Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
9C_584/2022
Arrêt du 12 juillet 2023
IIIe Cour de droit public
Composition
M. et Mmes les Juges fédéraux Stadelmann,
Juge présidant, Moser-Szeless et Scherrer Reber.
Greffier : M. Bleicker.
Participants à la procédure
Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
avenue du Général-Guisan 8, 1800 Vevey,
recourant,
contre
A.________,
représentée par Me Pierre Seidler, avocat,
intimée.
Objet
Assurance-invalidité (allocation pour impotent),
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 11 novembre 2022 (AI 70/21 - 338/2022).
Faits :
A.
A.a. A.________, née en 1970, a travaillé notamment comme nettoyeuse jusqu'au 31 janvier 2007. Elle a été victime d'un accident vasculaire cérébral (AVC) en 2008, puis a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité le 14 avril 2008. Par décisions des 7 mars et 30 mai 2011, l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Vaud (ci-après: l'office AI) lui a octroyé un quart de rente dès le 1er février 2009.
A l'issue d'une procédure de révision initiée en 2013, l'office AI a mis l'assurée au bénéfice de trois quarts de rente de l'assurance-invalidité dès le 1
er juillet 2017 (décisions des 9 et 22 février 2021). Entre autres éléments, il a considéré qu'elle disposait d'une capacité de travail de 50 % dans une activité adaptée.
A.b. Entre-temps, l'assurée a déposé une demande d'allocation pour impotent le 6 novembre 2017. L'office AI a réalisé une enquête ménagère à domicile le 25 novembre 2020 (rapport du 26 novembre 2020). Par décision du 25 janvier 2021, il a rejeté la demande.
B.
A.________ a déféré la décision du 25 janvier 2021 à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud, puis produit notamment une prise de position du Centre médico-social B.________ (du 13 septembre 2021). Statuant le 11 novembre 2022, la cour cantonale a admis le recours et réformé la décision du 25 janvier 2021 en ce sens que l'assurée a droit à une allocation pour impotent de degré faible à compter du 1er septembre 2020.
C.
L'office AI forme un recours en matière de droit public contre cet arrêt dont il demande l'annulation. Il conclut à la confirmation de la décision du 25 janvier 2021. Le recours est assorti d'une requête d'effet suspensif.
L'assurée conclut en substance au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) renonce à se déterminer.
Considérant en droit :
1.
Le recours en matière de droit public peut être formé notamment pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), que le Tribunal fédéral applique d'office (art. 106 al. 1 LTF), n'étant limité ni par les arguments de la partie recourante, ni par la motivation de l'autorité précédente. Le Tribunal fédéral fonde son raisonnement sur les faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF).
2.
2.1. Compte tenu des conclusions et motifs du recours, le litige porte sur le droit de l'intimée à une allocation pour impotent de degré faible à compter du 1er septembre 2020. A cet égard, l'arrêt attaqué expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels applicables à la notion d'impotence (art. 9 LPGA, art. 42 al. 3 LAI et art. 37 al. 3 RAI) et aux six actes ordinaires de la vie déterminants pour évaluer celle-ci (se vêtir et se dévêtir; se lever, s'asseoir, se coucher; manger; faire sa toilette; aller aux toilettes; se déplacer à l'intérieur ou à l'extérieur, établir des contacts; ATF 133 V 450 consid. 7.2 et les références). Il suffit d'y renvoyer.
2.2. A la suite des premiers juges, on rappellera que l'impotence est faible notamment si la personne assurée, même avec des moyens auxiliaires, a besoin d'un accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie au sens de l'art. 38 RAI (art. 37 al. 3 let. e RAI). Selon cette disposition, ce besoin existe lorsque la personne assurée ne peut pas en raison d'une atteinte à la santé vivre de manière indépendante sans l'accompagnement d'une tierce personne (art. 38 al. 1 let. a RAI), faire face aux nécessités de la vie et établir des contacts sociaux sans l'accompagnement d'une tierce personne (art. 38 al. 1 let. b RAI), ou éviter un risque important de s'isoler durablement du monde extérieur (art. 38 al. 1 let. c RAI). Dans la première éventualité, l'accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie doit permettre à la personne concernée de gérer elle-même sa vie quotidienne. Il intervient lorsque la personne nécessite de l'aide pour au moins l'une des activités suivantes: structurer la journée, faire face aux situations qui se présentent tous les jours (p. ex. problèmes de voisinage, questions de santé, d'alimentation et d'hygiène, activités administratives simples) et tenir son ménage (aide directe ou indirecte d'un tiers; ATF 133 V 450 consid. 10). Dans la deuxième éventualité (accompagnement pour les activités hors du domicile), l'accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie doit permettre à la personne assurée de quitter son domicile pour certaines activités ou rendez-vous nécessaires, tels les achats, les loisirs ou les contacts avec les services officiels, le personnel médical ou le coiffeur. Dans la troisième éventualité, l'accompagnement en cause doit prévenir le risque d'isolement durable ainsi que de la perte de contacts sociaux et, par là, la péjoration subséquente de l'état de santé de la personne assurée (arrêt 9C_308/2022 du 28 mars 2023 consid. 3.3 et la référence).
2.3. La nécessité de l'aide apportée par une tierce personne doit être examinée de manière objective, selon l'état de santé de la personne assurée, indépendamment de l'environnement dans lequel celle-ci se trouve; seul importe le point de savoir si, dans la situation où elle ne dépendrait que d'elle-même, la personne assurée aurait besoin de l'aide d'un tiers. L'assistance que lui apportent les membres de sa famille a trait à l'obligation de diminuer le dommage et ne doit être examinée que dans une seconde étape (cf. arrêts 9C_330/2017 du 14 décembre 2017 consid. 4; 9C_410/2009 du 1
er avril 2010 consid. 5.1, in SVR 2011 IV n° 11 p. 29; voir aussi arrêt 9C_425/2014 du 26 septembre 2014 consid. 4.2).
3.
3.1. La juridiction cantonale a retenu que l'intimée avait droit à une allocation pour impotent de degré faible dès le 1
er septembre 2020. Elle a constaté tout d'abord que l'assurée était en mesure d'accomplir cinq des six actes ordinaires de la vie (se vêtir et se dévêtir; se lever, s'asseoir, se coucher; manger; faire sa toilette; aller aux toilettes), mais pas celui de se déplacer à l'extérieur. En revanche, l'intimée n'était pas capable de vivre de manière indépendante, sans l'accompagnement d'une tierce personne et requérait une aide constante. Il ressortait en effet de l'expertise pluridisciplinaire des médecins de l'Unité d'expertises médicales du Centre universitaire de médecine générale et santé publique à Lausanne (Unisanté), du 1er septembre 2020, mise en oeuvre au cours de la procédure de révision de la rente, que le mari de l'intimée réalisait la quasi-totalité de l'entretien du domicile et qu'il préparait le repas de midi la plupart du temps. Dans les cas où l'intimée préparait à manger, son époux se chargeait de la cuisson. De plus, dès lors qu'elle ne parvenait pas à se baisser, l'intimée utilisait difficilement le lave-vaisselle et ne pouvait pas remplir le lave-linge. Le mari de l'intimée effectuait encore les courses pendant qu'elle l'attendait au restaurant du magasin. L'intimée présentait enfin un cas lourd de pathologies, avec de nombreuses comorbidités somatiques et psychiques, et de multiples limitations fonctionnelles.
3.2. Invoquant une violation de l'art. 38 RAI, en lien avec une appréciation arbitraire des preuves, l'office AI reproche à la juridiction cantonale de s'être écartée des conclusions du rapport d'enquête du 26 novembre 2020. Il fait valoir que l'intimée a certes besoin de l'aide d'un tiers pour certaines activités, mais qu'elle ne serait cependant pas placée dans un home sans le soutien de son entourage. De plus, la juridiction cantonale n'aurait pas tenu compte de l'obligation de réduire le dommage (par exemple en commandant ses courses par internet ou en s'aidant de moyens auxiliaires) et de l'aide exigible de la part de l'époux. Enfin, elle aurait également omis d'établir le nombre d'heures par semaine pour lesquelles le soutien d'un tiers serait nécessaire au vu des limitations fonctionnelles médicalement attestées.
4.
4.1. Selon la jurisprudence, la nécessité de l'assistance d'un tiers pour la réalisation des tâches ménagères peut justifier à elle seule la reconnaissance du besoin d'accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie (arrêt 9C_330/2017 du 14 décembre 2017 consid. 4). La nécessité de l'aide apportée par une tierce personne doit cependant être examinée de manière objective, selon l'état de santé de la personne assurée, indépendamment de l'environnement dans lequel celle-ci se trouve (supra consid. 2.3). A cet égard, l'enquête effectuée au domicile de la personne assurée constitue en principe une base appropriée et suffisante pour évaluer l'étendue des empêchements dans la vie quotidienne (sur les exigences relatives à la valeur probante d'un tel rapport d'enquête, cf. ATF 140 V 543 consid. 3.2.1; 133 V 450 consid. 11.1.1 et les références).
4.2. En l'espèce, si la juridiction cantonale se réfère certes à la description de la vie quotidienne donnée par l'intimée aux experts du centre d'expertises Unisanté, elle ne discute en revanche nullement les constatations et conclusions de l'enquête du 25 novembre 2020. Or cette enquête avait pour objet de préciser et de compléter sur un plan objectif la description des empêchements de l'intimée dans la vie quotidienne. Dans cette mesure, l'enquêtrice a constaté que l'intimée préparait ses repas assise à table, qu'elle pouvait cuire des choses simples, comme des pâtes (si elle n'avait pas trop mal au dos), qu'elle pouvait mettre des objets dans le lave-vaisselle, qu'elle pouvait charger le panier de son rollator et se rendre au lave-linge à l'étage, qu'elle y était autonome, qu'elle passait la panosse, qu'elle nettoyait le lavabo et les toilettes et qu'elle faisait des commissions simples, avec son rollator (lorsqu'elle se sentait assez bien). De son côté, l'époux de l'intimée se chargeait des paiements, cuisait les repas avec son épouse, complétait le ménage avec une femme de ménage (mise à disposition par le Centre médico-social B.________), faisait parfois des rappels de rendez-vous à son épouse et l'accompagnait à certains rendez-vous si elle était moins bien.
En omettant de prendre en considération l'enquête à domicile, la juridiction cantonale s'est fondée, en violation du droit fédéral, sur la manière dont l'intimée a elle-même décrit aux experts d'Unisanté ses facultés à assumer sa vie quotidienne (préparation des repas, utilisation du lave-vaisselle, besoin d'aide dans le ménage, etc.), alors qu'il y avait lieu d'établir la mesure de ce qui était raisonnablement exigible d'elle le plus objectivement possible. En se référant ensuite à la rente allouée à l'intimée en raison des pathologies dont elle souffre, sans en tirer de constatations quant à d'éventuels empêchement effectifs pour accomplir certaines tâches, les premiers juges n'ont pas mis en évidence d'éléments déterminants sous l'angle du besoin d'accompagnement durable. Or, comme le fait valoir à juste titre l'office AI en prenant en considération le résultat de l'enquête à domicile, assortie de valeur probante (consid. 4.1 supra), on constate que l'intimée est en mesure de structurer ses journées, de faire face aux situations qui se présentent tous les jours et de tenir son ménage, même si des aides ont été mises en place pour la décharger partiellement de ses tâches ménagères (cf. prise de position du Centre médico-social B.________ du 13 septembre 2021). L'intimée peut donc vivre de manière indépendante sans l'accompagnement d'une tierce personne. Elle ne présente en particulier pas le risque d'être placée en institution si elle était livrée à elle-même. Il y a donc lieu de nier la réalisation des conditions de l'art. 38 al. 1 let. a RAI.
4.3. Pour le surplus, l'intimée ne conteste pas dans sa réponse - qui ne contient aucune motivation - que les autres conditions de l'art. 38 al. 1 let. b et c RAI ne sont pas réalisées. Il n'y a dès lors pas lieu d'examiner ces points plus avant. L'intimée n'a pas besoin d'un accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie au sens de l'art. 38 RAI.
5.
Bien fondé, le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la décision de l'office AI du 25 janvier 2021 est confirmée. Le présent arrêt rend sans objet la demande d'effet suspensif déposée par l'office AI.
6.
Vu l'issue de la procédure, les frais afférents à la présente procédure seront supportés par l'intimée (art. 66 al. 1 LTF). La cause est renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision sur les frais et les dépens de la procédure antérieure ( art. 67 et 68 al. 5 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis. L'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, du 11 novembre 2022 est annulé et la décision de l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud du 25 janvier 2021 est confirmée.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimée.
3.
La cause est renvoyée au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure antérieure.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 12 juillet 2023
Au nom de la IIIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge présidant : Stadelmann
Le Greffier : Bleicker