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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_129/2022  
 
 
Arrêt du 25 novembre 2022  
 
Ire Cour de droit social  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Wirthlin, Président, 
Heine et Abrecht. 
Greffière : Mme Fretz Perrin. 
 
Participants à la procédure 
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Division juridique, Fluhmattstrasse 1, 6002 Lucerne, 
recourante, 
 
contre  
 
A.________, 
représenté par Me Sarah Braunschmidt Scheidegger, avocate, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-accidents (évaluation de I'invalidité; ESS; déduction), 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 21 janvier 2022 (ATAS/30/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________, né en 1975, s'est établi en Suisse en 1992. Il a travaillé pour plusieurs employeurs en tant que monteur-électricien et a obtenu un certificat fédéral de capacité (CFC) dans ce métier en 2010. Au service de son dernier employeur, il était assuré contre les accidents et les maladies professionnelles auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA).  
 
A.b. Le 6 octobre 2017, l'assuré est tombé d'une échelle sur son lieu de travail. Il a été admis à l'Hôpital B.________ de U.________, où un traumatisme cranio-cérébral mineur et des fractures des poignets ont été diagnostiqués. Il a subi une osthéosynthèse de l'extrémité distale du radius gauche le 10 octobre 2017. La CNA a pris en charge le cas.  
A l'issue de son examen final du 8 novembre 2019, le docteur C.________, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et médecin d'arrondissement de la CNA, a constaté que l'ancienne activité de monteur-électricien n'était plus exigible compte tenu des douleurs aux deux poignets; l'on pouvait en revanche s'attendre à la reprise d'une activité professionnelle adaptée exercée indifféremment en position assise ou debout, avec un port de charges ponctuel limité à deux kilos sur les deux poignets et la possibilité de conserver un bracelet de soutien pour les deux poignets, à la journée entière et sans baisse de rendement. 
 
A.c. Le 27 décembre 2019, la CNA a informé l'assuré qu'elle mettrait fin au paiement des soins médicaux et de l'indemnité journalière avec effet au 30 avril 2020. Par décision du 8 mai 2020, confirmée sur opposition le 10 novembre 2020, la CNA a octroyé à A.________ une indemnité pour atteinte à l'intégrité (IPAI) fondée sur un taux de 7 %. Elle a en revanche nié tout droit à une rente d'invalidité dans la mesure où le taux d'invalidité de l'assuré n'était que de 6,83 %.  
 
A.d. Par décision du 18 février 2020, l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après: l'OAI) a rejeté la demande de prestations de l'assuré; il a retenu que ce dernier disposait d'une capacité de travail dans une activité adaptée depuis le mois de février 2018 et présentait un taux d'invalidité de 6,94 % à cette date. Cette décision a fait l'objet d'un recours auprès de la juridiction cantonale.  
 
B.  
Par arrêt du 21 janvier 2022, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève a admis le recours formé par l'assuré contre la décision sur opposition du 10 novembre 2020, qu'elle a réformée en ce sens que A.________ avait droit à une rente d'invalidité fondée sur un taux d'invalidité de 20 % dès le 1er mai 2020. La cour cantonale a pris acte de l'accord de la CNA de verser à l'assuré une IPAI globale de 14 %, sous déduction du montant déjà versé à ce titre, et l'y a condamnée en tant que de besoin. 
 
C.  
La CNA interjette un recours en matière de doit public contre cet arrêt, en concluant à sa réforme en ce sens que A.________ ait droit à une rente d'invalidité de 11 % - subsidiairement de 15 % - à compter du 1er mai 2020. 
L'intimé conclut au rejet du recours, tandis que la juridiction cantonale et l'Office fédéral de la santé publique ont renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable. 
 
2.  
 
2.1. Le litige porte sur le point de savoir si la cour cantonale a violé le droit fédéral en reconnaissant à l'intimé le droit à une rente d'invalidité fondée sur un taux d'invalidité de 20 %. Est litigieux en particulier le revenu avec invalidité pris en compte par l'autorité cantonale pour la comparaison des revenus prescrite à l'art. 16 LPGA.  
 
2.2. Si la décision qui fait l'objet d'un recours concerne l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est pas lié par l'état de fait constaté par la juridiction précédente (art. 97 al. 2 et art. 105 al. 3 LTF).  
 
3.  
 
3.1. La cour cantonale a retenu que c'était à juste titre que la recourante avait mis un terme au versement des indemnités journalières et à la prise en charge du traitement médical avec effet au 30 avril 2020. Elle a également retenu que l'intimé était en mesure d'exercer à 100 %, dès le 1er mai 2020, une activité adaptée à ses douleurs aux poignets. Ces constatations ne sont plus contestées dans la procédure devant le Tribunal fédéral.  
 
3.2. Dans sa décision du 8 mai 2020, confirmée sur opposition le 10 novembre 2020, la recourante était arrivée à la conclusion que l'intimé présentait un taux d'invalidité de 7 %, après avoir comparé le revenu sans invalidité qu'il aurait perçu sans l'accident selon les renseignements de son ancien employeur, soit 72'780 fr., et le revenu d'invalide établi sur la base des statistiques (niveau de compétence 2) résultant de l'Enquête suisse sur la structure des salaires publiée par l'Office fédéral de la statistique (ESS), compte tenu d'un abattement de 5 % pour les limitations fonctionnelles, soit 67'809 fr.  
 
3.3. Les juges cantonaux se sont écartés du montant retenu par la recourante au titre du revenu avec invalidité; ils ont calculé ce dernier en se fondant sur le salaire statistique tiré d'activités simples et répétitives pour un homme, soit 68'448 fr. (ESS 2018; TA1_tirage_skill_level, ligne total, niveau de compétence 1) et en admettant un abattement de 15 % sur ce revenu statistique, établi dès lors à 58'179 fr. 10 fr. Après comparaison avec le revenu sans invalidité de 72'780 fr., l'on obtenait un taux d'invalidité de 20,06 %.  
 
3.4. La recourante n'entend pas revenir sur le niveau de compétence 1 retenu par les juges cantonaux. En revanche, elle conteste l'abattement de 15 % opéré sur le salaire statistique, reprochant aux juges cantonaux d'avoir substitué sans motif pertinent leur propre appréciation à la sienne.  
 
4.  
 
4.1. Aux fins de déterminer le revenu d'invalide, les salaires fixés sur la base des données statistiques peuvent à certaines conditions faire l'objet d'un abattement de 25 % au plus (ATF 129 V 472 consid. 4.2.3; 126 V 75 consid. 5b/aa-cc). Une telle déduction ne doit pas être opérée automatiquement, mais seulement lorsqu'il existe des indices qu'en raison d'un ou de plusieurs facteurs, l'intéressé ne peut mettre en valeur sa capacité résiduelle de travail sur le marché du travail qu'avec un résultat économique inférieur à la moyenne (ATF 146 V 16 consid. 4.1; 126 V 75 consid. 5b/aa). Selon la jurisprudence, la mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation; cf. ATF 135 V 297 consid. 5.2; 134 V 322 consid. 5.2; 126 V 75 consid. 5b/aa-cc). Il n'y a pas lieu de procéder à des déductions distinctes pour chacun des facteurs entrant en considération; il faut bien plutôt procéder à une évaluation globale, dans les limites du pouvoir d'appréciation, des effets de ces facteurs sur le revenu d'invalide, compte tenu de l'ensemble des circonstances du cas concret (ATF 126 V 75 précité consid. 5b/bb; arrêt 8C_732/2019 du 19 octobre 2020 consid. 3.4).  
 
4.2. Alors que le point de savoir s'il y a lieu de procéder à un abattement sur le salaire statistique en raison de circonstances particulières (liées au handicap de la personne ou d'autres facteurs) est une question de droit qui peut être examinée librement par le Tribunal fédéral, l'étendue de l'abattement du salaire statistique dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d'appréciation, qui est soumise à l'examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d'appréciation de manière contraire au droit, soit a commis un excès positif ("Ermessensüberschreitung") ou négatif ("Ermessensunterschreitung") de son pouvoir d'appréciation ou a abusé ("Ermessensmissbrauch") de celui-ci (ATF 137 V 71 consid. 5.2). Il y a abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d'appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 146 V 16 consid. 4.2; 116 V 307 consid. 2 et les références).  
 
4.3. Contrairement au pouvoir d'examen du Tribunal fédéral, celui de l'autorité judiciaire de première instance n'est en revanche pas limité dans ce contexte à la violation du droit (y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation), mais s'étend également à l'opportunité de la décision administrative ("Angemessenheitskontrolle"). En ce qui concerne l'opportunité de la décision en cause, l'examen porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l'autorité, dans un cas concret, a adoptée dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, et en respectant les principes généraux du droit, n'aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. A cet égard, le juge des assurances sociales ne peut pas, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l'administration; il doit s'appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 126 V 75 consid. 6).  
 
4.4.  
 
4.4.1. La cour cantonale a appliqué un taux d'abattement de 15 %, en lieu et place du taux de 5 % retenu par la recourante. Elle a considéré qu'il n'y avait pas lieu de s'écarter de celui qu'elle avait retenu dans la procédure opposant l'intimé à l'OAI (voir l'arrêt de la Chambre des assurances sociales du 22 juin 2021 [ATAS/646/2021]), étant précisé que l'OAI n'avait pour sa part admis aucune réduction sur le revenu statistique dans la décision querellée. La cour cantonale a précisé que si la détermination du taux d'invalidité par l'assurance-invalidité n'avait certes pas nécessairement d'effet contraignant pour l'assureur-accidents, une évaluation divergente devait reposer sur des motifs suffisants lorsque l'assureur-accidents répondait, comme c'était le cas en l'occurrence, des mêmes atteintes que l'assurance-invalidité. En tout état de cause, les premiers juges ont considéré qu'au vu des limitations fonctionnelles significatives de l'intimé et de la jurisprudence, une réduction de 15 % reflétait sa situation de manière plus adéquate que l'abattement de 5 % consenti par la recourante.  
 
4.4.2. Dans la procédure cantonale en matière d'assurance-invalidité, la Chambre des assurances sociales a tout d'abord admis un abattement sur le salaire statistique puis a fixé son taux à 15 % pour tenir compte de deux critères, à savoir les limitations fonctionnelles de l'intimé et les années de service. Le cas d'espèce se présente différemment, puisqu'un abattement avait déjà été admis par la recourante. Par ailleurs, celle-ci relève à raison que la prise en compte d'un abattement en raison des années de service ne se justifie pas dans le cadre du choix du niveau de compétence 1, l'influence de la durée de service sur le salaire étant peu importante dans cette catégorie d'emplois qui ne nécessitent ni formation ni expérience professionnelle spécifique (arrêt 8C_46/2018 du 11 janvier 2019 consid. 4.4 et la référence). Il n'y a donc pas lieu d'admettre que l'intimé subit un désavantage salarial par rapport aux autres employés du niveau de compétence 1 et un abattement à ce titre n'apparaît dès lors pas approprié. En augmentant de 5 % à 15 % le taux d'abattement retenu par la recourante sur le salaire statistique en se fondant sur un critère supplémentaire non pertinent en l'espèce, la cour cantonale a abusé de son pouvoir d'appréciation (cf. consid. 4.2 supra).  
 
4.4.3. En l'occurrence, force est de constater que seules les limitations fonctionnelles que présente l'intimé - port de charges ponctuel limité à deux kilos sur les deux poignets, avec la possibilité de conserver un bracelet de soutien pour les deux poignets - ont une incidence sur les activités simples et légères qui restent exigibles de sa part. Dès lors que la recourante avait tenu compte desdites limitations pour réduire le salaire statistique de 5 %, il n'appartient pas au Tribunal fédéral de s'en écarter. Par conséquent, le taux d'invalidité de l'intimé s'élève à 11 % (revenu sans invalidité de 72'780 fr. comparé au revenu avec invalidité de 65'025 fr. 60 [68'448 - 5 %]). L'arrêt attaqué sera réformé en ce sens, en admission des conclusions principales du recours.  
 
5.  
Vu l'issue du litige, les frais judiciaires doivent être mis à la charge de l'intimé (art. 66 al.1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens à la recourante (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis. L'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, du 21 janvier 2022 est réformé en ce sens que A.________ a droit à une rente d'invalidité fondée sur un taux d'invalidité de 11 % à partir du 1er mai 2020. L'arrêt attaqué est confirmé pour le surplus. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral de la santé publique. 
 
 
Lucerne, le 25 novembre 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
La Greffière : Fretz Perrin