'intimée à titre de dépens, est mise à la charge de la recourante. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève et au Registre foncier du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 6 avril 2023 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
Le Greffier : Piccinin