Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
8C_337/2024
Arrêt du 29 novembre 2024
IVe Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Wirthlin, Président,
Maillard et Métral.
Greffière : Mme Barman Ionta.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me François Bohnet, avocat,
recourant,
contre
Mobilière Suisse Société d'Assurances SA,
Bundesgasse 35, 3011 Berne,
représentée par Me Danièle Falter, avocate,
intimée.
Objet
Assurance-accidents (notion d'accident),
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel du 7 mai 2024 (CDP.2023.345-AA).
Faits :
A.
A.________, né en 1973, travaille au service de la société B.________ SA. À ce titre, il est assuré obligatoirement contre le risque d'accidents auprès de Mobilière Suisse Société d'Assurances SA (ci-après: la Mobilière). Par déclaration de sinistre du 3 avril 2023, il a requis l'octroi de prestations de l'assurance-accidents pour les suites d'un événement survenu le 9 mars 2023, selon la description suivante: aux environs de 6 h 30 - 6 h 35, son véhicule est tombé en panne dans le tunnel de U.________, nécessitant un arrêt dans la niche d'évitement C4; après avoir appelé la police, il est resté dans son véhicule jusqu'à l'arrivée de la dépanneuse, vers 7 h 50; il est sorti du tunnel aux alentours de 8 h 00, ne s'est pas senti bien par la suite et a présenté depuis lors des problèmes respiratoires. La Mobilière a interpellé la docteure C.________, spécialiste en médecine interne générale, médecin traitant de l'assuré, laquelle a fait état d'une pathologie pulmonaire interstitielle d'origine peu claire.
Par décision du 16 juin 2023, confirmée sur opposition le 25 octobre 2023, la Mobilière a nié le droit de l'assuré à des prestations de l'assurance-accidents, motif pris de l'absence d'un événement de caractère accidentel.
B.
Saisie d'un recours contre la décision sur opposition, la Cour de droit public du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel l'a rejeté par arrêt du 7 mai 2024.
C.
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant à sa réforme en ce sens que soient reconnus le caractère accidentel de l'événement du 9 mars 2023 ainsi que son droit aux prestations d'assurance-accidents. Il demande le renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
La Mobilière conclut au rejet du recours. La cour cantonale et l'Office fédéral de la santé publique ont renoncé à se déterminer.
Considérant en droit :
1.
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable.
2.
2.1. Le litige porte sur le droit du recourant à des prestations de l'assurance-accidents, plus particulièrement sur le point de savoir si l'événement du 9 mars 2023 est constitutif d'un accident au sens de l'art. 4 LPGA.
2.2. Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF . Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF) et n'est limité ni par les arguments de la partie recourante, ni par la motivation de l'autorité précédente. Le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, et ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF).
2.3. L'admission d'un événement accidentel pouvant engendrer des prestations en espèce (cf. art. 15 ss LAA) et en nature (cf. art. 10 ss LAA), le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par l'autorité précédente (cf. art. 97 al. 2 et 105 al. 3 LTF) en ce qui concerne les faits communs aux deux types de prestations (cf. arrêts 8C_13/2021 du 6 septembre 2021 consid. 1.2, in SVR 2022 UV n° 2 p. 4; 8C_159/2023 du 9 novembre 2023 consid. 2.2).
3.
Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde généralement sa décision sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible; la vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités revêtent une importance significative ou entrent raisonnablement en considération. Il n'existe par conséquent pas de principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 139 V 176 consid. 5.3).
4.
L'assurance-accidents est en principe tenue d'allouer ses prestations en cas d'accident professionnel ou non professionnel (art. 6 al. 1 LAA). Est réputée accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA). La notion d'accident se décompose ainsi en cinq éléments ou conditions, qui doivent être cumulativement réalisés: une atteinte dommageable, le caractère soudain de l'atteinte, le caractère involontaire de l'atteinte, un facteur extérieur à l'origine de l'atteinte et, enfin, le caractère extraordinaire du facteur extérieur; il suffit que l'un d'entre eux fasse défaut pour que l'événement ne puisse pas être qualifié d'accident (ATF 142 V 219 consid. 4.3.1; 129 V 402 consid. 2.1 et les références; STÉPHANIE PERRENOUD, in Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n° 1 ss ad art. 4 LPGA).
5.
5.1. Les juges cantonaux ont retenu que l'événement du 9 mars 2023 correspondait "plutôt" à des inhalations de longue durée, le recourant ayant déclaré - dans son recours - avoir présenté les premiers signes d'intoxication aux gaz d'échappement après une heure environ. Le caractère soudain de l'atteinte faisait ainsi défaut. Ils ont également considéré que le recourant n'avait pas été confronté à des circonstances extraordinaires. Se référant à la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de lésions provoquées par des expositions au froid ou à la chaleur (selon laquelle les effets de la météo échappent à la notion d'accident lorsqu'ils entraînent des insolations, des coups de soleil, des coups de chaleur ou des gelures, à moins que les effets dommageables se produisent ensuite d'un événement extraordinaire, cf. ATF 98 V 165; cf. également arrêt 8C_275/2023 du 18 octobre 2023 consid. 3.2 et les références), les premiers juges ont estimé qu'une panne de voiture, la présence de gaz d'échappement dans un tunnel notoirement saturé aux heures de pointe et l'intervention d'environ 1 h 35 d'un dépanneur ne constituaient pas des circonstances à ce point singulières. Partant, l'événement du 9 mars 2023 n'était pas un accident, faute de facteur extérieur extraordinaire, et peu importait que le recourant fût resté dans son véhicule conformément aux consignes de la police plutôt que de se mettre "à l'abri" dans les zones dédiées à cet effet. Dans ces circonstances, il n'était pas utile, selon les juges cantonaux, de s'attarder sur les atteintes subies par le recourant ni de déterminer si celles-ci étaient en rapport de causalité naturelle et adéquate avec l'événement du 9 mars 2023.
5.2. Invoquant une violation du droit fédéral et une constatation arbitraire des faits, le recourant estime que l'existence d'un accident au sens de l'art. 4 LPGA devrait être admise. En ce qui concerne le critère de la soudaineté, il soutient que l'accident correspondrait aux premières inhalations de gaz toxique survenues après la panne de son véhicule, quand bien même une brève exposition n'aurait pas entraîné ses problèmes respiratoires. Il fait une analogie entre son cas et celui jugé aux ATF 122 V 230 (infection due à une morsure de tique) en ce sens que le risque d'infection à la maladie de Lyme est très réduit si l'on extrait la tique rapidement. S'agissant du facteur extérieur extraordinaire, il reproche aux juges cantonaux d'avoir arbitrairement retenu qu'une panne de voiture dans un tunnel était un événement ordinaire. Se référant à l'annuaire statistique du canton de Neuchâtel concernant le trafic journalier dans le tunnel de U.________ et à une "formule mathématique officielle émanant du ministère français des transports", le recourant prétend à une probabilité de 0.0009 % de subir une panne de voiture, ce qui témoignerait d'un événement extraordinaire.
6.
6.1. Pour répondre aux conditions de la notion juridique de l'accident, l'atteinte à la santé doit trouver son origine dans un facteur extérieur, c'est-à-dire qu'elle doit résulter d'une cause exogène au corps humain. Cet élément, qui s'oppose à la cause interne qui caractérise la maladie, permet de distinguer ces deux éventualités. La cause extérieure peut être d'origine mécanique (un choc, une chute, etc.), électrique (une électrocution, p. ex.), chimique (l'émanation de vapeurs toxiques, p. ex.), thermique (une explosion, une brûlure provoquée par de l'eau bouillante ou des jets de vapeur, etc.) ou encore ionisante (des radiations, p. ex.) (arrêt 8C_418/2018 du 12 juillet 2019 consid. 6.2; STÉPHANIE PERRENOUD, op. cit., n° 19 ad art. 4 LPGA).
Pour admettre la présence d'un accident, il faut encore que ce facteur extérieur puisse être qualifié d'extraordinaire. Cette condition est réalisée lorsque le facteur extérieur excède le cadre des événements et des situations que l'on peut objectivement qualifier de quotidiens ou d'habituels, autrement dit des incidents et péripéties de la vie courante. Le caractère extraordinaire de l'atteinte ne concerne pas les effets du facteur extérieur, mais seulement ce facteur lui-même. Celui-ci doit s'écarter de la mesure ordinaire et normale dans laquelle les influences de l'environnement agissent sur le corps humain (ATF 142 V 219 consid. 4.3.1; 134 V 72 consid. 4.1; FRÉSARD/MOSER-SZELESS, L'assurance-accidents obligatoire, in Soziale Sicherheit, SBVR vol. XIV, 3
e éd. 2016, p. 923 n° 94).
6.2. En l'occurrence, il est établi qu'en raison d'une panne de son véhicule dans le tunnel de U.________, le recourant est resté environ une heure et demi dans un endroit où sont concentrés des gaz d'échappement. Contrairement à l'avis des premiers juges, l'inhalation de gaz d'échappement, en concentration importante, pendant une telle durée ne peut pas être assimilée à un événement banal auquel le corps humain serait régulièrement exposé. Une telle situation excède la mesure ordinaire et normale dans laquelle les influences de l'environnement agissent sur le corps humain. L'existence d'un facteur extérieur extraordinaire ne peut donc pas être niée d'emblée, en l'espèce, au motif qu'une panne de véhicule dans un tunnel ne serait pas rare ou que la présence d'une quantité importante de gaz d'échappement dans ce tunnel serait notoire. Cela étant précisé, il conviendrait, avant de se prononcer sur le caractère extraordinaire ou non du facteur extérieur, d'obtenir davantage d'informations sur la concentration de gaz d'échappement auquel le recourant a effectivement été exposé, compte tenu notamment du fait qu'il est resté à l'intérieur de son véhicule, de la ventilation du tunnel et du trafic au moment de l'événement en cause. Ces questions peuvent toutefois demeurer ouvertes, compte tenu de ce qui suit.
7.
7.1. Le critère de soudaineté fixe un cadre temporel. Si l'atteinte dommageable ne doit pas nécessairement durer un instant seulement, elle doit cependant se produire dans un temps relativement court. Jusqu'à présent, la jurisprudence n'a pas fixé de durée maximale (ATF 140 V 220 consid. 5.1; arrêt 8C_842/2018 du 6 mai 2019 consid. 3.3.3 et les références).
Pour être soudaine, l'atteinte doit être unique et non consister en des troubles à répétition, par exemple des microtraumatismes quotidiens qui finissent par entraîner une atteinte à la santé nécessitant un traitement. L'unicité de l'atteinte ne saurait être confondue avec la succession, à des espaces rapprochés, de plusieurs événements, qui répondent chacun à la définition de l'accident. Ainsi, l'exposition à un facteur nocif (intoxication gazeuse, irradiation, etc.) répond au critère de soudaineté si l'atteinte se produit pendant un temps relativement court et qu'elle peut être rattachée à un événement unique (arrêt U 32/07 du 14 juin 2007 consid. 2.2 et la doctrine citée). La soudaineté se rapporte au facteur extérieur qui est à l'origine de l'atteinte, mais non aux conséquences provoquées par celle-ci, qui peuvent se produire seulement à un stade ultérieur (FRÉSARD/MOSER-SZELESS, op. cit., p. 919 n° 78 s. et les références).
7.2. L'ancien Tribunal fédéral des assurances a admis la condition de la soudaineté dans le cas d'un processus d'hypothermie ayant occasionné des engelures à huit doigts en l'espace de quelques dizaines de minutes (arrêt U 430/00 du 18 juillet 2001 consid. 4b). Par la suite, le Tribunal fédéral a admis le critère de la soudaineté du seul fait que, selon l'expérience, l'eau chaude qui s'écoulait du robinet provoquait des brûlures après un temps relativement court, de sorte que le temps passé par l'assuré dans sa baignoire en raison d'une alcoolisation massive (une heure et demi) ne justifiait pas de nier le caractère soudain de l'atteinte (arrêt 8C_842/2018 du 6 mai 2019 consid. 4.4.2). Plus récemment, le Tribunal fédéral a nié la soudaineté d'une atteinte (auditive) invoquée dans les suites d'une présence à un concert pendant trente minutes environ (arrêt 8C_539/2022 du 8 novembre 2022 consid. 4.3).
7.3. En l'espèce, le recourant a ressenti les premiers symptômes d'intoxication à sa sortie du tunnel, soit après une heure et demi, selon ses premières déclarations (cf. déclaration de sinistre du 3 avril 2023) qui sont déterminantes en l'espèce (ATF 143 V 168 consid. 5.2.2; 121 V 45 consid. 2a et les références). Un tel délai n'est pas compatible avec l'exigence légale d'une atteinte soudaine à la santé, qui doit se produire dans un laps de temps relativement court. Même si l'on se fondait sur les allégations ultérieures du recourant, d'après lesquelles il aurait ressenti les premiers troubles d'intoxication et un état de somnolence après une heure d'attente dans le tunnel, cette durée d'exposition aux gaz d'échappement ne répond pas au critère de soudaineté de l'atteinte. Il n'est pas vraisemblable, par ailleurs, qu'une plus brève exposition dans le tunnel aurait entraîné des problèmes respiratoires durables, ce que le recourant admet lui-même dans son recours. Enfin, et contrairement à ce qu'il soutient, le cas d'espèce, dans lequel seul les effets de l'agent toxique entrent en considération comme atteinte à la santé, à l'exclusion de toute autre atteinte portée au corps humain, n'est pas comparable à celui d'une maladie de Lyme (cf. ATF 122 V 230).
7.4. Le caractère soudain de l'atteinte à la santé étant nié, l'événement du 9 mars 2023 n'est pas constitutif d'un accident au sens de l'art. 4 LPGA. Le recours se révèle mal fondé.
8.
Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Bien qu'elle obtienne gain de cause, l'intimée n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public, et à l'Office fédéral de la santé publique.
Lucerne, le 29 novembre 2024
Au nom de la IVe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Wirthlin
La Greffière : Barman Ionta