Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
9C_533/2022
Arrêt du 10 février 2023
IIIe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président,
Moser-Szeless et Beusch.
Greffier : M. Bleicker.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par M e Patrik Gruber, avocat,
recourante,
contre
Office AI Canton de Berne,
Scheibenstrasse 70, 3014 Berne,
intimé.
Objet
Assurance-invalidité (procédure de première instance, condition de recevabilité),
recours contre le jugement du Tribunal administratif du canton de Berne du 14 octobre 2022 (200.2022.583.AI).
Faits :
A.
Le 25 août 2022, l'Office AI Canton de Berne (ci-après: l'office AI) n'est pas entré en matière sur la nouvelle demande de prestations de l'assurance-invalidité déposée par A.________ le 26 septembre 2019.
B.
Le 26 septembre 2022, M
e Patrik Gruber, avocat à Fribourg, déclarant agir pour A.________, a formé un recours contre cette décision devant la Cour des affaires de langue française du Tribunal administratif du canton de Berne (ci-après: le Tribunal administratif).
Par ordonnance du 27 septembre 2022, le juge instructeur du Tribunal administratif a constaté que le recours était accompagné d'une procuration datée du 22 novembre 2010 et a invité A.________ à lui faire parvenir une nouvelle procuration actualisée et se référant au litige jusqu'au 11 octobre 2022. Il a attiré l'attention de l'intéressée que le recours serait déclaré irrecevable, sans réponse dans le délai imparti ou en cas de réponse ne satisfaisant pas aux exigences de l'art. 15 al. 1 et 3 de la loi bernoise du 23 mai 1989 sur la procédure et la juridiction administratives (LPJA/BE; RSB 155.21).
Statuant le 14 octobre 2022, le juge unique du Tribunal administratif a déclaré le recours irrecevable, au motif que la procuration requise n'avait pas été produite jusqu'alors.
C.
A.________ forme un "recours en matière administrative" contre ce jugement. Elle conclut principalement à son annulation et à l'octroi d'une rente entière de l'assurance-invalidité à partir du 1
er février 2020. Subsidiairement, elle demande le renvoi du dossier à l'office AI pour "traitement" de sa demande.
Le Tribunal administratif et l'office AI concluent au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales renonce à se déterminer.
Le 2 février 2023, A.________ dépose ses observations.
Considérant en droit :
1.
1.1. L'arrêt attaqué, fondé sur le droit public, peut être entrepris par la voie du recours en matière de droit public en vertu de l'art. 82 let. a LTF. A cet égard, la désignation erronée du recours déposé par le recourant ne saurait lui nuire, à condition que son écriture remplisse les conditions de la voie de droit ouverte en l'espèce (ATF 138 I 367 consid. 1.1).
1.1.1. Selon la jurisprudence, l'objet de la contestation porté devant le Tribunal fédéral est déterminé par l'arrêt attaqué. L'objet du litige, délimité par les conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF), ne saurait s'étendre au-delà de l'objet de la contestation. Par conséquent, devant le Tribunal fédéral, le litige peut être réduit, mais ne saurait être ni élargi, ni transformé par rapport à ce qu'il était devant l'autorité précédente, qui l'a fixé dans le dispositif de l'arrêt entrepris et qui est devenu l'objet de la contestation devant le Tribunal fédéral (ATF 142 I 155 consid. 4.4.2; 123 V 335 consid. 1b). La partie recourante ne peut par conséquent pas prendre des conclusions ni formuler de griefs allant au-delà de l'objet du litige.
1.1.2. En l'espèce, le litige porte uniquement sur l'irrecevabilité du recours déposé devant le Tribunal administratif et non pas sur le droit de la recourante à des prestations de l'assurance-invalidité. Dans la mesure où la recourante s'en prend à d'autres sujets que l'irrecevabilité, ses conclusions sont irrecevables parce qu'elles s'écartent de l'objet du litige. Le mémoire de recours répond néanmoins aux exigences de l'art. 42 al. 1 LTF, dans la mesure où l'on comprend sans peine que la recourante conteste à titre subsidiaire l'irrecevabilité de son recours cantonal. La conclusion subsidiaire, interprétée à la lumière des motifs du recours (ATF 135 I 119 consid. 4 et les références), est par conséquent recevable.
1.2. Au surplus, le recours, qui respecte les autres conditions de forme de l'art. 42 LTF, a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF), par la destinataire du jugement attaqué qui a qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Il est par conséquent recevable.
2.
2.1. Le recours en matière de droit public peut être formé notamment pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), que le Tribunal fédéral applique d'office (art. 106 al. 1 LTF), n'étant limité ni par les arguments de la partie recourante, ni par la motivation de l'autorité précédente. Le Tribunal fédéral fonde son raisonnement sur les faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF).
2.2. En vertu de l'art. 99 al. 1 LTF, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut en principe être présenté devant le Tribunal fédéral (ATF 135 I 221 consid. 5.2.4; 133 IV 342 consid. 2.1). En particulier est exclue la présentation de vrais faits nouveaux (vrais nova), à savoir des faits qui se sont produits postérieurement à la décision attaquée, dans les procédures de recours au Tribunal fédéral (ATF 139 III 120 consid. 3.1.2; 133 IV 342 consid. 2.1). Il s'ensuit que la lettre de l'assurée du 20 octobre 2022, postérieure au jugement attaqué (du 14 octobre 2022), est d'emblée irrecevable.
3.
Le litige porte sur le point de savoir si le Tribunal administratif pouvait déclarer le recours irrecevable au motif que l'avocat qui déclarait agir au nom de la recourante n'avait pas produit de procuration écrite actualisée dans le délai imparti à cet effet par la cour cantonale.
4.
Invoquant une violation du principe de l'interdiction du formalisme excessif (art. 29 al. 1 Cst.), la recourante fait valoir que son avocat la défendait "depuis des années" et que l'office AI avait adressé et notifié la décision de première instance à son avocat directement. Comme le Tribunal administratif n'avait pas exigé une nouvelle procuration ou une procuration "actuelle", mais seulement une "procuration actualisée", elle soutient que l'autorité précédente ne doutait pas que son avocat agissait pour son compte. L'absence de procuration "actualisée" ne pouvait dès lors pas entraîner l'irrecevabilité du recours. Qui plus est, l'avance des frais de procédure avait été versée en temps utile.
5.
5.1. Le formalisme excessif est un aspect particulier du déni de justice prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst. Il est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 145 I 201 consid. 4.2.1 et les références). Selon la jurisprudence, commet un déni de justice formel et viole l'art. 29 al. 1 Cst. l'autorité qui n'entre pas en matière dans une cause qui lui est soumise dans les formes et délai prescrits, alors qu'elle devrait s'en saisir (ATF 142 II 154 consid. 4.2 et les références). Il peut en résulter une violation de la garantie de l'accès au juge ancrée à l'art. 29a Cst. Cette disposition donne en effet le droit d'accès à une autorité judiciaire exerçant un pouvoir d'examen complet sur les faits et le droit (arrêt 1C_515/2020 du 10 février 2021 consid. 2.1 et les références). Cette garantie ne s'oppose cependant pas aux conditions de recevabilité habituelles d'un recours ou d'une action (ATF 143 I 344 consid. 8.2 et les références). De manière générale, la seule application stricte des règles de forme n'est pas constitutive de formalisme excessif (arrêt 9C_354/2022 du 26 septembre 2022 consid. 3.1 et les références).
5.2. De l'interdiction du formalisme excessif, la jurisprudence a déduit l'obligation pour l'autorité, en présence d'un mémoire signé d'un mandataire ne justifiant pas de ses pouvoirs, d'accorder un délai convenable pour réparer le vice; l'autorité ne saurait refuser d'emblée d'entrer en matière (ATF 104 Ia 403 consid. 4e; 94 I 523; 92 I 13 consid. 2; arrêts 2C_545/2021 du 10 août 2021 consid. 2.1; 1B_65/2021 du 12 mars 2021 consid. 3 et les références).
Le Tribunal fédéral considère en revanche qu'une autorité judiciaire ne tombe pas dans le formalisme excessif lorsqu'après avoir invité la partie recourante, par l'intermédiaire de son mandataire, à transmettre une procuration et l'avoir informée des conséquences du défaut de production sur l'issue de son recours, elle prononce une décision d'irrecevabilité (arrêts 2C_55/2014 du 6 juin 2014 consid. 5.3.1; 5A_812/2011 du 21 janvier 2013 consid. 3.2).
5.3. En l'espèce, le juge instructeur du Tribunal administratif a avisé par écrit la recourante le 27 septembre 2022, par l'entremise de l'avocat qui avait formé recours à son nom, qu'il lui fallait déposer une procuration écrite actualisée d'ici au 11 octobre 2022, à défaut de quoi le recours serait déclaré irrecevable. Comme il le relève devant la Cour de céans et à l'inverse de ce que soutient la recourante, il pouvait requérir, s'il l'estimait nécessaire compte tenu de l'ancienneté de la procuration annexée au recours cantonal (datée du 22 novembre 2010), une telle procuration actualisée, sans pour autant que sa demande relève dans le cas présent du formalisme excessif (cf. arrêt 9C_793/2013 du 27 mars 2014 consid. 1.2 et les références). Le simple fait que l'avocat avait déjà produit un tel document devant cette autorité ne dispensait par ailleurs pas la recourante de répondre à cette invitation expresse - conforme aux règles de la procédure cantonale (cf. art. 15 et 32 s. LPJA/BE) - dans le délai imparti (arrêt 1C_237/2019 du 17 mai 2019 consid. 2.2 et les références). Il n'appartient pas à la partie requise de ne pas obtempérer au motif que, de son point de vue, la requête serait trop formaliste parce que le pouvoir de représentation ne ferait pas de doute. Dans la mesure où la recourante n'a pas donné suite à cette invitation, ni demandé une prolongation dudit délai, il y a lieu de considérer, sur le vu de la jurisprudence (consid. 5.2), que l'instance précédente n'a pas fait preuve de formalisme excessif en déclarant le recours irrecevable.
Quoi qu'en pense la recourante, le fait qu'elle a payé à temps l'avance de frais ne permet enfin pas une autre appréciation. L'autorité précédente a en effet expressément exigé, par ordonnance du 27 septembre 2022, une procuration actualisée. Elle a ainsi clairement indiqué qu'elle n'accepterait pas d'autorisation de représentation implicite (à ce sujet, voir arrêt 5A_561/2016 du 22 septembre 2016 consid. 2). L'appréciation de l'autorité précédente ne prête par conséquent pas le flanc à la critique.
6.
Au regard de ce qui précède, le recours doit être rejeté.
7.
Vu l'issue du recours, les frais sont mis à la charge de la recourante (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal administratif du canton de Berne, Cour des affaires de langue française, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 10 février 2023
Au nom de la IIIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Parrino
Le Greffier : Bleicker