Avis important:
Les versions anciennes du navigateur Netscape affichent cette page sans éléments graphiques. La page conserve cependant sa fonctionnalité. Si vous utilisez fréquemment cette page, nous vous recommandons l'installation d'un navigateur plus récent.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
9C_852/2017  
 
 
Arrêt du 25 juin 2018  
 
IIe Cour de droit social  
 
Composition 
Mmes et MM. les Juges fédéraux Pfiffner, Présidente, 
Meyer, Glanzmann, Parrino et Moser-Szeless. 
Greffier : M. Berthoud. 
 
Participants à la procédure 
Me A.________, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, Palais de Justice de l'Hermitage, route du Signal 11, 1014 Lausanne, 
intimé. 
 
Objet 
Prestation complémentaire à l'AVS/AI (procédure de première instance, assistance judiciaire gratuite), 
 
recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, du 17 octobre 2017 (AJ14.026599). 
 
 
Faits :  
 
A.   
En juin 2014, B.________ a, sous la plume de son avocat, M e A.________, recouru devant le Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, contre une décision sur opposition de la Caisse cantonale vaudoise de compensation du 30 avril 2014. L'administration avait nié son droit à des prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants au-delà du 30 septembre 2013. Le recours était assorti d'une demande d'assistance judiciaire.  
Dans un premier temps, la Cour des assurances sociales a ordonné un échange d'écritures. En raison du décès de B.________ survenu en mars 2016, la cause a été suspendue jusqu'à droit connu sur le sort de la succession (décision du 11 avril 2016). La succession a été répudiée et sa liquidation par voie de faillite ordonnée (décision du Tribunal d'arrondissement de l'Est vaudois du 3 janvier 2017). Par courrier du 14 septembre 2017, l'Office des faillites de l'arrondissement de l'Est vaudois a informé la Cour des assurances sociales que ni les créanciers, ni l'administration de la masse en faillite de la succession répudiée ne reprenaient le procès. 
Le 17 octobre 2017, la juridiction cantonale a rayé la cause du rôle, sans percevoir de frais ni allouer de dépens. A la même date, elle a également rendu une décision par laquelle elle a prononcé que la requête d'assistance judiciaire déposée devant la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois par feu B.________ est devenue sans objet. 
 
B.   
M e A.________ interjette un recours en matière de droit public contre la seconde décision du 17 octobre 2017 portant sur le sort de la demande d'assistance judiciaire. Il en demande l'annulation et conclut principalement à la reconnaissance de son droit à une indemnisation à hauteur de 5'048 fr. 65 pour son activité comme avocat d'office de feu B.________. A titre subsidiaire, il conclut au renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour nouvelle décision.  
Le Tribunal cantonal vaudois s'est référé à son jugement, sans formuler d'observations. 
 
C.   
La IIe Cour de droit social a mis en oeuvre une procédure de coordination de la jurisprudence en application de l'art. 23 al. 2 LTF s'agissant de la question de l'intérêt digne de protection d'un avocat pour interjeter un recours en matière de droit public contre la décision par laquelle la juridiction cantonale a déclaré sans objet la requête d'assistance judiciaire de son mandant décédé en procédure cantonale et dont la succession a été répudiée puis liquidée (sans actif apparent) (cf. consid. 2.2.3 infra). 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement et avec un plein pouvoir d'examen la recevabilité des recours portés devant lui (ATF 139 V 42 consid. 1 p. 44). 
 
2.   
En vertu de l'art. 89 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), est particulièrement atteint par la décision attaquée (let. b) et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (let. c). 
 
2.1. La condition posée par la let. a de l'art. 89 al. 1 LTF quant à la participation à la procédure devant l'autorité précédente ou l'empêchement y relatif signifie que, sauf fait justificatif valable, celui qui n'a pas participé à la procédure devant l'autorité précédente n'a pas qualité pour recourir, indépendamment de l'intérêt qu'il peut avoir à l'annulation ou à la modification du jugement entrepris. Une exception à l'exigence en cause existe notamment lorsque la personne concernée est atteinte pour la première fois par l'arrêt attaqué. Si sa qualité pour agir apparaît seulement en cours de procédure, elle doit en principe être invitée à participer à l'instance (arrêt 2C_1054/2016 du 15 décembre 2017 consid. 2.2 et les références citées; FLORENCE AUBRY GIRARDIN, in Commentaire de la LTF, 2 e éd. 2014, n. 21 ad art. 89 LTF).  
En l'espèce, à la suite du décès de feu B.________, la juridiction cantonale a informé le mandataire que l'assistance judiciaire avait de facto pris fin et qu'il avait la faculté de déposer une liste détaillée de ses opérations et débours dans le délai imparti (ordonnance du 31 janvier 2017), ce que M e A.________ a fait par réponse du 7 février 2017. Selon les considérants de la décision entreprise, qui a été notifiée à l'avocat, la requête d'assistance judiciaire est devenue sans objet et M e A.________ n'a pas à être indemnisé puisqu'il n'a pas été désigné avocat d'office. En tant que représentant du recourant, l'avocat n'avait pas lui-même la qualité de partie. Il a cependant été atteint pour la première fois dans ses intérêts par l'arrêt attaqué, qui a pour conséquence que l'éventualité qu'il soit nommé avocat d'office de son client n'a pas été examinée et qu'aucun honoraire ne lui sera accordé à ce titre. La qualité pour recourir doit par conséquent lui être reconnue sous l'angle de l'art. 89 al. 1 let. a LTF.  
 
2.2.  
 
2.2.1. En ce qui concerne les conditions prévues par l'art. 89 al. 1 let. b et c LTF, l'intérêt digne de protection consiste dans l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait au recourant, en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait. Il implique que le recourant soit touché de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés. L'intérêt invoqué - qui n'est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé tel que prévu par l'art. 81 al. 1 let. b LTF pour le recours en matière pénale, mais peut être un intérêt de fait - doit se trouver, avec l'objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération (ATF 133 II 249 consid. 1.3.1 p. 253; cf. ATF 130 V 196 consid. 3 p. 202/203 et ATF 128 V 34 consid. 1a p. 36 et les arrêts cités).  
 
2.2.2. Le recourant n'est en l'espèce pas le destinataire formel et matériel de la décision entreprise. D'une manière générale, la jurisprudence n'admet que de manière relativement stricte la présence d'un intérêt propre et direct lorsqu'un tiers désire recourir contre une décision dont il n'est pas le destinataire (ATF 133 V 239 consid. 6.3 p. 243 et les arrêts cités). Les tiers ne sont en effet pas touchés par une décision de la même manière que son destinataire formel et matériel, dans la mesure où elle ne leur octroie pas directement des droits ou leur impose des obligations. En plus d'un intérêt concret, par exemple un intérêt économique au contenu de la décision litigieuse, la qualité pour agir du tiers suppose qu'il se trouve, avec l'objet de la contestation, dans un rapport suffisamment étroit, respectivement qu'il soit touché avec une intensité plus grande que les autres personnes, ce qui doit être examiné en rapport avec les circonstances concrètes (ATF 137 III 67 consid. 3.5 p. 73; 133 V 188 consid. 4.3.1 p. 192; 130 V 560 consid. 3.4 p. 564 et les références; AUBRY GIRARDIN, op. cit., n. 31 ad art. 89 LTF).  
Ces conditions sont réalisées en l'occurrence. Comme il le soutient à juste titre, le recourant est particulièrement touché par la décision entreprise. Son client avait présenté une demande d'assistance judiciaire en juin 2014 sur laquelle la juridiction cantonale n'a pas statué jusqu'au décès de celui-ci, en mars 2016, alors que le recourant est intervenu en cours de procédure pour effectuer différents actes requis par le Tribunal cantonal. Avant la fin de l'instance cantonale, la succession du mandant a par ailleurs été répudiée puis liquidée par voie de faillite, ni les créanciers, ni l'administration de la masse en faillite de la succession répudiée - faute d'éléments et de ressources financières - n'ayant repris le procès pendant devant la juridiction cantonale. Dans ces circonstances, la décision entreprise laisse indécise le sort de la demande d'assistance judiciaire quant à son refus ou son acceptation. En même temps, la liquidation de la succession répudiée du mandant du recourant (sans actif apparent) a pour conséquence que l'avocat perd toute possibilité, restée indécise, d'être rémunéré pour le travail qu'il a effectué en s'attendant à être désigné comme mandataire d'office. Dans son résultat, le jugement entrepris revient à exclure d'emblée, sans autre examen, que le travail fourni par l'avocat dans la procédure de première instance pût être pris en charge par la caisse de l'Etat. A cet égard, l'avocat était d'accord d'intervenir aux conditions de l'assistance judiciaire - dût-elle être acceptée (cf. sur l'obligation d'accepter un tel mandat, art. 12 let. g de la loi fédérale du 23 juin 2000 sur la libre circulation des avocats [LLCA; RS 935.61]) - puisqu'il a agi au nom et pour le compte d'un client prétendant à celle-ci. Il dispose donc d'un intérêt pour obtenir une décision sur le sort de cette demande - refus ou rejet -, étant donné que la rémunération comme mandataire d'office apparaît comme le seul moyen d'être payé pour le travail effectué et que seul l'Etat entre en considération comme débiteur, pour autant que l'assistance judiciaire soit accordée. 
 
2.2.3. En date du 20 juin 2018, les Cours réunies, rendant leur décision par voie de circulation dans le cadre de la procédure de l'art. 23 al. 2 LTF, ont accepté à l'unanimité cette interprétation juridique.  
 
2.2.4. En conséquence de ce qui précède, il convient d'entrer en matière sur le recours, sous la réserve suivante.  
 
2.3. Le dispositif de l'arrêt attaqué prononce que la requête d'assistance judiciaire présentée par feu B.________ au Tribunal cantonal est devenue sans objet. En conséquence, le litige devant le Tribunal fédéral ne peut porter que sur ce point. Le fond du litige, à savoir la désignation du recourant comme avocat d'office pour la procédure cantonale concernant le refus de prestations complémentaires et le montant de ses honoraires à ce titre, n'a en revanche pas à être traité (cf. ATF 135 II 145 consid. 4 p. 149; arrêt 1C_382/2012 du 10 octobre 2012 consid. 1.3). La conclusion principale du recours est dès lors irrecevable, alors que les arguments visant à démontrer que le client du recourant avait droit à l'assistance judiciaire n'ont pas à être examinés.  
 
3.  
 
3.1. Selon la jurisprudence, le droit à l'assistance judiciaire est de nature strictement personnelle. Seul en est détenteur celui qui a qualité de partie au procès, et ce pour autant que les conditions de son octroi - à savoir, en particulier, l'indigence du requérant et le caractère non dénué de chance de succès de sa cause - soient réalisées (cf. art. 29 al. 3 Cst.; ATF 128 I 225 consid. 2.3 p. 226/227; 127 I 202 consid. 3b p. 205 et la jurisprudence citée). Ainsi, en cas de décès, les héritiers qui reprennent le procès ne sauraient se prévaloir de l'assistance judiciaire accordée au défunt; il en va de même, de façon plus générale, dans tous les cas de substitution des parties au procès: le droit à l'assistance judiciaire s'éteint, ce qui doit être constaté judiciairement; en revanche, si la requête d'assistance judiciaire n'a pas encore été tranchée, l'intérêt juridiquement protégé du requérant à obtenir une décision à cet égard n'existe plus. Le dépôt d'une requête d'assistance judiciaire sur laquelle il n'a pas encore été statué ne confère donc aucun droit à des tiers (arrêts 5P.164/2005 du 29 juillet 2005 consid. 1.3 et 5P.220/2003 du 23 décembre 2003, consid. 3.1-3.2 et les références citées, rendus sous l'empire de l'art. 88 aOJ).  
 
3.2. Nonobstant l'extinction de l'intérêt juridiquement protégé du titulaire du droit à l'assistance judiciaire, il y a lieu d'admettre que le recourant dispose en l'espèce d'un intérêt digne de protection à ce qu'il soit statué sur la requête en cause (consid. 2.2 supra). C'est le seul moyen en effet pour qu'il puisse obtenir une rémunération pour les actes effectués en procédure cantonale au nom du client décédé, ce pour autant que le mandat d'office lui soit accordé et qu'il bénéficie alors des prérogatives attachées à cette nomination (singulièrement le droit à une indemnisation de la part de l'Etat). A la différence d'autres situations (comp. arrêt 5P.220/2003 cité consid. 4.5), il était établi à l'issue de la procédure cantonale que le recourant ne disposait pas de la possibilité de réclamer le paiement de ses honoraires à la succession de son client, alors que l'éventuelle indemnisation par le biais de la nomination d'office n'avait pas été tranchée (et qu'aucun dépens n'a été alloué au terme de la procédure principale). Or l'intérêt du recourant à obtenir qu'une décision - positive ou négative - soit prise quant à la demande d'assistance judiciaire présentée par son client en instance cantonale et qui lui confère la qualité pour recourir en instance fédérale (consid. 2.2 supra) implique que la juridiction cantonale statue sur ladite requête (cf. art. 111 al. 1 LTF).  
En conclusion, la décision entreprise doit être annulée et la cause renvoyée à la juridiction cantonale pour qu'elle se prononce sur la demande d'assistance judiciaire présentée par feu B.________. 
 
4.   
Vu les circonstances, il sera statué sans frais (art. 66 al. 1, deuxième phrase, LTF). Le recourant, qui n'est pas représenté en instance fédérale, n'a droit aux dépens qu'il prétend. L'activité qu'il a déployée n'est pas d'une intensité telle qu'elle justifierait l'allocation exceptionnelle d'une indemnité pour ses dépens à l'avocat ayant agi par lui-même (cf. ATF 125 II 518 consid. 5b p. 519). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est partiellement admis, dans la mesure où il est recevable. La décision du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, du 17 octobre 2017 est annulée. La cause lui est renvoyée pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Le recours est rejeté pour le surplus. 
 
2.   
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Justice de paix du district de Lavaux-Oron et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 25 juin 2018 
 
Au nom de la IIe Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Pfiffner 
 
Le Greffier : Berthoud