Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_17/2024
Arrêt du 8 août 2024
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président,
Chaix et Haag.
Greffier : M. Kurz.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Sylvain Savolainen, avocat,
recourant,
contre
Département du territoire de la République et canton de Genève,
case postale 3880, 1211 Genève 3,
agissant par l'Office du personnel de l'État de Genève, Direction générale, rue du Stand 26, 1204 Genève,
intimé.
Objet
Droit de la fonction publique; résiliation des rapports de service,
recours contre l'arrêt de la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève,
du 7 novembre 2023
(ATA/1206/2023 - A/3228/2022-FPUBL).
Faits :
A.
A.________, né en 1958, a été engagé le 1er mars 2011 comme chef de secteur à l'Office cantonal genevois des bâtiments (OCBA). Il a été nommé fonctionnaire dès le 1er mars 2013. Il était chargé d'assurer l'entretien et le bon fonctionnement du groupe d'immeubles dont il avait la charge. Les évaluations effectuées jusqu'en 2019 étaient globalement bonnes, voire très bonnes, sous quelques réserves.
B.
Le 4 juin 2019, le Conseiller d'État en charge du Département des infrastructures - auquel est rattaché l'OCBA - a dénoncé A.________ et l'un de ses collègues pour corruption passive (art. 322quater CP) et/ou acceptation d'un avantage (art. 322sexies CP). Il lui était reproché de s'être fait offrir des voyages par des entreprises en échange de mandats de l'OCBA. Une procédure pénale a été ouverte le jour même. A.________ a été informé de cette procédure le 4 ctobre 2021, date à laquelle il a été arrêté par la police et a été entendu à plusieurs reprises. Il a admis avoir bénéficié de voyages et d'invitations au restaurant de la part de plusieurs entreprises en remerciement des mandats qui leur avaient été accordés. Le rapport de police du 4 octobre 2021 et le procès-verbal d'interrogatoire du même jour ont été transmis au chef du département.
Un entretien avec l'employeur a eu lieu le 12 octobre 2021. A.________ a été libéré de son obligation de travailler. L'ouverture d'une enquête administrative, ainsi qu'une démission ou une retraite anticipée ont été évoquées.
Le 17 mars 2022, A.________ a été convoqué pour un entretien de service devant avoir lieu le 5 avril 2022. Une résiliation des rapports de service était envisagée. Le 29 mars 2022, il a demandé l'accès à son dossier et, en particulier, à une liste de documents énumérés comme suit:
1. l'ensemble des évaluations de ses états de service ainsi que l'ensemble des éventuelles promotions et nominations dont il avait fait l'objet, depuis son entrée en fonction à l'État;
2. l'ensemble des documents sur la base desquels le conseiller d'État avait fondé sa dénonciation du 3 juin 2019, ainsi que l'ensemble des documents auxquels le conseiller d'État se référait, soit notamment:
a. le compte rendu de l'entretien entre MM. B.________ et C.________ du 29 avril 2019;
b. le compte rendu de l'entretien entre MM. B.________ et D.________ du 30 avril 2019;
c. le procès-verbal de la réunion des cadres du département du 3 mai 2019;
d. le compte rendu d'entretien entre MM. B.________, D.________ et C.________ du 3 mai 2019;
3. le procès-verbal de la réunion entre MM. E.________, B.________, D.________ et C.________ ainsi que le juriste du département et la directrice des RH du 20 mai 2019; à cette occasion avait été discutée une analyse des mandats confiés par M. A.________ ainsi que les factures s'y rapportant;
4. le rapport de l'analyse précitée et évoqué par M. D.________ le 20 mai 2019, ainsi que l'ensemble des pièces liées à l'ensemble des mandats confiés par M. A.________, toutes entreprises confondues, et les factures s'y rapportant;
5. les statistiques récapitulatives mensuelles établies par le contrôle de gestion de l'OCBA se rapportant à M. A.________ récapitulant les dépenses effectuées par entreprise et par secteur, cela depuis 2011;
6. les comptes rendus de l'ensemble des entretiens qu'avaient eus M. D.________ avec, notamment, des juristes et d'autres collaborateurs de l'OCBA au sujet de M. A.________;
7. le compte rendu de l'entretien entre MM. B.________ et C.________ évoquant notamment M. A.________;
8. toutes les notes de service internes au département relatives aux faits ayant fait l'objet de la dénonciation du 3 juin 2019;
9. I'ensemble des procès-verbaux et comptes rendus d'entretiens et/ou de réunions qui s'étaient tenus au sein du département en lien avec les faits décrits dans la dénonciation du 3 juin 2019;
10. d'une manière générale, toutes les pièces pertinentes permettant d'évaluer l'aptitude de M. A.________ à exercer ses fonctions, notamment, les instructions respectivement les lignes directrices de l'OCBA relatives à l'attribution des mandats aux entreprises par les collaborateurs ainsi que les instructions et lignes directrices relatives au contrôle des bons de commande par le contrôle de gestion et le chef de service.
Le 1er avril 2022, la Directrice générale de l'OCBA a déclaré que le dossier de l'employé était à disposition pour consultation, mais qu'elle refusait de transmettre les documents cités sous les chiffres 2 à 4 et 6 à 9 car il s'agissait de documents internes à l'administration dont l'intéressé ne pouvait exiger la consultation. Les documents mentionnés sous ch. 5 n'existaient pas. L'intéressé pourrait exercer son droit d'être entendu au cours de l'entretien de service et faire valoir ses observations après réception du compte rendu y relatif. Une copie du dossier serait remise à son mandataire.
A.________ a recouru contre cette décision incidente. Par arrêt du 31 mai 2022, la Chambre administrative de la Cour de justice a déclaré le recours irrecevable faute de préjudice irréparable. Par arrêt du 19 mai 2023 (8C_428/2022), le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable, dans la mesure où il n'était pas sans objet (la résiliation des rapports de services étant intervenue entre-temps), le recours en matière de droit public formé par A.________. Celui-ci pourrait invoquer son droit d'être entendu dans le cadre de la procédure principale.
Le 5 avril 2022, A.________ a fait l'objet d'un entretien de service sous la forme écrite, en raison de son absence pour cause de maladie. Un compte rendu de cet entretien a été transmis à l'intéressé. Etaient recensés 20 voyages en avion ou invitations dans des restaurants, avec mention des dates, lieux, accompagnants et montants concernés; l'intéressé avait reconnu une partie des faits et admis avoir commis une infraction d'acceptation d'un avantage en ayant reçu des cadeaux allant au-delà de ce qui était admis usuellement; il estimait toutefois n'avoir jamais favorisé les entreprises concernées. Une version caviardée de la dénonciation pénale a également été transmise à l'intéressé. Les auditions requises par celui-ci étaient en revanche refusées.
C.
Par décision du 25 août 2022, après avoir tenté de procéder au reclassement de l'intéressé auprès des autres services de l'État, le Conseiller d'État a résilié les rapports de service de A.________, considérant que le fait d'avoir accepté de multiples avantages pendant plusieurs années et d'avoir en outre attribué des mandats (pour 187'579 fr.) à deux sociétés dans lesquelles il détenait des parts, dépassait l'erreur d'appréciation et constituait un manquement important aux devoirs de service.
D.
Par arrêt du 7 novembre 2023, la Chambre administrative de la Cour de justice a rejeté le recours formé par A.________ contre cette décision. Le recourant avait obtenu l'ensemble de son dossier administratif et les faits qui lui étaient reprochés en ressortaient clairement. Les pièces demandées le 29 mars 2022 sous ch. 4 et 5 ne contenaient pas d'informations supplémentaires pertinentes; les documents figurant sous ch. 2 concernaient la procédure pénale; les communications internes (ch. 3 et 6 à 9) ne devaient pas être transmises au recourant. Celui-ci connaissait en outre le contenu de la procédure pénale. Certaines pièces n'avaient été transmises qu'après l'entretien du 5 avril 2022, mais avant la décision de résiliation. Rien ne permettait de penser que l'autorité avait pris sa décision avant d'entendre le recourant. Il n'y avait eu ni pressions sur le recourant, ni assurances de la part de l'autorité intimée. Les agissements du recourant, admis par celui-ci, constituaient une violation grave des devoirs de service et non de simples erreurs d'appréciation, en dépit de la qualité des prestations fournies par ailleurs par le recourant. La mesure était proportionnée, y compris au regard du temps écoulé depuis la commission des faits.
E.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt cantonal et la décision du 25 août 2022, de condamner le département à lui verser une indemnité de 24 mois de salaire, soit 210'637 fr. 20, sous suite de frais et dépens. Subsidiairement, il demande le renvoi de la cause à l'autorité intimée pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
L'Office du personnel de l'État, agissant pour le Conseil d'État, conclut au rejet du recours. Le recourant a renoncé à des observations complémentaires.
Considérant en droit :
1.
L'arrêt entrepris a été rendu en matière de rapports de travail de droit public. S'agissant d'une contestation pécuniaire, le motif d'exclusion du recours en matière de droit public prévu par l'art. 83 let. g LTF ne s'applique pas. La valeur litigieuse atteint par ailleurs largement le seuil de 15'000 fr. ouvrant la voie du recours en matière de droit public en ce domaine (art. 51 al. 2 et 85 al. 1 let. b LTF).
Les autres conditions de recevabilité sont au surplus réunies, si bien qu'il convient en principe d'entrer en matière.
2.
Dans un premier grief, le recourant invoque son droit d'être entendu (art. 29 Cst., art. 41 ss de la loi genevoise sur la procédure administrative - LPA, RS/GE E 5 10, art. 17 al. 1 du règlement d'application de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux - RPAC, RS/GE B 5 05.01). Il se plaint du refus de l'OCBA de donner suite à sa demande d'accès du 29 mars 2022 (s'agissant notamment des pièces ayant mené à la dénonciation au Ministère public, de la dénonciation elle-même et de divers rapports administratifs et procès-verbaux de réunions le concernant), refus confirmé dans l'arrêt attaqué. Il considère ainsi que le dossier serait incomplet alors que la Chambre administrative devait établir les faits d'office. S'agissant d'une garantie formelle, il lui appartiendrait de juger lui-même de la pertinence des pièces en question. Il se plaint également du refus de procéder à certaines auditions, question sur laquelle la cour cantonale ne se serait pas exprimée. Il conteste par ailleurs le caractère interne de certaines pièces. Il estime enfin que la décision de licenciement était déjà arrêtée avant même de l'entendre.
2.1. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit pour l'intéressé d'avoir accès au dossier (ATF 148 II 73 consid. 7.3.1; 145 I 167 consid. 4.1). Il comprend également le droit pour les parties de produire des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite à leurs offres de preuve lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 135 II 286 consid. 5.1). L'autorité peut cependant renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1). Le refus d'une mesure probatoire par appréciation anticipée des preuves ne peut être remis en cause devant le Tribunal fédéral qu'en invoquant l'arbitraire (art. 9 Cst.) de manière claire et détaillée (art. 106 al. 2 LTF). Le recourant invoque diverses dispositions du droit cantonal en relation avec le droit d'être entendu, mais ne prétend pas que ces dispositions conféreraient une protection plus étendue que les garanties rappelées ci-dessus.
2.2. En l'occurrence, le recourant a eu accès au dossier de la procédure administrative tel qu'il a été constitué par l'autorité intimée et soumis aux instances judiciaires. Celui-ci contient notamment les entretiens d'évaluation et de développement du manager de 2011 à 2020, les procès-verbaux d'audition du recourant et de cinq autres personnes devant la brigade financière de la police judiciaire, le procès-verbal de l'entretien du 5 avril 2022 et les pièces à l'appui. En demandant que d'autres pièces et moyens de preuves soient intégrés au dossier, le recourant formule en réalité une réquisition de preuves. Dès lors, en dépit du caractère formel du droit d'être entendu, l'instance précédente pouvait rejeter lesdites réquisitions en se fondant sur une appréciation anticipée. Elle a ainsi retenu que les pièces requises (indépendamment de leur caractère de documents internes à l'administration) n'étaient pas propres à fournir des informations supplémentaires et pertinentes, tant sur les faits qui sont reprochés au recourant que sur l'aptitude de celui-ci à remplir sa fonction. Le recourant avait par ailleurs eu accès au dossier pénal. La cour cantonale s'est ainsi prononcée sur l'ensemble des documents requis (consid. 3.6 de l'arrêt attaqué) et l'argumentation du recourant n'est pas propre à faire apparaître cette appréciation comme arbitraire. Le recourant ne conteste d'ailleurs nullement qu'il connaît parfaitement les faits qui lui sont reprochés et qu'il a d'ailleurs admis; il est aussi à même de prouver, sur la base du dossier, les aptitudes et qualifications dont il entend se prévaloir.
2.3. Pour le surplus, si l'autorité a averti le recourant des conséquences possibles de ses agissements ainsi que des inconvénients liés à l'ouverture d'une enquête administrative à son encontre (en lui proposant de démissionner ou de prendre une retraite anticipée), cela ne signifie nullement qu'elle aurait d'emblée pris la décision de révocation avant même de l'entendre. Les articles parus dans la presse font état des faits reprochés au recourant et de la dénonciation au Ministère public, sans que l'on puisse en déduire que l'autorité aurait pris sa décision prématurément. Même s'il ne se prononce pas explicitement sur ce dernier point, l'arrêt attaqué ne prête pas le flanc à la critique et le grief de violation du droit d'être entendu doit être écarté.
3.
Il en va de même du grief subséquent relatif au respect du principe de la bonne foi ( art. 5 al. 3 et 9 Cst. ).
3.1. Le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration. Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que a) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, b) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et c) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour d) prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice, et e) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 146 I 105 consid. 5.1.1 et les références citées).
3.2. Comme dans son précédent grief, le recourant se fonde sur la prémisse que le département aurait déjà pris sa décision avant l'entretien du 12 octobre 2021 et se serait comporté de manière déloyale. Ce reproche est, comme on l'a vu, infondé. Le recourant relève aussi que son état de santé s'est dégradé, mais ne démontre pas que cela résulterait spécifiquement des pressions dont il prétend avoir fait l'objet; cela serait quoi qu'il en soit sans rapport avec le principe de la bonne foi dont la portée est rappelée ci-dessus.
Le recourant se plaint en outre de ce que l'autorité n'ait pas ouvert d'enquête administrative contrairement à ce qu'elle avait annoncé, et qu'elle l'ait maintenu à son poste durant trois ans. Il n'indique toutefois pas en quoi le fait de le maintenir en poste en attente de l'établissement complet des faits et de la décision à rendre pourrait constituer une quelconque assurance, les conséquences possibles de ses agissements ayant d'emblée été clairement exposées au recourant. Dès lors qu'une dénonciation pénale avait été déposée et qu'une enquête avait été immédiatement ouverte, l'autorité pouvait à bon droit renoncer à une enquête administrative. Le fait d'attendre les résultats intermédiaires de l'enquête pénale en prenant connaissance du dossier pénal le 5 octobre 2021 (après avoir à plusieurs reprises tenté en vain d'accéder au dossier) ne porte nullement atteinte au principe de la bonne foi puisqu'il s'agissait uniquement pour l'autorité administrative de se fonder sur des faits suffisamment établis dans ce cadre, indépendamment du sort de l'action pénale.
Pour autant qu'il soit suffisamment motivé, le grief doit être rejeté.
4.
Le recourant invoque ensuite le principe de la proportionnalité en lien avec une application selon lui arbitraire des art. 21 al. 3 et 22 let. b LPAC. Il relève qu'il est entré en fonction comme chef de secteur à l'OCBA le 1er mars 2011 et a obtenu des évaluations constamment élogieuses, y compris après la découverte des faits qui lui sont reprochés. L'autorité ne pouvait donc retenir que la continuation des rapports de service n'était plus compatible avec le fonctionnement de l'administration. Il a en outre remboursé les avantages perçus (soit 8'000 fr.). Il estime ne pas avoir mis sur pied un schéma délictuel systématique, mais avoir profité de prestations ponctuelles échelonnées sur cinq ans provenant d'entrepreneurs amis de longue date. Les bons de travaux en faveur des deux sociétés impliquées étaient établis non par lui mais par le technicien sur place. Il relève qu'il a immédiatement reconnu ses erreurs et qu'il avait par ailleurs défendu les intérêts de l'État en instituant un système de contrôle des factures. Il a atteint l'âge de la retraite en avril 2023, à peine quelques mois après la décision de résiliation, et la proposition qui lui a été faite de prendre une retraite anticipée relativiserait la gravité des faits reprochés.
4.1. Le principe de proportionnalité, dont la violation peut être invoquée de manière indépendante dans un recours en matière de droit public (cf. art. 95 al. 1 let. a LTF; ATF 140 I 257 consid. 6.3.1; 134 I 153 consid. 4.1 et les références citées), commande que la mesure étatique soit nécessaire et apte à atteindre le but prévu et qu'elle soit raisonnable pour la personne concernée (ATF 141 I 1 consid. 5.3.1). Lorsqu'il examine comme en l'espèce le droit cantonal indépendamment de toute atteinte à un droit fondamental, le Tribunal fédéral n'examine le respect de ce principe, que sous l'angle de l'arbitraire (ATF 139 II 7 consid. 7.3 p. 28; 134 I 153 précité consid. 4.3 p. 158). L'atteinte au principe de la proportionnalité se confond donc en l'espèce avec le grief d'arbitraire.
Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de justice et d'équité. Le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable. Si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution - éventuellement plus judicieuse - paraît possible (ATF 149 I 329 consid. 5.1 et les arrêts cités).
4.2. Selon l'art. 21 al. 3 LPAC, l'autorité compétente peut résilier les rapports de service du fonctionnaire pour un motif fondé. Elle motive sa décision. Elle est tenue, préalablement à la résiliation, de proposer des mesures de développement et de réinsertion professionnels et de rechercher si un autre poste au sein de l'administration cantonale correspond aux capacités de l'intéressé. Selon l'art. 22 LPAC, il y a motif fondé lorsque la continuation des rapports de service n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration, soit notamment en raison de l'insuffisance des prestations (let. a), ou l'inaptitude à remplir les exigences du poste (let. b).
La cour cantonale rappelle dans son arrêt que le licenciement pour motifs fondés ne suppose pas l'existence d'une faute de la part de l'employé, le critère déterminant étant le bon fonctionnement de l'administration cantonale. Il ne s'agit donc pas de sanctionner un fautif, mais d'adapter la composition d'un service déterminé aux exigences relatives à son bon fonctionnement. La notion de motif fondé doit être concrétisée dans chaque situation à la lumière des circonstances concrètes, l'employeur jouissant d'un large pouvoir d'appréciation (consid. 6.5 et 6.6).
4.3. En l'espèce, le recourant se voit reprocher d'avoir, entre 2014 et 2019, effectué plusieurs (au moins cinq selon ses propres déclarations) voyages privés avec des administrateurs de sociétés prestataires de services, les frais (plusieurs milliers de francs) étant entièrement pris en charges par lesdites sociétés. Il s'est également fait inviter à plusieurs reprises, entre 2017 et 2018, dans des restaurants gastronomiques, également pour plusieurs milliers de francs. En outre, en 2019, il a attribué des mandats pour 98'428 fr. à des sociétés dans lesquelles il détenait des parts sociales. Ces agissements délibérés sont en contradiction évidente avec les règles interdisant notamment au personnel de l'État d'accepter des dons ou autres avantages en raison de leur situation officielle (art. 25 RPAC). S'agissant d'un cadre de l'administration en relations directes avec les entreprises prestataires, le recourant ne saurait prétendre qu'il s'agirait de simples erreurs d'appréciation. En dépit de ses bonnes qualifications et de l'absence d'antécédents, les instances précédentes pouvaient considérer que les agissements du recourant, qui se sont échelonnés sur plusieurs années, avaient occasionné une rupture du lien de confiance entre le recourant et sa hiérarchie, ainsi qu'une atteinte au principe d'objectivité et d'impartialité du processus décisionnel, et plus généralement dans la confiance que les administrés doivent pouvoir avoir dans les agents de l'État. Cette appréciation n'a rien d'arbitraire. Le recourant ne saurait se prévaloir du fait qu'il a été maintenu en poste pendant plus de deux ans après le 3 juin 2019. Comme cela est relevé ci-dessus, l'autorité a attendu que les faits aient été suffisamment établis; son maintien provisoire en poste répond au principe de la proportionnalité et si le recourant n'a pas encouru de reproche durant cette période, il ne saurait s'en prévaloir du fait qu'il a évidemment cessé ses agissements après leur découverte.
Sous l'angle de la proportionnalité, la cour cantonale a considéré que le licenciement du recourant - au demeurant quelques mois seulement avant que celui-ci n'atteigne l'âge de la retraite - était la seule mesure apte à assurer le bon fonctionnement du service et l'intégrité de l'administration. Le recourant ne proposait d'ailleurs pas de mesure moins incisive. Une procédure de reclassement avait été mise sur pied mais aucune place appropriée n'avait pu être trouvée.
4.4. Dans un grief distinct, le recourant se plaint d'arbitraire dans l'application des dispositions précitées du droit cantonal (art. 22 let. b LPAC). Il estime qu'en présence d'une faute considérée comme grave, un licenciement pour motif fondé ne pouvait pas être prononcé; une enquête disciplinaire devait être ouverte dans la perspective d'un licenciement immédiat.
Selon la jurisprudence, la violation fautive des devoirs de service n'exclut pas le prononcé d'un licenciement administratif, soit une résiliation des rapports de service pour motif fondé. Si le principe même d'une collaboration ultérieure est remis en cause par une faute disciplinaire de manière à rendre inacceptable une continuation du rapport de service, un simple licenciement, dont les conséquences sont moins graves pour la personne concernée, peut être décidé à la place de la révocation disciplinaire (arrêt 8C_203/2010 du 1er mars 2011 consid. 3.5). Dans la mesure où, comme on l'a vu, l'autorité pouvait retenir à juste titre l'existence d'une faute disciplinaire rendant impossible la continuation des rapports de service, l'autorité pouvait choisir entre une révocation disciplinaire ou une résiliation pour motif fondé. Il n'y a en l'occurrence aucun arbitraire à avoir choisi cette seconde possibilité.
5.
Dans un dernier grief, le recourant invoque le principe de la célérité. Il estime que l'autorité ne pouvait attendre le 25 août 2022 pour le licencier alors que les faits, qui remontent à 2014-2019, avaient été découverts en avril 2019 déjà.
5.1. En vertu de l'art. 29 al. 1 Cst., toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. Cette disposition consacre notamment le principe de la célérité ou, en d'autres termes, prohibe le retard injustifié à statuer. L'autorité viole cette garantie constitutionnelle lorsqu'elle ne rend pas la décision qu'il lui incombe de prendre dans le délai prescrit par la loi ou dans un délai que la nature de l'affaire ainsi que toutes les autres circonstances font apparaître comme raisonnable. La question du respect du principe de célérité ne peut pas être examinée
in abstracto, mais doit l'être à la lumière des circonstances concrètes (ATF 144 I 318 consid. 7.1; 143 IV 373 consid. 1.3.1).
5.2. S'ils remontent à 2014, les faits reprochés au recourant n'ont été portés à la connaissance de l'autorité qu'en avril 2019. La dénonciation pénale a été déposée début juin 2019 et l'autorité a, à juste titre, attendu les premiers résultats de l'enquête pénale. Le recourant n'a été informé de cette enquête que le 4 octobre 2021, jour de son arrestation et de sa première audition. Les éléments de l'enquête, soit le rapport de police du 4 octobre 2021 et les procès-verbaux d'audition du recourant des 4 et 5 octobre 2021, ont été transmis au chef du département le 5 octobre 2021. Le recourant a été convoqué à un entretien le 12 octobre 2021 et a été libéré de son obligation de travailler. L'autorité ne pouvait agir avec plus de célérité avant de connaître suffisamment les faits. Ayant dénoncé pénalement le recourant, elle n'avait d'autre choix que d'attendre comme elle l'a fait les premier résultats de l'enquête pénale (cf. arrêt 8C_17/2022 du 16 août 2022 consid. 5.4). Un nouvel entretien a eu lieu - par écrit - le 17 mars 2022; le recourant a ensuite eu accès à certaines pièces du dossier, et une procédure s'en est suivie à propos de la consultation du dossier. Le recourant s'est encore déterminé le 9 mai 2022 et la décision de résiliation a été rendue le 25 août 2022, après la tentative infructueuse de reclassement auprès de l'administration cantonale et un entretien de reclassement du 12 juillet 2022.
Il résulte de ce qui précède que l'autorité a agi avec diligence. Elle a requis la consultation du dossier pénal en janvier et août 2020 ainsi qu'en mars 2021, ce qui lui a été refusé par le Procureur général en raison du caractère secret de l'enquête. Après avoir obtenu les premiers résultats de l'enquête pénale, elle a immédiatement convoqué le recourant et la procédure s'est déroulée sans temps mort injustifié. Le grief doit par conséquent être écarté.
6.
Sur le vu de ce qui précède, le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à l'intimé (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève.
Lausanne, le 8 août 2024
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Kneubühler
Le Greffier : Kurz