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Chapeau

12498/08


Zürcher Urs gegen Schweiz
Nichtzulassungsentscheid no. 12498/08, 04 septembre 2012

Regeste

DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ de la CourEDH:
SUISSE: Art. 6 par. 2 CEDH. Présomption d'innocence. Non-épuisement des instances.

Ni les moyens soulevés par le requérant dans son recours au Tribunal fédéral, ni les passages de son recours cités dans ses observations devant la Cour ne permettent de considérer qu'il a soulevé, ne serait-ce qu'en substance, le grief tiré d'une violation de la présomption d'innocence. Cette conclusion s'impose d'autant plus qu'il était représenté par un avocat. Au surplus, le Tribunal fédéral n'a pas non plus retenu un quelconque grief relatif à la présomption d'innocence. Dès lors, les instances internes n'ont pas été épuisées.
Conclusion: requête déclarée irrecevable.



Synthèse de l'OFJ
(3ème rapport trimestriel 2012)

Présomption d'innocence (art. 6 § 2 CEDH); requérant déclaré coupable par les juridictions civiles alors que les poursuites pénales à son encontre avaient été abandonnées.

Invoquant les articles 6 § 1 et 6 § 2 de la Convention, le requérant s'est plaint que les juridictions civiles l'ont déclaré coupable d'avoir commis certaines infractions alors que les poursuites pénales à son encontre avaient été abandonnées. La Cour a estimé que ni les moyens soulevés par le requérant dans son recours au Tribunal fédéral, ni les passages de son recours cités dans ses observations devant la Cour ne sauraient suffire pour considérer que le requérant a soulevé, ne serait-ce qu'en substance, le grief tiré d'une violation de la présomption d'innocence, d'autant plus que le requérant a été représenté devant le Tribunal fédéral par un avocat. Irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes (majorité).





Faits

La Cour européenne des droits de l'homme (deuxième section), siégeant le 4 septembre 2012 en une chambre composée de :
Danute Jociene, présidente,
Dragoljub Popovic,
Isabelle Berro-Lefèvre,
András Sajó,
Guido Raimondi,
Paulo Pinto de Albuquerque,
Helen Keller, juges,
et de Françoise Elens-Passos, greffière adjointe de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 5 mars 2008,
Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
1. Le requérant, M. Urs Zürcher, est un ressortissant suisse, né en 1951 et résidant à Udligenswil (canton de Lucerne).
A. Les circonstances de l'espèce
1. La genèse de l'affaire
2. Le requérant fut engagé en 1998 comme surveillant d'un garage.
3. Le 16 juillet 2001, l'employeur du requérant adressa à la police cantonale du canton de Lucerne une dénonciation pénale contre lui. Il l'accusait d'avoir commis diverses infractions pénales à son préjudice. Le 18 juillet 2001, le requérant fut arrêté. Après avoir été interrogé par la police, il fut remis en liberté le jour même et licencié immédiatement par son employeur.
4. Par décision du 13 septembre 2001, le juge d'instruction de l'arrondissement de Lucerne( Amstatthalteramt Luzern ) rappela que plusieurs personnes interrogées durant l'enquête avaient indiqué que le requérant les avait laissées sortir du garage sans payer, mais que le requérant contestait avoir par là commis une infraction pénale. Il observa cependant que l'article 150 du code pénal (obtention frauduleuse d'une prestation) entrait en considération comme infraction pénale, mais que le véritable lésé, une autre société que l'employeur du requérant, avait renoncé à porter plainte par lettre du 29 août 2009. Il constata en outre qu'il n'y avait aucun indice que d'autres infractions pénales contre le patrimoine eussent été réalisées et que l'enquête pour soupçons d'avoir commis des infractions contre le patrimoine serait ainsi classée (article 125 alinéa 2 du code de procédure pénale). Cette décision ne fut pas contestée et entra en force de chose jugée.
2. La procédure devant les juridictions civiles
5. Par la suite, le requérant engagea une action contre son employeur devant le tribunal d'arrondissement de Lucerne-Ville( Amtsgericht Luzern-Stadt ). Il alléguait que son licenciement immédiat était injustifié. Il demandait des dommages-intérêts ainsi que la remise d'un certificat de travail.
6. Par un jugement du 30 mars 2004, le tribunal d'arrondissement accueillit la demande en ce qui concernait le certificat de travail et la rejeta pour le surplus. Il rappela que le juge civil n'était pas lié par les décisions rendues en matière pénale et qu'il lui appartenait d'établir les faits pertinents. Il constata ensuite que le requérant s'était rendu coupable d'obtention frauduleuse d'une prestation, voire d'escroquerie, au préjudice de son employeur, en laissant des individus quitter le garage sans payer et qu'il avait également détourné une somme de CHF 350 (EUR 233 environ). Il conclut finalement que le licenciement sur le champ était justifié et qu'il n'y avait pas lieu d'indemniser le requérant.
7. Le requérant interjeta appel.
8. Par un arrêt du 27 juin 2005, le tribunal supérieur du canton de Lucerne( Obergericht des Kantons Luzern - ci-après « le tribunal supérieur ») annula le jugement et renvoya l'affaire au tribunal d'arrondissement. Il considéra que le requérant avait droit à des dommages-intérêts pour son licenciement immédiat. S'agissant de la rédaction du certificat de travail, il observa à propos des reproches de l'employeur que le requérant avait laissé à plusieurs reprises des personnes garer leur véhicule sans payer et qu'il ne lui avait pas remis un montant de CHF 350.-, que les soupçons ne s'étaient pas confirmés et que la procédure pénale avait été classée.
9. Par un jugement du 9 mai 2006, le tribunal d'arrondissement, après avoir examiné l'ensemble des preuves à sa disposition, condamna l'employeur du requérant à payer à ce dernier des dommages-intérêts réduits. Il considéra notamment que le fait de laisser sortir gratuitement des personnes tombait sous le coup du délit d'obtention frauduleuse d'une prestation (article 150 du code pénal) et constituait une violation grave ( grob ) de l'obligation de fidélité du requérant, conformément à l'article 321a du code des obligations. D'après le tribunal, un tel comportement était de nature, en règle générale, à justifier un licenciement immédiat, sans avertissement préalable, et constituait une infraction pénalement répréhensible envers l'employeur qui troublait gravement le rapport de confiance entre l'employeur et l'employé. Le tribunal précisa que le fait que le juge d'instruction eût classé la plainte contre le requérant n'y changeait rien car il n'était pas lié par cette décision et la procédure pénale avait été classée en raison de l'absence de plainte de la part du lésé.
Le tribunal poursuivit que le requérant avait aussi avoué avoir encaissé CHF 350.- pour des travaux de réparation qu'il avait effectués en dehors de ses heures de travail et avoir conservé l'argent pour lui. Aux yeux du tribunal, ce comportement constituait non seulement une grave violation de l'obligation du requérant de rendre compte et de restituer, prévue à l'article 321b du code des obligations, et justifiant le licenciement immédiat du requérant, mais aussi, en règle générale, une infraction pénale.
10. Le requérant interjeta de nouveau appel devant le tribunal supérieur qui, le 27 avril 2007, déclara son recours partiellement bien-fondé. Renvoyant intégralement aux motifs du tribunal d'arrondissement, il considéra que le requérant s'était rendu coupable de plusieurs délits plus graves que de simples contraventions qui étaient de nature à affecter la réputation de l'employeur. Il observa que le requérant n'avait d'ailleurs pas
contesté qu'un comportement pénalement répréhensible (obtention frauduleuse d'une prestation) permettait de prononcer le licenciement immédiat, mais s'était borné à contester les faits qui lui étaient reprochés.
Le tribunal supérieur rappela que si le juge d'instruction avait constaté qu'il n'y avait aucun indice que d'autres infractions pénales contre le patrimoine eussent été réalisées, cela provenait du fait que celui-ci n'avait mené aucune enquête pénale dans cette direction, plus particulièrement en ce qui concerne les CHF 350.- En procédant ainsi, il avait, aux yeux du tribunal supérieur, implicitement exclu, sans motivation plus détaillée, le délit d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur (article 147 du code pénal). Le tribunal supérieur estima que cela était difficilement compréhensible puisque le requérant avait tout de même introduit une fausse durée de stationnement gratuit grâce à laquelle une personne avait pu sortir gratuitement du garage, ce qui avait entraîné des pertes non négligeables du chiffre d'affaires pour la gérante du garage.
3 La procédure devant le Tribunal fédéral
a) Le recours du requérant
11. Le 6 juin 2007, le requérant saisit le Tribunal fédéral d'un recours en matière civile.
12. La partie B. du mémoire du requérant portant sur les aspects matériels de l'affaire se divisait en huit parties dont la première énumérait les « griefs » (page trois du recours). Dans cette partie, le requérant soutenait que l'arrêt attaqué du tribunal supérieur enfreignait l'article 9 de la Constitution et les articles 337c § 3, 321b et 321e du code des obligations. Le requérant dénonçait aussi l'établissement inexact des faits, au sens de l'article 97 § 1 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (voir « Le Droit interne pertinent » - paragraphes 20-21 ci-dessous).
13. Dans la troisième partie intitulée « Déroulement de la procédure », le requérant relata le cours de la procédure et reproduisit certains passages de l'arrêt du tribunal supérieur du 27 juin 2005 (voir le paragraphe 8 ci-dessus). Sous le point 3.4.2 (page six), il rappela que le tribunal d'arrondissement, dans son jugement du 9 mai 2006, lui avait alloué 11 607,65 CHF. Le requérant poursuivit :
« Contrairement aux consignes du tribunal supérieur que les soupçons ne s'étaient précisément pas confirmés et qu'il s'agissait d'une prétendue faute du requérant, ce qui avait abouti à l'émission d'un certificat de travail excellent, le tribunal supérieur confirmait dans son arrêt la criminalisation de la partie demanderesse que le tribunal d'arrondissement avait retenue. Le tribunal supérieur a ainsi fait preuve d'un comportement contradictoire. »
14. Dans la quatrième partie, intitulée « Violation de l'article 9 de la Constitution », le requérant exposa, au point 4.2 (page sept), qu'il était contradictoire de retenir, d'une part, pour ce qui était du certificat de travail, que les soupçons contre lui ne s'étaient pas confirmés et qu'il n'était question dans ce contexte que d'une prétendue faute de sa part, mais de considérer, d'autre part, en ce qui concernait les conséquences financières du licenciement, qu'il avait commis les infractions qui lui avaient été reprochées et de ne lui allouer en conséquence qu'une indemnité d'un mois de salaire brut. Le requérant poursuivit qu'il n'était pas possible que le tribunal supérieur se fondait sur deux établissements des faits différents lors de l'appréciation du contenu du certificat de travail, d'une part, et des conséquences pécuniaires du licenciement, d'autre part.
Au point 4.3 (page huit), le requérant exposa que le tribunal d'arrondissement et le tribunal supérieur auraient dû se sentir liés par les constatations dans l'arrêt du 27 juin 2005, à savoir que les soupçons contre lui ne s'étaient précisément pas confirmés et qu'il ne s'était agi que d'une prétendue faute. D'après lui, le tribunal supérieur avait ainsi violé l'article 9 de la Constitution. Le requérant poursuivit que cela avait pour conséquence que, contrairement à l'établissement des faits par le tribunal supérieur, son licenciement immédiat n'était pas seulement illégal en raison de la péremption ( Verwirkung ), mais aussi parce qu'il n'y avait pas de faute professionnelle de sa part. D'après lui, il était évident que si les juridictions civiles avaient accordé une indemnité d'un mois de salaire parce qu'il y avait eu péremption, elles auraient dû allouer davantage si elles avaient procédé à une appréciation dépourvue de considérations contradictoires et tenu compte de l'absence de fautes professionnelles et d'autres circonstances énumérées dans la cinquième partie de la partie B. du recours. Le requérant conclut que la réparation de ce défaut était déterminante pour l'issue de la procédure et que, puisque le tribunal supérieur en établissant les faits dans son arrêt du 27 avril 2007 comme il l'avait fait, avait enfreint l'article 9 de la Constitution, le Tribunal fédéral n'était pas lié par cet établissement mais devait se fonder sur les faits tels qu'établis dans l'arrêt du 27 juin 2005.
15. Dans la cinquième partie du recours le requérant dénonça la violation de l'article 337 c § 3 du code des obligations en raison notamment de l'absence d'une audition, des preuves manipulées, de la façon dont le licenciement avait été prononcé, de la durée de l'emploi et des conséquences financières. Au point 5.3.3 (page onze), il soutenait qu'il y avait lieu de prendre en compte en particulier que son employeur l'avait stigmatisé comme malfaiteur avant qu'il eût été établi si le véritable lésé porterait plainte contre lui.
16. La sixième partie du mémoire portait sur une prétendue violation des articles 321b et 321e du code des obligations combinés avec l'article 9 de la Constitution au motif que les juridictions civiles avaient donné suite à deux demandes de la partie défenderesse.
17. La septième partie du mémoire (« Résumé ») se lit ainsi :
« Fondée sur ses propres constatations, d'après lesquelles les motifs de suspicion à l'encontre du requérant ne s'étaient pas confirmés, l'instance inférieure avait reconnu au requérant un très bon certificat de travail.
L'instance précédente est également liée par ces constatations dans la deuxième procédure d'appel. Il s'ensuit non seulement que la partie défenderesse a été déchue de son droit de licencier [le requérant], mais aussi que l'on ne peut reprocher au requérant une faute. Compte tenu de toutes les circonstances, il est justifié de reconnaître au requérant 45 492, 50 CHF (...) au titre d'une sanction pour violation du droit.
En raison de l'absence d'une faute du requérant les demandes [de la partie défenderesse] n'ont pas de fondement. »
b) L'arrêt du Tribunal fédéral
18. Par arrêt du 24 septembre 2007, le Tribunal fédéral rejeta le recours. Concernant l'appréciation des faits par le tribunal supérieur, il retint les éléments suivants :
« Le requérant se plaint d'une violation de l'interdiction de l'arbitraire au motif que la constatation des faits par l'instance précédente était contradictoire.
(...)
L'instance précédente a adopté dans son arrêt du 27 avril 2007, les motifs [fournis par] le tribunal d'arrondissement, aux termes desquels, après une appréciation des preuves, les soupçons à l'encontre du requérant se seraient confirmés. L'instance précédente est également arrivée à la conclusion, au terme d'un examen des diverses déclarations des personnes impliquées et du procès-verbal récapitulatif, que le requérant avait laissé sortir certaines personnes sans payer et qu'il avait retenu CHF 350.-
Il est vrai que la conclusion [à laquelle arrive] l'instance précédente est en contradiction avec l'arrêt de renvoi du 27 juin 2005. L'intimée avait alors avancé dans son appel joint que le tribunal d'arrondissement avait à tort indiqué dans le certificat de travail que le requérant avait fait preuve de loyauté, malgré le fait que le requérant ait laissé certaines personnes garer [leurs véhicules] gratuitement à plusieurs reprises et pour une longue durée, et [qu'il] n'ait pas restitué les CHF 350.- A ce propos, l'instance précédente considéra que ce soupçon à l'encontre du requérant ne s'était pas confirmé au cours de la procédure. La procédure pénale aurait manifestement été classée. Pour cette raison il n'y aurait rien à redire aux modifications du certificat de travail auxquelles le tribunal d'arrondissement a procédé. L'instance précédente ne s'est prononcée que globalement au sujet des fautes du requérant, sans examiner de manière approfondie et détaillée les soupçons, respectivement sans procéder à une administration des preuves. Étant donné qu'elle considérait comme périmé le droit de procéder au licenciement sur le champ, elle ne s'est pas posé la question de savoir s'il existait une raison valable au sens de l'article 337 du code des obligations et elle n'a pas examiné les soupçons qui avaient conduit au licenciement sur le champ. Il est vraisemblable qu'un choix imprécis des mots, respectivement une approximation dans la rédaction, soient les raisons pour lesquelles l'instance précédente parle d'une « prétendue faute » ( vermeintlichem Fehlverhalten ) en ce qui concerne le licenciement sur le champ. Ainsi, l'instance précédente écrit dans le même paragraphe encore « faute supposée » ( mutmasslichem Fehlverhalten ).
Lors de la reprise de la procédure, le tribunal d'arrondissement devait examiner, au moment de fixer les prétentions [en dommages-intérêts] pour licenciement sur le champ injustifié, si une raison sérieuse aurait pu justifier le licenciement immédiat. Il ne s'imposait pas à lui de reprendre purement et simplement les expressions générales de l'instance précédente en rapport avec la modification du certificat de travail, mais d'examiner de manière détaillée si une faute pouvait être reprochée au requérant. Après un examen attentif des preuves, le tribunal d'arrondissement est arrivé à la conclusion que les soupçons [à l'encontre du requérant] se sont confirmés. Il n'y a rien d'arbitraire à ce que l'instance précédente, dans l'arrêt attaqué, adopte l'appréciation des preuves effectuée par le tribunal d'arrondissement, ceci d'autant plus que le requérant ne critique pas l'appréciation des preuves en tant que telle.
Les constatations de fait [figurant] dans l'arrêt attaqué, aux termes desquelles le requérant aurait laissé partir sans payer [des individus] et retenu CHF 350.- ne sont par conséquent pas arbitraires. On ne se trouve donc pas en présence d'une constatation erronée des faits au sens de l'article 97 alinéa 1 [de la loi sur le Tribunal fédéral], qui serait susceptible d'être rectifiée (article 105 alinéa 2 de la loi sur le Tribunal fédéral). Le Tribunal fédéral fondera son jugement sur l'état de fait établi par l'instance précédente (article 105 alinéa 1 de la loi sur le Tribunal fédéral). »
19. Examinant, ensuite, le montant des dommages-intérêts alloués au requérant, le Tribunal fédéral se prononça ainsi :
« Le requérant se plaint aussi que l'instance précédente a violé l'article 337 c § 3 du code des obligations en ne fixant l'indemnité qu'à un mois de salaire mensuel brut.
(...)
L'instance précédente a approuvé la décision du tribunal d'arrondissement de fixer l'indemnité [...] à un mois de salaire brut, au motif que le tribunal d'arrondissement a pris en compte les critères essentiels d'évaluation. Le tribunal d'arrondissement a, en particulier, retenu que le comportement du requérant, pénalement répréhensible et violant grossièrement ses obligations contractuelles, aurait en fait justifié son licenciement sur le champ et que le requérant portait à titre principal la responsabilité de sa situation actuelle. Le fait que l'intimée n'ait pas entendu le requérant avant de procéder au licenciement sur le champ - à supposer qu'une telle obligation ait existé - devait être considéré comme une faute légère. Les circonstances du licenciement sur le champ (présence de la police, utilisation des menottes), prises pour elles-mêmes, ont été une source de tension psychique pour le requérant, mais il y avait lieu de considérer qu'il présentait un certain potentiel de dangerosité. De surcroît, le licenciement immédiat n'a pas été la cause de l'état de santé actuel du requérant.
Le requérant justifie en substance sa demande en dommage-intérêts [...] à raison de cinq mois de salaire brut, par le fait qu'aucun comportement erroné ne pourrait lui être reproché. Il ne saurait être entendu lorsqu'il part du principe, dans son argumentation juridique, que les soupçons à son encontre n'ont en fait pas été confirmés. En effet, sa version présuppose un état de fait qui ne correspond pas à l'appréciation des faits de l'instance précédente et qui n'a pas été modifié de manière correspondante suite aux griefs [du requérant] quant [à la constatation des] faits. »
B. Le droit et la pratique internes pertinents
1 La Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
20. Les articles 9 et 32 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 sont ainsi libellés dans leurs parties pertinentes en l'espèce :
Article 9 - Protection contre l'arbitraire et protection de la bonne foi
« Toute personne a le droit d'être traitée par les organes de l'État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi. »
Art. 32 - Procédure pénale
« 1. Toute personne est présumée innocente jusqu'à ce qu'elle fasse l'objet d'une condamnation entrée en force (...) »
2. La loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005
21. Les articles 95, 97 et 105 de la loi fédérale sur le tribunal fédéral du 17 juin 2005 sont ainsi libellés dans leurs parties pertinentes en l'espèce :
Article 95 - Droit suisse
« Le recours peut être formé pour violation :
a) du droit fédéral ;
b) du droit international ; (...) »
Article 97 - Établissement inexact des faits
« 1. Le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause. (...) »
Article 105 - Faits déterminants
« 1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente.
2. Il peut rectifier ou compléter d'office les constatations de l'autorité précédente si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95. (...) »
GRIEFS
22. Invoquant les articles 6 § 1 et 6 § 2 de la Convention, le requérant se plaint que les juridictions internes l'ont déclaré coupable d'avoir commis certaines infractions alors que les poursuites pénales à son encontre avaient été abandonnées.
23. Invoquant l'article 6 § 3 de la Convention, le requérant se plaint qu'il n'a pas pu obtenir la convocation de certains témoins au cours de la procédure devant les juridictions internes.


Considérants

EN DROIT
A. Le grief tiré de la violation de la présomption d'innocence
24. Le premier grief du requérant porte sur la violation de la présomption d'innocence, consacrée par l'article 6 § 2 de la Convention, qui se lit ainsi :
« 2. Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. »
25. Le Gouvernement plaide le non-épuisement des voies de recours internes. Il soutient que le requérant, dans son recours au Tribunal fédéral, n'a soulevé ni expressément ni en substance le grief tiré d'une violation de la présomption d'innocence telle que garantie par l'article 6 § 2 de la Convention.
26. Le requérant rétorque que, d'après la jurisprudence de la Cour, un requérant n'est pas tenu de se référer avec précision aux dispositions de la Convention qui sont invoquées. Il affirme que, dans son recours au Tribunal fédéral, il aurait mentionné à plusieurs reprises la question de l'innocence. Ainsi, il aurait soulevé, à la page trois du recours, les griefs tirés de l'arbitraire au sens de l'article 9 de la Constitution et de la constatation inexacte des faits. A la page six du recours (point 3.4.2), il aurait exposé à nouveau que, d'après le tribunal d'arrondissement, le soupçon ne se serait pas avéré et qu'il se serait agi d'une présomption de comportement délictueux. Le requérant poursuit que, contrairement aux constatations des autorités d'instruction pénale et du tribunal civil, il aurait été, arbitrairement et en l'absence de tout élément nouveau, assimilé à un auteur d'un acte délictueux (référence aux pages 6, 9 et 11, points 3.5 et 5.3.3 de son recours).
27. La Cour rappelle que la finalité de l'article 35 est de ménager aux Etats contractants l'occasion de prévenir ou redresser les violations alléguées contre eux avant que ces allégations ne lui soient soumises (Civet c. France [GC], no 29340/95, § 41, CEDH 1999-VI). L'article 35 de la Convention doit être appliqué avec une certaine souplesse et sans formalisme excessif, mais il n'exige pas seulement que les requêtes aient été adressées aux tribunaux internes compétents et qu'il ait été fait usage des recours effectifs permettant de contester les décisions déjà prononcées. Le grief dont on entend saisir la Cour doit d'abord être soulevé, au moins en substance, dans les formes et délais prescrits par le droit interne, devant les juridictions nationales appropriées (Cardot c. France, 19 mars 1991, § 34, série A no 200, Elci et autres c. Turquie, nos 23145/93 et 25091/94, §§ 604 et 605, 13 novembre 2003).
28. La Cour note que le requérant s'est plaint devant le Tribunal fédéral d'une violation de l'article 9 de la Constitution, interdisant l'arbitraire, ainsi que des articles du code des obligations et aussi de l'article 97 § 1 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (voir « Le Droit interne pertinent - paragraphe 21 ci-dessus »). Elle observe qu'à aucun moment, le requérant ne s'est plaint d'une violation de la présomption d'innocence en se prévalant de l'article 6 § 2 de la Convention ou des moyens d'effet équivalent ou similaire fondés sur le droit interne, en l'occurrence l'article 32 § 1 de la Constitution suisse (voir « Le Droit interne pertinent - paragraphes 20-21, ci-dessus »).
29. La Cour estime que ni les moyens soulevés par le requérant dans son recours au Tribunal fédéral ni les passages de son recours cités dans ses observations devant la Cour (voir le paragraphe 26 ci-dessus) ne sauraient suffire pour considérer que le requérant a soulevé ne serait-ce qu'en substance le grief tiré d'une violation de la présomption d'innocence (voir, a contrario, Vassilios Stavropoulos c. Grèce, no 35522/04, § 25, 27 septembre 2007, et aussi Lundkvist c. Suède (déc.), no 48518/99, 13 novembre 2003). Cette conclusion s'impose à ses yeux d'autant plus que le requérant a été représenté devant le Tribunal fédéral par un avocat (voir, mutatis mutandis, Siebenhaar c. Allemagne, no 18136/02, § 52, 3 février 2011, Eule c. Allemagne (déc.), no 781/06, 10 mars 2009, et Adam et autres c. Allemagne (déc.), no 290/03, 1er septembre 2005, et les références qui y sont faites). Elle note au demeurant que le Tribunal fédéral n'a pas non plus retenu un quelconque grief relatif à la présomption d'innocence, mais a résumé les griefs soulevés devant lui en indiquant que le requérant s'était plaint d'une violation de l'interdiction de l'arbitraire au motif que la constatation des faits par l'instance précédente avait été contradictoire et que l'instance précédente avait violé l'article 337 c § 3 du code des obligations en ne fixant l'indemnité qu'à un montant équivalent à un mois de salaire brut (paragraphes 18-19 ci-dessus).
30. La Cour rappelle par ailleurs qu'à supposer même que le Tribunal fédéral eût pu, voire dû, examiner d'office le litige sous une disposition particulière de la Convention, cela n'aurait pas été de nature à dispenser le requérant de s'appuyer devant la Haute juridiction suisse sur la Convention ou de lui présenter des moyens d'effet équivalent ou similaire et attirer ainsi son attention sur le problème dont il entendait saisir après coup, au besoin, la Cour (Van Oosterwijck c. Belgique, 6 novembre 1980, § 39, série A no 40 ; Vasícek c. République tchèque (déc.), no 36685/97, 30 janvier 2001 ; et Bekir Yildiz c. Turquie, no 49156/99, § 34, 6 septembre 2005).
31. Au vu de ce qui précède, la Cour estime qu'il y a lieu d'accueillir l'exception du Gouvernement.
Partant, ce grief doit être rejeté pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l'article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
B. Le grief tiré de l'absence d'équité de la procédure
32. En ce qui concerne le second grief, compte tenu de l'ensemble des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle est compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour n'a relevé aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention ou ses Protocoles.
33. Il s'ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l'article 35 §§ 3 (a) et 4 de la Convention.


Disposition

Par ces motifs, la Cour, à la majorité,
Déclare la requête irrecevable.
Françoise Elens-Passos      Greffière adjointe
Danute Jociene      Présidente

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Etat de fait

Considérants

Dispositif

références

Article: Art. 6 par. 2 CEDH