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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_229/2024  
 
 
Arrêt du 27 juin 2024  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
M. et Mmes les Juges fédéraux Parrino, Président, Moser-Szeless et Scherrer Reber. 
Greffière : Mme Perrenoud. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
recourant, 
 
contre  
 
Caisse cantonale neuchâteloise de compensation, Faubourg de l'Hôpital 28, 2000 Neuchâtel, 
intimée. 
 
Objet 
Assurance-vieillesse et survivants, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel du 5 avril 2024 (CDP.2023.209-AVS/yr). 
 
 
Faits :  
 
A.  
À la suite du décès de son épouse, A.________ s'est vu octroyer une rente de veuf à compter du 1er juin 2019 (décision de la Caisse cantonale neuchâteloise de compensation [ci-après: la caisse de compensation ou la CCNC] du 25 septembre 2019). Le droit à cette prestation a été supprimé le 31 janvier 2020, au motif que le cadet des enfants de l'intéressé avait atteint l'âge de 18 ans révolus. 
En se référant à l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après: la CourEDH) Beeler contre Suisse (requête n° 78630/12) du 11 octobre 2022, par lequel la CourEDH a constaté une inégalité de traitement entre les hommes et les femmes en matière de rentes de survivants de l'assurance-vieillesse et survivants suisse, A.________ a sollicité la reprise du versement de sa rente de veuf, par correspondance du 3 avril 2023. La CCNC a rejeté la demande du prénommé, le 19 avril 2023. En bref, elle a considéré que les conditions du régime transitoire mis en place par l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) en octobre 2022 n'étaient pas remplies, dès lors que l'assuré ne percevait plus de rente de veuf et n'avait pas contesté la suppression du droit à cette prestation avant le 11 octobre 2022. Le 28 avril 2023, A.________ a indiqué à la caisse de compensation que le régime transitoire était, selon lui, discriminatoire. La CCNC lui a répondu qu'elle considérait avoir donné suite à sa requête et l'a invité à s'adresser à l'OFAS (correspondance du 10 mai 2023). Par courrier du 15 juin 2023, l'OFAS a confirmé la position exprimée par la caisse de compensation le 19 avril 2023.  
 
B.  
Le 23 juin 2023, A.________ a saisi le Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public, d'une "demande de reconsidération de la décision d'extinction du droit à la rente de veuf, contestation de la décision de non-entrée en matière de l'autorité, contestation du régime transitoire adopté par l'OFAS". Statuant le 5 avril 2024, la juridiction cantonale a déclaré le recours irrecevable. 
 
C.  
A.________ forme un recours en matière de droit public contre cet arrêt. Il conclut au versement rétroactif de la rente de veuf "selon les mêmes modalités que les autres veufs qui bénéficient du régime transitoire de l'OFAS". L'assuré demande également que "le refus d'octroi de la rente de veuf soit déclaré contraire au droit constitutionnel ainsi qu'au droit européen des droits de l'homme", et à ce que le régime transitoire soit déclaré "inapplicable, en cela qu'il ne bénéficie pas de l'immunité des lois fédérales et qu'il est contraire à la Constitution et à la Convention européenne des droits de l'homme". À titre subsidiaire, il conclut à l'annulation de la décision d'irrecevabilité du Tribunal cantonal. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière de droit public (au sens des art. 82 ss LTF) peut être formé pour violation du droit (circonscrit par les art. 95 et 96 LTF). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est limité ni par l'argumentation de la partie recourante ni par la motivation de l'autorité précédente. Il statue sur la base des faits établis par cette dernière (art. 105 al. 1 LTF). Cependant, il peut rectifier les faits ou les compléter d'office s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant ne peut critiquer les faits que s'ils ont été constatés de façon manifestement inexacte ou contraire au droit et si la correction d'un tel vice peut influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). 
 
2.  
Lorsque, comme en l'occurrence, l'arrêt attaqué déclare irrecevable le recours, les motifs développés par le recourant devant le Tribunal fédéral doivent porter sur la question de la recevabilité traitée par l'instance précédente à l'exclusion du fond du litige (cf. ATF 123 V 335 consid. 1b; arrêt 2C_497/2021 du 29 mars 2022 consid. 1.3). ll s'ensuit que toutes les conclusions et tous les griefs formulés dans le recours qui ne concernent pas l'irrecevabilité prononcée dépassent l'objet de la contestation et ne sont pas admissibles. Il en va ainsi, en l'espèce, de la conclusion tendant à obtenir une rente de veuf, étant précisé que celles visant à la constatation de violations du droit conventionnel et constitutionnel, qui relèvent de conclusions "préparatoires" concernant en partie des questions qui devraient être tranchées en vue d'examiner les conclusions condamnatoires, sont irrecevables (cf. ATF 148 I 160 arrêt 2C_1079/2019 du 23 décembre 2021 consid. 1.6 et les références). 
 
3.  
Est litigieux le point de savoir si la juridiction de première instance était en droit de déclarer irrecevable le recours interjeté par l'assuré devant elle. 
 
4.  
 
4.1. L'instance précédente a considéré que le courrier de la CCNC du 19 avril 2023, par lequel elle avait indiqué au recourant que sa rente de veuf allouée jusqu'en janvier 2020 ne pouvait pas être "réactivée", parce qu'il ne pouvait pas se prévaloir du régime transitoire mis en place par l'OFAS (cf. OFAS, Régime transitoire en matière de rentes de veufs de l'AVS suite à un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme [CEDH], in: Bulletin à l'intention des caisses de compensation AVS et des organes d'exécution des PC n° 460) revêtait le caractère d'un refus d'entrer en matière sur une demande de reconsidération. Elle a exposé à cet égard que la faculté de l'assureur social de reconsidérer ou non sa décision a pour corollaire qu'il n'existe pas de droit à la reconsidération (au sens de l'art. 53 al. 2 LPGA) que l'assuré pourrait faire valoir en justice. Après avoir encore constaté que le courrier de la CCNC du 10 mai 2023 confirmait le contenu du courrier du 19 avril 2023, la juridiction cantonale a nié qu'une voie de droit fût ouverte contre le refus de la caisse de compensation d'entrer en matière sur la demande de reconsidération du 3 avril 2023. Partant, elle a déclaré irrecevable le recours formé par l'assuré.  
 
4.2. Devant la Cour de céans, le recourant allègue que la CCNC était entrée en matière sur sa demande de reconsidération en examinant si les conditions en étaient réalisées. Il reproche dès lors à la juridiction de première instance d'avoir déclaré son recours irrecevable, en lui faisant aussi grief de ne pas avoir examiné le point de savoir si le régime transitoire de l'OFAS est compatible avec le droit constitutionnel suisse et le droit international et européen des droits de l'homme.  
 
5.  
Conformément à l'art. 53 al. 2 LPGA, l'assureur social peut reconsidérer une décision formellement passée en force de chose jugée et sur laquelle une autorité judiciaire ne s'est pas prononcée quant au fond, à condition qu'elle soit sans nul doute erronée et que sa rectification revête une importance notable. Pour juger du bien-fondé d'une reconsidération, il faut se fonder sur la situation juridique existant au moment où la décision initiale a été rendue, compte tenu de la pratique en vigueur à l'époque (ATF 144 I 103 consid. 2.2 et les références). 
De jurisprudence constante, l'administration n'est pas tenue de reconsidérer les décisions; elle en a simplement la faculté (cf. art. 53 al. 2 LPGA) et ni l'assuré ni le juge ne peuvent l'y contraindre (ATF 133 V 50 consid. 4.1 et les références). Il n'existe ainsi pas de droit à la reconsidération que l'assuré pourrait déduire en justice. Cependant, lorsque l'administration entre en matière sur une demande de reconsidération et examine si les conditions d'une reconsidération sont remplies, avant de statuer au fond par une nouvelle décision de refus, celle-ci est susceptible d'être attaquée par la voie d'un recours. Le contrôle juridictionnel dans la procédure de recours subséquente se limite alors au point de savoir si les conditions d'une reconsidération (inexactitude manifeste de la décision initiale et importance notable de la rectification) sont réunies (ATF 119 V 475 consid. 1b/cc; 117 V 8 consid. 2a; 116 V 62; cf. aussi arrêt 9C_447/2007 du 10 juillet 2008 consid. 1 et les références). 
 
6.  
 
6.1. Quoi qu'en dise tout d'abord le recourant, on rappellera que le refus de l'administration d'entrer en matière sur une demande de reconsidération est compatible avec la garantie d'un droit à un recours effectif devant une autorité judiciaire, dès lors que l'intéressé a eu l'occasion de recourir contre la décision initiale (cf. arrêt 8C_866/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3; cf. aussi arrêt 9C_680/2023 du 1er mai 2024 consid. 4.3).  
 
6.2. En ce que le recourant affirme ensuite que la CCNC est entrée en matière sur sa demande de reconsidération, dès lors qu'elle "a examiné les conditions établies par le régime transitoire de l'OFAS", il méconnaît les conditions de la reconsidération et le contenu du prononcé du 19 avril 2023. À cette date, l'intimée a conclu que la rente de veuf ne pouvait pas être "réactivée". Elle a considéré que le recourant ne peut pas bénéficier du régime transitoire mis en place par l'OFAS, selon lequel à partir du 11 octobre 2022, les veufs avec enfant ont les mêmes droits que les veuves avec enfant, à savoir que la rente de veuf ne s'éteint plus lorsque le cadet des enfants atteint l'âge de dix-huit ans. Elle a également indiqué que l'arrêt de la CourEDH Beeler contre Suisse n'a pas d'effet rétroactif et ne s'applique qu'aux veufs dont la rente est (encore) versée au 11 octobre 2022 et aux ayants droit pour une période postérieure. Dès lors, pour motiver la non-reprise du versement de la rente de veuf du recourant, l'intimée n'a pas examiné le caractère manifestement erroné (au sens de l'art. 53 al. 2 LPGA) de la suppression de la rente de veuf au regard de la situation juridique existant au moment où la décision initiale a été rendue, compte tenu de la pratique en vigueur à l'époque (cf. consid. 5 supra). On ne peut donc en conclure que la CCNC serait entrée en matière sur une demande de reconsidération de la décision (informelle) par laquelle la rente de veuf a été supprimée. Partant, la conclusion de l'instance précédente, selon laquelle le recours de l'assuré contre le refus de la CCNC d'entrer en matière sur la demande de reconsidération était irrecevable est conforme au droit.  
Compte tenu de ce qui précède, les griefs du recourant quant à "l'incompatibilité du régime transitoire [de l'OFAS] avec l'interdiction des discriminations" n'ont dès lors pas à être examinés par le Tribunal fédéral. Ils portent essentiellement sur des questions matérielles et non sur le caractère recevable du recours de l'assuré (supra consid. 2). 
 
6.3. Quant à l'arrêt (AHV 2023/2) rendu le 17 août 2023 par le Tribunal des assurances du canton de St-Gall, auquel le recourant se réfère, celui-ci ne saurait rien en tirer en sa faveur, dès lors déjà que le Tribunal fédéral l'a annulé par arrêt 9C_558/2023 du 29 février 2024.  
On ajoutera, au demeurant, que l'arrêt de la CourEDH Beeler contre Suisse, par lequel la CourEDH a constaté une violation par la Suisse de l'art. 14 CEDH (interdiction de la discrimination) en relation avec l'art. 8 CEDH (droit au respect de la vie privée et familiale) et l'art. 24 al. 2 LAVS (extinction du droit à la rente de veuf lorsque le dernier enfant atteint l'âge de 18 ans), ne déploie pas d'effet rétroactif; pour rétablir une situation conforme au droit conventionnel, il y a lieu de renoncer, pour le futur, à supprimer la rente de veuf au seul motif que le cadet des enfants de l'intéressé a atteint l'âge de 18 ans (cf. ATF 143 I 50 consid. 4.1 et 4.2; 143 I 60 consid. 3.3; cf. aussi les arrêts 9C_481/2021 et 9C_749/2020 du 9 janvier 2023 consid. 2.1). L'arrêt de la CourEDH ne saurait dès lors fonder le droit à la reprise du versement de la rente de veuf pour les intéressés dont la prestation a cessé d'être versée à la suite d'une décision devenue définitive avant le 11 octobre 2022; un droit rétroactif à la rente de veuf ne peut être admis que s'il existe un titre de révocation au sens de l'art. 53 al. 1 et 2 LPGA, à savoir une reconsidération ou une révision procédurale (arrêt 9C_281/2022 du 28 juin 2023 consid. 4.2 et les références). Sur ce dernier point, il suffit de préciser que contrairement à ce qu'allègue le recourant en se prévalant pour la première fois en instance fédérale des conditions de la révision procédurale, un changement de loi ou de jurisprudence ne constitue en principe pas un motif de révision (procédurale) (ATF 147 V 234 consid. 5.2; 135 V 201 consid. 6.1.1).  
 
7.  
En conséquence de ce qui précède, le recours est mal fondé. 
 
8.  
Vu l'issue du litige, l'assuré supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 27 juin 2024 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
La Greffière : Perrenoud