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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_144/2024  
 
 
Arrêt du 23 août 2024  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, 
Stadelmann et Moser-Szeless. 
Greffier : M. Cretton. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
recourante, 
 
contre  
 
Office de l'assurance-invalidité du canton du Jura, 
rue Bel-Air 3, 2350 Saignelégier, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-invalidité (indemnité journalière), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura du 24 janvier 2024 (AI 6 / 2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________, née en 1971, travaillait comme conductrice de bus auprès des Transports publics de U.________ depuis le 1er février 2018, d'abord à 100 % puis à 80 %. Elle a été victime d'un accident de la circulation routière le 24 mai 2018. Arguant souffrir des séquelles incapacitantes de cet accident, elle a déposé une demande de prestations auprès de l'Office de l'assurance-invalidité du canton du Jura (ci-après: l'office AI) le 17 décembre 2018. Celui-ci lui a notamment alloué des mesures de réadaptation du 9 mars au 31 août 2020 par communications des 26 mars 2020 et 9 juin 2020. Il lui a aussi octroyé une indemnité journalière de 134 fr. 40 pour la durée des mesures par décision du 14 juillet 2020. 
 
B.  
Saisi d'un recours de A.________, qui concluait en substance à l'octroi d'une indemnité journalière de 168 fr., la Cour des assurances du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura l'a rejeté par jugement du 23 mars 2022. Saisi à son tour d'un recours de l'assurée, le Tribunal fédéral a annulé le jugement attaqué et renvoyé la cause au tribunal cantonal pour qu'il respecte le droit d'être entendue de l'intéressée et statue à nouveau (arrêt 9C_215/2022 du 5 janvier 2023). La cour cantonale a permis à A.________ de consulter le dossier et lui a accordé un délai pour compléter son recours, ce que celle-ci a fait le 2 octobre 2023. La juridiction cantonale a une nouvelle fois rejeté le recours par arrêt du 24 janvier 2024. 
 
C.  
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, dont elle demande l'annulation. Elle conclut principalement au renvoi de la cause à la juridiction cantonale "pour nouveau jugement après instruction complémentaire, respectivement débats" et, subsidiairement, à l'octroi d'une indemnité journalière de 168 fr. dès le 9 mars 2020. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière de droit public (au sens des art. 82 ss LTF) peut être formé pour violation du droit (circonscrit par les art. 95 et 96 LTF). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est limité ni par l'argumentation de la partie recourante ni par la motivation de l'autorité précédente. Il statue sur la base des faits établis par cette dernière (art. 105 al. 1 LTF). Cependant, il peut rectifier les faits ou les compléter d'office s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant ne peut critiquer les faits que s'ils ont été constatés de façon manifestement inexacte ou contraire au droit et si la correction d'un tel vice peut influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). 
 
2.  
Sur le fond, le litige porte sur le montant des indemnités journalières auxquelles la recourante a droit pour la période comprise entre les 9 mars et 31 août 2020, en particulier sur le point de savoir si elle a démontré qu'elle aurait exercé une activité à plein temps durant la période de réadaptation sans la survenance de l'atteinte à la santé. 
 
3.  
 
3.1. Dans le cadre du "développement continu de l'AI", la LAI, le RAI et la LPGA - notamment - ont été modifiés avec effet au 1er janvier 2022 (RO 2021 705; FF 2017 2535). Dans la mesure où les modifications en question n'ont aucun effet sur la présente cause, il n'y a pas lieu de se prononcer plus avant sur d'éventuels aspects de droit transitoire.  
 
3.2. L'arrêt attaqué expose notamment les normes et la jurisprudence concernant le droit à des indemnités journalières (art. 22 LAI) ainsi que la détermination de leur montant (art 23 LAI en relation avec les art. 20sexies, 21 et 21bis RAI; voir également arrêt 9C_942/2009 du 15 mars 2010 consid. 3.3). Il suffit d'y renvoyer.  
 
4.  
Le tribunal cantonal s'est en l'occurrence attaché à déterminer s'il était vraisemblable que, sans l'atteinte à la santé, l'assurée aurait augmenté son taux d'occupation de 80 à 100 % durant la période de réadaptation, comme elle le prétendait, ou pas, comme l'office intimé le soutenait. Il a relevé que, selon le questionnaire de l'employeur, la recourante avait débuté son activité de conductrice de bus le 1er février 2018 à 100 % et réduit son taux d'occupation à 80 % dès le 1er mars 2018. Il a admis que cette diminution du temps de travail avait pour objectif de permettre à l'assurée de vendre sa maison, malgré les informations contradictoires ressortant d'une enquête économique sur le ménage. Il n'a cependant pas tenu pour vraisemblable que la recourante aurait repris son activité à plein temps dès le 1er juin 2018. Il a considéré à ce propos que, si l'assurée affirmait avoir convenu avec son employeur une reprise du travail à 100 % dès le 1er juin 2018, les termes de l'attestation délivrée par B.________, responsable des ressources humaines (RH) auprès des Transports publics de U.________, le 17 juin 2020 confirmaient la volonté de la recourante d'augmenter son taux d'occupation à la date indiquée, mais ne permettaient pas de conclure que l'employeur avait consenti à une telle augmentation. Il a en outre constaté que l'assurée admettait qu'il n'existait pas de contrat ou d'avenant au contrat de travail corroborant ce fait et que le certificat médical de la doctoresse C.________, médecin praticien, du 11 septembre 2020 ne permettait pas d'admettre l'augmentation du taux d'occupation dans la mesure où la praticienne se contentait de reproduire les déclarations de sa patiente. Il a encore relevé que les autres éléments du dossier ne conduisaient pas davantage à conclure à la volonté concordante de l'employée et de l'employeur quant à une augmentation du temps de travail. Il s'est fondé à ce propos sur le courriel de D.________, spécialiste RH auprès des Transports publics de U.________, adressé à E.________, collaboratrice de la Caisse de compensation du canton de V.________ (ci-après: la caisse), le 8 juillet 2020. Dans ce courriel, D.________ avait précisé que si la possibilité de réaugmenter le temps de travail avait été discutée, rien de tel n'avait cependant été planifié ni demandé avant l'accident et qu'il n'en avait plus été question après l'accident du fait de l'incapacité de travail survenue. La juridiction cantonale a également pris en considération le courriel de F.________, chef d'équipe chez l'employeur, adressé à E.________ le 1er septembre 2020. Celui-ci avait confirmé que la recourante lui avait demandé avant l'accident s'il était possible d'augmenter le temps de travail et qu'il avait précisé qu'une réponse positive nécessitait une analyse d'exploitation, qui n'avait pas été menée, et une demande écrite, qui n'avait pas été déposée. La cour cantonale a déduit de ces éléments que l'employeur n'avait pas manifesté son intention éventuelle d'accepter l'augmentation en question par la prise d'engagements formels. Il a dès lors considéré que la recourante avait échoué à rendre vraisemblable que, sans atteinte à la santé, elle aurait augmenté son taux d'occupation à 100 % dès le 1er juin 2018 et que c'était à bon droit que l'office intimé avait fixé l'indemnité journalière à 134 fr. 40. 
La juridiction cantonale a par ailleurs considéré que l'audition de B.________, D.________ et F.________ n'était pas nécessaire dans la mesure où les éléments figurant au dossier étaient suffisants pour rendre vraisemblable qu'aucune augmentation du temps de travail n'avait été acceptée par l'employeur. Elle a en outre retenu que la demande de débats formulée par l'assurée s'apparentait plutôt à une requête de preuve, dans la mesure où celle-ci sollicitait la possibilité de donner des explications sur les circonstances de son engagement. Il n'y avait dès lors pas lieu d'organiser les débats requis, ni d'entendre la recourante dont l'audition en l'absence de preuve corroborant ses allégations n'était pas de nature à modifier l'appréciation retenue. 
 
5.  
 
5.1. Dans des griefs de nature formelle, qu'il convient d'examiner en premier (cf. ATF 127 V 431 consid. 3d/aa), la recourante critique la motivation de la décision administrative litigieuse, qu'elle trouve insuffisante, ainsi que celle des écritures déposées par l'office intimé durant la procédure cantonale de recours, qu'elle qualifie d'imprécises. Elle considère qu'il n'était pas possible de comprendre quels étaient les éléments qui avaient fondé la décision de l'administration ou la réponse de cette dernière à son recours cantonal, ni de déterminer les moyens de preuve qui pouvaient être pertinents, ce qui ne l'avait toutefois pas empêchée de demander son audition et celles de plusieurs témoins. Elle relève que, dans son jugement du 23 mars 2022, la cour cantonale a pour la première fois exposé les éléments de motivation, qui justifiaient le rejet de son recours, mais que, pour clarifier ceux-ci, la mise en oeuvre des moyens de preuve requis était nécessaire. Elle estime que, dans la mesure où le tribunal cantonal n'a pas jugé utile de donner suite à ses requêtes de preuve, elle n'a jamais été en mesure d'exercer pleinement ses droits procéduraux (droit d'être entendue, droit à la preuve), de sorte qu'il convient de reconnaître leur violation et de renvoyer la cause à la juridiction cantonale pour qu'ils soient respectés.  
 
5.2. Cette argumentation n'est pas fondée. On relèvera d'abord que, si l'assurée a bien évoqué l'organisation de "débats" en instance cantonale (écriture du 18 avril 2023), sa demande n'a pas le sens d'une demande de débats publics garantis par les art. 30 al. 3 Cst. et 6 par. 1 CEDH (cf. ATF 128 V 288 consid. 2). Une telle demande doit effectivement être formulée de manière claire et sans équivoque. Or la requête formulée en l'espèce est imprécise et a pour seul but, tel qu'il ressort de l'affirmation selon laquelle la juridiction cantonale se devait "d'établir tous les faits, avec mon aide", la propre audition de la recourante et celles de plusieurs témoins en lien avec l'instruction de la cause. Il s'agit incontestablement d'une demande d'administration de preuve qui, selon la jurisprudence, ne suffit pas pour fonder l'obligation de l'autorité judiciaire de première instance d'organiser des débats publics (cf. ATF 136 I 279 consid. 1 et les arrêts cités; arrêt 9C_485/2022 du 20 juin 2023 consid. 5.1).  
On ne saurait ensuite reconnaître dans le déroulement de la procédure cantonale une violation du droit d'être entendue de la recourante. Si la motivation de la décision administrative litigieuse peut certes sembler lacunaire, l'office intimé a cependant indiqué dans sa réponse au recours cantonal du 4 décembre 2020 sur quelles déclarations de l'employeur il s'était fondé pour nier une augmentation du taux d'activité de la recourante pour la période concernée. De plus, après que le jugement du 23 mars 2022 a été annulé pour permettre à l'assurée d'avoir accès au dossier de la cause, celle-ci a pu prendre connaissance des "autres éléments du dossier" qui avaient été évoqués dans ledit jugement pour justifier et confirmer les conclusions de l'office intimé. Or une violation du droit d'être entendu peut être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen (ATF 145 I 167 consid. 4.4 et les références). Tel a bien été le cas en l'occurrence puisque, postérieurement à l'arrêt de renvoi du Tribunal fédéral lui donnant accès au dossier, la recourante a eu la possibilité de compléter son recours, devant une autorité jouissant d'un plein pouvoir d'examen, en toute connaissance des éléments qui justifiaient aux yeux des autorités concernées de nier la prise d'engagements formels de l'employeur quant à l'augmentation du taux d'occupation à 100 % à partir du 1er juin 2018. 
On relèvera finalement que le refus d'auditionner l'assurée et les témoins proposés par celle-ci dans le sens évoqué dans le recours est une question qui n'a pas de portée propre par rapport au grief tiré d'une mauvaise appréciation des preuves (cf. arrêt 8C_15/2009 du 11 janvier 2010 consid. 3.2, in SVR 2010 IV n° 42 p. 132; sur le droit d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuve, cf. notamment ATF 135 II 286 consid. 5.1), de sorte que ce grief sera traité avec le fond du litige. L'autorité peut effectivement renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1). L'assurée a au demeurant eu l'occasion de s'exprimer sur la question litigieuse, quoiqu'elle en dise. 
 
6.  
 
6.1. Sur le fond, la recourante soutient que le courrier de B.________ du 17 juin 2020 est erroné, en tant qu'il évoque un engagement à 80 %, et démontre au degré de la vraisemblance qu'une augmentation du temps de travail avait bien été prévue, dans la mesure où il indiquait qu'une telle augmentation n'avait pas été possible. Elle constate par ailleurs que la juridiction cantonale a admis sa volonté de reprendre son emploi à plein temps, mais a nié celle de l'employeur de l'accepter. Elle considère que cette appréciation est contraire à l'exigence de vraisemblance commandée par l'art. 21bis al. 5 RAI. Elle soutient que son engagement à 100 %, sa volonté de réduire provisoirement son temps de travail, l'absence de contrat correspondant à un taux d'occupation de 80 %, le fait qu'aucune des personnes travaillant pour son employeur n'a exclu une reprise du travail à 100 % et l'absence de pièce démontrant que son employeur refusait l'augmentation en question étaient des indices rendant vraisemblable une telle augmentation. Elle conclut dès lors en substance avoir droit à une indemnité journalière de 168 francs.  
 
6.2. Cette argumentation n'est pas fondée. En effet, en se contentant de supposer ce que les témoins proposés auraient déclaré s'ils avaient été entendus et de donner sa propre interprétation des différents courriers que ceux-ci ont rédigés, en particulier de celui de B.________, l'assurée n'apporte aucun élément qui établirait que l'appréciation anticipée de la cour cantonale à cet égard serait arbitraire et violerait ainsi son droit d'être entendue. La liste des indices que dresse la recourante correspond au demeurant en substance aux éléments qui ont été dûment appréciés par le tribunal cantonal (cf. consid. 4 supra). L'appréciation qu'en donne la recourante ne rend pas plus vraisemblable le fait que l'employeur aurait fermement accepté l'augmentation du taux d'occupation en question pour le 1er juin 2018 que la thèse contraire soutenue par l'autorité judiciaire cantonale. Les déclarations de B.________, D.________ et F.________ ne font état d'aucun élément qui laisserait supposer que l'employeur aurait consenti à l'augmentation du temps de travail voulue par l'assurée. Dans ces circonstances, il n'y a pas lieu de s'écarter de la juridiction cantonale, qui était en droit de confirmer la décision administrative litigieuse.  
 
7.  
Vu l'issue du litige, la recourante supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour des assurances, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 23 août 2024 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
Le Greffier : Cretton