Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_584/2022
Arrêt du 20 juin 2023
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président,
Merz et Kölz.
Greffier : M. Kurz.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Mes Romain Jordan et Barnabas Denes, avocats,
recourant,
contre
Département de la sécurité, de la population et de la santé du canton de Genève (DSPS), rue de l'Hôtel-de-Ville 14, 1204 Genève,
Préposé cantonal à la protection des données et à la transparence de la République et canton de Genève, boulevard Helvétique 27, 1207 Genève.
Objet
Accès à des documents de la Commission cantonale
de surveillance des professions de la santé et des
droits des patients,
recours contre l'arrêt de la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 23 août 2022 (ATA/835/2022 - A/644/2022-LIPAD).
Faits :
A.
Le 5 juillet 2021, le Département de la sécurité, de la population et de la santé du canton de Genève (ci-après: le département) a prononcé une interdiction de pratiquer durant trois mois et une amende de 20'000 fr. à titre de mesure disciplinaire à l'encontre de A.________, médecin gynécologue exerçant à l'Institut B.________, en raison de pratiques dispendieuses (polypragmasie [notes d'honoraires qui sont, en moyenne, sensiblement plus élevées que celles des autres médecins pratiquant dans une région et avec une clientèle semblable]). Cette décision fait suite à sept plaintes et dénonciations de patientes et à un préavis de la Commission cantonale de surveillance des professions de la santé et des droits des patients (ci-après: la commission). L'intéressé a recouru contre cette sanction auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice genevoise.
Aux mois de juillet et d'août 2021, A.________ a requis de la commission, en se fondant sur la loi genevoise sur l'information du public du 5 octobre 2001, l'accès aux documents et la protection des données personnelles (LIPAD; RS/GE A 2 08), la remise de son dossier personnel, y compris les procès-verbaux des séances du bureau, de la commission plénière et des sous-commissions, ainsi que les préavis. Il demandait également la remise, sous forme caviardée, des décisions de classement rendues au cours des cinq dernières années, afin de vérifier que l'égalité de traitement avait été respectée. Il a formé la même demande dans le cadre de son recours cantonal contre la sanction infligée par le département.
Le 17 août 2021, la commission refusa l'accès requis, considérant que les procès-verbaux et préavis n'étaient pas transmis aux parties et que l'anonymisation des décisions de classement représentait un travail disproportionné.
L'intéressé a saisi le Préposé cantonal à la protection des données et à la transparence (ci-après: le préposé) qui, après avoir tenu une séance de médiation, consulté deux exemples de décisions caviardées et s'être fait remettre un tableau indiquant le nombre de décisions concernées et le temps nécessaire à leur caviardage, a recommandé le 4 janvier 2022 de ne pas transmettre les documents en question.
Par décision du 21 janvier 2022, le département a refusé l'accès aux décisions de classement, dont l'anonymisation impliquait un travail estimé de manière plausible à 148 heures, ce qui reviendrait à occuper la commission durant plus de cinq semaines. L'intéressé pouvait accéder sur Internet à de nombreux arrêts cantonaux concernant des décisions et préavis de la commission.
B.
Par arrêt du 23 août 2022, la Chambre administrative a rejeté le recours formé contre la décision du département du 21 janvier 2022. La commission étant rattachée administrativement au département, ce dernier pouvait statuer sur la demande de consultation par voie d'évocation. La commission n'était pas un tribunal au sens de l'art. 6 CEDH, de sorte que le principe de publicité de la justice consacré par cette disposition n'était pas applicable. Il n'y avait pas non plus d'obligation générale de publicité découlant de la LIPAD, excepté la publication d'un rapport d'activité annuel. Le droit individuel d'accès garanti à l'art. 24 LIPAD ne permettait pas d'obtenir les 243 décisions de classement rendues par la commission, le travail d'anonymisation apparaissant disproportionné. L'accès à des documents non caviardés, moyennant un engagement de confidentialité, n'était pas non plus admissible au regard des données sensibles concernant les professionnels de la santé et les patients.
Par arrêt du même jour, la Chambre administrative a partiellement admis le recours formé contre la sanction disciplinaire; elle a annulé l'amende de 20'000 fr. mais a confirmé l'interdiction de pratiquer pour une durée de trois mois. A.________ a recouru au Tribunal fédéral contre cet arrêt (cause 2C_804/2022).
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral de réformer le premier arrêt cantonal du 23 août 2022 précité, en ce sens qu'il est donné ordre au département, respectivement à la commission de lui fournir, sous forme anonymisée, les décisions de classement prononcées au cours des cinq dernières années; subsidiairement, il demande l'accès à ces décisions moyennant la signature d'un accord de confidentialité.
La Chambre administrative persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt, sans autres observations. Le département conclut au rejet du recours. Le préposé se réfère à sa recommandation. Le recourant a répliqué le 31 janvier 2023 et le département a présenté une écriture spontanée le 17 février 2023, qui a été communiquée au recourant.
Considérant en droit :
1.
L'arrêt attaqué, relatif à une procédure d'accès à des documents au sens de la LIPAD, constitue une décision finale (art. 90 LTF) rendue dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Le recourant, qui a pris part à la procédure devant l'autorité précédente (art. 89 al. 1 let. a LTF), est particulièrement touché par l'arrêt attaqué qui confirme le refus de sa demande d'accès. Il dispose ainsi d'un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de l'arrêt attaqué (art. 89 al. 1 let. b et c LTF).
Les autres conditions formelles de recevabilité énoncées aux art. 82 ss LTF sont remplies, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière.
2.
Invoquant en premier lieu l'art. 29 al. 1 Cst. en lien avec les art. 3, 30 et 51 LIPAD ainsi que l'art. 2 de la loi cantonale sur la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 7 avril 2006 (LComPS; RS/GE K 3 03), le recourant considère que la décision du département serait nulle car ce dernier n'était pas compétent pour statuer: l'institution saisie de la demande d'accès était la commission et il appartenait à celle-ci de se prononcer. Le département n'avait d'ailleurs pas mentionné son droit d'évocation dans sa décision, une telle justification ne pouvant intervenir
a posteriori. Le "responsable LIPAD" du département pourrait intervenir en matière de protection des données, mais pas en matière d'accès à des documents. L'intervention du département à la place de la commission porterait atteinte à l'indépendance dont cette dernière bénéficie de par la loi.
2.1. Selon la jurisprudence constante, la nullité absolue ne frappe que les décisions affectées des vices les plus graves, manifestes ou du moins facilement décelables et pour autant que sa constatation ne mette pas sérieusement en danger la sécurité du droit (ATF 148 IV 445 consid. 1.4.2; 147 IV 93 consid. 1.4.4; 147 III 226 consid. 3.1.2; 146 I 172 consid. 7.6; 145 IV 197 consid. 1.3.2; 145 III 436 consid. 4; 144 IV 362 consid. 1.4.3). Sauf dans les cas expressément prévus par la loi, il ne faut admettre la nullité qu'à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d'annulabilité n'offre manifestement pas la protection nécessaire. Entrent avant tout en considération comme motifs de nullité l'incompétence fonctionnelle et matérielle de l'autorité appelée à statuer, ainsi qu'une erreur manifeste de procédure (ATF 145 IV 197 consid. 1.3.2; 143 III 495 consid. 2.2; 138 II 501 consid. 3.1). La décision d'une autorité fonctionnellement et matériellement incompétente pour statuer est affectée d'un vice grave, qui constitue en principe un motif de nullité, à moins que l'autorité ayant statué ne dispose d'un pouvoir décisionnel général dans le domaine concerné (ATF 148 IV 445 consid. 1.4.2; 137 III 217 consid. 2.4.3; 127 II 32 consid. 3g).
2.2. La demande d'accès fondée sur l'art. 24 LIPAD doit être présentée à l'institution qui détient les documents (art. 24 al. 1 et 28 LIPAD). L'art. 14 al. 4 de la loi cantonale sur les commissions officielles du 18 septembre 2009 (LCOf; RS/GE A 2 20) prévoit que les requêtes individuelles d'accès à des documents susceptibles d'être communiquées au sens de la LIPAD doivent être adressées au président de la commission qui statue. L'art 7 al. 2 LComPS précise qu'en cas de concours d'application entre les prescriptions régissant les professionnels de la santé et celles de la LIPAD, le président de la commission statue sur l'ensemble des griefs et prétentions. Comme le relève la cour cantonale, la contestation ne porte en l'occurrence que sur les prétentions découlant de la LIPAD, de sorte que cette dernière disposition n'était pas applicable.
Selon l'art. 50 al. 1 LIPAD, des responsables ayant une formation appropriée et les compétences utiles doivent être désignés pour garantir une application correcte de la loi. Selon l'art. 21 du règlement d'exécution de la LIPAD du 21 décembre 2011 (RIPAD; RS/GE A 2 08.01), chaque département ainsi que la chancellerie d'Etat désigne un responsable LIPAD doté d'une formation juridique et d'une expérience dans les domaines de la transparence et de la protection des données, et portant un intérêt aux nouvelles technologies (al. 1). Le responsable LIPAD est chargé d'exercer les compétences visées aux articles 39, alinéas 2 et 5, 42, alinéa 3, 44, alinéas 1 et 2, 49 et 51 de la loi. Il a en outre la tâche de défendre la position de l'institution devant les autorités judiciaires dans le cadre de recours intentés en matière de protection des données et de transparence (al. 2). Le responsable LIPAD collabore dans toute la mesure utile, notamment, avec la direction et les organes de l'unité administrative concernée (al. 3).
Selon l'art. 51 al. 2 LIPAD, les responsables désignés détiennent, à l'égard des organes placés sous leur surveillance, la compétence: d'exiger tous renseignements utiles au traitement, notamment, des demandes d'accès (let. a); de donner les instructions utiles sur le traitement, notamment, des demandes d'accès (let. b) et de prendre par voie d'évocation les décisions d'application de la présente loi entrant ordinairement dans leur sphère de compétence (let c).
En l'occurrence, la commission est rattachée administrativement au département (art. 2 al. 1 LComPS), de sorte que le responsable LIPAD est celui du département. Les compétences de la commission concernant au premier chef le respect des prescriptions sur les professions de la santé, et les droits des patients (art. 1 et 7 LComPS), c'est dans ces domaines qu'elle dispose de l'indépendance que lui reconnaît l'art. 2 al. 1 LComPS. En matière de traitement des données et de demandes d'accès en revanche, le responsable du département dispose d'un droit d'instruction et d'évocation qui lui permettait de statuer lui-même sur la demande soumise à la commission. Ce droit d'évocation étant prévu par la loi, on ne voit pas pourquoi le département aurait dû le rappeler expressément dans sa décision pour pouvoir l'exercer.
Il ne saurait dès lors être question d'incompétence manifeste susceptible de constituer un cas de nullité. L'argument fondé sur l'art. 29 Cst. n'a pas de portée propre dans un tel contexte et ne saurait conduire à un libre examen des dispositions de droit cantonal de procédure. Le grief doit par conséquent être rejeté.
3.
Le recourant invoque les art. 6 par. 1 CEDH, 14 Pacte ONU II, 8 et 16 al. 3 Cst. Il relève que le principe de publicité de la jurisprudence garanti par ces dispositions s'applique à tous les tribunaux, même de première instance, le travail d'anonymisation ne constituant pas un motif de refus. Les procédures disciplinaires mettant en jeu une interdiction de pratiquer une profession seraient également soumises à cette exigence. Tel serait le cas de la procédure devant la commission, celle-ci pouvant prononcer diverses injonctions, un avertissement, un blâme ou une amende jusqu'à 20'000 fr., le département étant pour sa part compétent pour infliger une interdiction temporaire ou définitive de pratiquer. L'accès à la jurisprudence de la Cour de justice serait insuffisant puisque les décisions de classement sont rarement contestées.
3.1. Les art. 6 par. 1 CEDH, 14 Pacte ONU II et 30 al. 3 Cst. garantissent le principe de publicité de la justice (ATF 139 I 129 consid. 3.3; 137 I 16 consid. 2.2), afin d'assurer la transparence dans ce domaine en permettant au public de vérifier de quelle manière les procédures sont menées et la jurisprudence est rendue (ATF 143 I 194 consid. 3.1; 139 I 129 consid. 3.3). Les décisions des autorités judiciaires doivent en général être accessibles et leur consultation n'est pas soumise à l'existence d'un intérêt particulier (ATF 139 I 129 consid. 3.6).
3.2. Une autorité judiciaire au sens de l'art. 6 par. 1 CEDH est une autorité décisionnelle indépendante, instituée par la loi, qui tranche définitivement un litige en se fondant sur le droit applicable et selon des règles de procédure prévues par la loi (cf. ATF 138 I 154 consid. 2.6; 126 I 228 consid. 2c). Tel n'est pas le cas de la commission: celle-ci constitue, fonctionnellement, une autorité administrative: elle est rattachée administrativement au département (art. 2 al. 1 LComPS). L'autorité chargée en son sein de l'examen des plaintes, dossiers et dénonciations dont la commission se saisit d'office est un bureau de trois membres qui peut décider d'un classement immédiat, de l'envoi du dossier en médiation, à une sous-commission ou à une délégation (art. 10, 14, 15 et 17 LComPS). Elle émet ensuite un préavis à l'intention du département lorsqu'elle constate, au terme de l'instruction, qu'un professionnel de la santé a commis une violation de ses obligations susceptible de justifier une interdiction temporaire ou définitive de pratiquer (cf. art. 7 al. 1 let. a et 19 LComPS).
Ainsi, en tant qu'autorités administratives, la Commission de surveillance, son Bureau et ses sous-commissions ne sont pas soumis à l'art. 6 CEDH. Les arrêts de la CourEDH mentionnés par le recourant (Grosam c. République tchèque du 23 juin 2022, requête n° 19750/13, § 90; Reczkowicz c. Pologne du 22 juillet 2021, requête n° 43447/19, § 183 ss) ne viennent nullement contredire ce point: ces arrêts se prononcent uniquement sur l'applicabilité de l'art. 6 CEDH à des interdictions de pratiquer concernant certaines professions, mais ne l'étendent pas pour autant à tous les stades de la procédure en particulier celle de l'instruction devant une autorité administrative;
a fortiori en va-t-il ainsi des décisions de classement rendues par une telle autorité (seul objet de la présente procédure), qui ne comportent aucune sanction ni aucune atteinte au droit d'exercer une profession.
Contrairement à ce que soutient le recourant, la différence de traitement entre les tribunaux proprement dits et les autorités administratives résulte du champ d'application de l'art. 6 CEDH, et ne saurait constituer une inégalité de traitement. Le grief doit lui aussi être rejeté.
4.
Le recourant se plaint ensuite d'une application arbitraire des art. 23, 24, 26 al. 5 et 68 LIPAD. Il estime que la commission serait soumise à cette loi et que l'art. 23 LIPAD impose la publicité des décisions. Admettre le contraire permettrait à la commission d'opérer dans la plus totale opacité, contrairement au but de la LIPAD.
4.1. Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable. Par conséquent, si celle-ci ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation cantonale en cause, elle sera confirmée, même si une autre solution paraît également concevable, voire préférable. De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 148 II 465 consid. 8.1; 144 I 170 consid. 7.3). Dans ce contexte, le recours est soumis aux exigences accrues de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF.
4.2. La LIPAD régit l'information relative aux activités des institutions (art. 5 ss LIPAD) et la protection des données personnelles (art. 35 ss LIPAD; art. 1 al. 1 LIPAD). La loi s'applique notamment aux pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire cantonaux ainsi que leurs administrations et les commissions qui en dépendent (art. 3 al. 1 let. a LIPAD). A son titre II (art. 5 - 34), la loi distingue trois aspects de la transparence: la publicité des séances des différentes institutions (chapitre I), le devoir d'information (chapitre II) et le droit d'accès aux documents (chapitre III). Le devoir d'information impose aux institutions de communiquer spontanément au public les informations de nature à l'intéresser, à moins qu'un intérêt prépondérant ne s'y oppose (art. 18 al. 1). Ce devoir concerne le Grand Conseil (art. 19), le Conseil d'Etat (art. 19A), le pouvoir judiciaire (art. 20), les autorités de police (art. 21), les communes (art. 22) et enfin les "autres institutions", qui "prennent les mesures nécessaires pour que leurs activités, leurs décisions, leurs résultats et leur situation financière soient portés à la connaissance du public, à moins qu'un intérêt prépondérant ne s'y oppose" (art. 23 LIPAD).
Dans la mesure où la commission ne peut, comme on l'a vu, être considérée comme une autorité judiciaire, la cour cantonale a retenu qu'elle pouvait être considérée comme une "autre institution", et a estimé que la publication du rapport d'activité (art. 7 al. 3 LComPS) satisfaisait à cette obligation, compte tenu du fait que la commission et le bureau siègent à huis-clos (art. 12 LComPS) et que les procès-verbaux des séances ne sont pas publics (art. 15 al. 1 LCOf). Le recourant ne parvient pas, cela étant, à démontrer que le raisonnement de la cour cantonale, tout comme le résultat auquel elle est parvenue, seraient arbitraires s'agissant de l'obligation active d'information. L'arrêt attaqué n'a nullement pour effet de soustraire la commission à la LIPAD puisqu'il reconnaît que cette institution est soumise d'une part à l'obligation d'information et d'autre part, comme on le verra, au droit d'accès consacré aux art. 24 ss de la loi.
Dans la mesure où il est suffisamment motivé, le grief doit être écarté.
5.
Le recourant se plaint ensuite d'une violation du principe de la proportionnalité et d'arbitraire dans l'application de l'art. 27 LIPAD. Il conteste que l'anonymisation des décisions représenterait 148 heures de travail. Il remet en cause le temps nécessaire à retrouver les décisions en cause (10 min. par décision), ainsi que les autres motifs retenus pour justifier le caractère disproportionné du travail d'anonymisation (archivage des décisions, travail à effectuer par un juriste, composition réduite du greffe de la commission, activité accessoire de ses membres et impossibilité d'utiliser le logiciel d'anonymisation), considérations qui seraient sans pertinence au regard de l'obligation de résultat incombant à l'autorité.
5.1. Selon l'art. 24 al. 1 LIPAD, toute personne, physique ou morale, a accès aux documents en possession des institutions publiques, sauf exception prévue ou réservée par la loi. Ces documents sont tous les supports d'informations détenus par une institution contenant des renseignements relatifs à l'accomplissement d'une tâche publique (art. 25 al. 1 LIPAD). En édictant cette loi, le législateur genevois - à l'instar du législateur fédéral lors de l'adoption de la LTrans (RS 152.3) - a voulu passer d'un régime du secret assorti d'exception, prévalant jusqu'alors pour l'administration genevoise, à celui de la transparence sous réserve de dérogation. Cette évolution législative est propre à renforcer tant la démocratie que le contrôle de l'administration, ainsi qu'à valoriser l'activité étatique et à favoriser la mise en oeuvre des politiques publiques. L'instauration d'un droit individuel d'accès aux documents représente l'innovation majeure propre à conférer sa pleine dimension au changement de culture qu'implique l'abandon du principe du secret (ATF 148 II 16 consid. 3.1; cf. également arrêts 1C_132/2022 du 20 mars 2023 consid. 3.1; 1C_25/2017 du 28 août 2017 consid. 3.1; 1C_277/2016 du 29 novembre 2016 consid. 3.2).
Toutefois, l'application de la LIPAD n'est pas inconditionnelle. Les art. 26 et 27 LIPAD fixent en effet des exceptions et limitations au droit d'accès. Sont ainsi soustraits à ce droit les documents à la communication desquels un intérêt public ou privé prépondérant s'oppose (art. 26 al. 1 et 2 LIPAD). Sont aussi exclus les documents à la communication desquels le droit fédéral ou une loi cantonale fait obstacle (art. 26 al. 4 LIPAD). L'institution peut également refuser de donner suite à une demande d'accès à un document dont la satisfaction entraînerait un travail manifestement disproportionné (art. 26 al. 5 LIPAD).
5.2. Le recourant ne conteste pas que les décisions de classement que la commission est amenée à rendre contiennent des données personnelles, voire des données sensibles tant au sujet des praticiens faisant l'objet de plaintes ou de dénonciations que des patients eux-mêmes, ce qui nécessite un travail d'anonymisation conséquent. Le préposé s'est rendu le 6 décembre 2021 dans les locaux de la commission où il a consulté deux décisions de classement avant et après instruction. Il a reçu des explications sur le travail de caviardage nécessaire. Le 10 décembre suivant, la commission lui a remis un tableau indiquant le nombre de décisions de classement sur la période visée, soit 130 avant instruction et 113 après instruction, soit 243 au total. Le temps de recherche est estimé à 10 minutes par document, et le temps destiné au caviardage (photocopies, relecture et caviardage proprement dit) à 15 minutes par document, soit au total 148 heures. Dans sa recommandation, le préposé a estimé cette estimation plausible, compte tenu notamment de l'attention nécessaire, incompatible avec un travail machinal ou automatisé. Le recourant se contente d'affirmer que le temps nécessaire au traitement de sa demande proviendrait d'un manque d'organisation de l'institution, mais il n'indique nullement en quoi consisteraient les carences en question. Il se prévaut par ailleurs d'une obligation de résultat, mais une telle obligation (qui peut être retenue pour la jurisprudence des autorités judiciaires, cf. arrêt 1C_225/2019 du 27 juin 2019 consid. 5.1) n'existe pas comme on l'a vu pour une autorité administrative telle que la commission. Les instances précédentes pouvaient, dans ces circonstances, retenir sans arbitraire que la demande d'accès du recourant présentait un travail excessif pour l'autorité au sens de l'art. 26 al. 5 LIPAD.
5.3. A titre subsidiaire, le recourant estime qu'il aurait dû être autorisé à consulter les décisions en question au siège de l'autorité, moyennant la signature d'un engagement de confidentialité. Il relève que les jugements pénaux contiennent par nature des données sensibles mais que le Tribunal fédéral a reconnu le droit à leur consultation moyennant un tel engagement de confidentialité (arrêt 1C_225/2019 du 27 juin 2019). Il estime que la question de son intérêt à la consultation ne serait pas pertinente dès lors qu'un tel intérêt n'est pas exigé par la LIPAD.
L'arrêt 1C_225/2019 porte sur l'accès à la jurisprudence d'un tribunal proprement dit (en l'occurrence la Cour de justice), qui constitue une obligation de résultat selon les principes rappelés ci-dessus (consid. 3.1) et qui devait être concrétisée, en l'absence de publication suffisante, par un droit de consulter les décisions au siège de l'autorité. Comme cela est relevé ci-dessus, un tel droit n'existe pas pour les décisions de la commission.
En outre, si le recourant remarque avec raison que l'existence d'un intérêt n'est pas en soi nécessaire pour justifier d'un droit d'accès au sens de la LIPAD, l'intérêt du requérant est naturellement pris en compte dans le cadre de l'examen de la proportionnalité d'un refus. La sphère privée et les données personnelles sont en effet protégées par l' art. 13 al. 1 et 2 Cst. (ainsi que par l'art. 26 al. 2 let. f à h LIPAD), et il ne peut donc y être porté atteinte par l'autorité qu'aux conditions de l'art. 36 Cst. Dans le cadre de cette pesée d'intérêts, il y a lieu de prendre en compte, d'une part, la motivation de la demande de consultation et, d'autre part, la gravité de l'atteinte aux droits de la personnalité qu'elle est susceptible d'occasionner (arrêt 1C_136/2019 du 4 décembre 2019 consid. 2.4). En l'occurrence, les décisions de classement de la commission contiennent comme on l'a vu des données sensibles pouvant notamment être couvertes par le secret médical. L'intérêt du recourant consiste à pouvoir s'assurer que la décision prise à son encontre respecte le principe d'égalité de traitement, au regard des décisions de classement prises par la commission. Le recourant a toutefois fait l'objet non pas d'une décision de classement par la commission, mais d'une sanction prononcée par le département. De telles décisions sont susceptibles de recours auprès de la Chambre administrative, et les arrêts rendus à ce propos sont publiés sur Internet. Le recourant ne prétend d'ailleurs pas que cette source de renseignement serait insuffisante.
Le grief doit lui aussi être rejeté
6.
Dans un dernier grief, le recourant relève qu'il avait, en réplique devant la cour cantonale, formulé des conclusions limitées visant l'accès aux décisions de classement concernant le reproche de polypragmasie; la cour cantonale a considéré que ces conclusions étaient irrecevables car elles sortaient du cadre du litige. Se plaignant de déni de justice et d'un formalisme excessif, le recourant considère qu'il pouvait présenter des conclusions subsidiaires restreignant ses conclusions initiales.
6.1. Selon la jurisprudence, une autorité cantonale de recours commet un déni de justice formel si elle omet de statuer sur une conclusion d'un recours dont elle est valablement saisie, alors qu'elle est compétente pour le faire (ATF 133 III 235 consid. 5.2; 125 III 440 consid. 2a; 120 Ia 220 consid. 2a).
6.2. Dans sa réplique du 20 mai 2022, le recourant s'est déterminé sur les observations du département cantonal. Il ajoutait, dans une ultime remarque intitulée "En tout état de cause": "Dans tous les cas, il serait intéressant que les décisions de classement ou de sanction en lien avec le reproche de polypragmasie soient remises par l'autorité intimée". La requête en question apparaît effectivement nouvelle puisqu'elle vise non seulement les décisions de la commission mais également celles du département. Par ailleurs, si le recourant entendait formuler une nouvelle conclusion (prétendument subsidiaire), il lui appartenait de la présenter clairement comme telle et de fournir à ce propos une motivation adéquate, qui fait en l'occurrence totalement défaut. La cour cantonale n'a dès lors pas commis de déni de justice en refusant d'entrer en matière sur ce point.
7.
Sur le vu de ce qui précède, le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge du recourant qui succombe.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires du recourant, au Département de la sécurité, de la population et de santé, au Préposé cantonal à la protection des données et à la transparence ainsi qu'à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève.
Lausanne, le 20 juin 2023
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Kneubühler
Le Greffier : Kurz