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Chapeau

76424/14


Danelyan Tatyana, Danelyan Genadij gegen Schweiz
Nichtzulassungsentscheid no. 76424/14, 29 mai 2018

Regeste

  DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ de la CourEDH:
  SUISSE: Art. 8 et art. 13 combiné avec l'art. 6 par. 1 CEDH. Refus d'octroi d'une autorisation de séjour et renvoi en Arménie.

  Au vu de la marge d'appréciation laissée aux Etats en matière d'immigration, la Cour considère qu'un juste équilibre a été ménagé entre l'intérêt privé des requérants à continuer à résider en Suisse et l'intérêt d'ordre public de l'Etat à contrôler l'immigration. Cette partie de la requête doit être rejetée comme étant manifestement mal fondée (ch. 21-32).
  La Cour relève que le Tribunal fédéral a, dans un arrêt de principe, considéré que le défaut de voie de recours judiciaire contre une décision de l'administration cantonale, refusant d'ouvrir une procédure concernant l'octroi d'une autorisation de séjour, ne respectait pas la garantie constitutionnelle de l'accès au juge. Toutefois, il s'estimait contraint d'assurer l'application de la loi fédérale inconstitutionnelle.
  En tout état de cause, ayant déclaré le grief tiré de l'art. 8 CEDH irrecevable comme étant manifestement mal fondé, la Cour estime que les requérants n'avaient pas de grief défendable pour lequel ils pouvaient faire valoir leur droit à un recours effectif au sens de l'art. 13 CEDH. Le grief tiré de l'art. 13 combiné avec l'art. 8 CEDH doit être rejeté comme étant manifestement mal fondé (ch. 33-41).
  Conclusion: requête déclarée irrecevable.



Synthèse de l'OFJ


(2ème rapport trimestriel 2018)

Droit au respect de la vie privée et familiale (art. 8 CEDH); droit à un recours effectif (art. 13 CEDH); refus d'une autorisation de séjour et renvoi vers l'Arménie; qualité pour recourir contre le refus de l'office cantonal d'ouvrir une procédure concernant l'octroi d'une autorisation de séjour.

Les requérants allèguent que le refus de leur octroyer une autorisation de séjour et le prononcé de leur renvoi de Suisse ont méconnu leur droit au respect de la vie privée et familiale (art. 8 CEDH). Invoquant l'article 13 CEDH, ils se plaignent d'une violation de leurs droits à un recours effectif du fait qu'ils n'avaient pas la qualité pour recourir contre le refus de l'office cantonal d'ouvrir une procédure concernant l'octroi d'une autorisation de séjour.

La Cour a relevé que, si les requérants avaient certes passé près de neuf années en Suisse au moment où l'office cantonal a rejeté leur demande d'autorisation de séjour, leur présence sur le territoire suisse n'a été tolérée que quelques semaines par les autorités internes, le temps pour elles de traiter leur demande d'asile et la demande de réexamen de la requérante. Les autorités internes ne sont pas restées inactives et ont tenté d'exécuter la décision de renvoi. Il est certes probable que les requérants se trouveraient dans une situation plutôt difficile en cas de renvoi vers l'Arménie, toutefois il ne semble pas y avoir d'obstacles insurmontables à ce que les requérants s'installent en Arménie. Les requérants sont en outre restés en défaut de démontrer l'existence d'un lien de dépendance avec leurs proches résidant en Suisse et ils savaient par ailleurs que leur situation au regard des lois sur l'immigration était précaire. La Cour a également constaté que l'état de santé de la requérante, qui souffre de troubles psychiques et de dépendance chronique à l'alcool, ne saurait constituer une circonstance exceptionnelle s'opposant à l'exécution de son renvoi.

En ce qui concerne le grief des requérants de violation de leur droit à un recours effectif, la Cour a constaté qu'ayant déclaré le grief tiré de l'article 8 CEDH irrecevable comme étant manifestement mal fondé, les requérants n'avaient pas de grief défendable pour lequel ils pouvaient faire valoir leur droit à un recours effectif au sens de l'article 13 CEDH. Requêtes irrecevables parce que manifestement mal fondées (unanimité).





Faits

 
TROISIÈME SECTION
DÉCISION
Requêtes nos 76424/14 et 76435/14
 
Tatyana DANELYAN contre la Suisse
et Genadij DANELYAN contre la Suisse
 
La Cour européenne des droits de l'homme (troisième section), siégeant le 29 mai 2018 en une Chambre composée de :
Helena Jäderblom, présidente,
    Branko Lubarda,
    Helen Keller,
    Dmitry Dedov,
    Georgios A. Serghides,
    Jolien Schukking,
    María Elósegui, juges,
 et de Stephen Phillips, greffier de section,
Vu les requêtes susmentionnées introduites le 4 décembre 2014,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
 
EN FAIT
1.  La requérante de la requête no 76424/14, Mme Tatyana Danelyan (« la requérante »), est une ressortissante arménienne née en 1966 et résidant dans le canton de Soleure.
2.  Le requérant de la requête no 76435/14, M. Genadij Danelyan (« le requérant »), le fils de la requérante, est un ressortissant arménien né en 1994 et résidant dans le canton de Soleure.
3.  Les requérants ont tous deux été représentés devant la Cour par Me S. Palermo-Walker, avocate à Soleure.
A.  Les circonstances de l'espèce
4.  Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit.
5.  La requérante arriva en Suisse le 28 juillet 2005 et, le même jour, déposa une demande d'asile pour elle, le requérant et sa fille, Z.D., née en 1990.
6.  Par une décision du 16 août 2005, l'Office fédéral des migrations (désormais le Secrétariat d'État aux migrations [« SEM »]) rejeta ladite demande et prononça le renvoi des intéressés de Suisse. Aucun recours ne fut déposé contre cette décision. Par la suite, les autorités suisses tentèrent durant plusieurs années d'exécuter la décision de renvoi, sans y parvenir.
7.  Les 14 août 2006 et 31 mai 2007, la requérante fit l'objet de deux ordonnances pénales pour des affaires mineures de vol. Le 26 mai 2008, le requérant fit l'objet d'un avertissement par le Ministère public des mineurs du canton de Soleure pour des affaires de dommages à la propriété.
8.  Les 18 décembre 2010 et 31 janvier 2013, les requérants déposèrent des demandes d'autorisation de séjour auprès des autorités cantonales. Celles-ci furent rejetées par des décisions des 28 janvier 2011 et 19 février 2013 de l'Office des migrations du canton de Soleure (« office cantonal »).
9.  Le 26 août 2013, Z.D. épousa F.P., un ressortissant de l'Union européenne au bénéfice d'une autorisation d'établissement en Suisse. Leurs deux enfants obtinrent une autorisation d'établissement et Z.D. une autorisation de séjour.
10.  Entre-temps, le 26 avril 2013, la requérante demanda aux autorités cantonales d'être mise au bénéfice d'une admission provisoire. Elle affirmait se trouver dans une situation d'urgence médicale en raison de ses problèmes psychiques et alléguait un risque de suicide. Sa demande fut transmise au SEM, l'autorité compétente en la matière, qui la traita comme une demande de réexamen.
11.  Par une décision du 17 juin 2013, le SEM rejeta cette demande. La requérante interjeta recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif fédéral (« TAF »), faisant notamment valoir l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
12.  Par une décision incidente du 22 juillet 2013, le TAF accorda l'effet suspensif au recours de la requérante. Il le rejeta ensuite par un arrêt du 21 août 2013. Il précisait que la requérante était parvenue, par l'indication d'un nom de famille erroné et l'affirmation qu'elle était apatride, à empêcher l'exécution de son renvoi durant plusieurs années, et qu'elle ne pouvait dès lors pas tirer avantage de la durée de son séjour en Suisse. Le TAF relevait que la requérante souffrait d'un syndrome de stress post-traumatique et d'un syndrome de dépendance chronique à l'alcool, avec des risques de suicide, considérant toutefois que les soins nécessaires étaient disponibles et accessibles pour la requérante en Arménie et que son état de santé ne se péjorerait pas de manière importante en cas de retour dans ce pays. Il exposait enfin que la requérante ne pouvait pas se réclamer de l'article 8 de la Convention, Z.D. ne disposant pas d'un droit de présence assuré en Suisse.
13.  Le 14 mars 2014, les requérants déposèrent une demande d'autorisation de séjour auprès de l'office cantonal, faisant valoir, sous l'angle du droit au respect de la vie familiale protégé par l'article 8 de la Convention, que Z.D. avait obtenu une autorisation de séjour suite à son mariage.
14.  Par une décision du 12 juin 2014, notifiée le 17 juin 2014, l'office cantonal refusa d'engager une procédure visant l'octroi d'une autorisation de séjour pour les requérants. Il rappelait les conditions d'octroi d'une autorisation de séjour au titre de l'article 14 alinéa 2 de la loi sur l'asile et que la personne concernée n'avait qualité de partie que lors de la procédure d'approbation du SEM. L'office cantonal considérait que les requérants ne remplissaient pas la condition liée à la durée du séjour, les séjours illégaux n'étant en principe pas pris en compte. Il ajoutait que le législateur n'entendait pas protéger les séjours en Suisse causés par une indication erronée de l'identité et que les requérants ne faisaient dès lors, a priori, pas partie du cercle de personnes pouvant se réclamer d'un cas de rigueur selon l'article 14 alinéa 2 de la loi sur l'asile. Il précisait que le canton et la Confédération avaient, durant plusieurs années, cherché à obtenir des documents de voyage pour la requérante et ses enfants, ce qui avait été rendu impossible, et que la requérante, en particulier, avait empêché l'exécution du renvoi durant plusieurs années en communiquant un nom de famille erroné et en affirmant ne pas avoir de nationalité. Il estimait dès lors que la requérante ne pouvait pas tirer avantage de son long séjour en Suisse. L'office cantonal soulignait que les requérants étaient restés illégalement en Suisse à l'expiration du délai de renvoi, tout en sachant que l'exécution dudit renvoi serait rendue impossible en raison de l'indication erronée de leur nom. Quant au caractère exigible du renvoi, il rappelait que la situation avait été examinée par le TAF dans son arrêt du 21 août 2013 et que la requérante ne serait ni laissée à elle-même ni dans une situation d'urgence en cas de renvoi. Concernant l'intégration à la vie économique des requérants, l'office cantonal exposait que la requérante avait épisodiquement occupé un emploi de manière illégale, que l'apprentissage du requérant avait été interrompu avec effet immédiat le 11 septembre 2012, notamment du fait que le requérant ne s'était pas rendu à un cours de formation, et que le requérant n'avait pas occupé d'autre emploi alors même qu'il y était encore autorisé à l'époque. Il précisait que l'accès à une activité rémunérée était interdit aux requérants depuis que leur identité avait été établie et que, jusqu'à fin 2013, la famille avait bénéficié de 187 873 francs suisses (CHF) au titre de l'aide sociale. L'office cantonal considérait dès lors que les requérants ne remplissaient pas les conditions pour l'octroi d'une autorisation de séjour et que le canton de Soleure n'entendait pas soumettre une proposition en ce sens à l'approbation du SEM. Il indiquait par ailleurs, s'agissant du grief formulé par les requérants sous l'angle du droit au respect de leur vie familiale protégé par l'article 8 de la Convention, que Z.D. ne disposait pas d'un droit de présence assuré et qu'aucun lien de dépendance n'existait entre eux, de sorte que toute prétention au titre de cette disposition devait être exclue.
B.  Le droit et la pratique internes pertinents
1.  Le droit interne pertinent
15.  Les dispositions pertinentes de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (« Cst. », RS 101) prévoient ce qui suit :
Article 29a : Garantie de l'accès au juge
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit jugée par une autorité judiciaire. La Confédération et les cantons peuvent, par la loi, exclure l'accès au juge dans des cas exceptionnels.
Article 190 : Droit applicable
Le Tribunal fédéral et les autres autorités sont tenus d'appliquer les lois fédérales et le droit international. »
16.  L'article 14 de la loi sur l'asile du 26 juin 1998 (« LAsi », RS 142.31) prévoit ce qui suit :
Article 14 : Relation avec la procédure relevant du droit des étrangers
« 1.  A moins qu'il n'y ait droit, le requérant ne peut engager de procédure visant l'octroi d'une autorisation de séjour relevant du droit des étrangers entre le moment où il dépose une demande d'asile et celui où il quitte la Suisse suite à une décision de renvoi exécutoire, après le retrait de sa demande ou si le renvoi ne peut être exécuté et qu'une mesure de substitution est ordonnée.
2.  Sous réserve de l'approbation du SEM, le canton peut octroyer une autorisation de séjour à toute personne qui lui a été attribuée conformément à la présente loi, aux conditions suivantes :
a. la personne concernée séjourne en Suisse depuis au moins cinq ans à compter du dépôt de la demande d'asile ;
b. le lieu de séjour de la personne concernée a toujours été connu des autorités ;
c. il s'agit d'un cas de rigueur grave en raison de l'intégration poussée de la personne concernée ;
d. il n'existe aucun motif de révocation au sens de l'art. 62 de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers (LEtr).
3.  Lorsqu'il entend faire usage de cette possibilité, le canton le signale immédiatement au SEM.
4.  La personne concernée n'a qualité de partie que lors de la procédure d'approbation du SEM.
(...) »
2.  La pratique interne pertinente
17.  L'arrêt du Tribunal fédéral 2D_41/2010 du 15 décembre 2010, publié au recueil des arrêts principaux du Tribunal fédéral (ATF 137 I 128), dans ses passages pertinents, se lisait comme suit :
« 4. Le recourant soutient qu'en lui déniant le droit de porter la décision négative des autorités administratives cantonales devant une autorité judiciaire, l'art. 14 al. 4 LAsi serait contraire à l'art. 29a Cst., aux art. 6 par. 1, 8 et 13 CEDH ainsi qu'aux art.2, 13 et 14 Pacte ONU II.
(...)
4.3.1 A teneur de l'art. 190 Cst., le Tribunal fédéral est tenu d'appliquer les lois fédérales, ce que ne l'empêche pas d'en contrôler la constitutionnalité (ATF 136 II 120 consid. 3.5.1 p. 130 ; ATF 136 I 65 consid. 3.2 p. 70 s., ATF 136 I 49 consid. 3.1 p. 55 et les références). Il peut procéder à une interprétation conforme à la Constitution d'une loi fédérale, si les méthodes ordinaires d'interprétation laissent subsister un doute sur son sens (ATF 131 II 710 consid. 5.4 p. 721 ; ATF 129 II 249 consid. 5.4 p. 263 et les références). L'interprétation conforme à la Constitution trouve toutefois ses limites lorsque le texte et le sens de la disposition légale sont absolument clairs, quand bien même ils seraient contraires à la Constitution (ATF 133 II 305 consid. 5.2 ; ATF 131 II 710 consid. 4.1 p. 716).
4.3.2 En l'espèce, il ne fait aucun doute que le défaut de voie de recours judiciaire contre la décision de l'administration cantonale refusant d'ouvrir une procédure en autorisation de séjour contrevient à la garantie constitutionnelle offerte par l'art. 29a Cst. Eu égard à l'art. 190 Cst. toutefois, le Tribunal fédéral doit se contenter de signaler cette conclusion. Pour le reste, il est contraint d'assurer l'application de la loi fédérale inconstitutionnelle.
(...)
4.4.2 L'art. 6 par. 1 CEDH donne à toute personne le droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Une décision relative au séjour d'un étranger dans un pays ou à son expulsion ne concerne ni un droit de caractère civil, ni une accusation en matière pénale au sens de l'art. 6 par. 1 CEDH (arrêt de la CourEDH Mamatkulov Rustam et Askarov Zainiddin contre Turquie, Recueil CourEDH 2005-I p. 225 §§ 82 s.). Contrairement à ce que pense le recourant, le fait qu'il invoque le droit de demeurer en Suisse dans l'optique d'y exercer une activité lucrative ne suffit pas à conférer au litige la qualité de droit de caractère civil au sens de l'art. 6 CEDH.
4.4.3 Les art. 13 CEDH et 2 par. 3 let. a Pacte ONU II ne peuvent être invoqués qu'en rapport avec une violation alléguée de manière plausible et défendable d'un droit protégé par la Convention ou le Pacte ONU II (sur la notion, cf. NICOLAS WISARD, Les renvois et leur exécution en droit des étrangers et en droit d'asile, 1997, p. 66 ss). Outre leur caractère subsidiaire, ils manquent d'indépendance, à la différence des recours judiciaires exigés par les art. 6 CEDH et 14 du Pacte ONU II (AUER/MALINVERNI/HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. 2, 2e éd.2006, ch. 1214 p. 568).
Comme le recourant ne peut faire valoir un droit civil garanti par l'art. 6 CEDH à l'appui de son grief de violation de l'art. 13 CEDH, il invoque l'art. 8 CEDH, dont il tente en vain de rendre plausible et défendable la violation. Il se contente en effet soit de citer la disposition et la jurisprudence y relative, soit d'affirmer que "la juridiction cantonale ne s'est jamais penchée sur le fond du litige et le recourant exposera plus bas, de manière claire et détaillée, les griefs formulés à l'encontre de l'arrêt déféré". Il affirme plus loin que le refus d'entrer en matière sur sa demande d'autorisation de séjour constitue manifestement une ingérence dans la vie privée du recourant, puisque ce dernier séjourne légalement à Genève depuis le 23 juillet 2004, soit depuis bientôt six ans - ce sans compter son séjour de 1990 à 1996 en Suisse allemande -, et qu'il y est dès lors très bien intégré tant socialement que professionnellement", ce qui est insuffisant, eu égard aux conditions auxquelles la jurisprudence du Tribunal fédéral soumet l'octroi d'une autorisation fondée sur cette norme (cf. arrêt 2C_266/2009 du 2 février 2010). Le recourant n'ayant pas rendu vraisemblable une violation des droits garantis par l'art. 8 CEDH, il ne peut pas se plaindre de la violation des art. 13 CEDH et 2 par. 3 let. a Pacte ONU II.
4.5 Par conséquent, en jugeant que le recourant n'avait pas qualité de partie en procédure de recours sur le plan cantonal, le Tribunal administratif n'a violé ni les art. 6 et 13 CEDH ni l'art. 2 par. 3 let. a Pacte ONU II. »
GRIEFS
18.  Invoquant l'article 8 de la Convention, les requérants font valoir que la décision de leur refuser une autorisation de séjour et de les renvoyer de Suisse, notamment eu égard à leur séjour de près de dix années et à la présence de Z.D., respectivement la fille de la requérante et la sœur du requérant, dans ce pays, constituerait une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale. Ils font également valoir leur absence de maîtrise de l'arménien, les problèmes de santé de la requérante et le fait que le requérant, arrivé en Suisse en tant que mineur, ne devrait pas avoir à supporter les conséquences de l'indication erronée, par sa mère, de leur identité.
19.  Invoquant l'article 13 combiné avec l'article 6 § 1 de la Convention, les requérants se plaignent d'une violation de leurs droits à un recours effectif et à une procédure équitable du fait qu'ils n'avaient pas la qualité pour recourir contre le refus de l'office cantonal d'ouvrir une procédure concernant l'octroi d'une autorisation de séjour.
 


Considérants

EN DROIT
A.  Sur la jonction des requêtes
20.  Compte tenu de la connexité des requêtes quant aux faits et aux questions de fond qu'elles posent, la Cour juge approprié de les joindre en application de l'article 42 § 1 de son règlement.
B.  Grief tiré de l'article 8 de la Convention
21.  Les requérants allèguent que le refus de leur octroyer une autorisation de séjour et le prononcé de leur renvoi de Suisse ont méconnu leur droit au respect de la vie privée et familiale tel que prévu par l'article 8 de la Convention, ainsi libellé :
« 1.  Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2.  Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bienêtre économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
22.  S'agissant de l'épuisement des voies de recours internes, la Cour relève que, selon l'article 14 alinéa 4 de la loi sur l'asile (paragraphe 16 ci-dessus), il n'existe pas de voie de recours judiciaire contre la décision d'une administration cantonale refusant d'ouvrir une procédure en autorisation de séjour et que la décision de l'office cantonal du 12 juin 2014 ne comportait pas d'indication des voies de recours. Elle constate, dans les circonstances particulières de l'espèce, que la dernière décision interne définitive est la décision de l'office cantonal du 12 juin 2014 et que les requérants ont porté leur grief tiré de la violation de l'article 8 de la Convention devant cette instance (voir, mutatis mutandis, Polidario c. Suisse, no 33169/10, § 52, 30 juillet 2013).
23.  Dès lors, la Cour estime que les requérants ont en l'espèce satisfait à l'exigence de l'épuisement des voies de recours internes au sens de l'article 35 § 1 de la Convention.
24.  La Cour rappelle ensuite que lorsqu'un État contractant tolère la présence sur son sol d'un ressortissant étranger, lui donnant ainsi la possibilité d'attendre la décision relative à sa demande d'octroi d'un permis de séjour, à un recours contre une telle décision ou à une nouvelle demande de permis de séjour, il lui permet de participer à la vie sociale du pays dans lequel il se trouve, d'y nouer des relations et d'y fonder une famille. Pour autant, cela n'implique pas automatiquement que, en conséquence, l'article 8 de la Convention oblige les autorités de cet État à autoriser l'étranger à s'installer sur le territoire national (Jeunesse c. Pays-Bas [GC], no 12738/10, § 103, 3 octobre 2014, A.S. c. Suisse, no 39350/13, § 44, 30 juin 2015, et K.L. c. Suède (déc.), no 25141/16, § 50, 17 octobre 2017).
25.  La Cour réitère que cela s'applique également aux requérants d'asile dont la présence sur le territoire d'un État contractant est tolérée par les autorités nationales de leur propre initiative ou acceptée en respect de leurs obligations internationales (A.S. c. Suisse, précité, § 44, Ali et autres c. Suisse et Italie (déc.), no 30474, § 40, 4 octobre 2016, et K.L. c. Suède, décision précitée, § 50).
26.  La question à examiner est de savoir si, eu égard aux faits de la cause pris dans leur ensemble, les autorités suisses étaient tenues en vertu de l'article 8 de la Convention d'octroyer un permis de séjour aux requérants. La présente affaire doit par conséquent être examinée sous l'angle d'un non-respect par l'État défendeur d'une obligation positive (comparer avec Jeunesse, précité, § 105).
27.  La Cour relève que, si les requérants avaient certes passé près de neuf années en Suisse au moment où l'office cantonal a rejeté leur demande d'autorisation de séjour, leur présence sur le territoire suisse n'a été tolérée que quelques semaines par les autorités internes, le temps pour elles de traiter leur demande d'asile, dont le rejet - moins d'un mois après l'entrée en Suisse des requérants - n'a pas fait l'objet d'un recours, et, s'agissant de la requérante, le recours contre le rejet de sa demande de réexamen (paragraphes 5, 6 et 12 ci-dessus). La présence des requérants a par ailleurs uniquement été tolérée afin de traiter leur demande d'asile et la demande de réexamen de la requérante (voir, mutatis mutandis, A.S. c. Suisse, précité, § 49, et Ali et autres, décision précitée, § 45). Les autorités internes ne sont pas restées inactives et ont tenté d'exécuter la décision de renvoi (voir, a contrario, Jeunesse, précité, § 116). Elles se sont toutefois heurtées à des difficultés liées notamment à l'établissement de l'identité des requérants (paragraphes 6, 12 et 14 ci-dessus). À cet égard, il convient de rappeler que les étrangers - et donc, en l'espèce, les requérants - ont l'obligation de se soumettre aux contrôles et aux procédures d'immigration et de quitter le territoire de l'État contractant concerné lorsqu'ils en reçoivent l'ordre si l'entrée ou le séjour sur ce territoire leur sont valablement refusés (Jeunesse, précité, § 100).
28.  Il est certes probable que les requérants se trouveraient dans une situation plutôt difficile en cas de renvoi vers l'Arménie (comparer avec Jeunesse, précité, § 117), notamment eu égard aux problèmes de santé de la requérante, à la séparation des requérants de Z.D. et des enfants de cette dernière, et au fait que le requérant vit en Suisse depuis l'âge de 11 ans, étant précisé qu'il ne saurait être tenu pour responsable du choix de sa mère de venir en Suisse. La Cour relève toutefois qu'il ne semble pas y avoir d'obstacles insurmontables à ce que les requérants s'installent en Arménie.
29.  La Cour rappelle en particulier que l'on ne saurait retenir l'existence d'une vie familiale, au sens de l'article 8 de la Convention, entre des parents et leurs enfants adultes ou entre frères et sœurs adultes sans que soit démontrée l'existence d'éléments supplémentaires de dépendance (Slivenko c. Lettonie [GC], no 48321/99, § 97, CEDH 2003-X, A.S. c. Suisse, précité, § 49, et Kwakie-Nti et Dufie c. Pays-Bas (déc.), no 31519/96, 7 novembre 2000). Or, en l'espèce, la Cour constate que les requérants sont restés en défaut, tant devant les instances nationales que devant elle, de démontrer, au moyen d'éléments concrets, l'existence d'un lien de dépendance avec leurs proches résidant en Suisse. Les requérants savaient par ailleurs que leur situation au regard des lois sur l'immigration était précaire, Z.D. n'ayant obtenu son autorisation de séjour qu'après avoir passé plusieurs années en Suisse (Jeunesse, précité, § 108). S'agissant des attaches du requérant avec la Suisse, la Cour note que, si l'on ne saurait retenir à son encontre l'avertissement prononcé par le Ministère public des mineurs du canton de Soleure, son apprentissage a été interrompu avec effet immédiat, notamment du fait qu'il ne s'était pas rendu à un cours de formation, et que le requérant n'a pas occupé d'autre emploi alors même qu'il y était encore autorisé à l'époque. Elle constate dès lors que le requérant n'a pas démontré sa volonté de s'intégrer professionnellement. La Cour est enfin d'avis que l'état de santé de la requérante, qui souffre de troubles psychiques et de dépendance chronique à l'alcool, ne saurait constituer une circonstance exceptionnelle s'opposant à l'exécution de son renvoi. Elle note que les requérants n'ont pas soumis d'arguments à même de remettre en cause l'analyse du TAF, dans son arrêt du 21 août 2013, selon laquelle les soins nécessaires étaient disponibles et accessibles pour la requérante en Arménie et son état de santé ne se péjorerait pas de manière importante en cas de retour dans ce pays (paragraphe 12 ci-dessus).
30.  Étant donné la marge d'appréciation laissée aux États en matière d'immigration, la Cour considère qu'un juste équilibre a été ménagé entre les intérêts concurrents en jeu, à savoir, d'une part, l'intérêt personnel des requérants à continuer à résider en Suisse et, d'autre part, l'intérêt d'ordre public de l'État défendeur à contrôler l'immigration (A.S. c. Suisse, précité, § 50, et Ali et autres, décision précitée, § 45).
31.  Eu égard à l'ensemble de ces éléments, la Cour estime que les autorités suisses ont ménagé un juste équilibre entre les intérêts concurrents en jeu en refusant d'octroyer une autorisation de séjour aux requérants.
32.  Par conséquent, cette partie de la requête doit être rejetée comme étant manifestement mal fondée, en application de l'article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
C.  Grief tiré de l'article 13 combiné avec l'article 8 de la Convention
33.  Invoquant l'article 13 combiné avec l'article 6 § 1 de la Convention, les requérants se plaignent de la décision de l'office cantonal du 12 juin 2014 leur refusant la qualité de partie, alléguant une violation de leur droit à un recours effectif.
34.  La Cour, maîtresse de la qualification juridique des faits de la cause (Radomilja et autres c. Croatie [GC], nos 37685/10 et 22768/12, §§ 113-115, 124 et 126, CEDH 2018), estime approprié d'examiner la présente affaire sous l'angle de l'article 13 en lien avec l'article 8 de la Convention.
35.  L'article 13 de la Convention est libellé comme suit :
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. »
36.  La Cour rappelle que l'article 13 de la Convention garantit l'existence en droit interne de recours permettant de se prévaloir des droits et libertés de la Convention tels qu'ils y sont consacrés. Cette disposition a donc pour conséquence d'exiger un recours interne habilitant à examiner le contenu d'un « grief défendable » fondé sur la Convention et à offrir un redressement approprié (Gebremedhin [Gaberamadhien] c. France, no 25389/05, § 53, CEDH 2007-II, et Singh et autres c. Belgique, no 33210/11, § 78, 2 octobre 2012).
37.  Un grief peut être considéré comme étant défendable dès lors qu'il n'est pas manifestement mal fondé et qu'il nécessite un examen au fond (Çelik et İmret c. Turquie, no 44093/98, § 57, 26 octobre 2004, et Singh et autres, précité, § 84).
38.  Lorsqu'il existe un grief défendable selon lequel une expulsion risque de porter atteinte au droit de l'étranger au respect de sa vie privée et familiale, l'article 13 de la Convention combiné avec l'article 8 exige que l'État fournisse à la personne concernée une possibilité effective de contester la décision d'expulsion ou de refus d'un permis de séjour et d'obtenir un examen suffisamment approfondi et offrant des garanties procédurales adéquates des questions pertinentes par une instance interne compétente fournissant des gages suffisants d'indépendance et d'impartialité (De Souza Ribeiro c. France [GC], no 22689/07, § 83, CEDH 2012).
39.  En l'espèce, la Cour note que le Tribunal fédéral a, dans un arrêt de principe, considéré que le défaut de voie de recours judiciaire contre une décision de l'administration cantonale, refusant d'ouvrir une procédure concernant l'octroi d'une autorisation de séjour, ne respectait pas la garantie constitutionnelle de l'accès au juge. Toutefois, le Tribunal fédéral s'estimait contraint d'assurer l'application de la loi fédérale inconstitutionnelle (paragraphe 17 ci-dessus).
40.  En tout état de cause, ayant déclaré le grief tiré de l'article 8 irrecevable comme étant manifestement mal fondé (paragraphe 32 ci-dessus), la Cour estime que les requérants n'avaient pas de grief défendable pour lequel ils pouvaient faire valoir leur droit à un recours effectif au sens de l'article 13 de la Convention (Ali et autres, décision précitée, § 48, et Labaca Larrea et autres c. France (déc.), nos 56710/13, 56727/13 et 57412/13, § 52, 7 février 2017).
41.  Il s'ensuit que le grief tiré de l'article 13 combiné avec l'article 8 de la Convention doit être rejeté comme étant manifestement mal fondé, en application de l'article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
 


Disposition

Par ces motifs, la Cour, à l'unanimité,
Décide de joindre les requêtes ;
Déclare les requêtes irrecevables.
 
Fait en français puis communiqué par écrit le 21 juin 2018.
  Stephen Phillips    Greffier
  Helena Jäderblom   Présidente
 

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Considérants

Dispositif

références

Article: art. 13 CEDH, art. 8 CEDH, art. 6 par. 1 CEDH, art. 6 CEDH suite...