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Chapeau

53377/11


Zuisens SA c. Suisse
Décision d'irrecevabilité no. 53377/11, 23 aoüt 2016

Regeste

  DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ de la CourEDH:
  SUISSE: Art. 35 par. 3 et 4 CEDH. Incompatibilité ratione personae d'une requête.

  Une société suisse a saisi la CourEDH pour se plaindre de la durée excessive d'une procédure civile de première instance. Par la suite, la faillite de la société requérante a été prononcée. Les autorités nationales compétentes ont alors autorisé l'un des créanciers de la société à maintenir la requête déposée devant la CourEDH.
  La Cour relève que l'autorisation délivrée au créancier de la société requérante ne pouvait être valable que tant que la procédure de liquidation était en cours. Dans la mesure où la société concernée a été entretemps radiée du registre du commerce et que le créancier ne peut se prétendre victime d'une violation de ses propres droits, la requête doit être déclarée incompatible ratione personae avec la CEDH.
  Conclusion: requête déclarée irrecevable.



Synthèse de l'OFJ


(3ème rapport trimestriel 2016)

Droit à un procès équitable (article 6 § 1 CEDH); durée de la procédure civile.

La requérante est une société anonyme dont la faillite a été prononcée en 2012. L'un des créanciers (ci-après : le créancier) de la requérante a été autorisé par l'Office des faillites à maintenir la présente requête déposée par ladite société. La procédure de liquidation a abouti à la radiation de la société requérante du registre du commerce le 13 février 2015. Après une tentative infructueuse de résoudre la question par un règlement amiable, le Gouvernement a fait parvenir à la Cour une déclaration unilatérale dans laquelle il reconnaissait explicitement que les exigences découlant de l'article 6 § 1 CEDH quant au délai raisonnable d'une procédure civile n'avaient pas été respectées. Il se proposait également de verser à la requérante une réparation au titre du tort moral et invitait la Cour à rayer la requête du rôle. La partie requérante a indiqué n'être pas satisfaite des termes de la déclaration unilatérale et a également porté à la connaissance de la Cour la mise en faillite de la société requérante et le souhait de son créancier de poursuivre la procédure devant elle. Le Gouvernement a fait valoir que l'autorisation faite au créancier par l'Office des faillites à maintenir la présente requête de poursuivre la requête devant la Cour n'était plus valable. Considérant la requête abusive en vertu de l'article 35 § 3 lettre a CEDH, le Gouvernement a conclu à ce qu'elle soit déclarée irrecevable.

La Cour a pris note de l'argument du Gouvernement selon lequel l'autorisation faite au créancier de poursuivre la requête devant elle ne pouvait être valable que jusqu'à la fin de la procédure de faillite, soit jusqu'à sa radiation du registre de commerce en février 2015. Elle a remarqué que le créancier est un créancier de la société et non un de ses propriétaires ou actionnaires. Il ne tirait son droit de maintenir la requête devant la Cour que de l'autorisation qui lui avait été donnée par l'Office des faillites. Cette autorisation ne pouvait être valide que tant que la procédure de liquidation était en cours, c'est-à-dire tant que la société existait. Par conséquent, ce créancier ne pouvait plus valablement agir devant la Cour depuis février 2015. En outre, il ne pouvait se prétendre victime d'une violation de ses propres droits.

Irrecevable comme incompatible ratione personae avec la Convention (unanimité). 1 Décision rendue par un Comité de trois juges (art. 28 CEDH).





Faits

 
TROISIÈME SECTION
DÉCISION
Requête no 53377/11
 
ZUISENS SA contre la Suisse
 
 
La Cour européenne des droits de l'homme (troisième section), siégeant le 23 août 2016 en une chambre composée de :
    Luis López Guerra, président,
    Helena Jäderblom,
    Helen Keller,
    Johannes Silvis,
    Dmitry Dedov,
    Branko Lubarda,
    Pere Pastor Vilanova, juges,
et de Fatoş Aracı, greffière adjointe de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 29 juillet 2011,
Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par la requérante,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
 
EN FAIT
1.  La requérante, Zuisens SA, était une société anonyme inscrite au registre du commerce du canton de Genève et dont le siège se trouvait à Chêne-Bougeries. Elle était représentée devant la Cour par Me  Maire, avocat à Lausanne.
2.  Le gouvernement suisse (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, F. Schürmann, de l'Office fédéral de la justice.
3.  Par un jugement du 26 novembre 2012, le Tribunal de première instance de Genève a prononcé la faillite de la société Zuisens SA.
4.  Le 8 décembre 2014, M. Robert Chen, un des créanciers de la société Zuisens SA a été autorisé par l'Office des faillites de la République et Canton de Genève à maintenir la présente requête déposée par ladite société.
5.  La procédure de liquidation a abouti à la radiation de la société Zuisens SA du registre du commerce le 13 février 2015.
6.  Invoquant l'article 6 § 1 de la Convention, la société requérante se plaignait de la durée de la procédure civile portant sur l'exécution d'un contrat ; la procédure en première instance ayant duré 14 ans et 5 mois.
7.  Après une tentative infructueuse de résoudre la question par un règlement amiable, le 4 mars 2015, le Gouvernement fit parvenir à la Cour une déclaration unilatérale dans laquelle il reconnaissait explicitement que les exigences découlant de l'article 6 § 1 de la Convention quant au délai raisonnable d'une procédure civile n'avaient pas été respectées dans le cas de la requérante. Il se proposait également de verser à la requérante une réparation au titre du préjudice moral et invitait la Cour à rayer la requête du rôle en application de l'article 37 de la Convention.
8.  Par une lettre du 14 avril 2015, l'avocat de la partie requérante, agissant au nom et pour le compte de la société Zuisens SA, a indiqué n'être pas satisfait des termes de la déclaration unilatérale. Par un courrier du même jour, il porta également à la connaissance de la Cour la mise en faillite de la société requérante et le souhait de M. Chen de poursuivre la procédure devant elle.
9.  Les 3 et 17 septembre 2015, le Gouvernement et l'avocat de la partie requérante ont soumis leurs observations complémentaires à ce sujet. Le Gouvernement a fait valoir que l'autorisation faite à M. Chen de poursuivre la requête devant la Cour n'était plus valable. Considérant la requête abusive en vertu de l'article 35 § 3 a) de la Convention, le Gouvernement a conclu à ce qu'elle soit déclarée irrecevable. L'avocat de la partie requérante s'est opposé à cette conclusion.
GRIEF
10.  Invoquant l'article 6 § 1 de la Convention, la requérante se plaint de la durée de la procédure civile.
 


Considérants

EN DROIT
11.  La Cour prend note de l'argument du Gouvernement du 3 septembre 2015 selon lequel l'autorisation faite à M. Chen de poursuivre la requête devant elle ne pouvait être valable que jusqu'à la fin de la procédure de faillite. Or la société requérante a été radiée du registre de commerce en février 2015.
12.  La Cour remarque en premier lieu que M. Chen est un créancier de la société et non un de ses propriétaire ou actionnaire. Il ne tirait son droit de maintenir la requête devant la Cour que de l'autorisation qui lui avait été donnée par l'Office des faillites le 8 décembre 2014. Comme le soulève le Gouvernement, cette autorisation ne pouvait être valide que tant que la procédure de liquidation était en cours, c'est-à-dire tant que la société existait. Par conséquent, depuis le 13 février 2015, M. Chen ne peut plus valablement agir devant la Cour.
13.  En outre, M. Chen n'étant ni le propriétaire ni un actionnaire de la société Zuisens SA, il ne peut se prétendre victime d'une violation de ses propres droits (voir, mutatis mutandis, Glas Nadejda EOOD et Anatoli Elenkov c. Bulgarie, no 14134/02, § 40, 11 octobre 2007 ; Nosov c. Russie (déc.), no 30877/02, 20 octobre 2005 ; F. Santos, Lda. et Fachadas c. Portugal (déc.), no 49020/99, CEDH 2000-X ; et Ankarcrona c. Suède (déc.), no 35178/97, CEDH 2000-VI).
14.  En conséquence, il convient de déclarer la requête irrecevable comme incompatible ratione personae avec la Convention, en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de celle-ci.
 


Disposition

Par ces motifs, la Cour, à l'unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
 
Fait en français puis communiqué par écrit le 15 septembre 2016.
    Fatoş Aracı    Greffière adjointe
    Luis López Guerra    Président
 

contenu

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Etat de fait

Considérants

Dispositif

références

Article: Art. 35 par. 3 et 4 CEDH