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Chapeau

70311/14


M.M. c. Suisse, Italie
Décision de radiation no. 70311/14, 23 mai 2017
Synthèse de l'OFJ


(2ème rapport trimestriel 2017)

Radiation (art. 37 § 1 b CEDH); interdiction de la torture (art. 3 CEDH); droit au respect de la vie privée et familiale (art. 8 CEDH); transfert Dublin vers l'Italie.

Invoquant les articles 3 et 8 CEDH, les requérants soutenaient que leur transfert Dublin vers l'Italie les exposerait au risque de devoir faire face à des conditions d'existence contraires à ces dispositions, notamment au vu des conditions médicales du troisième requérant. La Cour a relevé que, le 1er avril 2016, le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) avait décidé de lever la mesure d'expulsion et de reprendre l'examen de la demande d'asile des requérants qui ne sont donc plus sous le coup d'une menace d'expulsion vers l'Italie. La Cour a noté, en outre, que toute décision du SEM concernant cette demande d'asile sera susceptible d'un recours bénéficiant, en principe, d'un effet suspensif et que les requérants ont déjà bénéficié de l'effet suspensif lors de la procédure devant le Tribunal administratif fédéral. La Cour a donc considéré que le litige a été résolu. Radiation du rôle (unanimité).





Faits

 
TROISIÈME SECTION
DÉCISION
Requête no 70311/14
M.M. contre la Suisse et l'Italie
 
La Cour européenne des droits de l'homme (troisième section), siégeant le 23 mai 2017 en un comité composée de :
    Pere Pastor Vilanova, président,
    Helen Keller,
    Alena Poláčková, juges,
et de Fatoş Aracı, Greffière de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 31 octobre 2014,
Vu la décision de traiter en priorité la requête en vertu de l'article 41 du règlement de la Cour,
Vu la mesure provisoire indiquée au gouvernement suisse en vertu de l'article 39 du règlement de la Cour,
Vu la décision ultérieure de la Cour de lever la mesure provisoire,
Vu les informations factuelles soumises par le gouvernement suisse,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
 
FAITS ET PROCÉDURE
1.  Les requérants sont un couple d'afghans, M., née en 1981 (la « première requérante »), et N., né en 1975 (le « deuxième requérant »), ainsi que leurs quatre enfants, S., né en 1996 (le « troisième requérant »), Z., née en 2000 (la « quatrième requérante », S., né en 2010 (le « cinquième requérant » et S., née en 2013 (la « sixième requérante »). Ils sont représentés par M. Boris Wijkström, du Centre Suisse pour la Défense des Migrants.
2.  Le gouvernement suisse a été représenté par son agent, F. Schürmann, de l'Office fédéral de la justice.
A.  Les circonstances de l'espèce
3.  A à une date non précisée de l'été 2013, les requérants furent recueillis en mer par une unité de la Marine militaire italienne et débarqués en territoire italien. Ils se rendirent ensuite en Suisse où, le 11 août 2013, ils déposèrent une demande d'asile.
4.  Par décision du 3 octobre 2013, l'Office fédéral des migrations (« ODM »), entre temps devenu le Secrétariat d'État aux migrations (« SEM ») n'entra pas en matière sur la demande d'asile et ordonna le transfert des requérants vers l'Italie en application du règlement (CE) no 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre (de l'Union européenne) responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers (le « règlement Dublin »). Ce texte s'applique également à la Suisse en vertu d'un accord entre la Confédération et l'Union européenne.
5.  Les requérants introduisirent un recours auprès du Tribunal administratif fédéral (« TAF »), alléguant une violation de l'article 3 de la Convention au vu des conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Italie et notamment en raison des conditions médicales du troisième requérant, atteint d'une leucémie lymphatique aigüe.
6.  Le 3 décembre 2013, le TAF rejeta le recours considérant qu'il existait certes des lacunes dans le système d'accueil des demandeurs d'asile en Italie mais que les conditions de vie dans ce pays et la qualité des soins disponibles auxquels les requérants auraient eu accès étaient acceptables. Le TAF nota que les autorités suisses avaient informé leurs homologues italiens des besoins médicaux spécifiques du troisième requérant.
7.  Le 7 mars 2014, les requérants déposèrent une demande de réexamen auprès de l'ODM. Cette demande fut rejetée le 4 mai 2014.
8.  Le 8 mai 2014, les requérants introduisirent un recours auprès du TAF. La haute juridiction leur accorda l'effet suspensif et l'assistance judiciaire partielle, en les dispensant de l'avance des frais.
9.  Le recours fut rejeté par le TAF le 23 juin 2014.
B.  Évènements postérieurs à l'introduction de la requête
10.  Par courrier du 4 avril 2016, le gouvernement suisse a informé la Cour que, en date du 1er avril 2016, le SEM avait constaté que le délai de reprise des requérants par l'Italie avait expiré et que, par conséquent, en vertu du règlement Dublin, la compétence pour traiter leur demande d'asile revenait désormais à la Suisse. Le SEM avait ainsi décidé de lever la mesure d'expulsion et de reprendre l'examen de la demande d'asile des requérants qui ne sont donc plus sous le coup d'une menace d'expulsion vers l'Italie.
Par conséquent, le gouvernement suisse demande à la Cour de rayer la requête du rôle en application de l'article 37 § 1 c) de la Convention.
11.  Les requérants n'ont pas fait de commentaires sur ces derniers évènements.
C.  Le droit interne pertinent
12.  La Cour se réfère à l'exposé du droit interne pertinent figurant dans l'arrêt Tarakhel c. Suisse ([GC], no 29217/12, §§ 22-23 et 26-27, CEDH 2014 (extraits)).
13.  Les normes pertinentes de droit de l'Union européenne se trouvent aux paragraphes 28 à 36 du même arrêt.
14.  La Cour rappelle notamment que le règlement Dublin s'applique à la Suisse en vertu de l'accord d'association du 26 octobre 2004 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne relatif aux critères et aux mécanismes permettant de déterminer l'État responsable de l'examen d'une demande d'asile introduite dans un État membre ou en Suisse.
15.  Il y a lieu également de rappeler que, selon l'Article 107a - « Procédure selon Dublin » - de la Loi fédérale sur l'asile du 26 juin 1998, les recours devant le TAF contre une mesure de transfert vers un autre État « Dublin » n'a pas d'effet suspensif automatique. Toutefois le demandeur d'asile peut demander l'octroi de l'effet suspensif et le TAF doit statuer dans les cinq jours suivant le dépôt de la demande.
16.  En revanche, en ce qui concerne les décisions n'entrant pas dans le champ d'application de la « Procédure selon Dublin », il ressort de l'article 55 de la Loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968, à laquelle la Loi fédérale sur le tribunal administratif fédéral du 17 juin 2005 et la Loi fédérale sur l'asile renvoient, que les recours sont en principe suspensifs et que le retrait de l'effet suspensif par l'autorité dont la décision est contestée ne lie pas la juridiction saisie, qui peut le restituer à la demande de la partie recourante.
D.  Le contexte italien
17.  Une description détaillée du système d'accueil des demandeurs d'asile en Italie figure également aux paragraphes 36-50 de l'arrêt Tarakhel.
GRIEFS
18.  Invoquant les articles 3 et 8 de la Convention, les requérants soutiennent que leur renvoi en Italie les exposerait au risque de devoir faire face à des conditions d'existence contraires à ces dispositions, notamment au vu des conditions médicales du troisième requérant. Ces griefs sont dirigés contre la Suisse et l'Italie.
 


Considérants

EN DROIT
19.  La Cour relève que par une décision rendue le 1er avril 2016, le SEM a décidé de lever la mesure d'expulsion et de reprendre l'examen de la demande d'asile des requérants qui ne sont donc plus sous le coup d'une menace d'expulsion vers l'Italie (paragraphe 10 ci-dessus).
20.  Par ailleurs, toute décision du SEM concernant cette demande d'asile sera susceptible d'un recours devant le TAF bénéficiant, en principe, d'un effet suspensif (paragraphes 15 et 16 ci-dessus). Les requérants ont d'ailleurs déjà bénéficié de l'effet suspensif lors de la procédure devant le TAF qui est en cause dans la présente affaire (paragraphe 8 ci-dessus).
21.  A la lumière de ce qui précède, la Cour considère que le litige a été résolu au sens de l'article 37 § 1 b) de la Convention (voir Khan c. Allemagne [GC], no 38030/12, § 33, 21 Septembre 2016, et Ali et autres c. Suisse (déc.), no 30474/14, § 50, 4 octobre 2016). Par ailleurs, aucun motif particulier touchant au respect des droits de l'homme garantis par la Convention et ses protocoles n'exige la poursuite de l'examen de la requête en vertu de l'article 37 § 1 in fine de la Convention.
En conséquence, il y a donc lieu de rayer l'affaire du rôle.
 


Disposition

Par ces motifs, la Cour, à l'unanimité,
Décide de rayer la requête du rôle.
 
Fait en français puis communiqué par écrit le 15 juin 2017.
    Fatoş Aracı    Greffière adjointe
    Pere Pastor Vilanova    Président