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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_678/2023  
 
 
Arrêt du 28 mai 2024  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, Stadelmann et Moser-Szeless. 
Greffière : Mme Perrenoud. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représenté par le Centre Social Protestant, 
recourant, 
 
contre  
 
Caisse de pensions Poste, 
Viktoriastrasse 72, 3030 Berne, 
intimée. 
 
Objet 
Prévoyance professionnelle, 
 
recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 20 septembre 2023 (PP 6/22 - 31/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________ a travaillé pour le compte de B.________ du 1er décembre 1986 au 31 juillet 2019. À ce titre, il a été affilié pour la prévoyance professionnelle auprès de la Caisse de pensions Poste (ci-après: la caisse de pensions). 
Par décisions des 8 septembre et 27 octobre 2021, également communiquées à la caisse de pensions, l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après: l'office AI) a reconnu le droit de l'assuré à un quart de rente depuis le 1er juin 2021. Le 10 novembre 2021, la caisse de pensions a nié le droit de A.________ à une rente de la prévoyance professionnelle. Elle a confirmé son refus par courriers des 30 décembre 2021 et 4 février 2022. En bref, elle a considéré, en se fondant sur les constatations de l'office AI, que le lien de connexité temporelle entre l'incapacité de travail survenue durant le rapport de prévoyance et l'invalidité ultérieure avait été interrompu, puisque l'assuré avait présenté une capacité de travail entière dans une activité adaptée depuis le 27 mai 2019, avant que son état de santé ne s'aggrave à compter du 15 juillet 2020. 
 
B.  
Le 21 avril 2022, A.________ a ouvert action contre la caisse de pensions devant la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud. Statuant le 20 septembre 2023, la juridiction cantonale a rejeté la demande. 
 
C.  
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement dont il demande l'annulation. Il conclut principalement à ce qu'il soit ordonné à la caisse de pensions de lui verser une rente d'invalidité partielle, dès le 8 juin 2021, avec intérêts. Subsidiairement, l'assuré requiert le renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour nouvelle décision selon les considérants. Il sollicite également le bénéfice de l'assistance judiciaire. 
La caisse de pensions conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer. 
L'assuré a encore déposé des observations complémentaires. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière de droit public peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il statue par ailleurs sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend s'en écarter doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne peut pas être pris en considération. 
 
2.  
Les constatations de la juridiction cantonale relatives à l'incapacité de travail résultant d'une atteinte à la santé (survenance, degré, durée, pronostic) relèvent d'une question de fait et ne peuvent être examinées par le Tribunal fédéral que sous un angle restreint dans la mesure où elles reposent sur une appréciation des circonstances concrètes (art. 97 al. 1 et 105 al. 1 et 2 LTF). Les conséquences que tire l'autorité cantonale de recours des constatations de fait quant à la connexité temporelle sont en revanche soumises au plein pouvoir d'examen du Tribunal fédéral (arrêt 9C_147/2021 du 13 octobre 2021 consid. 2 et la référence). 
 
3.  
 
3.1. Le litige porte sur le droit du recourant à des prestations d'invalidité de la prévoyance professionnelle de la part de l'intimée à compter du 8 juin 2021. Compte tenu des conclusions et motifs du recours, il s'agit de déterminer si c'est à bon droit que la juridiction cantonale a nié l'existence d'un lien de connexité temporelle entre l'incapacité de travail survenue à l'époque où l'intéressé était affilié auprès de la caisse de pensions et son invalidité ultérieure ayant conduit à l'octroi d'un quart de rente de l'assurance-invalidité depuis le 1er juin 2021 (cf. art. 23 let. a LPP).  
 
3.2. Le jugement entrepris expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels relatifs notamment au droit à des prestations d'invalidité de la prévoyance professionnelle obligatoire (art. 23 LPP) et à la notion de survenance de l'incapacité de travail, en relation avec la double condition de la connexité matérielle et temporelle nécessaire pour fonder l'obligation de prester d'une institution de prévoyance (ATF 144 V 58 consid. 4.4 et 4.5; 138 V 409 consid. 6.2 et 6.3; 134 V 20 consid. 3.2 et 5.3 et les références). Il rappelle également les conditions dans lesquelles les décisions de l'assurance-invalidité lient l'institution de prévoyance compétente (ATF 144 V 72 consid. 4.1; 138 V 409 consid. 3.1 et les arrêts cités). Il suffit d'y renvoyer.  
 
4.  
La juridiction cantonale a d'abord admis qu'en vertu de l'art. 50 de son règlement de prévoyance, dans sa teneur en vigueur à compter du 1er janvier 2018, la caisse de pensions était liée par l'évaluation de l'invalidité faite par les organes de l'assurance-invalidité, dont elle avait reçu les décisions des 8 septembre et 27 octobre 2021, aussi bien en ce qui concerne la fixation du taux d'invalidité que la détermination du moment à partir duquel la capacité de travail s'est détériorée de manière sensible et durable. 
Afin de déterminer si la caisse de pensions a l'obligation de verser une rente d'invalidité au recourant, les premiers juges ont ensuite examiné si l'incapacité de travail dont la cause est à l'origine de l'invalidité était survenue durant les rapports de prévoyance liant les parties (du 1er décembre 1986 au 31 août 2019). En se fondant sur la motivation de la décision de l'office AI du 8 septembre 2021, ils ont constaté que l'invalidité trouvait sa cause dans une atteinte à la santé psychique (un trouble anxio-dépressif chronique avec trouble de la concentration) qui avait occasionné une incapacité totale de travail dans l'activité habituelle à compter du 27 mai 2019, mais qui était demeurée sans incidence sur la capacité de travail du recourant dans une activité adaptée. En conséquence, ils ont admis que la connexité matérielle était donnée, mais ont nié que la condition de la connexité temporelle fût réalisée. Partant, la juridiction cantonale a confirmé que l'assuré n'a pas droit à des prestations d'invalidité de la part de l'intimée. 
 
5.  
 
5.1. À l'appui de son recours, l'assuré se prévaut d'une violation du droit fédéral, ainsi que d'une constatation (manifestement) inexacte des faits. Il reproche aux premiers juges d'avoir nié l'existence d'un rapport de connexité temporelle entre l'incapacité de travail survenue à compter du 27 mai 2019 et l'invalidité pour laquelle l'office AI lui a reconnu le droit à un quart de rente dès le 1er juin 2021. Selon lui, il n'a pas présenté une capacité de travail de plus de 80% lui permettant de percevoir un revenu entre mai 2019 et juillet 2020.  
 
5.2. L'intimée soutient pour sa part que le lien de connexité temporelle a été rompu, dès lors que selon les constatations de l'office AI, l'assuré a présenté une pleine capacité de travail dans une activité adaptée du 27 mai 2019 au 15 juillet 2020.  
 
6.  
 
6.1. À la suite des premiers juges, on rappellera que la connexité temporelle entre l'incapacité de travail survenue durant le rapport de prévoyance et l'invalidité ultérieure est interrompue lorsque la personne concernée dispose d'une capacité de travail de plus de 80% dans une activité adaptée pendant plus de trois mois et que celle-ci lui permet de réaliser un revenu excluant le droit à une rente (ATF 144 V 58 consid. 4.4 et les références; arrêt 9C_7/2017 du 4 avril 2017 consid. 4.1).  
 
6.2. Le recourant reproche à l'instance précédente d'avoir fait preuve d'arbitraire en admettant qu'il avait recouvré une capacité de travail de plus de 80% pendant plus de trois mois durant la période comprise entre le 27 mai 2019 et le 15 juillet 2020. Il se prévaut à cet égard du fait qu'il a uniquement effectué des mesures de reclassement ordonnées par l'office AI, soit des mesures dont les exigences ne peuvent guère être comparées à celles prévalant dans le cadre d'une activité professionnelle ordinaire, et fait implicitement valoir que les décisions de l'office AI des 8 septembre et 27 octobre 2021 seraient insoutenables.  
 
6.2.1. En l'espèce, il ressort des constatations cantonales, non contestées par les parties, que le recourant a été licencié pour le 31 juillet 2019 parce qu'il n'avait pas été en mesure d'obtenir le niveau de performance et de qualité correspondant aux attentes du poste, notamment en termes de productivité et de flexibilité, malgré les mesures de réadaptation mises en oeuvre au sein de l'entreprise par l'office AI. L'assuré avait ensuite suivi des mesures professionnelles de l'assurance-invalidité dès le 27 mai 2019, sous la forme d'une orientation professionnelle puis d'un reclassement, en vue de sa réadaptation dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles psychiques.  
Même si les mesures de réadaptation s'étaient échelonnées sur plus d'un an et demi au taux de 100%, les juges précédents ne pouvaient cependant pas admettre en se fondant sur cette seule circonstance qu'une diminution de la capacité de travail de 100% retenue dans une activité adaptée n'avait pas été objectivée, compte tenu des circonstances du cas d'espèce. À cet égard, il apparaît en effet - et il convient ici de compléter les constatations de la juridiction cantonale à ce sujet (supra consid. 1) - qu'à l'occasion d'un bilan effectué le 21 novembre 2019 au Centre d'observation professionnelle de l'assurance-invalidité (Orif) de Morges, l'office AI avait relevé que le recourant avait présenté une résistance au stress "bas seuil", qu'il n'arrivait pas à fournir le travail demandé en un temps donné (crispations/dorsalgies/réduction de la production et montée de la tension interne) et qu'il allait au-delà de ses limites au risque d'aggraver son état de santé actuel. Après avoir prolongé la mesure d'orientation professionnelle à deux reprises, l'office AI n'avait pas encore été en mesure de déterminer quelle était l'activité adaptée aux limitations fonctionnelles de l'assuré (note d'entretien du 6 février 2020). Si une telle activité avait finalement été retenue en février 2020 (à savoir une "activité de type administrati[f]: AFP de bureau/assistant bureau"; note d'entretien du 13 février 2020), l'office AI avait cependant considéré comme plausible en l'état une capacité de travail à 70% voire 100% dans cette activité en mars 2020 (compte rendu de la permanence du Service médical régional de l'assurance-invalidité [SMR] du 26 mars 2020). Par la suite de "sérieux doutes" avaient été émis quant à l'employabilité de l'assuré au terme de la formation envisagée d'AFP employé de bureau, au vu de ses problèmes psychologiques (angoisses entre autres) qui risquaient d'être des obstacles à un emploi "dans le milieu économique" (note d'entretien du 4 juin 2020). Le SMR s'était finalement prononcé en faveur d'une capacité de travail de 70% à tester avec présence de 100% et 50% avec rendement correspondant (compte rendu de la permanence du SMR du 16 juillet 2020) et les mesures professionnelles n'avaient pas pu se poursuivre avec la formation AFP en automne 2020 car la santé psychique de l'assuré s'était aggravée par surinvestissement (rapport final de réadaptation du 1er juin 2021). En raison de cette aggravation de l'état de santé de l'assuré, l'office AI lui a alloué un quart de rente d'invalidité à compter du 1er juin 2021. 
 
6.2.2. Dans ces circonstances, la juridiction cantonale a constaté de manière manifestement inexacte que le recourant avait disposé d'une capacité de travail entière depuis le mois de mai 2019; une incapacité de travail supérieure à 20% à partir de cette date est établie. Dès novembre 2019 à tout le moins, les organes d'observation professionnelle de l'assurance-invalidité ont en effet proposé de diminuer le taux d'activité de l'assuré afin d'éviter que son état de santé ne s'aggrave (courriel de l'Orif du 14 novembre 2019). Or la durée de plus de trois mois durant laquelle la personne assurée doit avoir présenté une capacité de travail de plus de 80% dans une activité adaptée, nécessaire pour admettre la rupture du lien de connexité temporelle entre l'incapacité de travail survenue durant le rapport de prévoyance et l'invalidité ultérieure (consid. 6.1 supra), doit être relativisée lorsque l'activité en question doit être considérée comme une tentative de réinsertion (cf. arrêt 9C_209/2022 du 20 janvier 2023 consid. 6.2), comme c'est le cas en l'espèce. On ajoutera que l'office AI n'a pas demandé l'avis de son SMR avant le mois de mars 2020 et qu'une fois sollicité, celui-ci a considéré qu'il était en l'état plausible que le recourant disposât d'une capacité de travail de 70% (compte rendu du 26 mars 2020).  
Quant au fait que l'assuré se soit annoncé le 1er juin 2021 en tant que demandeur d'emploi à 100% à l'assurance-chômage, il ne signifie pas encore qu'il disposait nécessairement d'une capacité de travail durant la même période (cf. arrêt 9C_162/2013 du 8 août 2013 consid. 2.3.2). Cette circonstance s'est par ailleurs produite en dehors de la période déterminante en l'espèce pour apprécier l'existence d'un lien de connexité temporelle (du 27 mai 2019 au 15 juillet 2020). 
 
6.2.3. Il suit de ce qui précède que la juridiction cantonale a violé l'art. 23 LPP en retenant une rupture de la connexité temporelle entre l'incapacité de travail survenue à l'époque où l'intéressé était affilié auprès de l'intimée et son invalidité ultérieure. Le recourant a droit à une rente de la prévoyance professionnelle de la part de la caisse de pensions.  
 
7.  
Le recourant a conclu à ce que l'intimée lui verse une rente d'invalidité partielle, dès le 8 juin 2021, avec intérêts. L'arrêt entrepris, vu le résultat auquel est parvenue la cour cantonale, ne comprend pas de considérations sur l'étendue de la prestation requise et sur le point de départ de son versement, au regard de la loi et du règlement de prévoyance. Il convient dès lors de renvoyer la cause à la juridiction cantonale pour qu'elle détermine les modalités de la rente à verser par l'intimée, étant précisé que le recourant avait conclu en instance cantonale au versement d'une rente d'invalidité partielle dès le 8 juin 2021, "sur la base de la décision d'octroi de rente de l'OAI du 8 septembre 2021". 
En ce qui concerne les conclusions du recourant tendant au versement d'intérêts moratoires, elles sont nouvelles au sens de l'art. 99 al. 2 LTF, et partant irrecevables (ATF 143 V 19 consid. 1.1; arrêt 4A_604/2019 du 30 avril 2020 consid. 1). 
 
8.  
Les frais judiciaires doivent être mis à la charge de l'intimée, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Elle versera au recourant une indemnité de dépens pour l'instance fédérale (art. 68 al. 1 LTF). La demande d'assistance judiciaire est dès lors sans objet. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis. Le jugement du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, du 20 septembre 2023, est annulé. La cause est renvoyée à la juridiction cantonale pour qu'elle statue à nouveau dans le sens des considérants. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'intimée. 
 
3.  
L'intimée versera au recourant la somme de 2'800 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 28 mai 2024 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
La Greffière : Perrenoud