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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_687/2022  
 
 
Arrêt du 17 avril 2023  
 
IVe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Wirthlin, Président, 
Viscione et Abrecht. 
Greffière : Mme Elmiger-Necipoglu. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
recourante, 
 
contre  
 
Office des relations et des conditions de travail (ORCT) du Service de l'emploi, 
rue du Parc 117, 2300 La Chaux-de-Fonds, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-chômage (suspension du droit à l'indemnité), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel du 19 octobre 2022 (CDP.2022.80-AC/amp). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________, née en 1966, divorcée et mère de deux filles nées en 2000 et 2003, licenciée en droit, a requis des indemnités journalières de l'assurance-chômage dès le 1er avril 2021, en indiquant être disposée à travailler à un taux d'activité de 100 %. En parallèle, depuis le 14 avril 2021, elle occupait un poste de conseillère juridique auprès de l'entreprise B.________ SA à un taux d'activité de 60 %.  
Par décision du 10 mai 2021, confirmée sur opposition le 2 septembre 2021, l'Office du marché du travail (ci-après: OMAT) a suspendu le droit de l'assurée à l'indemnité de chômage durant 1 jour, au motif que celle-ci n'avait pas effectué suffisamment de recherches de travail pour le mois d'avril 2021. 
Du 14 juillet au 14 septembre 2021, l'Office des poursuites de la Chaux-de-Fonds a saisi les indemnités de chômage de l'intéressée dépassant le minimum vital de celle-ci fixé à 4'206 fr. 
 
A.b. Par assignation du 19 octobre 2021, l'Office régional de placement ProEmployés (ci-après: ORP) de l'Office du marché de travail a enjoint à l'assurée de déposer sa candidature jusqu'au 27 octobre 2021 pour un poste de juriste à 100 % auprès de l'Office cantonal C.________ à U.________. Le 29 octobre 2021, le conseiller ORP de l'assurée a appris qu'elle avait déposé sa candidature le même jour, raison pour laquelle celle-ci n'avait pas pu être prise en compte pour le poste.  
L'Office des relations et des conditions de travail (ci-après: l'ORCT) a donné à l'assurée l'occasion de se prononcer. Dans ses observations du 15 novembre 2021, celle-ci a indiqué qu'elle avait demandé à son conseiller ORP de lui laisser un délai jusqu'à fin octobre pour déposer sa candidature compte tenu des ses obligations professionnelles et familiales; par ailleurs, elle estimait qu'il s'agissait d'un travail non convenable, vu que le lieu de travail se trouvait à plus de deux heures de trajets en transports publics depuis son domicile. 
 
A.c. Par décision du 22 novembre 2021, confirmée sur opposition le 14 février 2022, l'ORCT a retenu qu'il ne ressortait pas du dossier qu'un délai jusqu'à fin octobre aurait été accordé à l'assurée, que l'envoi du dossier de candidature le 29 octobre 2021 était dès lors tardif et que le travail était convenable. Il a en outre retenu que l'assurée avait adopté un comportement fautif, qu'elle devait être tenue pour responsable de l'échec de l'engagement et être suspendue durant 34 jours indemnisables, en précisant que la faute était grave et que le fait que son droit ait été suspendu une fois au cours des deux dernières années constituait une circonstance aggravante.  
 
B.  
Par arrêt du 19 octobre 2022, la Cour de droit public du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel a rejeté le recours interjeté par l'assurée contre la décision sur opposition du 14 février 2022. 
 
C.  
A.________ forme un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant principalement à sa réforme en ce sens que la décision du 14 février 2022 soit annulée. A titre subsidiaire, elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision. 
L'intimé conclut au rejet du recours, tandis que la juridiction cantonale et le Secrétariat d'État à l'économie (SECO) ne se sont pas déterminés. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable. 
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il peut toutefois rectifier ou compléter d'office les constatations de l'autorité précédente si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Cette dernière hypothèse est en particulier réalisée lorsque l'autorité précédente n'a pas établi tous les faits déterminants pour la solution du litige, en violation de la maxime inquisitoire (ATF 148 V 225 consid. 2.2 et les références citées), telle qu'elle est prescrite en droit des assurances sociales par l'art. 61 let. c LPGA (RS 830.1), qui est applicable en matière d'assurance-chômage (cf. art. 1 al. 1 LACI [RS 837.0]).  
 
2.2. Le litige porte sur le point de savoir si la cour cantonale a violé le droit fédéral en confirmant la suspension du droit de la recourante à l'indemnité de chômage pour une durée de 34 jours. Il convient en premier lieu de déterminer si l'emploi assigné à la recourante pouvait être qualifié de convenable au sens de l'art. 16 al. 2 LACI, étant précisé que l'assuré peut refuser, sans préjudice de ses droits à l'égard de l'assurance-chômage, un travail ne répondant pas à ce critère (arrêt C 326/98 de l'ancien Tribunal fédéral des assurances [TFA] du 19 avril 1999 consid. 2b).  
 
3.  
 
3.1. Selon l'art. 17 al. 1, première phrase LACI, l'assuré qui fait valoir des prestations d'assurance doit, avec l'assistance de l'office du travail compétent, entreprendre tout ce qu'on peut raisonnablement exiger de lui pour éviter le chômage ou l'abréger.  
 
3.2. L'art. 16 al. 1 LACI dispose qu'en règle générale, l'assuré doit accepter immédiatement tout travail en vu de diminuer le dommage. L'alinéa 2 de cette disposition précise que n'est pas réputé convenable et, par conséquent, est exclu de l'obligation d'être accepté, tout travail qui, notamment, nécessite un déplacement de plus de deux heures pour l'aller et de plus de deux heures pour le retour et qui n'offre pas la possibilité de logement appropriés au lieu de travail, ou qui, si l'assuré bénéficie d'une telle possibilité, ne lui permet de remplir ses devoirs envers ses proches qu'avec de notables difficultés (let. f).  
À cet égard, le Tribunal fédéral a admis que dans certaines circonstances, on peut exiger d'un assuré qu'il utilise sa voiture privée, pour autant que sa situation financière lui permette d'assumer les charges liées à son utilisation sans porter atteinte à son minimum vital, qui inclut son devoir d'entretien à l'égard des membres de sa famille (arrêt C 386/00 du TFA du 16 mai 2001 consid. 3a). 
 
4.  
 
4.1. Les premiers juges ont considéré en bref qu'on pouvait exiger de la recourante qu'elle effectue les trajets entre son domicile et le lieu de travail avec son véhicule privé. Ils ont retenu, à l'instar de l'intimé, que le comportement de la recourante équivalait à un refus d'emploi, que ce comportement constituait une faute grave et que la suspension de l'indemnité de chômage pour une durée de 34 jours devait dès lors être confirmée.  
 
4.2. La recourante se plaint d'une constatation inexacte et incomplète des faits, d'une violation du droit ainsi que d'une "appréciation arbitraire des faits". A l'appui de son argumentation, elle fait valoir que depuis le printemps 2021, son véhicule a présenté de sérieux problèmes de moteur, qu'elle a tenté plusieurs fois de le faire réparer, qu'il est tombé en panne une dernière fois le 5 juin 2021 et qu'il était à l'arrêt depuis. La recourante allègue ne pas disposer des moyens financiers qui lui permettraient de faire expertiser son véhicule pour en trouver la panne, raison pour laquelle elle s'était vue contrainte de déposer les plaques minéralogiques le 16 juillet 2021. Elle fait grief aux premiers juges de ne pas avoir procédé aux mesures d'instruction nécessaires concernant sa situation financière, d'avoir omis de prendre en considération les faits déterminants et d'être ainsi arbitrairement parvenus à la conclusion que le poste proposé par l'intimé revêtait un caractère convenable.  
 
4.3. En l'occurrence, ni la cour cantonale ni les parties remettent en cause le fait qu'en transports publics, le trajet depuis le domicile de la recourante jusqu'au lieu de travail pour le poste assigné prend - en fonction des correspondances proposées sur le site internet des CFF - plus de deux heures, ce qui se situe à la limite de ce qui est exigible d'une personne assurée. Avec l'intimé, les premiers juges ont toutefois retenu qu'on pouvait exiger de la recourante qu'elle utilise son véhicule privé pour effectuer les trajets qui prendraient une heure et 23 minutes. Ils ont ainsi écarté les arguments avancés par la recourante, en considérant que si les pièces qu'elle avait produites permettaient certes de confirmer le dépôt de plaques le 16 juillet 2021, elles n'étaient nullement à même d'en connaître les raisons; en particulier, la facture du D.________ SA du 4 juillet [recte: juin] 2021 d'un montant de 338 fr. 85 n'indiquait pas à quel véhicule elle se référait. Les juges cantonaux ont aussi écarté le grief invoqué par la recourante concernant son devoir d'entretien à l'égard de sa fille et de sa mère: en effet, la première était majeure en octobre 2021; quant à la seconde, le fait que celle-ci doive subir une intervention chirurgicale en février 2021 et que l'État de Neuchâtel soutenait l'investissement des proches aidants ne prouvait pas que la recourante assumait ce rôle et au demeurant ne constituait pas une circonstance permettant de qualifier l'emploi de non convenable, preuve en était d'ailleurs qu'elle avait postulé audit emploi.  
 
4.4. En l'état du dossier, on ne saurait confirmer le raisonnement de la cour cantonale.  
On rappellera que le juge appelé à connaître de la légalité d'une décision rendue par les organes de l'assurance sociale doit apprécier l'état de fait déterminant existant au moment de la décision sur opposition, soit en l'occurrence les faits, tels qu'ils se présentait au 14 février 2022 (ATF 129 V 167 consid. 1; 121 V 366 consid. 1b). Devant la cour cantonale, la recourante a produit une attestation du 26 novembre 2021 qui lui a été délivrée par le service cantonal des automobiles, confirmant que les plaques minéralogiques avaient été déposées le 16 juillet 2021 et que la situation était inchangée depuis. Elle a également produit une facture datée du 4 juin 2021, établie en faveur du D.________ SA à V.________ d'un montant de 338 fr. 85, qui était adressée aux "EMPLOYES MERCEDES". 
Avec les premiers juges, il sied de constater que la recourante a prouvé, au degré requis de la vraisemblance prépondérante (ATF 129 V 177 consid. 3.1 et les arrêts cités), qu'au moment de son assignation, le 19 octobre 2021, elle ne disposait plus de son véhicule privé, qui lui aurait le cas échéant permis d'effectuer les trajets entre son domicile et son potentiel lieu de travail. Toutefois, en ce qui concerne les motifs qui l'ont conduite à déposer les plaques minéralogiques de son véhicule, les premiers juges ne pouvaient pas se limiter à constater qu'avec la facture du D.________ SA du 4 juin 2021, la recourante n'avait "nullement démontré que l'utilisation d'un véhicule privé porterait atteinte à son minimum vital". En effet, celle-ci a régulièrement invoqué ses problèmes financiers devant son conseiller ORP, puis elle a dûment allégué devant la cour cantonale ne pas disposer de moyens financiers suffisants afin de faire expertiser le véhicule pour en trouver la panne. Cette allégation paraît pour le moins plausible, compte tenu des pièces versées au dossier de l'intimé, dont il ressort notamment que l'indemnité de chômage versée à la recourante a fait l'objet d'une saisie par l'office des poursuites entre le 14 juillet et le 14 septembre 2021. 
Dans ces conditions, conformément à la maxime inquisitoire, il appartenait aux premiers juges d'établir avec la collaboration des parties les faits déterminants pour la solution du litige (art. 61 let. c LPGA), en particulier la capacité financière de la recourante à récupérer l'usage de son véhicule et à en supporter les charges sans porter atteinte à son minimum vital, compte tenu de son devoir d'entretien à l'égard des membres de sa famille. Quant à ce dernier point, on relèvera par surabondance qu'on ne saurait uniquement se fonder sur l'âge de la fille de la recourante, qui a atteint la majorité en octobre 2021, pour en conclure que sa mère est déliée de toute obligation d'entretien, en particulier si la fille n'a pas encore terminé sa formation (cf. art. 277 al. 2 CC), comme cela ressort de l'attestation du lycée pour l'année scolaire 2021/2022. Il conviendra également d'instruire les faits liés à un éventuel devoir d'assistance de la recourante à l'égard de sa mère. 
 
4.5. Vu ce qui précède, il y a lieu de renvoyer la cause à la cour cantonale pour qu'elle examine la situation financière et personnelle de la recourante compte tenu des considérations développées ci-avant, puis qu'elle statue à nouveau.  
 
5.  
En ce qui concerne la répartition des frais judiciaires et des dépens, le renvoi de la cause pour nouvel examen et décision revient à obtenir gain de cause au sens des art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF, indépendamment du fait qu'une conclusion ait ou non été formulée à cet égard, à titre principal ou subsidiaire (ATF 141 V 281 consid. 11.1; 137 V 210 consid. 7.1 et les références). La recourante, qui n'est pas représentée, n'a pas droit à des dépens. Bien qu'il succombe, l'intimé ne peut pas se voir imposer des frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF; ATF 133 V 640 consid. 4.5; arrêt 8C_211/2017 du 12 septembre 2017 consid. 3). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est partiellement admis. L'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public, du 19 octobre 2022 est annulé. La cause est renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Le recours est rejeté pour le surplus. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de droit public du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel et au Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO). 
 
 
Lucerne, le 17 avril 2023 
 
Au nom de la IVe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
La Greffière : Elmiger-Necipoglu