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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_79/2021  
 
 
Arrêt du 4 mai 2022  
 
IIe Cour de droit social  
 
Composition 
MM. et Mmes les Juges fédéraux Parrino, Président, 
Stadelmann, Moser-Szeless, Viscione et Abrecht. 
Greffier : M. Bleicker. 
 
Participants à la procédure 
GastroSocial Caisse de compensation, Buchserstrasse 1, 5001 Aarau, 
recourante, 
 
contre  
 
A.________, 
représenté par B.________, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-vieillesse et survivants, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 10 décembre 2020 (A/505/2020 - ATAS/1244/2020). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Exploitant l'Auberge de C.________, A.________ a été affilié à titre de personne exerçant une activité lucrative indépendante auprès de GastroSocial Caisse de compensation (ci-après: la caisse de compensation) du 1er avril 1986 au 30 septembre 2005. Le 28 février 2006, celle-ci a rendu une décision de cotisations pour l'année 2004, en se fondant sur les revenus indiqués par l'autorité fiscale de taxation compétente (revenu de 92'438 fr.; capital propre investi: 462'000 fr.). Pour les cotisations relatives à la période du 1er janvier au 30 septembre 2005, la caisse les a fixées par décision du 20 février 2008, en fonction des données fiscales correspondantes (revenu de 47'662 fr. de janvier à septembre 2005; capital propre investi: nul).  
 
A.b. Au terme d'une procédure de rappel d'impôt l'ayant conduite à rendre des décisions de taxation rectificatives, le 28 août 2019, l'autorité fiscale cantonale a informé la caisse de compensation le 7 octobre 2019 que A.________ avait réalisé un revenu de 98'111 fr. en 2004 (capital propre investi: 461'294 fr.) et de 62'505 fr. en 2005 (capital propre investi: nul). Par décisions du 14 octobre 2019, confirmées sur opposition le 8 janvier 2020, la caisse de compensation a réclamé à A.________ un montant supplémentaire de cotisations sociales de 1'727 fr. 40 pour l'année 2004 (plus 83 fr. 95 d'intérêts) et de 2'915 fr. 40 du 1er janvier au 30 septembre 2005 (plus 277 fr. 40 d'intérêts).  
 
B.  
A.________ a déféré la décision sur opposition du 8 janvier 2020 à la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève et produit les décisions de rappel d'impôt de l'Administration fiscale genevoise du 28 août 2019. Par arrêt du 10 décembre 2020, la Cour de justice a admis le recours et annulé les décisions des 14 octobre 2019 et 8 janvier 2020. 
 
C.  
La caisse de compensation forme un recours en matière de droit public contre cet arrêt dont elle demande l'annulation. Elle conclut à ce que A.________ soit condamné au paiement des cotisations AVS provenant d'une activité indépendante pour les années 2004 et 2005, en raison d'une procédure de rappel d'impôt à la suite d'une soustraction d'impôt. Elle requiert par ailleurs l'octroi de l'effet suspensif à son recours. 
L'intimé et l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) ont renoncé à se déterminer sur le recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière de droit public peut être formé notamment pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), que le Tribunal fédéral applique d'office (art. 106 al. 1 LTF), n'étant limité ni par les arguments de la partie recourante, ni par la motivation de l'autorité précédente. Le Tribunal fédéral fonde son raisonnement sur les faits retenus par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). 
 
2.  
 
2.1. Le litige porte sur le point de savoir si la juridiction cantonale était fondée à retenir que le droit de la recourante de réclamer le solde des cotisations pour les années 2004 et 2005 respectivement la créance correspondante étaient frappés de péremption.  
 
2.2. L'art. 14 LAVS concerne le prélèvement de cotisations sur le revenu provenant de l'exercice d'une activité dépendante ou indépendante par les caisses de compensation; son al. 4 let. c délègue au Conseil fédéral la compétence d'édicter des dispositions sur le paiement a posteriori de cotisations non versées. Conformément à l'art. 39 al. 1 RAVS, si une caisse de compensation a connaissance du fait qu'une personne soumise à l'obligation de payer des cotisations n'a pas payé de cotisations ou n'en a payé que pour un montant inférieur à celui qui était dû, elle doit réclamer, au besoin par décision, le paiement des cotisations dues; la prescription selon l'art. 16 al. 1 LAVS est réservée.  
Aux termes de cette norme, dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2012, les cotisations dont le montant n'a pas été fixé par voie de décision dans un délai de cinq ans à compter de la fin de l'année civile pour laquelle elles sont dues ne peuvent plus être exigées ni versées. S'il s'agit de cotisations visées aux art. 6 al. 1, 8 al. 1 et 10 al. 1, le délai n'échoit toutefois, en dérogation à l'art. 24 al. 1 LPGA, qu'un an après la fin de l'année civile au cours de laquelle la taxation fiscale déterminante est entrée en force. Si le droit de réclamer des cotisations non versées naît d'un acte punissable pour lequel la loi pénale prévoit un délai de prescription plus long, ce délai est déterminant. 
 
2.3. Selon les directives de l'OFAS sur la perception des cotisations dans l'AVS, AI et APG (DP; état au 1er janvier 2020), les caisses de compensation doivent ordonner le paiement des cotisations arriérées (réclamation de cotisations arriérées) lorsqu'elles apprennent qu'une personne n'a pas payé de cotisations ou n'en a payé que pour un montant inférieur à celui qui était dû (art. 39 RAVS) (ch. 3001 DP). La réclamation peut notamment avoir lieu à la suite d'un contrôle d'employeur, lors de l'affiliation rétroactive d'une personne tenue de cotiser ou au moment d'un rappel d'impôt (ch. 3003 DP).  
Selon le ch. 3010 DP, pour une période ayant fait l'objet d'une décision de cotisations passée en force, les caisses de compensation ne peuvent réclamer les cotisations arriérées que si les conditions pour revenir sur une décision entrée en force sont remplies (voir à ce sujet la Circulaire de l'OFAS sur le contentieux dans l'AVS, l'AI, les APG et les PC [CCONT]). 
 
3.  
 
3.1. La juridiction cantonale a retenu que les taxations fiscales rectificatives du 28 août 2019 constituaient un motif de révision des décisions de la caisse de compensation des 28 février 2006 et 20 février 2008, au sens de l'art. 53 al. 1 LPGA. La caisse de compensation avait de plus agi dans le délai d'une année prévu par l'art. 16 al. 1, 2e phrase, LAVS après la fin de l'année civile au cours de laquelle les taxations fiscales rectificatives étaient entrées en force. Les premiers juges ont considéré que l'art. 16 al. 1 LAVS ne contenait cependant aucune mention qu'il dérogeait, en tant que lex specialis, à l'art. 53 LPGA. Or une révision procédurale au sens de cette disposition ne pouvait intervenir que dans un délai de péremption de dix ans, conformément aux art. 66 al. 1 et 67 al. 2 PA. Par conséquent, si le délai absolu de dix ans pour procéder à une révision procédurale était arrivé à échéance, il y avait péremption, pour la caisse de compensation, du droit de réclamer des montants de cotisations non payés, quand bien même les délais de l'art. 16 al. 1 LAVS n'auraient pas été échus. De l'avis de la juridiction cantonale, cette solution correspondait à la volonté du législateur, selon laquelle, passé un certain temps, plus précisément dix ans après le prononcé de la décision initiale, l'intérêt de la personne concernée à ne plus voir remise en cause cette décision primait, sauf en cas d'infractions présentant le degré de gravité des délits et crimes. En l'occurrence, la recourante avait rendu ses décisions de cotisations pour les années 2004 et 2005 le 14 octobre 2019, soit plus de dix années après la notification des décisions initiales des 28 février 2006 et 20 février 2008. Son droit de réclamer la différence de cotisations ainsi que l'obligation correspondante de l'affilié étaient éteints par péremption.  
 
3.2. Invoquant une violation de l'art. 16 al. 1 LAVS, la recourante fait valoir que cette disposition déroge, en tant que lex specialis, au délai absolu de 10 ans de l'art. 67 al. 2 PA. Elle soutient aussi que les décisions initiales des 28 février 2006 et 20 février 2008 n'ont pas été annulées, de sorte que le délai de 10 ans pour les réexaminer ne s'applique pas; par les décisions du 14 octobre 2019, elle avait en effet réclamé un complément de cotisations sur la base de la procédure de rappel d'impôt.  
 
4.  
 
4.1. Lorsqu'un droit s'éteint par suite de l'expiration du délai dans lequel le titulaire doit l'exercer ou accomplir un acte nécessaire à son exercice, on se trouve en présence d'un délai de péremption ("Verwirkung"; cf. ATF 139 V 244 consid. 3.1; 119 V 298 consid. 4a; arrêt 2C_923/2014 du 22 avril 2016 consid. 6.1). Le délai institué par l'art. 16 al. 1, 2e phrase, LAVS est, malgré la teneur de la disposition et celle de son titre marginal, un délai de péremption et non pas de prescription (ATF 115 V 183 consid. 2b et les références; voir aussi ATF 129 V 345 consid. 4.2.2). L'organe d'exécution de l'AVS est déchu du droit de fixer les cotisations ("Festsetzungsverwirkung") s'il ne rend pas une décision dans le délai prévu d'un an après la fin de l'année civile au cours de laquelle la taxation fiscale déterminante est entrée en force.  
L'art. 16 al. 1 LAVS s'applique notamment à la situation dans laquelle une procédure pour soustraction d'impôt a été mise en oeuvre (au sens des art. 175 ss de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct [LIFD; RS 642.11]). Si des cotisations doivent être prélevées sur un revenu taxé dans une procédure pour soustraction d'impôt, le délai d'un an de l'art. 16 al. 1, 2e phrase, LAVS ne prend naissance qu'après la fin de l'année civile au cours de laquelle la taxation fiscale déterminante est entrée en force (consid. 5.2 infra; sur la simplification rédactionnelle de l'art. 16 al. 1, 2e phrase LAVS, dans sa teneur en vigueur à partir du 1er janvier 2012 [suppression des termes "ou à la taxation consécutive à une procédure pour soustraction d'impôt"], voir arrêt 9C_736/2018 du 5 décembre 2018 consid. 2). 
 
4.2.  
 
4.2.1. Dans le domaine fiscal, selon l'art. 151 al. 1 LIFD, lorsque des moyens de preuve ou des faits jusque là inconnus de l'autorité fiscale lui permettent d'établir qu'une taxation n'a pas été effectuée, alors qu'elle aurait dû l'être, ou qu'une taxation entrée en force est incomplète ou qu'une taxation non effectuée ou incomplète est due à un crime ou à un délit commis contre l'autorité fiscale, cette dernière procède au rappel de l'impôt qui n'a pas été perçu, y compris les intérêts.  
L'art. 152 al. 1 LIFD prévoit que le droit d'introduire une procédure de rappel d'impôt s'éteint dix ans après la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n'a pas été effectuée, alors qu'elle aurait dû l'être, ou pour laquelle la taxation entrée en force était incomplète. L'introduction d'une procédure de poursuite pénale ensuite de soustraction d'impôt ou de délit fiscal entraîne également l'ouverture de la procédure de rappel d'impôt (art. 152 al. 2 LIFD). Le droit de procéder au rappel d'impôt s'éteint quinze ans après la fin de la période fiscale à laquelle il se rapporte (art. 152 al. 3 LIFD; ATF 140 I 68 consid. 6.1). 
 
4.2.2. La décision sur rappel d'impôt fixe le supplément à payer par le contribuable en lien avec l'élément qui n'a - à tort - pas été imposé et ne représente pas une prétention fiscale de nature différente de la créance primitive d'impôt (ATF 144 II 359 consid. 4.5.1). La procédure du rappel d'impôt est le pendant, en faveur du fisc, de la révision en faveur du contribuable (cf. arrêt 2C_640/2010 du 11 décembre 2010 consid. 4.3). Elle n'est soumise qu'à des conditions objectives: elle implique qu'une taxation n'a, à tort, pas été établie ou est restée incomplète, de sorte que la collectivité publique a subi une perte fiscale; elle suppose aussi l'existence d'un motif de rappel. Ce motif peut résider dans la découverte de faits ou de moyens de preuve inconnus jusque-là, soit des faits ou moyens de preuve qui ne ressortaient pas du dossier dont disposait l'autorité fiscale au moment de la taxation (arrêts 2C_676/2016 du 5 décembre 2017 consid. 4.1; 2C_662/2014 du 25 avril 2015 consid. 6.3, in RDAF 2015 II 267; 2C_724/2010 du 27 juillet 2011 consid. 8.1, in RDAF 2012 II 37).  
 
4.3. En matière d'assurances sociales, par analogie avec la révision des décisions rendues par les autorités judiciaires, l'administration est tenue de procéder à la révision d'une décision formellement passée en force (cf. ATF 126 V 42 consid. 2b) lorsque sont découverts des faits nouveaux ou de nouveaux moyens de preuve, susceptibles de conduire à une appréciation juridique différente (ATF 127 V 466 consid. 2c et les références).  
S'agissant des délais applicables en matière de révision, l'art. 53 al. 1 LPGA n'en prévoit pas. En vertu du renvoi prévu par l'art. 55 al. 1 PA, sont déterminants les délais applicables à la révision de décisions rendues sur recours par une autorité soumise à la PA (art. 67 al. 1 et 2 PA; ATF 143 V 105 consid. 2.1). L'art. 67 al. 1 PA prévoit un délai absolu de dix ans dès la notification de la décision sur recours (soit la décision soumise à révision). 
 
5.  
 
5.1. Contrairement à ce qu'a retenu la juridiction cantonale, la correction de la décision initiale de cotisations ("la décision précédente établie pour la même période est remplacée" [décisions des 14 octobre 2019]) par le biais d'un titre permettant à la caisse de compensation de revenir sur la décision initiale (au sens de l'art. 53 LPGA ["Rückkommenstitel"]) ne supplante pas l'institution de la péremption selon l'art. 16 al. 1, 2e phrase, LAVS. L'existence d'un motif de révision procédurale - la taxation fiscale rectificative à la suite de la procédure de soustraction d'impôt -, qui permet de revenir sur la décision initiale de cotisations entrée en force de chose décidée, constitue seulement la condition à laquelle la période de cotisations initiale peut être revue; elle n'évince cependant pas la réglementation particulière de la péremption prévue par la disposition de la LAVS en cause.  
 
5.2.  
 
5.2.1. A cet égard, en relation avec la procédure de taxation fiscale, dont celle de rappel d'impôt (consid. 4.2 supra), le législateur fédéral a introduit une règle spéciale sur le délai dans lequel des cotisations relatives au revenu provenant d'une activité lucrative indépendante peuvent être fixées (art. 16 al. 1, 2e phrase, LAVS; cf. aussi arrêt H 1/06 du 30 novembre 2006 consid. 4.4.1). Après l'entrée en vigueur de la LAVS, l'administration fédérale a mis sur pied une commission spéciale chargée de la question de la prescription. Lors de leurs séances des 17 février et 5 mars 1953, les membres de cette commission ont examiné le point de savoir s'il fallait imposer aux caisses de compensation un délai maximum de cinq ou dix ans. Ils ont décidé, à l'unanimité, de proposer à l'OFAS une variante comprenant un délai de cinq ans pour rendre la décision initiale de cotisations, mais également une exception pour les cotisations qui doivent être prélevées sur un revenu taxé dans une procédure pour soustraction d'impôt ou de rappel d'impôt (Procès-verbaux des séances des 17 février 1953 et 5 mars 1953).  
Le Conseil fédéral a ensuite repris les considérations de la commission et indiqué dans son message aux Chambres fédérales que des circonstances spéciales imposent des exceptions au délai de cinq ans au cours duquel la caisse de compensation peut faire valoir sa créance au moyen d'une décision. Si des cotisations doivent être prélevées sur un revenu taxé dans une procédure pour soustraction d'impôt, le délai ne doit prendre naissance qu'après la fin de l'année dans laquelle la taxation fiscale est entrée en force (Message du Conseil fédéral relatif à un projet de loi modifiant celle sur l'assurance-vieillesse et survivants du 5 mai 1953, FF 1953 II 73, 112 s.). Le Parlement fédéral a adopté l'art. 16 al. 1, 2e phrase, aLAVS (loi du 30 septembre 1953 modifiant celle sur l'assurance-vieillesse et survivants [RO 1953 217, 219]), selon lequel "le point de départ de ce délai [délai de cinq ans à compter de la fin de l'année civile pour laquelle elles sont dues] est reporté à la fin de l'année civile au cours de laquelle la taxation fiscale est entrée en force, s'il s'agit de cotisations fixées d'après une taxation consécutive à une procédure pour soustraction d'impôt". La disposition est entrée en vigueur le 1er janvier 1954. Il s'agit d'une exception au principe de l'art. 16 al. 1, 1re phrase, LAVS, le délai ne commençant alors pas avec l'année civile qui suit celle pour laquelle les cotisations sont dues (Circulaire 64, du 29 décembre 1954, de l'OFAS aux caisses de compensation concernant la prescription des cotisations, p. 2). 
 
5.2.2. La réglementation de la péremption du droit de fixer les cotisations en lien avec la taxation fiscale déterminante n'a pas été modifiée par l'entrée en vigueur de la LPGA. Au cours des travaux préparatoires y relatifs, la Commission de la sécurité sociale et de la santé du Conseil national s'est prononcée sur la proposition du Conseil des Etats sur l'art. 31, 2e phrase, relatif à l'extinction du droit, selon lequel "les réglementations spéciales des différentes lois d'assurances sociales sur les délais de demande et d'annonce, sur la fixation de cotisations à l'aide de taxations fiscales et sur la caducité définitive de prestations ou de cotisations fixées en temps utile mais non versées ou payées demeurent réservées". Elle a proposé de biffer cette seconde phrase, en raison de la nouvelle conception de la technique législative, à savoir l'introduction dans les lois spéciales des dérogations explicites à la LPGA (Rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé du Conseil national du 26 mars 1999, FF 1999 4168, ch. 421 p. 4179 ss et ch. 52 p. 4221). Dans le commentaire consacré à l'art. 32 du projet sur la restitution des prestations, la Commission a expressément reconnu qu'il existe une règle particulière pour les cotisations déterminées d'après une décision de taxation fiscale et que, "comme il ne faut rien changer à l'état actuel, les dérogations nécessaires à la LPGA sont prévues dans l'art. 16 LAVS". Sous l'angle de la "prescription" des cotisations, une dérogation à l'art. 24 al. 1 LPGA (art. 31 du projet) a été prévue à l'art. 16 al. 1, 2e phrase, LAVS (cf. ATF 146 V 1 consid. 8.1), tandis qu'en relation avec la restitution, une dérogation à l'art. 25 LPGA a été introduite à l'art. 16 al. 3 LAVS (cf. rapport cité, FF 1999 4168, ch. 52 p. 4224).  
 
5.3. Il résulte de ce qui précède que le législateur fédéral a maintenu une règle spéciale permettant à l'organe d'exécution de la LAVS, dans les situations mentionnées par l'art. 16 al. 1, 2e phrase LAVS, de fixer les cotisations devant être déterminées en fonction de la taxation fiscale dans un délai qui dépend de la date de l'entrée en force de cette taxation. Comme le fait valoir la recourante, ce délai peut excéder dix années, compte tenu du délai de 15 ans prévu par l'art. 152 al. 3 LIFD.  
Or le délai de l'art. 16 al. 1, 2e phrase LAVS ne saurait être en quelque sorte raccourci par le délai prévu en matière de révision procédurale au sens de l'art. 53 al. 1 LPGA en relation avec l'art. 67 PA. Rien ne permet en effet de retenir qu'en considérant que les conditions d'une révision procédurale doivent être réalisées pour revenir sur une décision de cotisations entrée en force, le Tribunal fédéral a voulu modifier ou rendre inopérant le délai de fixation des cotisations à la suite d'une taxation fiscale (voir p. ex. ATF 115 V 183). Il s'agissait de reconnaître que l'administration ne peut pas modifier une décision de cotisations entrée en force sans disposer d'un titre particulier lui permettant d'y revenir et non de modifier le droit matériel concernant la péremption de la fixation des cotisations; ainsi, lorsque cette condition est réalisée, il est admissible de modifier de manière rétroactive la dette de cotisations concernant les mêmes rémunérations (cf. arrêt H 184/95 du 4 juillet 1997 consid. 5b et la référence; voir aussi ATF 115 V 183). Une telle intention ne peut pas non plus être imputée au législateur fédéral lors de l'adoption de la LPGA (consid. 5.2.2 supra). Dans ce contexte, la considération de la juridiction cantonale selon laquelle l'absence de mention, à l'art. 16 LAVS, d'une dérogation à l'art. 53 LPGA entraîne l'application du délai absolu de l'art. 67 PA ne saurait être suivie. La lecture des travaux préparatoires ne fait apparaître aucun élément allant dans le sens d'une modification de l'institution de la péremption telle que prévue par l'art. 16 al. 1 LAVS depuis 1954. 
 
6.  
 
6.1. En conséquence de ce qui précède, la caisse de compensation était en droit de revenir sur ses décisions formellement passées en force en raison des faits nouveaux importants découlant des décisions de taxation. Pour ce faire, elle a respecté le délai d'un an après la fin de l'année civile au cours de laquelle les décisions de rappel d'impôt du 28 août 2019 sont entrées en force (art. 16 al. 1, 2e phrase, LAVS). La juridiction cantonale a dès lors violé le droit fédéral en considérant que le droit de la caisse de compensation recourante de réclamer le paiement des cotisations arriérées était éteint par péremption.  
 
6.2. Le recours doit dès lors être admis. Il n'y a pas lieu de renvoyer la cause à la juridiction cantonale pour qu'elle examine l'argumentation présentée en instance cantonale par l'intimé, qui ne s'est pas exprimé en procédure fédérale. Celui-ci s'est prévalu uniquement en instance cantonale de l'art. 16 al. 1, 3e phrase LAVS, en soutenant que c'est le délai de sept ans prévu par l'art. 97 CP, en raison de l'infraction de soustraction d'impôt, qui aurait été applicable et non pas le "délai ordinaire" d'un an après la fin de l'année civile au cours de laquelle la taxation fiscale déterminante est entrée en force. Ce grief n'est pas pertinent, compte tenu des 2eet 3e phrases de l'art. 16 al. 1 LAVS. Dès lors que la recourante a agi dans le délai de l'art. 16 al. 1, 2e phrase, LAVS, l'application d'un délai plus long résultant du droit pénal n'entrait pas en ligne de compte.  
La requête d'effet suspensif déposée par la caisse de compensation recourante est sans objet. 
 
7.  
L'intimé, qui succombe, supportera les frais de la procédure (art. 66 al. 1 LTF). La recourante n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
La cause sera renvoyée au tribunal cantonal pour nouvelle décision sur les dépens de la procédure antérieure (art. 68 al. 5 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis. L'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, du 10 décembre 2020 est annulé et la décision sur opposition de Gastro Social Caisse de compensation du 8 janvier 2020 est confirmée. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 
 
3.  
La cause est renvoyée à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, pour nouvelle décision sur les dépens de la procédure antérieure. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 4 mai 2022 
 
Au nom de la IIe Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
Le Greffier : Bleicker