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Chapeau

114 Ib 200


31. Arrêt de la IIe Cour de droit public du 25 novembre 1988 dans la cause Eric Bertinat et le mouvement "Vigilance" contre Autorité indépendante d'examen des plaintes en matière de radio-télévision (recours de droit administratif)

Regeste

Art. 103 OJ; art. 14 de l'arrêté fédéral sur l'autorité indépendante d'examen des plaintes en matière de radio-télévision du 7 octobre 1983 (RS 784.45).
1. La qualité pour agir par recours de droit administratif contre les décisions de l'Autorité de plainte se détermine uniquement sur la base des dispositions de la loi fédérale d'organisation judiciaire (consid. 1).
2. Le fait pour le représentant d'une association d'avoir pris publiquement position sur un sujet d'intérêt général ne permet pas, à lui seul, de considérer que cette association est particulièrement concernée au sens de l'art. 14 lettre c de l'arrêté fédéral du 7 octobre 1983 lorsque ce sujet est traité dans une émission de télévision (consid. 2).

Faits à partir de page 201

BGE 114 Ib 200 S. 201
Par décision du 2 mars 1988, l'Autorité indépendante d'examen des plaintes en matière de radio-télévision (ci-après l'Autorité de plainte) a constaté que les séquences des éditions de midi et du soir de l'émission Téléjournal du 2 décembre 1987, consacrées au vote du Conseil national refusant la ratification de la Charte sociale européenne, n'avaient pas violé la concession accordée à la Société suisse de radiodiffusion et télévision; elle écartait ainsi la plainte formulée le 8 décembre 1987 par Eric Bertinat - président du parti politique "Vigilance" - et 21 cosignataires. Une plainte identique déposée par le mouvement "Vigilance" était en outre déclarée irrecevable, en raison du défaut de qualité pour agir du recourant.
Eric Bertinat et "Vigilance" ont formé un recours de droit administratif contre la décision de l'Autorité de plainte. Le Tribunal fédéral n'est pas entré en matière sur le recours d'Eric Bertinat et a rejeté celui du parti politique.

Considérants

Considérant en droit:

1. a) En prescrivant que "les décisions de l'autorité de plainte peuvent être déférées au Tribunal fédéral par un recours de droit administratif", l'art. 25 de l'arrêté fédéral sur l'autorité indépendante d'examen des plaintes en matière de radio-télévision du 7 octobre 1983 (RS 784.45; ci-après: l'arrêté fédéral du 7 octobre 1983) ne fait que renvoyer à l'art. 98 lettre f OJ qui déclare le recours recevable contre les décisions "d'autres commissions fédérales si le droit fédéral prévoit le recours direct contre leurs décisions" (cf. CORBOZ, Le contrôle populaire des émissions de la radio et de la radiotélévision, in: Mélanges Robert Patry, Lausanne 1988, p. 291/292).
Le texte clair de l'art. 25, seule disposition de l'arrêté fédéral à concerner le recours de droit administratif, ne pose ainsi aucune exception aux règles prévues par les art. 97 ss OJ, de sorte qu'en principe, toutes les décisions prises par l'Autorité de plainte peuvent faire l'objet d'un recours si celui-ci satisfait aux exigences de recevabilité d'un recours de droit administratif.
b) Dans la mesure où le législateur n'a prévu aucune disposition particulière restreignant de manière spécifique la recevabilité des recours dirigés contre les décisions de l'Autorité de plainte, il n'appartient pas au Tribunal fédéral d'aggraver les conditions de recevabilité des recours en excluant d'emblée de sa cognition certaines catégories de décisions prises par l'autorité inférieure. En
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particulier, à défaut de base légale, le Tribunal fédéral ne peut d'office déclarer irrecevables les recours dirigés contre des décisions prises en application de l'art. 14 lettre a de l'arrêté fédéral du 7 octobre 1983. Certes, en vertu de l'art. 103 lettre a OJ, les recours contre les décisions statuant sur les plaintes populaires n'éviteront pas, en principe, un arrêt d'irrecevabilité; il n'en demeure pas moins que le Tribunal fédéral devra à chaque fois examiner si les conditions des art. 97 ss OJ sont satisfaites.
c) Aux termes de l'art. 103 lettre a OJ, a qualité pour recourir par la voie du recours de droit administratif, quiconque est atteint par la décision attaquée et a un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée. La jurisprudence admet notamment qu'un recourant bénéficie d'un intérêt digne de protection lorsqu'il démontre que la décision attaquée le touche plus que la généralité des administrés dans ses intérêts économiques, matériels ou idéaux; peu importe que ces intérêts soient juridiques ou de pur fait (ATF 110 Ib 400 et les arrêts cités).
d) Dans le cas d'espèce, Eric Bertinat n'est pas atteint plus intensément que le reste des téléspectateurs par les émissions qu'il conteste. Le refus du Parlement fédéral d'approuver la ratification de la Charte sociale européenne ainsi que la manière dont l'information a été rapportée par le diffuseur national ne le concernent pas à un titre spécial. En s'insurgeant contre la structure des émissions, qui feraient trop peu de cas de la volonté majoritaire des Chambres fédérales, le recourant ne défend pas ses intérêts personnels, mais uniquement l'intérêt général tenant à l'équilibre de l'information télévisée; ce seul intérêt ne saurait suffire pour former un recours de droit administratif (GRISEL, Traité de droit administratif, p. 899). Ne pouvant se prévaloir d'un rapport suffisamment étroit avec le contenu des émissions attaquées, Eric Bertinat ne satisfait pas aux exigences de l'art. 103 OJ. Partant, son recours de droit administratif doit être déclaré irrecevable.

2. a) Ainsi que le relève à juste titre l'Autorité de plainte, le recours du mouvement "Vigilance" s'avère recevable dans la mesure où celui-ci conteste la décision de non-entrée en matière prise à son encontre (ATF 108 Ib 93, ATF 104 Ib 317).
b) L'autorité intimée a déclaré le recours irrecevable en estimant que "Vigilance" ne remplissait pas les conditions de l'art. 14 lettre c de l'arrêté du 7 octobre 1983 qui réserve la qualité
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pour se plaindre aux seules autorités et associations particulièrement concernées par l'objet de l'émission.
c) Les émissions du 2 décembre 1987 ne mettent pas en cause le mouvement "Vigilance"; elles ne traitent pas en outre d'un sujet qui présenterait un lien si étroit avec le recourant ou les buts qu'il poursuit que celui-ci devrait être tenu comme particulièrement concerné par les diffusions litigieuses au sens de l'art. 14 lettre c de l'arrêté du 7 octobre 1983.
Le fait qu'un représentant de "Vigilance" au Conseil national se soit prononcé contre la ratification de la Charte sociale européenne n'implique pas que ce parti soit atteint plus qu'une autre association - de quelque nature que ce soit - ou un simple citoyen qui aurait pris position sur cette matière; or, sous peine de vider de son sens l'art. 14 lettre c de l'arrêté précité en ouvrant - contrairement à la volonté clairement exprimée par le législateur (arrêt non publié du 14 février 1986 en la cause Association vaudoise des téléspectateurs et auditeurs, consid. 2a) - la voie de la plainte populaire aux personnes morales, il est exclu de reconnaître de manière générale le droit de se plaindre à la multitude des organismes politiques, économiques, sociaux ou religieux, qui régulièrement se prononcent sur les sujets d'actualité, pour leur permettre de contester la manière dont le diffuseur a traité l'information ayant fait l'objet de leur prise de position. Dans une pareille situation - à distinguer de celle où la prise de position elle-même fait l'objet de l'information -, la personne morale n'est pas particulièrement touchée par l'émission; n'ayant pas qualité pour former elle-même une réclamation, elle en est réduite à demander à ses membres ou à d'autres personnes physiques de protester conformément à l'art. 14 lettre a de l'arrêté fédéral.
C'est donc à bon droit que l'autorité intimée a constaté l'irrecevabilité de la plainte déposée par le mouvement "Vigilance".

contenu

document entier
regeste: allemand français italien

Etat de fait

Considérants 1 2

références

ATF: 110 IB 400, 108 IB 93, 104 IB 317

Article: Art. 103 OJ, art. 97 ss OJ, art. 103 lettre a OJ