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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_314/2024  
 
 
Arrêt du 23 décembre 2024  
 
IVe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Wirthlin, Président, 
Viscione et Métral. 
Greffier : M. Colombi. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par M e Philippe Currat, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Service des prestations complémentaires, route de Chêne 54, 1208 Genève, 
intimé. 
 
Objet 
Prestation complémentaire à l'AVS/AI, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 22 avril 2024 (A/4137/2023 ATAS/259/2024). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________, né en 1964 et originaire de U.________, est arrivé en Suisse le 8 juillet 1994. À la suite de son mariage, le 8 juillet 1994, avec une ressortissante suisse, l'intéressé a bénéficié d'une autorisation de séjour au titre du regroupement familial, qui n'a pas été renouvelée à son échéance, le 7 juillet 1998. À partir du 1er janvier 1998, il a vécu séparé de son épouse mais a maintenu sa résidence dans le canton de Genève, y compris après son divorce (en avril 1999) et un nouveau mariage en septembre 2007, également dissous par jugement en novembre 2011.  
 
A.b. Condamné le 13 septembre 2000 par la Cour d'assises de Genève à une peine de réclusion assortie d'une expulsion du territoire suisse, A.________ a bénéficié, le 7 février 2003, d'une suspension de l'exécution de sa peine au profit d'un traitement en milieu hospitalier. Par décision du 3 octobre 2006, la Commission de libération conditionnelle du canton de Genève a ordonné la libération conditionnelle de l'intéressé, la continuation de sa prise en charge thérapeutique à U.________ ainsi que l'exécution immédiate de la mesure d'expulsion du territoire suisse. Par arrêt du 9 janvier 2007, le Tribunal administratif de première instance du canton de Genève a annulé cette décision en tant qu'elle ordonnait l'exécution immédiate de l'expulsion du territoire suisse.  
 
A.c. De 2007 à 2015, A.________ a travaillé en qualité de monteur-électricien. Par décision du 18 janvier 2019, l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève lui a octroyé une rente entière d'invalidité avec effet au 1er décembre 2015. Par décision du 12 juillet 2019, le Service genevois des prestations complémentaires (SPC) a refusé d'entrer en matière sur une demande de prestations complémentaires de l'intéressé, motif pris qu'il n'était pas titulaire d'une autorisation de séjour dans le canton de Genève.  
 
A.d. Par décision du 20 septembre 2023, le SPC a rejeté une nouvelle demande en indiquant que le droit aux prestations complémentaires dépendait d'un domicile civil et d'une résidence habituelle en Suisse. L'opposition a été rejetée par décision du 9 novembre 2023. Bien que les documents produits attestaient d'un domicile et d'une résidence à Genève, le requérant n'avait pas résidé de manière ininterrompue en Suisse, en étant au bénéfice d'un permis de séjour valable, pendant les dix années précédant immédiatement lé dépôt de sa demande de prestations complémentaires.  
 
B.  
Saisie d'un recours contre la décision sur opposition du 9 novembre 2023, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève l'a rejeté par arrêt du 22 avril 2024. 
 
C.  
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant à sa réforme en ce sens que les prestations complémentaires lui soient octroyées à compter du 24 août 2023.Il requiert en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire. 
L'intimé conclut au rejet du recours. La cour cantonale et l'Office fédéral des assurances sociales ont renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable. 
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal fédéral, qui est un juge du droit, fonde son raisonnement juridique sur les faits retenus par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 148 V 366 consid. 3.3; 145 V 188 consid. 2) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (cf. art. 105 al. 2 LTF). Si le recourant entend s'écarter des constatations de fait de l'autorité précédente, il doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées et la correction du vice susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF); à défaut, un état de fait divergent de celui de la décision attaquée ne peut pas être pris en compte (ATF 148 V 366 consid. 3.3; 145 V 188 consid. 2; 135 II 313 consid. 5.2.2).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Toutefois, il ne peut revoir les questions de droit cantonal et de droit communal que sous l'angle restreint de l'arbitraire (sur cette notion, cf. ATF 145 I 108 consid. 4.4.1; 143 I 321 consid. 6.1), dans le cadre d'un moyen tiré de la violation d'un droit constitutionnel (cf. art. 95 et 96 LTF a contrario), expressément soulevé et développé conformément aux exigences de motivation accrues prévues à l'art. 106 al. 2 LTF.  
 
3.  
Le litige porte sur le droit du recourant aux prestations complémentaires fédérales et cantonales, en particulier sur la question de savoir si les conditions de l'art. 5 al. 1 LPC sont réalisées en l'espèce. 
 
4.  
L'arrêt attaqué expose correctement les règles applicables à la solution du litige, en indiquant en particulier que selon l'art. 5 al. 1 LPC, dans sa teneur en vigueur jusqu'au 1er janvier 2023, les étrangers n'ont droit à des prestations complémentaires que s'ils séjournent de manière légale en Suisse. Ils doivent y avoir résidé de manière ininterrompue pendant les dix années précédant immédiatement la date à laquelle ils demandent la prestation complémentaire (délai de carence). Le tribunal cantonal a aussi à juste titre précisé que la condition du séjour légal en Suisse n'est qu'une reprise de la jurisprudence du Tribunal fédéral déjà applicable avant l'entrée en vigueur de la disposition en question (cf. arrêts 9C_423/2013 du 26 août 2014 consid. 4.2 et 4.3; P 42/90 du 8 janvier 1992). Dans son jugement, l'instance précédente a en outre rappelé que, d'après la jurisprudence cantonale, ce critère s'applique également dans le cadre de l'application de la loi (genevoise) sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC; RS/GE J 4 25). Il suffit d'y renvoyer. 
 
5.  
Les premiers juges ont constaté que le recourant avait certes rendu vraisemblable qu'il résidait en Suisse depuis plus de dix ans au moment du dépôt de sa dernière demande de prestations complémentaires. Cependant, il était constant qu'il n'avait été à aucun moment au bénéfice d'un titre de séjour pendant le délai de carence et que cette situation était toujours d'actualité au moment de la décision litigieuse. Celle-ci ne prêtait donc pas le flanc à la critique en tant qu'elle retenait que le recourant ne pouvait pas prétendre à des prestations complémentaires fédérales ou cantonales. La jurisprudence rendue en matière d'assurance-invalidité, selon laquelle le défaut de l'autorisation de travail exigée par le droit public n'exclut pas le droit à des prestations de l'assurance-invalidité lorsqu'un travailleur étranger tombe malade ou est victime d'un accident (cf. ATF 118 V 79), ne s'appliquait pas au cas d'espèce. En effet, les prestations complémentaires n'étaient pas financées par des cotisations d'assurances comme en matière d'AVS et d'AI, mais par le budget général de la Confédération et des cantons. Le fait qu'un étranger qui réside illégalement en Suisse ait, le cas échéant, versé des cotisations AVS pendant une période supérieure à celle du délai de carence de l'art. 5 al. 1 LPC ne saurait suppléer à l'exigence de la résidence légale en Suisse (arrêt 9C_423/2013 précité consid. 4.2 et 4.3). Par ailleurs, ce n'était pas parce que l'office cantonal genevois de la population et des migrations avait refusé un permis de séjour au recourant, tout en renonçant à prononcer son expulsion administrative, que cette autorité lui aurait donné, par ce biais, l'assurance que son séjour, toléré de facto en Suisse, serait considéré comme légal dans la perspective d'un droit à des prestations complémentaires. 
 
6.  
 
6.1. Le recourant se plaint d'une violation des art. 7 et 12 Cst., ainsi que des art. 4 et 5 LPC. En s'appuyant sur l'ATF 118 V 79, il soutient qu'il aurait droit aux prestations complémentaires en raison de l'assujettissement fiscal dont il aurait fait objet durant toute la période où il a travaillé en Suisse, ayant ainsi participé au budget général de la Confédération et des cantons finançant les prestations auxquelles il prétend. En outre, dès lors qu'une autorité judiciaire lui aurait imposé de ne pas quitter la Suisse, il serait erroné de retenir que son séjour ne serait que "toléré" par les autorités. En refusant d'octroyer au recourant les prestations complémentaires requises, dont il aurait besoin pour vivre en Suisse, la décision violerait son droit à la dignité humaine et son droit d'obtenir de l'aide dans des situations de détresse.  
 
6.2. Les critiques sont mal fondées. En l'absence d'autorisation de séjour, celui-ci ne peut pas être considéré comme étant légal au sens de l'art. 5 al. 1 LPC. Le fait que le recourant ne puisse pas être expulsé ou qu'une mesure pénale soit en cours d'exécution ne permet pas de retenir le contraire. Ces éléments pourraient tout au plus avoir une pertinence dans le cadre de la procédure d'octroi d'une autorisation de séjour, soit lors d'une étape préalable à une demande de prestations complémentaires. Ainsi, comme rappelé par la cour cantonale (cf. consid. 4 supra), le bien-fondé d'une telle demande présuppose le séjour légal du requérant, ce qui rend sans pertinence l'argument relatif aux circonstances du séjour prolongé du recourant en Suisse. Il en va de même des griefs tirés de l'ATF 118 V 79, visant à transposer purement et simplement dans le cas d'espèce les principes développés dans cet arrêt, bien que le présent litige ne concerne ni le droit à des prestations de l'assurance-invalidité, ni l'existence d'une autorisation de travail (cf. aussi arrêt 9C_38/2020 du 20 octobre 2020 consid. 3). Enfin, les critiques relatives à la prétendue violation des art. 7 et 12 Cst. ne satisfont pas aux exigences de motivation accrue de l'art. 106 al. 2 LTF (cf. consid. 2.2 supra), ce qui les rend irrecevables.  
 
7.  
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. Le recourant, qui succombe, supportera les frais de la procédure (art. 66 al. 1 LTF). L'assistance judiciaire lui est cependant accordée, les conditions en étant réalisées (art. 64 LTF). Il est rendu attentif au fait qu'il devra rembourser la Caisse du Tribunal fédéral s'il devient ultérieurement en mesure de le faire (art. 64 al. 4 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
L'assistance judiciaire est accordée et Maître Philippe Currat est désigné comme avocat d'office du recourant. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge du recourant. Ils sont toutefois supportés provisoirement par la Caisse du Tribunal fédéral. 
 
4.  
Une indemnité de 3'000 fr. est allouée à l'avocat du recourant à titre d'honoraires à payer par la Caisse du Tribunal fédéral. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 23 décembre 2024 
 
Au nom de la IVe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
Le Greffier : Colombi