Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
8C_782/2023
Arrêt du 6 juin 2024
IVe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Wirthlin, Président, Maillard et Heine.
Greffière : Mme Castella.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Alexandre Reymond, avocat,
recourant,
contre
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Division juridique, Fluhmattstrasse 1, 6002 Lucerne,
intimée.
Objet
Assurance-accidents (indemnité journalière; rente d'invalidité),
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 12 octobre 2023 (AA 73/22 - 110/2023).
Faits :
A.
A.________, né en 1987, a travaillé en qualité de gérant de l'entreprise B.________ Sàrl (ci-après: la société), qu'il avait fondée et qui avait été inscrite au registre du commerce le 7 février 2017. A ce titre, il était assuré contre le risque d'accident auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA).
Le 17 octobre 2018, le prénommé a été victime d'un accident sur l'autoroute à U.________, en Italie, alors qu'il était passager d'un véhicule. La CNA a pris en charge les frais médicaux et lui a versé des indemnités journalières jusqu'au 31 octobre 2021 (lettre de la CNA du 7 octobre 2021). Par décision du 10 février 2022, confirmée sur opposition le 24 mai suivant, elle lui a octroyé une indemnité pour atteinte à l'intégrité fondée sur un taux de 20 % mais lui a dénié le droit à une rente d'invalidité, motif pris que le taux d'invalidité de 9 % n'ouvrait pas le droit à une telle prestation.
B.
Par arrêt du 12 octobre 2023, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté le recours de l'assuré et a confirmé la décision sur opposition de la CNA du 24 mai 2022.
C.
A.________ forme un recours en matière de droit public. En substance, il conclut à la réforme de l'arrêt cantonal dans le sens du maintien de son droit aux indemnités journalière ou de la reconnaissance de son droit à une rente d'invalidité, fondée sur un taux de 100 %. À titre subsidiaire, il demande le renvoi de la cause à la juridiction précédente ou à la CNA pour mise en oeuvre d'une expertise. Plus subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle instruction complémentaire et nouvelle décision dans le sens des considérants. Le recourant requiert par ailleurs le bénéfice de l'assistance judiciaire.
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.
Considérant en droit :
1.
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable.
2.
Le litige porte sur le point de savoir si la juridiction cantonale a violé le droit fédéral en niant le droit du recourant aux indemnités journalières au-delà du 31 octobre 2021, respectivement à une rente d'invalidité. S'agissant de prestations en espèces de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 3 LTF).
3.
3.1. Sous le titre "Du droit aux indemnités journalières", le recourant reproche aux premiers juges d'avoir fait preuve d'arbitraire en retenant, en relation avec l'exigibilité d'une opération chirurgicale sans garantie de succès à laquelle il avait refusé de se soumettre, que des risques sont inhérents à toute intervention chirurgicale.
3.2.
3.2.1. Selon l'art. 19 al. 1 LAA, le droit à la rente prend naissance dès qu'il n'y a plus lieu d'attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l'état de l'assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l'assurance-invalidité ont été menées à terme (première phrase); le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente (seconde phrase). L'amélioration de l'état de santé se détermine notamment en fonction de l'augmentation ou de la récupération probable de la capacité de travail réduite par l'accident. L'utilisation du terme "sensible" par le législateur montre que l'amélioration que doit amener une poursuite du traitement médical doit être significative. Il ne suffit pas qu'un traitement physiothérapeutique puisse éventuellement être bénéfique pour la personne assurée. Dans ce contexte, l'état de santé doit être évalué de manière prospective (arrêt 8C_682/2023 du 24 avril 2024 consid. 3.1.1 et les références).
3.2.2. L'argumentation du recourant se limite pour l'essentiel à soutenir que l'opération chirurgicale préconisée par le docteur C.________ (cf. rapport médical du 5 novembre 2020), spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, n'était pas exigible de sa part. Or, même à suivre ce point de vue, le recourant ne démontre pas en quoi l'on pouvait encore attendre de la continuation de tout autre traitement médical accepté par lui une sensible amélioration de son état de santé. À aucun moment, il ne soutient que son état de santé ne pouvait pas être considéré comme stabilisé, au sens de l'art. 19 al. 1 LAA, au 1
er novembre 2022. Il cite au contraire un rapport de la doctoresse D.________, médecin praticien et d'arrondissement de la CNA, du 12 juillet 2021, selon lequel aucun traitement chirurgical ni médical ne pourrait améliorer de manière notable son état de santé. Par ailleurs, si l'on considérait que l'intervention chirurgicale était exigible et susceptible d'améliorer sensiblement l'état de santé du recourant, celui-ci ne pourrait s'en prévaloir - tout en refusant de s'y soumettre - dans le but de maintenir son droit aux indemnités journalières.
Ensuite, en tant que le recourant évoque, en lien avec les rapports médicaux susmentionnés du docteur C.________ et de la doctoresse D.________, des contradictions justifiant le droit à une expertise, son argumentation n'est pas davantage fondée. Certes la doctoresse D.________ a retenu que le recourant avait refusé toutes les propositions chirurgicales et qu'une indication opératoire n'avait plus été retenue "du fait de l'absence de modification de l'angle de cyphotisation qui reste stable à 27° par rapport à 2019". Cela n'apparaît toutefois aucunement contradictoire avec le fait qu'en novembre 2020, le docteur C.________ avait évoqué la possibilité d'une intervention chirurgicale (corporectomie antérieure de la vertèbre fracturée) "pour corriger les troubles statiques marqués, afin d'améliorer les symptômes du patient déjà affecté de troubles malformatifs rachidiens". Ce médecin avait d'ailleurs relevé qu'une telle intervention n'était pas exigible d'un point de vue assécurologique à cause du risque lié à la chirurgie et parce que les chances de succès n'étaient pas garanties. En conclusion, le grief est mal fondé et il n'y a pas lieu de revenir sur la date de stabilisation de l'état de santé du recourant.
4.
4.1. En relation avec l'évaluation du taux d'invalidité, le recourant conteste ensuite le revenu sans invalidité retenu par les premiers juges. Il leur reproche de n'avoir pas tenu compte du salaire mensuel de 6'900 fr. annoncé à l'intimée - qui ressortait d'un avenant à son contrat de travail et des fiches de salaire produites - et de s'être fondés sur son certificat de salaire de 2017, alors qu'il s'agissait de la première année d'activité de l'entreprise et qu'il n'avait perçu un revenu qu'à partir du mois de juillet.
4.2.
4.2.1. Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde généralement sa décision sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible; la vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités revêtent une importance significative ou entrent raisonnablement en considération. Il n'existe par conséquent pas de principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 139 V 176 consid. 5.3).
4.2.2. En l'espèce, les juges cantonaux ont constaté (sans être contestés) que, deux mois après l'accident, la société avait informé l'intimée que le salaire de son gérant (le recourant) avait été augmenté à 6900 fr. par mois avec effet au 1
er août 2018, c'est-à-dire rétroactivement deux mois environ avant l'accident. Quant à l'avenant au contrat de travail produit par le recourant, il n'était pas daté et comportait sa signature à la fois en qualité d'employeur et de travailleur. Or un salaire mensuel de 5'000 fr. avait été annoncé dans la déclaration de sinistre datée du 19 octobre 2018. Ce salaire de 5'000 fr. apparaissait plus conforme à celui réalisé effectivement par le recourant avant l'atteinte à la santé, eu égard au certificat de salaire de 50'187 fr. net pour l'année 2017 (établi par la société le 30 janvier 2018 à des fins fiscales). Par ailleurs, il convenait de rappeler la teneur de l'art. 15 al. 2 LAA prévoyant, pour le calcul des rentes, que le salaire déterminant est celui que l'assuré a gagné durant l'année qui a précédé l'accident. Le fait que la CNA avait pris en compte à titre de revenu de valide un salaire annuel de 68'536 fr., à savoir 5'272 fr. x 13, correspondant au salaire de la Convention nationale du gros oeuvre pour 2021, auquel se référait le contrat de travail du recourant, échappait à la critique.
4.3. Les considérations des premiers juges sont convaincantes et il convient de s'y rallier; un salaire mensuel de 6'900 fr. n'apparaît pas comme le montant le plus vraisemblable au regard des éléments mis en évidence par eux. Les explications du recourant sont soit incomplètes, soit confuses. En effet, s'il avait perçu en 2017 un salaire uniquement à partir de juillet, cela reviendrait à retenir un revenu moyen mensuel de plus de 8'000 fr. au vu du certificat de salaire 2017 mentionnant un revenu annuel net de 50'187 fr., ce qui se heurte au contenu du contrat de travail et à la prétendue augmentation de salaire (à 6'900 fr.) dès le mois d'août 2018. Quant aux fiches de salaire, elles mentionnent un versement en espèces, sans que le dossier fasse état de quittance de paiement. Ces éléments sont autant de motifs qui ne plaident pas en faveur du recourant. Partant, les premiers juges étaient fondés à confirmer le choix de l'intimée de se référer aux salaires conventionnelles, vu les allégations contestables du recourant et la faible force probante que l'on peut accorder aux pièces produites par lui.
5.
5.1. Le recourant soutient enfin que les premiers juges auraient dû appliquer un taux d'abattement de 25 % (plutôt que de 10 %) sur le revenu avec invalidité. Il leur reproche d'avoir retenu pour seul motif de réduction la titularité d'un permis B et d'avoir considéré que les limitations fonctionnelles consécutives à l'accident restaient compatibles avec des activités légères dans les secteurs de la production et des services comprises dans le niveau de compétence 1 du tableau ESS 2018. En résumé, l'arrêt entrepris ne prendrait pas en compte l'ensemble des pathologies dont il souffre, ni l'importance des facteurs handicapants, lesquels se manifestent dans ses limitations fonctionnelles (référence faite au rapport de la doctoresse D.________ du 12 juillet 2021). Les premiers juges et l'autorité intimée ne seraient d'ailleurs pas en mesure de citer une activité compatible avec ses limitations fonctionnelles, lesquelles réduiraient drastiquement l'éventail des activités qui lui sont accessibles.
5.2. La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation). Il n'y a pas lieu de procéder à des déductions distinctes pour chacun des facteurs entrant en considération. Il faut bien plutôt procéder à une évaluation globale, dans les limites du pouvoir d'appréciation, des effets de ces facteurs sur le revenu d'invalide, compte tenu de l'ensemble des circonstances du cas concret (ATF 148 V 419 consid. 5.3 et les arrêts cités).
5.3. En l'occurrence, la cour cantonale a confirmé le taux d'abattement appliqué par l'intimée sur le revenu statistique "compte tenu de la situation du recourant". Toutefois, à la lecture de l'arrêt attaqué, il n'est pas possible de saisir quel (s) facteur (s) de réduction entrent en considération pour eux. Quoi qu'il en soit, l'argumentation du recourant, en tant qu'il requiert une déduction de 25 % liée au handicap, doit être rejetée. Celui-ci ne conteste pas sa capacité totale de travail, sans diminution de rendement, dans une activité adaptée, ni les limitations fonctionnelles retenues, excluant les activités avec port de charges très légères (inférieures à 5 kg), les activités nécessitant une position statique (assis ou debout; alternance des positions nécessaire), la marche répétée ou prolongée et la position en porte-à-faux du rachis. Cela étant, compte tenu du large éventail d'activités légères offert dans le marché du travail, un certain nombre d'entre elles sont adaptées à de telles limitations et accessibles sans aucune formation particulière. L'on peut penser à des activités simples et répétitives dans le domaine industriel léger (par exemple montage, contrôle ou surveillance d'un processus de production; ouvrier à l'établi dans des activités simples et légères, etc.). Par conséquent et vu qu'une diminution de rendement n'a pas été retenue, un taux de 10 % en raison du handicap peut être confirmé. Quant aux autres facteurs de réduction, ils n'entrent pas en considération (le permis B n'étant pas susceptible de réduire les perspectives salariales du recourant au regard de la nature des activités encore exigibles).
6.
Il s'ensuit que le recours se révèle mal fondé et doit être rejeté.
7.
Le recourant, qui succombe, a demandé à bénéficier de l'assistance judiciaire gratuite. Une partie ne remplit les conditions de l'assistance judiciaire que si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et si ses conclusions ne paraissent pas vouées à l'échec (art. 64 al. 1 LTF; ATF 140 V 521 consid. 9.1). Au regard des motifs avancés dans le mémoire de recours, celui-ci apparaissait d'emblée dénué de chances de succès et la requête d'assistance judiciaire doit dès lors être rejetée. Le recourant doit par conséquent payer les frais judiciaires (cf. art. 66 al. 1 LTF) et ne peut pas prétendre à la prise en charge des honoraires de son avocat.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral de la santé publique.
Lucerne, le 6 juin 2024
Au nom de la IVe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Wirthlin
La Greffière : Castella