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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_149/2023  
 
 
Arrêt du 14 août 2023  
 
IVe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Wirthlin, Président, Heine et Métral. 
Greffier : M. Ourny. 
 
Participants à la procédure 
Service public de l'emploi, 
boulevard de Pérolles 25, 1700 Fribourg, 
recourant, 
 
contre  
 
A.________, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-chômage (suspension du droit à l'indemnité), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Fribourg du 31 janvier 2023 (605 2022 40). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________ exerce la profession de pizzaïolo. Au bénéfice d'un troisième délai-cadre d'indemnisation ouvert jusqu'au 30 novembre 2022, il a sollicité l'octroi de l'indemnité de chômage à partir du 1 er juillet 2020. A compter du 1 er juillet 2021, il a effectué un stage d'orientation auprès de B.________ où il réalisait un gain intermédiaire à raison de deux heures par jour. Le 6 août 2021, l'Office régional de placement (ORP) de Fribourg lui a assigné un poste de pizzaïolo de durée indéterminée à 70-80 % auprès de C.________ Sàrl (ci-après: C.________).  
 
A.b. Par décision du 13 octobre 2021, confirmée sur opposition le 3 février 2022, le Service public de l'emploi (SPE) du canton de Fribourg a suspendu le droit de l'assuré à l'indemnité de chômage pour une durée de 35 jours à compter du 7 août 2021, au motif qu'il avait refusé le poste qui lui avait été assigné auprès de C.________. Le SPE a considéré en substance que l'intéressé ne pouvait se prévaloir d'aucun motif valable qui lui aurait permis de refuser le poste en question, lequel était convenable et aurait permis de réduire sa perte de gain. En outre, la promesse d'engagement qu'il disait avoir reçu de la part de B.________ ne le dispensait pas d'accepter le poste. Sa faute a été qualifiée de grave.  
 
B.  
Saisie d'un recours contre la décision sur opposition, la I re Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Fribourg l'a partiellement admis par arrêt du 31 janvier 2023, réduisant la durée de la suspension à 20 jours.  
 
C.  
Le SPE interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant à sa réforme dans le sens de la confirmation de sa décision sur opposition du 3 février 2022. 
L'intimé conclut au rejet du recours. Il conclut en outre à la réforme de l'arrêt cantonal, principalement dans le sens de l'absence de toute suspension du droit à l'indemnité de chômage, subsidiairement dans le sens d'une suspension inférieure à 20 jours. A titre plus subsidiaire, il conclut à la confirmation de l'arrêt cantonal et, encore plus subsidiairement, à son annulation et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision. L'intimé sollicite par ailleurs le bénéfice de l'assistance judiciaire. Le Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO) conclut implicitement l'admission du recours. La juridiction cantonale a renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable.  
 
1.2. Le Tribunal fédéral ne connaît pas l'institution du recours joint, de sorte que la partie qui entend contester une décision doit le faire elle-même dans le délai de recours de l'art. 100 LTF. A défaut, elle ne peut, dans sa détermination sur le recours formé par l'autre partie, que proposer de rejeter celui-ci; elle n'est pas admise à reprendre les conclusions formulées devant l'autorité précédente (ATF 145 V 57 consid. 10.2; 138 V 106 consid. 2.1; arrêt 8C_661/2022 du 26 juin 2023, destiné à la publication, consid. 2.2). Il s'ensuit que les conclusions de l'intimé sont irrecevables dans la mesure où elles tendent à autre chose qu'au rejet du recours.  
 
2.  
 
2.1. Le litige porte sur le point de savoir si la juridiction cantonale a violé le droit fédéral en réduisant de 35 à 20 jours la durée de la suspension du droit de l'intimé à l'indemnité de chômage.  
 
2.2. Le Tribunal fédéral, qui est un juge du droit, fonde son raisonnement juridique sur les faits retenus par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 148 V 366 consid. 3.3; 145 V 188 consid. 2) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (cf. art. 105 al. 2 LTF). Si le recourant, ou l'intimé, entend s'écarter des constatations de fait de l'autorité précédente, il doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées et la correction du vice susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF); à défaut, un état de fait divergent de celui de la décision attaquée ne peut pas être pris en compte (ATF 148 V 366 consid. 3.3; 145 V 188 consid. 2; 135 II 313 consid. 5.2.2). Dans la mesure où l'intimé présente certaines nouvelles allégations dans sa détermination du 31 mai 2023 qui s'écartent des constatations des premiers juges, il ne pourra pas en être tenu compte.  
 
3.  
 
3.1. L'arrêt entrepris expose de manière complète les dispositions légales et la jurisprudence relatives aux devoirs de l'assuré (art. 17 LACI [RS 837.0]) ainsi qu'à la suspension du droit à l'indemnité en cas de refus d'un travail convenable, auquel est assimilé le fait de ne pas donner suite à une assignation à un travail réputé convenable (art. 30 al. 1 let. d LACI, en relation avec l'art. 16 LACI, et art. 44 et 45 OACI [RS 837.02]; ATF 130 V 125; cf. aussi ATF 141 V 365 consid. 2.1; 122 V 34 consid. 3b; arrêts 8C_313/2021 du 3 août 2021 consid. 4.1; 8C_468/2020 du 27 octobre 2020 consid. 3.2 et les références). Il suffit d'y renvoyer.  
 
3.2. On précisera que lorsque l'assuré refuse, sans motif valable, un emploi réputé convenable, il y a faute grave (art. 45 al. 4 let. b OACI). Par motif valable, il faut entendre un motif qui fait apparaître la faute comme étant de gravité moyenne ou légère. Il peut s'agir, dans le cas concret, d'un motif lié à la situation subjective de la personne concernée ou à des circonstances objectives (ATF 141 V 365 consid. 4.1; 130 V 125 consid. 3.5). Si des circonstances particulières le justifient, il est donc possible, exceptionnellement, de fixer un nombre de jours de suspension inférieur à 31 jours. Toutefois, les motifs de s'écarter de la faute grave doivent être admis restrictivement (BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, n° 117 ad art. 30 LACI et les références).  
L'interprétation de la notion juridique indéterminée "sans motif valable" (cf. art. 30 al. 1 let. d LACI) est une question de droit relevant, en principe, du plein pouvoir d'examen du Tribunal fédéral, contrairement à la question de l'exercice du pouvoir d'appréciation (cf. pour l'art. 45 al. 4 OACI: arrêt 8C_24/2021 du 10 juin 2021 consid. 3.2.2 et les références). 
 
3.3. On relèvera encore qu'en tant qu'autorité de surveillance, le SECO a adopté un barème (indicatif) à l'intention des organes d'exécution. Quand bien même de telles directives ne sauraient lier les tribunaux, elles constituent un instrument précieux pour ces organes d'exécution lors de la fixation de la sanction et contribuent à une application plus égalitaire dans les différents cantons (ATF 141 V 365 consid. 2.4; arrêt 8C_283/2021 du 25 août 2021 consid. 3.3 et l'arrêt cité). Cela ne dispense cependant pas les autorités décisionnelles d'apprécier le comportement de l'assuré compte tenu de toutes les circonstances - tant objectives que subjectives - du cas concret, notamment des circonstances personnelles, en particulier de celles qui ont trait au comportement de l'intéressé au regard de ses devoirs généraux d'assuré qui fait valoir son droit à des prestations. Elles pourront le cas échéant aller en dessous du minimum prévu par le barème indicatif (arrêt 8C_756/2020 du 3 août 2021 consid. 3.2.3 et les références). Le barème du SECO prévoit une suspension d'une durée de 31 à 45 jours en cas de premier refus d'un emploi convenable d'une durée indéterminée (Bulletin LACI IC, ch. D79/2.B/1).  
 
4.  
 
4.1. En l'espèce, les juges cantonaux ont constaté que lors d'un entretien téléphonique du 6 août 2021 avec C.________, l'intimé n'avait pas déclaré expressément vouloir accepter le travail qui lui était proposé, mais avait répondu qu'il allait "y réfléchir". Cela n'était pas contesté, pas plus que le fait que le poste de pizzaïolo chez ce potentiel employeur était réputé convenable au sens de l'art. 16 al. 1 LACI. S'agissant de l'allégation de l'intimé selon laquelle il n'aurait pas accepté le poste au motif qu'il aurait reçu une promesse d'engagement au 1 er septembre 2021 du patron de B.________, l'instance précédente a retenu qu'il était probable qu'au moment de son contact avec C.________, l'intimé n'avait pas encore obtenu l'assurance d'un tel engagement. Le fait qu'un contrat de travail pour un emploi (à 60 %) auprès de B.________ avait finalement été conclu le 1 er septembre 2021, soit peu de temps après le 6 août 2021, ne palliait pas le risque pris par l'intimé de voir sa période de chômage se prolonger du fait de son refus du poste assigné chez C.________. Par conséquent, l'intimé n'avait aucune excuse valable de ne pas avoir accepté ce poste. Par son attitude hésitante consistant à demander un délai de réflexion, il avait adopté un comportement qui avait fait échouer l'engagement. Il s'était par là même accommodé du risque que l'emploi ait été occupé par quelqu'un d'autre. C'était dès lors à bon droit que le recourant avait retenu l'existence d'un fait constitutif d'une cause de suspension du droit à l'indemnité en application de l'art. 30 al. 1 let. d LACI.  
 
4.2. En ce qui concerne la quotité de cette suspension, la juridiction cantonale a estimé que qualifier la faute de l'intimé de grave et prononcer une suspension d'une durée de 35 jours contrevenait au principe de la proportionnalité. Il était en effet reproché à l'intéressé d'avoir retardé la diminution du dommage entre le 7 août 2021 et le 1 er septembre 2021. Or une suspension de 35 jours était d'une durée plus longue que le laps de temps entre ces deux dates, ce qui laissait apparaître la décision sur opposition querellée plus comme une sanction que comme une mesure de suspension destinée à faire supporter à l'assuré le dommage lié à la prolongation de la durée du chômage. Pour tenir compte dans une plus juste mesure des circonstances objectives du cas d'espèce, il convenait, comme le permettait dans des cas exceptionnels la jurisprudence, de s'écarter de l'art. 45 al. 4 let. b OACI en relation avec l'art. 45 al. 3 let. c OACI et de ne retenir qu'une faute de gravité moyenne. Une suspension du droit à l'indemnité de chômage de 20 jours semblait mieux correspondre au principe de la proportionnalité.  
 
5.  
 
5.1. Le recourant soutient qu'au moment des faits, l'intimé n'aurait pu se prévaloir d'aucun motif permettant de retenir une faute de gravité moyenne. Même si celui-ci a retravaillé dès le 1 er septembre 2021, il n'aurait pas pu être certain de retrouver un emploi par ses propres moyens au moment de l'assignation du 6 août 2021. Les premiers juges auraient ainsi tenu compte à tort de faits postérieurs à la commission de la faute pour diminuer la quotité de la suspension. Le fait pour l'intimé d'avoir retrouvé un emploi dès le 1 er septembre 2021 ne constituerait pas un motif valable au sens de l'art. 45 al. 4 OACI, un tel élément étant étranger aux circonstances ayant conduit au manquement reproché à l'intimé. Le raisonnement de la cour cantonale reviendrait à conditionner la reconnaissance d'une faute grave à la survenance de faits futurs, alors que le comportement fautif devrait être examiné en se plaçant au moment où il a été commis. Admettre une autre manière de procéder aboutirait à une insécurité du droit et à des inégalités de traitement. Par ailleurs, selon l'échelle des suspensions établie par le SECO, le premier refus d'un emploi convenable de durée indéterminée constitue une faute grave justifiant une suspension entre 31 et 45 jours, de sorte qu'une suspension de 35 jours serait proche de la limite inférieure.  
 
5.2. La critique du recourant est bien fondée. Le tribunal cantonal a jugé que la faute de l'intimé était seulement de gravité moyenne, au motif que celui-ci avait finalement décroché un poste chez B.________ dès le 1 er septembre 2021 et qu'il avait ainsi retardé la diminution du dommage uniquement entre le 7 août 2021 et le 1 er septembre 2021, soit une durée inférieure aux 35 jours ouvrables de suspension prononcés par le recourant. Comme relevé par ce dernier, cet élément ne saurait toutefois constituer un motif valable au sens de l'art. 45 al. 4 OACI. Au moment des faits reprochés à l'intimé, à savoir le 6 août 2021, celui-ci n'avait pas encore été engagé par B.________, le contrat de travail ayant été conclu le 1 er septembre 2021 même. La cour cantonale a par ailleurs retenu que l'intimé et cet employeur n'avaient pas non plus, au 6 août 2021, exprimé leur volonté réciproque et concordante de conclure un tel contrat à l'avenir. Les premiers juges en ont conclu à juste titre que l'intimé n'avait à ce moment aucune excuse valable de refuser l'emploi qui lui était proposé par C.________. Or un tel refus constitue une faute grave, sauf motif valable qui doit être admis restrictivement. A cet égard, les juges cantonaux ne pouvaient pas prendre en compte le fait - postérieur au manquement fautif du 6 août 2021 - qu'un contrat avec B.________ avait finalement été conclu pour qualifier la faute de gravité moyenne, d'autant moins qu'ils avaient préalablement considéré que l'intimé n'avait aucune excuse valable de refuser le poste chez C.________ malgré ses contacts avec B.________. On notera encore que ledit poste pouvait être exercé à 80 % et que l'intimé n'a été engagé par B.________ qu'à 60 %. Il convient en outre de constater que le recourant, en prononçant une suspension du droit à l'indemnité de chômage d'une durée de 35 jours, a infligé à l'intimé une sanction proche du seuil minimal prévu par la loi et le barème du SECO (cf. consid. 3.3 supra). Cette appréciation ne prête pas le flanc à la critique.  
 
5.3. Il résulte de ce qui précède que c'est en violation du droit fédéral que la juridiction cantonale a admis une faute moyennement grave (au lieu d'une faute grave) et a réduit la durée de la suspension du droit à l'indemnité à 20 jours. Le recours se révèle ainsi bien fondé et la décision sur opposition du recourant du 3 février 2022 doit être confirmée.  
 
6.  
L'intimé, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Les conditions de l'art. 64 al. 1 LTF étant réunies, sa requête d'assistance judiciaire doit toutefois être admise. Il sera dès lors dispensé des frais de procédure. Son attention est toutefois attirée sur le fait qu'il devra rembourser la caisse du Tribunal s'il devient en mesure de le faire ultérieurement (art. 64 al. 4 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis. L'arrêt de la I re Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Fribourg du 31 janvier 2023 est annulé et la décision sur opposition du SPE du 3 février 2022 est confirmée.  
 
2.  
La requête d'assistance judiciaire de l'intimé est admise. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimé. Ils sont toutefois supportés provisoirement par la caisse du Tribunal fédéral. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la I re Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Fribourg et au Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO).  
 
 
Lucerne, le 14 août 2023 
 
Au nom de la IVe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
Le Greffier : Ourny