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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_390/2017  
   
   
 
 
 
Arrêt du 23 novembre 2017  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Kiss, Présidente, Klett et Hohl. 
Greffier : M. Piaget. 
 
Participants à la procédure 
X.________ SA, représentée par Me Fabio Spirgi, 
recourante, 
 
contre  
 
F.________, 
intimée. 
 
Objet 
Protection des données, communication transfrontière, motifs justificatifs, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile, du 23 juin 2017 (C/2330/2016, ACJC/739/2017). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. X.________ SA (ci-après: X.________) a chargé A.________ SA (ci-après: A.________), société active dans la gestion de fortune, de gérer en tant que gérant externe divers comptes de clients ouverts auprès d'elle.  
F.________, employée par A.________ entre 2003 et 2009 et qui était directrice adjointe depuis fin 2006, est intervenue dans la gestion de deux comptes qui avaient pour titulaire une société... et pour ayants droit économiques un frère et une soeur de nationalité américaine. 
 
A.b. En 2008, les autorités américaines se sont intéressées aux établissements bancaires suisses, suspectant certains d'entre eux d'avoir aidé des clients américains à éluder l'impôt américain.  
En 2010, les autorités américaines (soit le Ministère de la justice des Etats-Unis,  U.S. Department of Justice [DoJ]) ont ouvert des enquêtes contre onze banques suisses qu'elles soupçonnaient d'avoir aidé des clients américains à se soustraire à leurs obligations fiscales ainsi que d'avoir contrevenu à la réglementation applicable lors des contacts intervenus avec ces clients. Elles ont requis l'entraide administrative de la Suisse en vue d'obtenir des renseignements sur les activités des banques visées aux Etats-Unis.  
Les autorités américaines ont ensuite demandé aux banques concernées de leur transmettre un certain nombre de documents complémentaires (en particulier sur les employés s'étant rendus aux Etats-Unis pour communiquer avec des clients américains) si elles voulaient éviter une inculpation. 
Le 4 avril 2012, le Conseil fédéral a autorisé les banques concernées à transmettre directement aux autorités américaines des données non anonymisées, à l'exception de celles concernant les clients. Cette décision valait autorisation, au sens de l'art. 271 CP, à procéder sur le territoire suisse pour le compte d'un Etat étranger à des actes relevant des pouvoirs publics. Il appartenait toutefois toujours aux banques d'apprécier le risque que leur responsabilité civile soit engagée. 
Le 11 avril 2012, la FINMA a recommandé aux banques concernées de coopérer avec les autorités américaines dans le cadre prévu par le Conseil fédéral, en précisant que la procédure d'entraide administrative était, de ce fait, suspendue. 
 
A.c. Le 14 février 2013, les autorités suisses et américaines ont signé un accord visant à faciliter la mise en oeuvre par les établissements financiers suisses de la loi fiscale américaine (  Foreign Account Tax Compliance Act [FATCA]). Le Conseil fédéral a ensuite soumis au Parlement fédéral un projet de loi fédérale sur les mesures visant à faciliter le règlement du différend fiscal entre les banques suisses et les Etats-Unis. Le 19 juin 2013, le Parlement suisse a refusé d'entrer en matière sur ce projet, considérant qu'il appartenait au Conseil fédéral de trouver des solutions dans le cadre du droit en vigueur.  
Le 3 juillet 2013, le Conseil fédéral a mis sur pied une nouvelle procédure d'autorisation individuelle au sens de l'art. 271 CP (autorisation modèle). 
 
A.d. Le 29 août 2013, le Conseil fédéral et le DoJ ont trouvé un accord visant à mettre un terme au différend fiscal entre les banques suisses et les Etats-Unis. Trois documents servent à concrétiser cet accord: la déclaration commune (  Joint Statement) du Conseil fédéral (Département fédéral des finances) et du DoJ, le programme volontaire américain (  Program for Swiss banks), ainsi que l'autorisation modèle du Conseil fédéral du 3 juillet 2013.  
En vertu du  Joint Statement, le DoJ entend fournir aux banques suisses non impliquées dans une procédure pénale (autorisée par le DoJ) un moyen adapté pour clarifier leur situation (  status) en lien avec l'ensemble des enquêtes menées par le DoJ (complètement d'office selon l'art. 105 al. 2 LTF). Le Conseil fédéral (dans le texte: "  Switzerland "), de son côté, manifeste son intention d'attirer l'attention des banques suisses sur les dispositions du programme américain et de les encourager à envisager une participation. Il relève que le droit suisse en vigueur permettra aux banques suisses une participation effective selon les termes fixés dans le programme.  
Le programme volontaire (  Program for Swiss banks) classe les banques suisses en quatre catégories: la première catégorie, exclue du programme, s'adresse aux banques faisant l'objet d'une enquête pénale du DoJ; la deuxième catégorie, destinée aux banques qui estiment avoir violé le droit fiscal américain, permet à celles-ci de se mettre à l'abri d'une poursuite pénale en échange de leur participation, en concluant un  Non-Prosecution Agreement (NPA); les catégories 3 et 4 visent les banques qui estiment ne pas avoir violé le droit fiscal américain.  
Selon le programme volontaire américain, les banques appartenant à la catégorie 2 doivent communiquer au DoJ le nom et la fonction des personnes ayant " structuré, géré ou supervisé les actions transfrontalières de la banque en lien avec les Etats-Unis " et le nom et la fonction de " toute personne, dont le gestionnaire de la relation client, le conseiller à la clientèle et gestionnaire d'actifs, ayant été en relation avec un  Closed US Related Account ".  
Le 30 août 2013, la FINMA a rappelé aux banques qu'il appartenait à chacune d'elles d'évaluer de manière appropriée les potentiels risques juridiques et de réputation qu'entraînerait une non-participation au programme américain et d'en tenir compte dans leur processus de décision qui devra être documenté. 
 
A.e. X.________ a décidé de participer au programme et elle s'est annoncée comme banque de catégorie 2 auprès du DoJ le 19 décembre 2013.  
Par décision du 24 janvier 2014, le Département fédéral des finances (DFF) a autorisé X.________ à coopérer avec les autorités américaines. 
Par courrier du 5 mai 2015, X.________ a informé F.________ qu'elle avait l'intention de communiquer aux autorités américaines une liste comportant son nom et sa fonction en lien avec les deux comptes qui, selon X.________, remplissaient les conditions des  Closed US Related Accounts.  
Par courrier du 29 mai 2015, l'employée s'est formellement opposée à la communication de ses données, auxquelles elle a eu accès le 9 juin 2015. 
 
A.f. Au début du mois de janvier 2016, en cours de procédure (cf. infra let. B), X.________ a conclu un accord de non-poursuite (  Non-Prosecution Agreement [NPA]) avec le DoJ (  Tax Division) contre le versement d'une amende de USD 187'767'000.-, dont elle s'est acquittée.  
Dans cet accord, qui reprend les obligations du programme américain, X.________ s'engage en outre à continuer à collaborer et à fournir des données aux autorités américaines pendant une période de quatre ans, à compter de la date de l'exécution complète de l'accord (  "...from the date this Agreement is fully executed "). Le DoJ se réserve le droit d'engager des poursuites pénales contre la banque en cas de violation des termes de l'accord. Si une telle violation est constatée, le DoJ s'engage toutefois à le communiquer à X.________, par une notification écrite, avant d'entamer une quelconque procédure. La banque peut alors, dans le délai de trente jours, expliquer par écrit la nature et les circonstances de la violation, ainsi que les actions prises pour y remédier. Ces explications doivent être prises en considération par le DoJ pour déterminer l'opportunité d'engager une procédure contre X.________ (arrêt entrepris p. 9 et complètement d'office selon l'art. 105 al. 2 LTF).  
 
B.  
 
B.a. Sur requête de l'employée, le Président du Tribunal de première instance de Genève, statuant le 12 octobre 2015 sur mesures superprovisionnelles et le 4 janvier 2016 sur mesures provisionnelles, a fait interdiction à X.________ de transmettre à des tiers ou à des Etats tiers des données ou des informations comportant le nom de l'employée, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP.  
 
B.b. Le 3 février 2016, F.________ a ouvert action devant le Tribunal de première instance de Genève, concluant à ce que celui-ci constate le caractère illicite de la transmission de ses données aux autorités américaines et qu'il interdise à X.________, sous menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, de transmettre, de communiquer ou porter à la connaissance de tiers ou d'Etats tiers, de quelque manière que ce soit et sur quelque support que ce soit, des données, des informations ou des documents comportant son nom et/ou ses données ou des informations relatives à elle-même.  
La banque défenderesse s'est opposée à la demande, soutenant que la demanderesse n'encourait aucun risque concret d'atteinte à sa personnalité, qu'il existait par ailleurs un intérêt public prépondérant à la transmission des données et que celle-ci était au demeurant indispensable à la défense de la banque qui entendait éviter une inculpation par les autorités américaines. Elle a pris une conclusion subsidiaire tendant à ce que l'interdiction ne déploie d'effet qu'en relation avec le programme du DoJ et non en relation avec la transmission de données de manière générale, en particulier si elle était requise par une autorité judiciaire ou administrative suisse, notamment l'Administration fédérale des contributions (AFC). 
Par jugement du 30 novembre 2016, le Tribunal de première instance n'a pas donné suite aux conclusions de la demanderesse en constatation du caractère illicite de l'atteinte, mais il a fait interdiction à X.________ de transmettre, de communiquer ou de porter à la connaissance de tiers ou d'Etats tiers, de quelque manière que ce soit et sur quelque support que ce soit, des données, informations ou des documents comportant le nom et/ou des données ou informations relatives à la demanderesse, sous la menace de la peine de l'art. 292 CP, et il a déclaré irrecevable, pour défaut de motivation, la conclusion subsidiaire de la banque. 
 
B.c. Par arrêt du 23 juin 2017, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, sur appel de la défenderesse, a confirmé le jugement entrepris.  
 
C.   
La société défenderesse exerce un recours en matière civile contre l'arrêt cantonal du 23 juin 2017. Elle conclut, principalement, à son annulation et à ce que la demanderesse soit déboutée de toutes ses conclusions et, subsidiairement, à son annulation et au renvoi de la procédure à l'instance précédente. La recourante invoque la violation de l'art. 8 CC et de l'art. 6 LPD
Des déterminations n'ont pas été requises. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement sa compétence, respectivement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 134 III 115 consid. 1, 235 consid. 1, 379 consid. 1). 
 
1.1. Le litige concerne principalement l'application de la loi fédérale sur la protection des données (LPD; RS 235.1). Il s'agit en l'occurrence d'une action civile menée, sur la base de l'art. 6 LPD, par une personne physique contre une banque; la cause divise deux personnes privées et il s'agit donc d'une contestation civile (art. 72 LTF). En refusant la communication de ses données aux autorités américaines, la demanderesse, en tant qu'ex-employée d'une banque de gestion, vise avant tout à éviter un interrogatoire, voire une inculpation pénale aux Etats-Unis (cf. infra consid. 2), de sorte qu'elle ne poursuit pas un but économique. Partant, la contestation porte sur un droit de nature non pécuniaire (ATF 142 III 145 consid. 6.1 et 6.2 p. 150 s.) et le recours en matière civile est donc ouvert sans restriction quant à la valeur litigieuse (cf. art. 74 al. 1 LTF  a contrario).  
Pour le reste, le recours vise un arrêt qui met fin à la procédure et doit être qualifié de décision finale (art. 90 LTF). Il est interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions prises devant l'autorité précédente et qui a donc qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF), et il est dirigé contre une décision rendue par un tribunal supérieur statuant sur recours (art. 75 al. 1 et 2 LTF), si bien que le recours en matière civile est en principe recevable puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 45 al. 1, 48 al. 1 et 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. 
 
1.2. Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Il peut donc également être formé pour violation d'un droit constitutionnel (art. 95 let. a LTF; ATF 136 I 241 consid. 2.1 p. 247; 136 II 304 consid. 2.4 p. 313).  
Le Tribunal fédéral n'est pas lié par l'argumentation des parties (ATF 138 II 331 consid. 1.3 p. 336) et apprécie librement la portée juridique des faits; il s'en tient cependant d'ordinaire aux questions juridiques que la partie recourante soulève dans la motivation de son recours (art. 42 al. 2 LTF; ATF 137 III 580 consid. 1.3 p. 584). 
 
1.3. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire (ATF 136 II 304 consid. 2.4 p. 314; 135 III 127 consid. 1.5 p. 130) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266 et les références). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18 et les références). 
 
2.   
Examinant la question de l'intérêt pour agir de la demanderesse (art. 59 al. 2 let. a CPC), la cour cantonale rappelle que des données similaires ont été remises aux autorités fiscales américaines au cours de procédures (antérieures) d'auto-dénonciation (  Voluntary disclosure) destinées aux sujets fiscaux américains. Ceux-ci pouvaient alors régulariser leur situation en répondant à des questionnaires officiels qui exigeaient la mention des gestionnaires (internes ou externes) et de toute autre personne ou entité ayant aidé à ouvrir et gérer le compte concerné de quelque manière que ce soit (acte de recours p. 7). Les magistrats cantonaux retiennent cependant qu'en l'espèce les données effectivement transmises aux autorités américaines par ce biais ne sont pas connues et, partant, ils reconnaissent que la demanderesse dispose d'un intérêt digne de protection à ce qu'il soit constaté que la transmission des données envisagées par la banque constitue une atteinte à sa personnalité et à ce que celle-ci soit en conséquence interdite.  
Sur le fond, la cour cantonale retient que les Etats-Unis n'offrent pas un niveau de protection des données adéquat au sens de l'art. 6 al. 1 LPD. Elle examine ensuite si la défenderesse peut se prévaloir d'un motif justificatif - en l'occurrence l'intérêt public prépondérant prévu à l'art. 6 al. 2 let. d, première alternative, LPD (seul motif entrant ici en ligne de compte). Elle rappelle que l'intérêt public à ce que les banques suisses participent au programme volontaire américain existe de manière générale, mais qu'il ne prévaut pas automatiquement et nécessairement sur l'intérêt privé qu'un tiers peut avoir, dans un cas concret, à empêcher la communication de ses données personnelles aux autorités américaines. 
Procédant à une pesée des intérêts  in concreto (cf. arrêt 4A_83/2016 du 22 septembre 2016 consid. 3.3.4), la cour cantonale considère que la défenderesse n'a pas établi la prépondérance de l'intérêt public (à transmettre les données) sur l'intérêt privé de la demanderesse (à refuser leur communication). Dans ce cadre, l'autorité précédente retient trois éléments: 1) la possibilité demeure que le DoJ qualifie d'insuffisante la collaboration de la banque, mais que cela reste hypothétique, plus d'une année après la signature de l'accord (NPA) et le paiement de l'amende de près de 188'000'000 USD; 2) la banque n'a apporté aucun élément qui permettrait d'établir que la non-communication du nom d'une employée d'un gérant externe, responsable de seulement deux comptes bancaires dont les soldes ont totalisé tout au plus 1'326'538 USD, serait de nature à remettre en cause l'accord qu'elle a conclu; 3) le simple fait que le DoJ puisse se renseigner sur les procédures en cours (sans que la banque ne démontre que tel serait le cas concernant la présente procédure), ne signifie pas encore que l'attitude de la banque serait perçue comme non coopérante; aucune notification n'a été envoyée par le fisc américain qui irait dans ce sens; une inculpation de la banque est en l'état exclue, bien qu'elle demeure, théoriquement, possible. L'autorité précédente précise encore que la défenderesse, en appel, n'allègue pas qu'elle serait une banque d'importance systémique pour toute la Suisse, ni que sa disparition entraînerait, à tout le moins, de graves répercussions sur l'économie cantonale.  
Enfin, la cour cantonale ajoute que l'intérêt privé de la demanderesse à refuser la communication de ses données est " marqué ": les autorités américaines ont clairement affiché leur intention de poursuivre les personnes ayant participé et/ou facilité la mise en place de comptes offshore et, en cas de transmission des données aux autorités américaines, il existe un risque que la demanderesse soit interrogée, voire poursuivie si elle se rend aux Etats-Unis. 
 
3.   
Il convient d'emblée de relever, pour éviter tout malentendu, que l'éventuelle transmission des données litigieuses aux autorités américaines dans le cadre de la procédure antérieure d'auto-dénonciation (  Voluntary Disclosure) n'est en soi pas déterminante lorsqu'il s'agit de trancher la question de l'intérêt de la demanderesse à former une action tendant à obtenir l'interdiction de la transmission des données la concernant au cours d'une procédure américaine différente (programme du DoJ). Dans l'application de l'art. 59 al. 2 let. a CPC, il faut en effet constater que si la demanderesse était empêchée de former une telle action, ses données seraient alors directement transmises au DoJ, par la banque qui a l'intention de le faire, dans le cadre d'un programme impliquant des acteurs reconnaissant avoir transgressé le droit américain. Il est dès lors patent qu'elle dispose d'un intérêt digne de protection à agir.  
Savoir si la remise de données aux autorités américaines au cours de la procédure d'auto-dénonciation influence la pesée des intérêts qu'il s'agit d'entreprendre en application de l'art. 6 al. 2 LPD en lien avec le programme du DoJ, est une question différente, qui a trait au fond (et non à la recevabilité de la demande). 
Le résultat auquel l'instance précédente est arrivée peut donc être confirmé, par substitution de motifs. 
 
4.   
Sur le fond, la recourante (banque défenderesse) soutient que la cour cantonale a violé l'art. 8 CC et l'art. 6 LPD en ne retenant pas que les données litigieuses ont déjà été remises aux autorités américaines au cours d'une procédure de  Voluntary Disclosure (ce qui permettrait, selon la recourante, de nier tout intérêt privé de la demanderesse à refuser la communication de ses données aux USA) et (comme conséquence logique du constat qui précède) en n'admettant pas l'existence d'un intérêt public prépondérant.  
Plus précisément, la question litigieuse principale est ici de savoir si l'autorité cantonale a violé l'art. 6 al. 2 LPD en considérant que la transmission des données litigieuses n'était pas indispensable à la sauvegarde d'un intérêt public prépondérant. Quant aux allégations de la banque en rapport avec la procédure de  Voluntary Disclosure, qui doivent être distinguées de la question principale, il en sera tenu compte lors de la subsomption.  
 
4.1. Selon l'art. 6 al. 1 LPD, aucune donnée personnelle (cf. art. 3 LPD) ne peut être communiquée à l'étranger si la personnalité des personnes concernées devait s'en trouver gravement menacée, notamment du fait de l'absence d'une législation assurant un niveau de protection adéquat.  
L'art. 6 al. 2 LPD contient une liste exhaustive de motifs (alternatifs) permettant la communication à l'étranger des données, en dépit de l'absence de législation assurant un niveau de protection adéquat (arrêt 4A_86/2016 précité consid. 3.4.3 et les références). 
 
4.2. Selon l'art. 6 al. 2 let. d première partie LPD (seul motif entrant en l'occurrence en ligne de compte), des données personnelles peuvent être communiquées à l'étranger uniquement si la communication est, en l'espèce, indispensable notamment à la sauvegarde d'un intérêt public prépondérant.  
Cette disposition pose trois conditions: (1) un intérêt public, (2) un intérêt public qui soit prépondérant et (3) une communication qui soit indispensable à la sauvegarde de celui-ci. Dans un arrêt récent en rapport avec le programme américain, le Tribunal fédéral a déjà précisé ce qu'il y a lieu d'entendre par là. 
 
4.2.1. Il existe un intérêt public si la préservation de la stabilité juridique et économique de la place financière suisse est en jeu. L'intérêt de la banque à sa survie ne suffit en soi pas, dès lors qu'il s'agit d'un intérêt privé, et non d'un intérêt public (arrêt 4A_83/2016 déjà cité consid. 3.4.3).  
 
4.2.2. L'intérêt public doit être prépondérant par rapport à l'intérêt privé du tiers à ce que ses données personnelles ne soient pas communiquées aux autorités américaines.  
Le juge doit procéder à une pesée des intérêts (art. 4 CCin concreto, en tenant compte de toutes les circonstances du cas particulier à la date du jugement (cf. arrêt 4A_83/2016 précité consid. 3.5.1; HRUBESCH-MILLAUER/BÜRKI, Rechtsprechungs-panorama Personenrecht und Einleitungsartikel, PJA 2017 p. 392).  
 
4.2.3. La communication des données doit être indispensable à la sauvegarde de l'intérêt public prépondérant. Elle est indispensable (  unerlässlich) si elle est absolument nécessaire (  unbedingt notwendig) en ce sens que, sans la livraison de ces données, le litige fiscal avec les Etats-Unis s'intensifierait à nouveau, que la place financière suisse dans son ensemble en serait affectée et que cela porterait préjudice à la réputation de la Suisse en tant que partenaire de négociation fiable (arrêt 4A_83/2016 déjà cité consid. 3.3; cf. arrêt 4A_73/2017 du 26 juillet 2017 consid. 3.1).  
En signant le  Joint Statement, le Conseil fédéral a garanti au DoJ que le droit suisse en vigueur permet la participation effective des banques au programme américain. Autrement dit, vu le  Joint Statement conclu par le Conseil fédéral, il doit être admis que, matériellement, le droit suisse autorise la participation effective des banques suisses et donc la communication des données de tiers (employés, gestionnaires) conformément aux conditions posées par le programme américain.  
Il ne s'agit toutefois pas d'admettre de manière abstraite que toutes les banques doivent communiquer les données concernant des tiers, même en l'absence de toute menace d'une atteinte à l'intérêt public de la Suisse. Il faut bien plutôt examiner si la modification de la situation de fait doit être prise en considération sous l'angle matériel et si elle conduit à admettre ou nier le caractère indispensable de la communication des données. La LPD vise en effet à protéger la personnalité et les droits fondamentaux des personnes qui font l'objet d'un traitement de données. Au centre de ses préoccupations figure donc la protection de la personnalité de l'intéressé (employé, gestionnaire). Ne pas tenir compte par principe des modifications de la situation et admettre systématiquement la communication des données aurait pour conséquence de laisser la personnalité sans protection, alors même que dans le cas particulier, la communication n'est plus indispensable à la sauvegarde de l'intérêt public (arrêt 4A_86/2016 déjà cité consid. 3.3.4). 
Il appartient à la banque de démontrer que, à la date du jugement, la non-communication des données litigieuses aurait pour conséquence nécessaire une nouvelle escalade du litige fiscal avec les USA et, de ce fait, constituerait une menace pour la place financière suisse et la réputation de la Suisse en tant que partenaire de négociation fiable (arrêt 4A_83/2016 déjà cité consid. 3.3.4  in fine; cf. arrêt 4A_73/2017 déjà cité consid. 3.2 qui fait explicitement référence à l'ampleur des éventuelles répercussions d'une poursuite pénale qui serait menée contre la banque).  
 
4.3. Sous couvert d'absence d'intérêt public prépondérant (deuxième condition, cf. supra consid. 4.2.2), la cour cantonale a en réalité examiné la troisième condition, celle du caractère indispensable de la communication en l'état de la situation au moment du jugement (cf. supra consid. 4.2.3), retenant à cet égard trois éléments: 1) la possibilité que la non-communication par la banque soit considérée par le DoJ comme une collaboration insuffisante est hypothétique, puisque plus d'un an s'est écoulé depuis la signature de l'accord et qu'elle a payé l'amende; 2) la banque n'a apporté aucun élément qui permettrait d'établir que la non-communication des données litigieuses de deux comptes de 1'326'528 USD au total serait de nature à remettre en cause l'accord; 3) le simple fait que le DoJ puisse se renseigner sur les procédures en cours ne signifie pas encore que l'attitude de la banque serait perçue comme non coopérante, aucune notification allant dans ce sens n'ayant été envoyée par le fisc américain, de sorte qu'une inculpation de la banque est en l'état exclue, même si elle est théoriquement possible.  
 
4.4. En l'occurrence, la banque ne démontre pas en quoi la cour précédente aurait établi les faits de manière arbitraire en retenant qu'elle n'avait apporté aucun élément permettant d'établir que la non-communication du nom d'une employée d'une société de gestion externe, qui s'occupait de deux comptes susceptibles d'être visés par le programme américain, serait de nature à remettre en cause l'accord conclu et/ou à entraîner une inculpation de la banque. Par ailleurs, et cela est déterminant, elle ne démontre pas en quoi la cour cantonale aurait violé le droit en jugeant que la livraison des données n'était pas nécessaire pour éviter une (nouvelle) intensification du litige fiscal avec les USA qui, de ce fait, affecterait la place financière suisse et porterait préjudice à la réputation de la Suisse en tant que partenaire de négociation fiable.  
A cela s'ajoute que si l'on en croit les allégations de la banque, toutes ces données ont déjà été remises aux autorités américaines au cours de la procédure de  Voluntary disclosure. On ne voit donc pas ce qui aurait empêché le DoJ d'en prendre connaissance, le cas échéant, en sollicitant leur transmission au sein de l'administration américaine.  
Cela étant, la livraison de ces données par la banque dans le cadre du programme américain ne peut, en l'état actuel, être considérée comme indispensable au sens de l'art. 6 al. 2 let. d LPD. 
 
4.5. Les autres arguments fournis par la cour cantonale ne sont dès lors pas déterminants et il n'est pas nécessaire d'y revenir. Il est notamment superflu d'examiner plus avant l'incidence de l'engagement pris par la banque de collaborer encore pendant quatre ans (accord NPA) sur le caractère qualifié d'hypothétique par la cour cantonale d'une intervention américaine.  
C'est en vain que la recourante tente de tirer argument d'un extrait de l'arrêt entrepris rappelant l'intérêt public (général) à ce que le conflit fiscal avec les Etats-Unis ne connaisse pas une nouvelle escalade et qu'elle rappelle - à réitérées reprises et avec des formulations différentes - que le DoJ s'est réservé le droit d'engager des poursuites pénales contre la violation des termes de l'accord NPA. 
Enfin, les allégations de la banque, selon lesquelles les données litigieuses seraient déjà en mains des autorités américaines (la remise ayant eu lieu au cours de la procédure de  Voluntary Disclosure), sont impropres à soutenir sa thèse. Au contraire, à l'heure actuelle et en l'espèce, elles contribuent - comme on l'a vu - à démontrer que ces données sont déjà en mains de l'administration américaine, et donc, l'absence de nécessité de leur communication au DoJ.  
Le grief se révèle donc mal fondé. 
 
5.   
Il résulte des considérations qui précèdent que le recours en matière civile doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
Les frais judiciaires sont mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens à l'intimée, par ailleurs non représentée par un avocat, qui n'a pas été invitée à se prononcer. 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours en matière civile est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.   
Il n'est pas alloué de dépens. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile. 
 
 
Lausanne, le 23 novembre 2017 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Kiss 
 
Le Greffier : Piaget