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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1B_493/2019  
 
 
Arrêt du 20 décembre 2019  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Chaix, Président, 
Kneubühler et Haag, 
Greffier : M. Parmelin. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Olivier Peter, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy. 
 
Objet 
Procédure pénale; refus de nomination d'avocat d'office, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 30 août 2019 (P/9048/2019 ACPR/651/2019). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Par ordonnance pénale du 28 avril 2019, le Ministère public de la République et canton de Genève a reconnu A.________ coupable de dommages à la propriété, d'injure, de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, de violation grave des règles de la circulation routière et d'entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire et l'a condamné à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à 50 francs le jour avec sursis pendant 3 ans ainsi qu'à des amendes de 1'200 francs et 1'500 francs. Il lui est reproché d'avoir commis, le 27 avril 2019, à Meyrin, plusieurs infractions graves à la loi fédérale sur la circulation routière au volant de son véhicule, d'avoir refusé d'obtempérer lors de son interpellation par les forces de l'ordre, d'avoir cassé la vitre et tordu le cadre de la portière arrière droite d'une voiture de police en donnant un coup de pied, blessant par la même occasion un gendarme et cassant son téléphone portable, d'avoir donné plusieurs coups de pied à un autre gendarme en se débattant, de l'avoir insulté et d'avoir refusé de se soumettre à une prise de sang et à une récolte des urines. 
Le 6 mai 2019, A.________ a fait opposition à cette ordonnance. Le 19 juin 2019, il a signé une procuration en faveur de Me Olivier Peter et renvoyé au Ministère public le formulaire relatif à sa situation personnelle en vue de la désignation d'un défenseur d'office. Le 4 juillet 2019, Me Olivier Peter s'est constitué pour la défense de A.________, a confirmé l'opposition de son mandant et requis l'assistance judiciaire gratuite et sa nomination en tant qu'avocat d'office. 
Par ordonnance du 16 juillet 2019, le Ministère public a refusé de faire droit à cette requête aux motifs que le requérant disposait des moyens nécessaires de recourir aux services d'un conseil de choix et que l'assistance d'un défenseur n'était pas justifiée pour la sauvegarde de ses intérêts, la cause ne présentant pas de difficultés particulières juridiques ou factuelles. 
La Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève a rejeté le recours formé par A.________ contre cette décision au terme d'un arrêt rendu le 30 août 2019. 
 
B.   
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt, de constater que son droit à un défenseur d'office a été violé, de le mettre au bénéfice de l'assistance juridique avec effet au 19 juin 2019 et de nommer d'office Me Olivier Peter, de constater que les preuves administrées avant la désignation d'un défenseur par le Ministère public ne sont pas exploitables et doivent être retirées du dossier et de renvoyer la cause à cette autorité pour la suite de l'instruction. Il conclut subsidiairement à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la Chambre pénale de recours pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il sollicite enfin le bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale. 
Le Ministère public conclut au rejet du recours. La Chambre des recours pénale se réfère aux considérants de son arrêt. 
Le recourant a répliqué. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours en matière pénale est immédiatement ouvert contre une décision incidente par laquelle l'assistance judiciaire est refusée à une partie à la procédure pénale dans la mesure où elle est susceptible de lui causer un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 140 IV 202 consid. 2.2 p. 205). Le recourant, prévenu et auteur débouté de la demande de désignation d'un défenseur d'office, a qualité pour agir (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF). Le recours a été formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 LTF). L'objet du litige est le refus d'octroyer l'assistance judiciaire au recourant et ne s'étend pas à la question de la recevabilité des preuves recueillies qui fait l'objet d'une requête distincte adressée au Ministère public le même jour que le recours formé auprès de la Cour de justice contre l'ordonnance de refus de nomination d'un avocat d'office. Partant, la conclusion du recourant tendant à ce que le Tribunal fédéral constate que les preuves administrées avant la désignation d'un défenseur par le Ministère public sont inexploitables et soient retirées du dossier pénal est irrecevable (art. 99 al. 2 LTF). Sous cette réserve, il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.   
Le recourant reproche en premier lieu à l'autorité précédente d'avoir violé les art. 130 let. c et 131 al. 1 CPP, au terme d'une appréciation incomplète et arbitraire des faits, en considérant qu'il était en mesure de se défendre seul en dépit du trouble de la personnalité dont il souffre. 
 
2.1. Conformément à l'art. 130 let. c CPP, le prévenu doit avoir un défenseur notamment lorsqu'en raison de son état physique ou psychique ou pour d'autres motifs, il ne peut suffisamment défendre ses intérêts dans la procédure et si ses représentants légaux ne sont pas en mesure de le faire.  
Selon la jurisprudence, la question de la capacité de procéder doit être examinée d'office. Cependant, des indices de limitation ou d'absence d'une telle capacité doivent exister pour qu'il puisse être attendu de l'autorité qu'elle obtienne des éclaircissements à ce sujet. Une incapacité de procéder n'est ainsi reconnue que très exceptionnellement, soit en particulier lorsque le prévenu se trouve dans l'incapacité de suivre la procédure, de comprendre les accusations portées à son encontre et/ou de prendre raisonnablement position à cet égard (arrêt 1B_314/2015 du 23 octobre 2015 consid. 2.2 et les arrêts cités). 
Dans la doctrine, l'hypothèse prévue à l'art. 130 let. c CPP est notamment tenue pour réalisée lorsque le prévenu n'est plus à même d'assurer, intellectuellement ou physiquement, sa participation à la procédure, à l'image des cas visés par l'art. 114 al. 2 et 3 CPP (MOREILLON/PAREIN-REYMOND, Petit commentaire CPP, 2016, n. 15 ad art. 130 CPP). A titre d'incapacités personnelles, il peut s'agir de dépendances à l'alcool, aux stupéfiants ou à des médicaments susceptibles d'altérer les capacités psychiques (MOREILLON/PAREIN-REYMOND, op. cit., n. 16 ad art. 130 CPP), ainsi que de troubles mentaux sévères ou même légers (NIKLAUS SCHMID, Praxiskommentar, Schweizerische Strafprozessordnung (StPO), 2013 n. 9 ad art. 130 CPP; HARARI/ALIBERTI, Commentaire romand CPP, 2011, n. 30 ad art. 130 CPP). S'agissant plus particulièrement des empêchements psychiques, il n'est pas nécessaire que le prévenu souffre de troubles d'ordre psychiatrique, mais il suffit de pouvoir établir qu'il ne saisit pas ou plus les enjeux auxquels il est confronté dans la procédure pénale (MOREILLON/PAREIN-REYMOND, op. cit., n. 17 ad art. 130 CPP; NIKLAUS RÜCKSTUHL, Basler Kommentar StPO, 2011, n. 30 ad art. 130 CPP). 
La direction de la procédure dispose d'une marge d'appréciation pour déterminer si le prévenu frappé d'une incapacité personnelle peut suffisamment se défendre ou non; au vu du but de protection visé par le cas de défense obligatoire, l'autorité devra cependant se prononcer en faveur de la désignation d'un défenseur d'office en cas de doute ou lorsqu'une expertise psychiatrique constate l'irresponsabilité du prévenu ou une responsabilité restreinte de celui-ci (arrêt 1B_279/2014 du 3 novembre 2014 consid. 2.1 et 2.2 in SJ 2015 I p. 172). Le fait que le requérant soit sous curatelle ou qu'il suive une thérapie dans un centre de réhabilitation pour personnes dépendantes à l'alcool et aux stupéfiants ne suffit pas à démontrer une prétendue incapacité psychique de procéder (arrêts 1B_332/2012 du 15 août 2012 consid. 2.4 et 1B_605/2011 du 4 janvier 2012 consid. 2.3). 
 
2.2.   
La Chambre pénale de recours a considéré que les conditions d'une défense obligatoire n'étaient pas réunies. Si le rapport d'intervention psychiatrique d'urgence du 29 avril 2019, sur lequel se fondait le recourant pour alléguer qu'il ne serait pas en état de défendre seul ses intérêts, conclut au constat d'un trouble bipolaire, il précise également qu'il ne s'est agi que d'un seul épisode maniaque. Le prévenu n'a apparemment jamais eu de contact avec le milieu psychiatrique auparavant, n'a pas été hospitalisé en raison de ce diagnostic et a bénéficié d'un traitement ambulatoire et d'un arrêt de travail d'une semaine. Il n'y avait pas là d'éléments permettant de retenir qu'il ne serait pas, en raison de son état psychique, en mesure de comprendre la procédure pénale dirigée contre lui et de présenter ses arguments de défense. 
Si le recourant n'a, au vu du dossier, jamais eu de contact établi avec le milieu psychiatrique depuis son arrivée en Suisse en 2015, l'auteur du rapport de l'intervention psychiatrique d'urgence du 29 avril 2019 a toutefois mis en évidence, à l'anamnèse, de possibles épisodes d'état hypomane par le passé et plusieurs épisodes d'humeur dépressive et un trouble bipolaire I. L'épisode maniaque diagnostiqué s'inscrivait dans la durée puisque cela faisait sept jours que le recourant, aux dires de sa compagne, fondés sur de nombreuses notes vocales sur whatsapp, tenait des propos incohérents, ne dormait presque pas et présentait des idées de grandeur; par ailleurs, les faits ayant donné lieu à l'ordonnance pénale querellée ont été commis au cours de cet épisode. L'un des gendarmes qui s'est constitué partie plaignante a indiqué que le recourant tenait des propos dénués de sens lorsqu'il a été emmené au poste de police. Il ressort par ailleurs du dossier cantonal que le recourant a été amené une seconde fois au Service des urgences de l'Hôpital cantonal, le 2 mai 2019, en raison d'une exacerbation des idées délirantes et d'une hétéroagressivité. Il tenait alors un discours logorrhéique et décousu, et développait des idées de grandeur et de persécution. Dans son rapport d'intervention, la doctoresse qui a pris en charge le recourant a confirmé le diagnostic de trouble bipolaire I, caractérisé par un épisode maniaque avec des symptômes psychotiques (CIM-10 F31.2). Bien que le recourant ne se soit pas prévalu de ce fait dans son recours cantonal, il ressortait du dossier et la cour cantonale devait en tenir compte d'office. Certes, cette praticienne ne se prononce pas sur l'incidence du trouble bipolaire dont souffre le recourant sur la capacité psychique de ce dernier à se défendre seul; l'état du recourant a cependant été jugé suffisamment grave pour ordonner son placement à des fins d'assistance auprès de l'Hôpital de psychiatrie de Belle-Idée durant une semaine. La survenance d'un nouvel épisode maniaque lié au stress de la procédure pénale n'est au demeurant pas exclue compte tenu de l'anamnèse et du diagnostic posés. Le Ministère public se prévaut en vain du fait que le recourant a été en mesure de rédiger seul une opposition détaillée à l'ordonnance pénale alors qu'il se trouvait hospitalisé pour démontrer sa capacité de se défendre seul. Comme le relève son conseil, le recourant ne fait aucun lien, dans son opposition, entre les infractions qui lui sont reprochées avec le trouble bipolaire dont il souffre alors qu'il pourrait expliquer au moins partiellement ses agissements. Dans ces circonstances, l'assistance d'un défenseur s'impose en application de l'art. 130 let. c CPP. A tout le moins, il existe un doute suffisant qui plaide en faveur de cette solution. Sur ce point, le recours est fondé. 
Selon la jurisprudence, une défense d'office ne se justifie pas dans tous les cas de défense obligatoire. Ainsi, lorsque le prévenu a les moyens de rétribuer son avocat, une telle nomination ne se justifie pas (arrêt 1B_364/2019 du 28 août 2019 consid. 3.2 et consid. 3.6). La désignation de Me Olivier Peter en tant que défenseur d'office du recourant dépend ainsi du point de savoir si celui-ci est indigent. 
La Chambre des recours pénale a relevé à cet égard qu'à teneur du rapport du Greffe de l'assistance juridique, le recourant disposait des moyens nécessaires pour s'acquitter des honoraires de son avocat et qu'il n'y avait pas lieu de prendre en considération la cessation future alléguée de l'une de ses sources de revenus, une modification de sa situation financière justifiant, le cas échéant, le dépôt d'une nouvelle demande. 
Il n'est pas contesté que le recourant a achevé son travail de master en septembre 2019 et qu'il ne touche désormais aucune des deux bourses d'étude qui lui avaient été allouées à cette fin. Le solde disponible mensuel ne permet ainsi pas de couvrir les frais d'avocat et de procédure. 
 
3.   
Le recours doit par conséquent être admis dans la mesure où il est recevable. L'arrêt attaqué et l'ordonnance de refus de nomination d'avocat d'office rendue le 16 juillet 2019 par le Ministère public sont annulés. L'assistance judiciaire est accordée au recourant pour la procédure pénale ouverte contre lui sous la référence P/9048/2019 avec effet au 19 juin 2019, date de l'envoi du formulaire d'assistance judiciaire au Ministère public, et Me Olivier Peter lui est désigné en tant que défenseur d'office. 
Le recourant, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat, a droit à des dépens pour les procédures cantonale et fédérale à la charge de la République et canton de Genève (art. 68 al. 1 et 5 LTF). Dans ces conditions, la demande d'assistance judiciaire pour la présente procédure est sans objet. Il n'y a pas lieu de percevoir de frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est admis dans la mesure où il est recevable. L'arrêt attaqué et l'ordonnance de refus de nomination d'avocat d'office rendue le 16 juillet 2019 par le Ministère public de la République et canton de Genève sont annulés. L'assistance judiciaire est accordée au recourant pour la procédure pénale avec effet au 19 juin 2019 et Me Olivier Peter lui est désigné en tant que défenseur d'office. 
 
2.   
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.   
Une indemnité de dépens de 2'000 fr. est allouée au mandataire du recourant pour les procédures cantonale et fédérale à la charge de la République et canton de Genève. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, ainsi qu'au Ministère public et à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 20 décembre 2019 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Chaix 
 
Le Greffier : Parmelin