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Chapeau

4505/12


Truglia Mariano c. Suisse
Décision d'irrecevabilité no. 4505/12, 15 mai 2018

Regeste

  DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ de la CourEDH:
  SUISSE: Art. 5 par. 4 CEDH. Accès à une conversation téléphonique suite à un placement à des fins d'assistance dans un établissement psychiatrique.

  Le requérant se plaint d'une violation de son droit à un procès équitable du fait qu'il n'a pas eu connaissance du contenu d'une conversation téléphonique entre la Commission cantonale de recours en matière de privation de liberté à des fins d'assistance (CCR) et l'établissement psychiatrique. Bien qu'il soulève son grief sous l'angle de l'art. 6 par. 1 CEDH, la Cour est libre de requalifier ses arguments en un grief tiré de l'art. 5 par. 4 CEDH. Les garanties de procédures ancrées à l'art. 6 CEDH s'appliquent à toute procédure relevant de l'art. 5 par. 4 CEDH, notamment sous l'angle de la nécessité d'une procédure contradictoire. Une telle procédure requiert de donner la possibilité aux parties de prendre position sur les éléments jugés pertinents par le tribunal pour se prononcer.
  En l'espèce, la conversation téléphonique n'a pas joué de rôle dans la décision de la CCR de constater le bien-fondé du placement du requérant à des fins d'assistance. Cela ressort clairement de la motivation de la décision, que le requérant a par la suite pu attaquer en pleine connaissance de cause. Dès lors, la CCR n'a pas administré de nouveau moyen de preuve et le requérant n'a pas été privé de son droit d'être entendu. Le grief tiré de l'art. 5 par. 4 CEDH doit être rejeté comme étant manifestement mal fondé (ch. 17-20).
  Conclusion: requête déclarée irrecevable.



Synthèse de l'OFJ


(2ème rapport trimestriel 2018)

Droit d'être entendu (art. 5 § 4 CEDH); absence de communication du contenu d'une conversation téléphonique entre la Commission cantonale de recours en matière de privation de liberté à des fins d'assistance (CCR) et l'hôpital psychiatrique.

Invoquant l'article 6 § 1 CEDH, le requérant s'est plaint d'une violation de son droit à un procès équitable par la CCR du fait qu'il n'a pas eu connaissance du contenu de la conversation téléphonique entre cette autorité et l'hôpital psychiatrique, survenue après l'audience au cours de laquelle il a été entendu et précédant la prise de décision.

La Cour a requalifié les arguments en un grief tiré de l'article 5 § 4 CEDH. Elle a constaté qu'il n'est pas douteux que la conversation téléphonique, qui a eu lieu uniquement afin de vérifier sur-le-champ la véracité des nouvelles allégations du requérant (qui se sont par la suite avérées comme fausses), n'a, de par son contenu médical, pas joué un rôle dans la décision de la CCR de constater le bien-fondé du placement du requérant à des fins d'assistance. Cela ressort clairement de la motivation de la décision, que le requérant a par la suite pu attaquer en pleine connaissance de cause. Dès lors, la CCR n'a en l'espèce pas administré de nouveau moyen de preuve et le requérant n'a pas été privé de son droit d'être entendu. Irrecevable parce que manifestement mal fondé (unanimité).





Faits

 
TROISIÈME SECTION
DÉCISION
Requête no 4505/12
Mariano TRUGLIA
contre la Suisse
 
La Cour européenne des droits de l'homme (troisième section), siégeant le 15 mai 2018 en un comité composé de :
    Pere Pastor Vilanova, président,
    Helen Keller,
    María Elósegui, juges,
et de Fatoş Aracı, greffière adjointe de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 20 décembre 2011,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
 
PROCEDURE
1.  À l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 4505/12) dirigée contre la Confédération suisse et dont un ressortissant italien, M.  Mariano  Truglia (« le requérant »), né en 1952 et résidant à La Neuveville, a saisi la Cour le 20 décembre 2011 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales («  la  Convention »).
2.  Le requérant a été représenté devant la Cour par l'association Psychex, agissant par l'entremise de Me E. Schönenberger, avocat à Zurich. Le gouvernement suisse a été représenté par son agent, F. Schürmann, de l'Office fédéral de la justice.
3.  Le requérant fait valoir une violation des articles 2, 3, 5, 6, 11, 13 et 14 de la Convention.
4.  Le 26 février 2016, le grief tiré de l'article 5 § 4 de la Convention a été communiqué au Gouvernement et la requête a été déclarée irrecevable pour le surplus conformément à l'article 54 § 3 du règlement.
5.  Par une lettre du 2 mars 2016, le gouvernement italien a été informé qu'il avait la possibilité, s'il le désirait, de présenter des observations écrites en vertu de l'article 36 § 1 de la Convention et de l'article 44 du règlement de la Cour. En absence d'une réponse, la Cour considère pour la suite de la procédure que le gouvernement italien n'entend pas se prévaloir en l'espèce de son droit d'intervention.
EN FAIT
6.  Le 24 juin 2011, le requérant fut admis aux Services psychiatriques du Jura bernois-Bienne-Seeland (ci-après : SPJBB) à Bellelay en raison d'une décompensation psychotique aiguë avec risque d'hétéro-agressivité dans le cadre de troubles affectifs bipolaires. Le placement à des fins d'assistance fut décrété, à titre préventif, par deux médecins des SPJBB.
7.  Le 25 juin 2011, le requérant déposa un recours contre cette mesure auprès de la Commission cantonale de recours en matière de privation de liberté à des fins d'assistance (ci-après : CCR), relevant de la Section civile de la Cour suprême du canton de Berne.
8.  Par la suite, la clinique transmit à la CCR sa prise de position, datée du 28 juin 2011, selon laquelle le requérant avait besoin d'une hospitalisation en milieu psychiatrique et d'un traitement psychopharmacologique pour stabiliser son état psychique, caractérisé par des troubles bipolaires avec la suspicion d'autres troubles de la personnalité, d'où la nécessité de son placement à des fins d'assistance dans la clinique.
9.  Le 19 juillet 2011, le requérant fut entendu par la CCR. Lors de son audition, celui-ci prétendit que, la veille, la clinique lui avait assuré oralement qu'un traitement institutionnel ne serait plus nécessaire et pourrait être substitué par un traitement ambulatoire.
10.  Ces allégations étant en contradiction avec la prise de position de la clinique du 28 juin 2011, la CCR informa le requérant et son avocat, lors de l'audition, qu'elle envisageait de prendre contact avec la clinique afin de vérifier si les allégations du requérant étaient vraies. Ceci ne fut pas mentionné dans le procès-verbal de l'audition.
11.  Lors de la conversation téléphonique que la CCR tint avec la psychiatre responsable des SPJBB, celle-ci confirma que la prise de position de la clinique du 28 juin 2011 restait valable et correspondait à la situation actuelle du requérant.
12.  La conversation téléphonique fut retranscrite après coup (comme l'indique la mention « nachträglich erstellt » sur le document), et datée du 19 juillet 2011. Elle fut mentionnée dans la motivation de la décision.
13.  Par décision du 19 juillet 2011, la CCR rejeta le recours et confirma la mesure pour une période de six semaines au maximum.
14.  Le 4 août 2011, la mesure litigieuse prit fin.
15.  Par arrêt du 29 août 2011, le Tribunal fédéral déclara le recours en matière civile du requérant contre la décision de la CCR sans objet et raya la cause du rôle.
GRIEF
16.  Invoquant l'article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint d'une violation de son droit à un procès équitable par la CCR du fait qu'il n'a pas eu connaissance du contenu de la conversation téléphonique entre cette autorité et l'hôpital psychiatrique survenue après l'audience du 19 juillet 2011 et précédant la prise de décision.
 


Considérants

EN DROIT
17.  Bien que le requérant soulève son grief sous l'angle de l'article 6 § 1 de la Convention, la Cour est libre de requalifier ses arguments en un grief tiré de l'article 5 § 4 de la Convention (voir, à titre d'exemple, l'affaire Tinner c. Suisse, nos 59301/08 et 8439/09, § 68, 26 avril 2011).
18.  Selon la jurisprudence de la Cour, les garanties de procédure ancrées à l'article 6 de la Convention s'appliquent à toute procédure relevant de l'article 5 § 4 (Lietzow c. Allemagne, no 24479/94, § 44, CEDH 2001-I), notamment sous l'angle de la nécessité d'une procédure contradictoire. Une procédure contradictoire au sens de 6 § 1 requiert de donner la possibilité aux parties de prendre position sur les éléments jugés pertinents par le tribunal pour se prononcer (Meftah et autres c. France [GC], nos 32911/96, 35237/97 et 34595/97, § 51, CEDH 2002-VII).
19.  Or, il n'est pas douteux, à tout le moins sur la base du dossier à disposition de la Cour, que la conversation téléphonique, qui eut uniquement lieu afin de vérifier sur-le-champ la véracité des nouvelles allégations du requérant (qui se sont par la suite avérées comme fausses), n'était pas pertinente. Cette dernière, de par son contenu médical, n'a pas joué un rôle dans la décision de la CCR de constater le bien-fondé du placement du requérant à des fins d'assistance jusqu'au 4 août 2011. Cela ressort clairement de la motivation de la décision, que le requérant a par la suite pu attaquer en pleine connaissance de cause. Dès lors, contrairement à ce que le requérant soulève, la CCR n'a en l'espèce pas administré de nouveau moyen de preuve. Par conséquent, le requérant n'a pas été privé de son droit d'être entendu.
20.  Il s'ensuit que le grief tiré de l'article 5 § 4 de la Convention doit être rejeté comme étant manifestement mal fondé, en application de l'article  35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
 


Disposition

Par ces motifs, la Cour, à l'unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
Fait en français puis communiqué par écrit le 7 juin 2018.
    Fatoş Aracı    Pere Pastor Vilanova
    Greffière adjointe    Président

contenu

Arrêt CourEDH entier
résumé allemand français italien

Etat de fait

Considérants

Dispositif

références

Article: Art. 5 par. 4 CEDH, art. 6 par. 1 CEDH, art. 6 CEDH