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Chapeau

118 IV 192


34. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 27 mai 1992 dans la cause S. c. Procureur général du canton de Genève (pourvoi en nullité).

Regeste

Art. 3b al. 3 OCR; port du casque obligatoire pour les cyclomotoristes.
En adoptant cette disposition, qui repose sur une base légale suffisante, le Conseil fédéral n'est pas sorti du cadre de la délégation de compétence et n'a pas créé d'inégalité de traitement. Elle ne saurait donc être remise en question du point de vue de sa légalité ni de sa constitutionnalité.

Faits à partir de page 192

BGE 118 IV 192 S. 192

A.- Le 14 février 1991, S. a circulé en cyclomoteur à Genève sans porter de casque.

B.- Par jugement du 15 octobre 1991, le Tribunal de police de Genève l'a condamné, pour infraction aux art. 90 ch. 1 LCR et 3b OCR, à une amende de 10 francs et aux frais de la procédure.
Statuant sur appel du condamné le 16 mars 1992, la Chambre pénale de la Cour de justice a confirmé ce jugement.

C.- Contre cet arrêt, S. s'est pourvu en nullité à la Cour de cassation du Tribunal fédéral. Soutenant que l'obligation faite aux cyclomotoristes de porter un casque, figurant à l'art. 3b OCR, était dépourvue de base légale, violait le principe de l'égalité de traitement et l'interdiction de l'arbitraire, il conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt attaqué.

Considérants

Extrait des considérants:

1. Le pourvoi en nullité à la Cour de cassation du Tribunal fédéral, qui a un caractère cassatoire (art. 277ter al. 1 PPF), ne peut être formé que pour violation du droit fédéral, à l'exception de la violation directe des droits constitutionnels (art. 269 PPF).
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Comme le recourant invoque des moyens d'ordre constitutionnel, on peut se demander s'il n'aurait pas dû agir par la voie du recours de droit public (art. 269 al. 2 PPF). Il soutient cependant en définitive que l'art. 3b OCR n'était pas applicable - et cela pour des raisons constitutionnelles -, de sorte qu'il pose une question portant sur l'application de l'OCR et n'invoque qu'indirectement une violation du droit constitutionnel; la jurisprudence a déjà admis qu'il fallait agir par la voie du pourvoi en nullité pour contester la constitutionnalité ou la légalité d'une ordonnance du Conseil fédéral appliquée à l'appui d'une condamnation pénale (arrêt non publié du 19 juin 1981 cité par CORBOZ, Le pourvoi en nullité, SJ 1991 p. 80 note 156; cf. également: ATF 103 IV 194 s.).
La Cour de cassation n'est pas liée par les motifs invoqués, mais elle ne peut aller au-delà des conclusions du recourant; en revanche, elle est liée par les constatations de fait de l'autorité cantonale, sous réserve de la rectification d'une inadvertance manifeste (art. 277bis PPF).
La cour cantonale a retenu que le recourant pilotait un cyclomoteur, ce qui est d'ailleurs conforme au rapport de police; on ne voit donc pas d'inadvertance manifeste sur ce point (cf. art. 277bis al. 1 PPF). La Cour de cassation est liée par cette constatation de fait et le recourant ne peut pas être suivi lorsqu'il parle, dans son mémoire, de la conduite d'un motocycle léger (voir ATF 115 IV 41 consid. 3a; sur la notion de motocycle léger: art. 2 al. 2 2e phrase OCE; sur la notion de cyclomoteur: art. 5 al. 2 OCE).
Il doit être enfin rappelé que le mémoire produit à l'appui du pourvoi doit contenir la motivation du recourant et qu'il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur des arguments qui résultent seulement d'un renvoi à des pièces du dossier ou à des écritures antérieures (ATF 106 IV 284 consid. 2, 340 consid. 1, 100 IV 187 consid. 1a).

2. a) Selon l'art. 90 ch. 1 LCR, celui qui aura violé les règles de la circulation fixées par la loi ou par les prescriptions d'exécution émanant du Conseil fédéral sera puni des arrêts ou de l'amende. Dans sa partie consacrée à l'énoncé des règles de circulation, l'OCR prévoit, à l'art. 3b al. 3 que "les conducteurs de cyclomoteurs doivent porter un casque homologué pendant le trajet". Cette règle s'applique sous réserve d'exceptions contenues à l'art. 3b al. 4 OCR, dont aucune n'est réalisée en l'espèce.
Il n'est donc pas douteux, sur la base des faits établis par l'autorité cantonale d'une manière qui lie la Cour de cassation, que la condamnation du recourant à une amende de 10 francs procède d'une application correcte des dispositions visées.
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Le litige porte exclusivement sur la légalité et la constitutionnalité de l'obligation prescrite par l'art. 3b al. 3 OCR.
b) Le Tribunal fédéral peut contrôler la constitutionnalité et la légalité des ordonnances du Conseil fédéral; lorsqu'une ordonnance est fondée sur une délégation législative, il s'assure que les dispositions adoptées restent dans le cadre de la norme de délégation; il vérifie également qu'elles ne violent pas le droit constitutionnel, sauf si une dérogation découle directement de la norme de délégation elle-même (ATF 114 Ib 19 consid. 2, ATF 112 Ib 368 consid. c, ATF 105 IV 254 consid. 2a). Si la délégation de compétence donne au Conseil fédéral un large pouvoir d'appréciation pour fixer des dispositions d'exécution, cette décision lie le Tribunal fédéral, qui ne doit pas substituer sa propre appréciation à celle de l'autorité compétente; il ne pourrait intervenir que si l'ordonnance sortait manifestement du cadre de la délégation ou pour d'autres motifs violait la loi ou la constitution (ATF 114 Ib 19 consid. 2, ATF 112 Ib 368 consid. c et les arrêts cités).
c) Selon l'art. 57 al. 5 let. b LCR, le Conseil fédéral peut prescrire que les conducteurs et passagers de véhicules à deux roues équipés d'un moteur portent un casque protecteur.
On observera que le législateur a choisi la formule très générale de "véhicules à deux roues équipés d'un moteur", et non pas celle, plus restrictive, de motocycles. On ne saurait dire qu'un cyclomoteur (art. 5 al. 2 OCE) n'est pas un véhicule à deux roues équipé d'un moteur.
Quant aux raisons pour lesquelles la loi n'a pas institué elle-même l'obligation de porter le casque, elles ont été expliquées lors des travaux préparatoires. Ayant considéré que le casque, pour les usagers des véhicules à deux roues motorisés, constituait un moyen efficace d'atténuer les risques de blessures en cas d'accident, le législateur a laissé le soin au Conseil fédéral d'introduire l'obligation de le porter, si l'usage volontaire n'augmentait pas suffisamment; il a été précisé que "le gouvernement fédéral pourrait en déclarer le port obligatoire pour ceux qui utilisent de tels véhicules ou certaines catégories de ces véhicules" (BO 1979 CN 917, déclaration Wilhelm).
L'article 3b al. 3 OCR qui oblige les cyclomotoristes à porter le casque - hormis les exceptions prévues à l'al. 4 - repose donc manifestement sur une base légale suffisante et le Conseil fédéral n'est pas sorti du cadre de la délégation de compétence.
d) Le recourant soutient que le Conseil fédéral a fait un usage arbitraire de la faculté qui lui était ouverte par la loi, en créant une inégalité de traitement entre, d'une part, les cyclomotoristes astreints à
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porter le casque et, d'autre part, les cyclistes et les cyclomotoristes qui en sont dispensés par l'art. 3b al. 4 OCR. Le grief d'arbitraire, tel qu'il est invoqué, ne se distingue pas de celui tiré d'une violation du droit à l'égalité de traitement.
On doit tout d'abord se demander si l'inégalité alléguée ne résulte pas du texte légal déjà, de sorte qu'elle échapperait au contrôle du Tribunal fédéral (art. 113 al. 3 Cst.; ATF 114 Ib 19 consid. 2). Il résulte clairement de l'art. 57 al. 5 let. b LCR que seuls les occupants de véhicules à deux roues équipés d'un moteur peuvent être astreints à porter un casque; ainsi, le législateur a d'emblée distingué le cas des véhicules à deux roues sans moteur, à savoir les cycles. Il n'a cependant pas prescrit que le Conseil fédéral, s'il entendait faire usage de la faculté qui lui était ouverte, devait nécessairement astreindre au port du casque tous les occupants d'un véhicule à deux roues équipé d'un moteur. Il ressort au contraire clairement des travaux préparatoires qu'il lui appartient de déterminer si des distinctions doivent être faites (BO 1979 CN 917). Le Tribunal fédéral peut donc examiner si l'ordonnance, par les distinctions qu'elle a choisi de faire ou de ne pas faire, a créé des inégalités insoutenables.
e) Le droit à l'égalité de traitement, garanti par l'art. 4 Cst., est violé lorsqu'une disposition établit des distinctions qui ne trouvent aucune justification raisonnable dans la situation à réglementer ou omet les distinctions qui s'imposent; le principe de l'égalité exige que ce qui est semblable soit traité de la même fa on dans la mesure de la similitude et que ce qui est dissemblable soit traité différemment dans la mesure de la dissemblance; seuls des éléments pertinents et importants peuvent justifier un traitement semblable ou un traitement différent; la question de savoir s'il existe un motif raisonnable pour une distinction peut recevoir des réponses différentes suivant les époques et les idées dominantes; il convient également de respecter en cette matière le pouvoir d'appréciation qui appartient à l'autorité compétente (ATF 117 Ia 101 consid. 3a, 259 consid. 3b et les arrêts cités).
f) S'il est vrai, comme l'observe le recourant, que le droit de la circulation routière a parfois assimilé les cyclomoteurs à des cycles (art. 43 al. 1 OCR, 90 al. 1 OAC, art. 75 al. 1 OCE), cette assimilation n'est jamais totale; il arrive même que la législation assimile les motocyclistes et les cyclistes (art. 42 al. 1 et 2 OCR).
Le recourant ne conteste pas que le port du casque puisse constituer une protection efficace en cas de chute, le Tribunal fédéral étant
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d'ailleurs lié sur ce point par la volonté du législateur (art. 57 al. 5 let. b LCR).
Il n'est pas déraisonnable de penser que la violence d'une chute est généralement influencée par la vitesse du véhicule. S'il est vrai qu'un cycliste peut théoriquement atteindre ou dépasser la vitesse d'un cyclomotoriste (art. 5 al. 2 OCE), l'expérience enseigne cependant que les cyclomotoristes roulent souvent à une vitesse proche du maximum autorisé (30 km/h), alors que les cyclistes, en raison de l'effort à fournir, roulent généralement et en moyenne moins vite. Compte tenu du large pouvoir d'appréciation laissé au Conseil fédéral, on ne saurait dire qu'il a créé une inégalité de traitement insoutenable en n'assimilant pas les cyclomotoristes aux cyclistes et en faisant usage à leur égard de la faculté ouverte par l'art. 57 al. 5 let. b LCR.
g) Le recourant soutient enfin que dans trois cas les exceptions prévues par l'art. 3b OCR créent une inégalité de traitement.
Il évoque tout d'abord le cas des livreurs allant de maison en maison (art. 3b al. 4 let. b OCR). Exiger de ces livreurs qu'ils mettent et enlèvent constamment leur casque peut raisonnablement apparaître comme excessif; il existe donc sur ce point une différence de situation qui justifie la différence de traitement.
Le recourant évoque ensuite les conducteurs circulant sur des chemins ruraux et des chemins forestiers (art. 3b al. 4 let. d OCR). Il est cependant raisonnable de penser que la circulation est moins dense sur ces voies de communication et qu'en conséquence le risque d'accident est moindre; ici également, il existe une différence de situation qui justifie la différence de traitement.
Le recourant évoque enfin le cas des enfants de moins de 7 ans. Il perd cependant de vue qu'il n'y a sur ce point aucune exception pour les cyclomoteurs (art. 3b al. 4 OCR) puisqu'ils ne peuvent transporter de passagers (art. 5 al. 2 OCE et 42 al. 1 OCR) et que l'âge de 14 ans est requis pour les piloter (art. 28 al. 1 OAC). Quant aux enfants passagers d'un motocycle (art. 3b al. 2 let. e et art. 63 OCR), leur situation est nettement distincte de celle du recourant, de sorte que celui-ci ne saurait invoquer ce cas particulier et rare pour prétendre à un traitement semblable.
Le pourvoi doit par conséquent être rejeté.

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Considérants 1 2

références

ATF: 114 IB 19, 112 IB 368, 103 IV 194, 115 IV 41 suite...

Article: art. 5 al. 2 OCE, art. 57 al. 5 let. b LCR, art. 3b OCR, art. 3b al. 4 OCR suite...

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