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Chapeau

37946/13


Bladt Susanne gegen Schweiz
Nichtzulassungsentscheid no. 37946/13, 18 septembre 2018

Regeste

  DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ de la CourEDH:
  SUISSE: Art. 6 par. 1 CEDH; art. 14 combiné avec l'art. 8 CEDH. Méthode mixte d'évaluation de l'invalidité.

  Le grief concernant le défaut de motivation est manifestement mal fondé et celui concernant le refus d'octroi de l'assistance judiciaire n'a pas été soulevé devant les juridictions nationales (ch. 23-31).
  La requérante s'estime discriminée en raison de son sexe du fait que la méthode mixte concerne majoritairement des femmes travaillant à temps partiel. L'intéressée n'a pas cessé de travailler suite à une naissance. Célibataire et sans enfants, elle a choisi un travail à temps partiel afin d'avoir plus de temps libre. L'aspect "vie familiale" n'entre pas en jeu et est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la CEDH. Si la requérante a été traitée différemment des personnes travaillant à plein temps, cette différence est basée sur le choix du temps partiel et ne repose pas sur une caractéristique personnelle ou sur le sexe. L'art. 14 combiné avec l'aspect "vie privée" de l'art. 8 CEDH entre en jeu, mais cette partie du grief est manifestement mal fondée et doit être rejetée (ch. 32-41).
  Conclusion: requête déclarée irrecevable.





Faits

 
TROISIÈME SECTION
DÉCISION
Requête no 37946/13
Susanne BLADT
contre la Suisse
 
La Cour européenne des droits de l'homme (troisième section), siégeant le 18 septembre 2018 en un comité composé de :
Pere Pastor Vilanova, président,
    Helen Keller,
    María Elósegui, juges,
et de Fatoş Aracı, greffière adjointe de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 6 juin 2013,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
 
EN FAIT
1.  La requérante, Mme Susanne Bladt, est une ressortissante suisse née en 1962 et résidant à Jegensdorf. Elle a été représentée devant la Cour par Me P. Stolkin, avocat à Zurich.
A.  Les circonstances de l'espèce
2.  Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par la requérante, peuvent se résumer comme suit.
3.  La requérante, née en 1962, travailla à partir du 1er juillet 1997 dans l'unité informatique du Crédit Suisse, et ce à 60 % (3 jours par semaine).
4.  Le 15 avril 2008, elle s'adressa à l'office de l'assurance-invalidité compétent en demandant une rente pour état d'épuisement (schleichenden Erschöpfungszustand).
5.  Le 31 août 2009, elle fut examinée. L'expertise conclut à des troubles de la personnalité importants, de type paranoïde, accompagnés de tendances narcissiques (Ausgepräge paranoide Persönlichkeitsstörung mit zusätzlichen narzisstischen Anteilen).
6.  À partir du 1er février 2009, elle fut mise au bénéfice d'une rente d'invalidité. L'office de l'assurance-invalidité compétent la déclara invalide à 56 %, ce qui correspondait à une demi-rente d'invalidité (décision du 7 mars 2011).
7.  Sur recours de la requérante, le Tribunal cantonal du canton de Berne corrigea la rente par un jugement du 29 juin 2012 et lui octroya une rente de trois quarts.
8.  Contre ce jugement, la requérante interjeta un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral le 22 août 2012 sans être représentée par un avocat. La requérante fit valoir qu'elle devrait être mise au bénéfice d'une rente complète. Elle soutint que la méthode de calcul du taux d'invalidité qui avait été employée par l'office (« gemischte Methode) était discriminatoire eu égard au fait qu'elle touche dans la majorité des cas des femmes travaillant à temps partiel.
9.  Par un arrêt du 7 décembre 2012 (8C_630/2012), le Tribunal fédéral rejeta le recours en le déclarant manifestement mal fondé. Il motiva sommairement sa décision mais n'analysa pas la question de la discrimination dans le cas d'espèce puisqu'il estima que le recours de la requérante n'était pas suffisamment étayé. La haute juridiction suisse ajouta tout de même qu'elle ne voyait pas de raison de diverger de sa jurisprudence récente selon laquelle la méthode mixte n'était pas discriminatoire et renvoya vers un arrêt de principe (arrêt du Tribunal fédéral - ATF 137 V 334). Dès lors, il convenait de confirmer cette jurisprudence. Enfin, le Tribunal fédéral lui demanda de verser 500 CHF à titre de frais judiciaire.
B.  Le droit interne pertinent
10.  Dans l'affaire Di Trizio c. Suisse (no 7186/09, 2 février 2016), qui concernait également la « méthode mixte », la Cour a en détail exposé le droit de l'assurance-invalidité ainsi que les méthodes du taux de calcul de l'invalidité en Suisse. Elle se contente, dès lors, de résumer ci-dessous les normes et principes les plus importants.
1.  Le droit de l'assurance-invalidité
11.  Dans sa version applicable au moment des faits, les dispositions de la loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales (« LPGA » ; RS 830.1) étaient libellées comme suit :
Article 8 : Invalidité
« Est réputée invalidité l'incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée.
(...)
Les assurés majeurs qui n'exerçaient pas d'activité lucrative avant d'être atteints dans leur santé physique, mentale ou psychique et dont il ne peut être exigé qu'ils en exercent une sont réputés invalides si l'atteinte les empêche d'accomplir leurs travaux habituels. »
Article 16 : Taux d'invalidité
« Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré. »
12.  Dans sa version en vigueur à la même époque, la loi fédérale du 19 juin 1959 sur l'assurance-invalidité (« LAI » ; RS 831.20) énumérait les buts de cette assurance comme suit :
Article 1a
« Les prestations prévues par la présente loi visent à :
a. prévenir, réduire ou éliminer l'invalidité grâce à des mesures de réadaptation appropriées, simples et adéquates ;
b. compenser les effets économiques permanents de l'invalidité en couvrant les besoins vitaux dans une mesure appropriée ;
c. aider les assurés concernés à mener une vie autonome et responsable. »
13.  Les modalités d'évaluation de l'invalidité étaient définies par la même loi comme suit :
Article 28a : Évaluation de l'invalidité
« (...)
L'article 16 LPGA s'applique à l'évaluation des assurés exerçant une activité lucrative. Le Conseil fédéral fixe le revenu déterminant pour l'évaluation de l'invalidité.
L'invalidité des assurés qui n'exercent pas d'activité lucrative et dont on ne peut raisonnablement exiger qu'ils en entreprennent une est évaluée, en dérogation à l'article 16 LPGA, en fonction de l'incapacité d'accomplir leurs travaux habituels.
Lorsque l'assuré exerce une activité lucrative à temps partiel ou travaille sans être rémunéré dans l'entreprise de son conjoint, l'invalidité pour cette activité est évaluée selon l'article 16 LPGA. S'il accomplit ses travaux habituels, l'invalidité est fixée selon l'alinéa 2 pour cette activité-là. Dans ce cas, les parts respectives de l'activité lucrative ou du travail dans l'entreprise du conjoint et de l'accomplissement des travaux habituels sont déterminées ; le taux d'invalidité est calculé d'après le handicap dont la personne est affectée dans les deux domaines d'activité. »
14.  Selon un tableau accompagnant ces dispositions, le droit à une rente était échelonné comme suit en fonction du taux d'invalidité :
 
Taux d'invalidité
Droit à la rente en fraction d'une rente entière
40 % au moins
un quart
50 % au moins
une demie
60 % au moins
trois quarts
70 % au moins
rente entière
 
15.  Le règlement sur l'assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (« RAI » ; RS 831.201) prévoyait dans son article 27bis :
« Lorsqu'il y a lieu d'admettre pour les assurés qui exercent une activité lucrative à temps partiel ou qui travaillent dans l'entreprise de leur conjoint sans être rémunérés, que s'ils ne souffraient d'aucune atteinte à la santé, ils exerceraient, au moment de l'examen de leur droit à la rente, une activité lucrative à temps complet, l'invalidité est évaluée exclusivement selon les principes applicables aux personnes exerçant une activité lucrative. »
2.  Les méthodes du taux de calcul de l'invalidité en Suisse
16.  En Suisse, on peut distinguer quatre méthodes d'évaluation de l'invalidité dans le domaine des assurances :
a)  La méthode générale : la comparaison des revenus
17.  Cette méthode est applicable à toutes les personnes exerçant une activité lucrative ou dont on pourrait raisonnablement attendre qu'elles en exercent une. Le taux d'invalidité est déterminé par la comparaison entre le revenu antérieur et le revenu qui pourrait être tiré de l'activité lucrative raisonnablement exigible après la survenance de l'atteinte à la santé. En principe, c'est cette méthode qui est utilisée. Si une détermination selon cette méthode s'avère impossible, l'une des autres méthodes énumérées ci-dessous sera choisie.
b)  La méthode spécifique : la comparaison des champs d'activité
18.  Elle s'applique aux assurés qui n'exercent pas d'activité lucrative, notamment les personnes qui s'occupent des activités ménagères du foyer. Le taux d'invalidité est déterminé par la comparaison des activités effectuées ou possibles avant et après la survenance de l'atteinte à la santé.
c)  La méthode mixte
19.  Elle s'applique aux personnes qui, parallèlement à une activité lucrative à temps partiel, exercent aussi une autre activité, non lucrative (par exemple, s'occuper du foyer). Le taux d'invalidité sera déterminé par comparaison des revenus pour la part d'activité lucrative, et par comparaison des champs d'activités pour les activités d'ordre ménager.
d)  La méthode extraordinaire
20.  Elle s'applique aux personnes exerçant une activité lucrative pour lesquelles la différence de niveau de revenu ne peut être établie de manière fiable, notamment en raison de la situation économique générale. Le taux d'invalidité sera déterminé en fonction des répercussions économiques de la baisse de performance de l'assuré.
GRIEFS
21.  A la lumière de l'article 6 combiné avec l'article 13 de la Convention, la requérante fait d'abord valoir que le Tribunal fédéral aurait dû examiner son grief tiré de la discrimination découlant de l'application de la méthode mixte. Elle invoque aussi un grief tiré du refus d'octroi de l'assistance judiciaire.
22.  Invoquant l'article 14, combiné avec l'article 8 de la Convention, la requérante s'estime discriminée en tant que femme puisque la « méthode mixte » de calcul du taux d'invalidité frappe dans la majorité des cas des femmes qui travaillent à temps partiel.
 


Considérants

EN DROIT
A.  Griefs tirés de l'article 6
23.  La Cour estime opportun d'examiner les griefs présentés par la requérante sous l'angle de l'article 6, combiné avec l'article 13 de la Convention, exclusivement en vertu de l'article 6 de la Convention.
24.  La Cour rappelle que les garanties implicites de l'article 6 § 1 comprennent l'obligation de motiver les décisions de justice et qu'une décision motivée permet de montrer aux parties que leur cause a réellement été entendue (H. c. Belgique, no 8950/80, § 53, 30 novembre 1987).
25.  Cela étant, la Cour rappelle que si l'article 6 § 1 oblige les tribunaux à motiver leurs décisions, cette obligation ne peut se comprendre comme exigeant une réponse détaillée à chaque argument. Ainsi, en rejetant un recours, la juridiction d'appel peut, en principe, se borner à faire siens les motifs de la décision entreprise (García Ruiz c. Espagne [GC], no 30544/96, § 26 et les références, 21 janvier 1999).
26.  En l'espèce, le Tribunal fédéral a considéré que la requérante n'avait pas satisfait aux exigences de motivation de son recours et n'a donc pas procédé à un examen détaillé de ses griefs. Il convient toutefois de rappeler que le Tribunal fédéral a répondu au grief tiré de la discrimination quand bien même il l'avait jugé manifestement mal fondé en renvoyant à son arrêt de principe. On ne saurait dès lors prétendre que le Tribunal fédéral a violé le droit d'être entendu de la requérante.
27.  Il s'ensuit que le grief tiré de l'article 6 de la Convention concernant le défaut de motivation du Tribunal fédéral est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l'article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
28.  La requérante invoque également un grief tiré du refus d'octroi de l'assistance judiciaire, qui peut être interprété en un grief tiré du droit d'accès à un tribunal.
29.  La Cour rappelle que la finalité de l'article 35 est de ménager aux États contractants l'occasion de prévenir ou de redresser les violations alléguées contre eux avant que ces allégations ne lui soient soumises et que les griefs dont on entend saisir la Cour doivent d'abord être soulevés, au moins en substance, dans les formes et délais prescrits par le droit interne, devant ces mêmes juridictions nationales appropriées (Gäfgen c. Allemagne [GC], no 22978/05, § 142, 1er juin 2010).
30.  Or, il apparaît que la requérante n'a pas adressé de demande d'assistance judiciaire devant le Tribunal fédéral, se contentant, dans son recours du 22 août 2012, de demander que les frais pour les procédures judiciaires soient attribués à l'office de l'assurance-invalidité compétent (« Die Kosten für die Gerichtsverfahren seiner der IV-Stelle ... aufzuerlegen »).
31.  Il s'ensuit que le grief tiré de l'article 6 de la Convention concernant le refus d'octroi de l'assistance judiciaire doit être rejeté pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l'article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
B.  Grief tiré de l'article 14, combiné avec l'article 8
32.  La requérante s'estime discriminée en raison de son sexe du fait que la « méthode mixte » de calcul du taux d'invalidité concerne dans la majorité des cas des femmes travaillant à temps partiel.
33.  La Cour rappelle que l'article 14 de la Convention complète les autres clauses normatives de la Convention et des Protocoles. Il n'a pas d'existence indépendante, puisqu'il vaut uniquement pour « la jouissance des droits et libertés » qu'elles garantissent. Il ne saurait trouver à s'appliquer si les faits du litige ne tombent pas sous l'empire de l'une au moins desdites clauses (Fábián c. Hongrie [GC], no 78117/13, § 112, 5 septembre 2017).
34.  Dans l'affaire Di Trizio (précitée), la Cour a estimé que l'article 14, combiné avec l'article 8, s'appliquait à la situation car les aspects « vie familiale » et « vie privée » de l'article 8 étaient concernés. La Cour a conclu à ce qui suit :
« 62. La présente affaire concerne également des questions liées à l'organisation de la vie familiale, quoique d'une autre manière. En effet, il ressort des statistiques disponibles que le régime juridique en vigueur - la méthode mixte, donc - concerne dans la grande majorité des cas les femmes qui souhaitent travailler à temps partiel après la naissance d'enfants. Dans son arrêt concernant la requérante (28 juillet 2008...), le Tribunal fédéral a reconnu que la méthode mixte peut parfois conduire à la perte de la rente, notamment chez les femmes qui, après la naissance de leurs enfants, travaillent à temps partiel. La Cour considère que l'application de la méthode mixte à la requérante était susceptible d'influencer celle-ci et son époux dans la manière dont ils se répartissent les tâches au sein de la famille et, partant, d'avoir un impact sur l'organisation de leur vie familiale et professionnelle. Dans son arrêt de principe (...), le Tribunal fédéral a d'ailleurs explicitement admis que la méthode mixte peut causer des désagréments pour une personne travaillant à temps partiel pour des raisons familiales, lorsqu'elle devient invalide. Ces observations suffisent à la Cour pour conclure que le présent grief relève de l'article 8 sous son volet « familial ».
(...)
64. En l'espèce, le volet « privé » de l'article 8 est également concerné, dans la mesure où il garantit le droit au développement personnel et l'autonomie personnelle. En effet, dans la mesure où la méthode mixte défavorise les personnes souhaitant travailler à temps partiel par rapport aux personnes qui exercent une activité lucrative à plein temps et par rapport à celles qui ne travaillent pas du tout, il n'est pas à exclure que cette méthode de calcul de l'invalidité restreigne les personnes mentionnées en premier dans leur choix pour répartir leur vie privée entre le travail, les tâches ménagères et la prise en charge des enfants.
65. Compte tenu de ce qui précède, le présent grief tombe sous l'empire de l'article 8. »
35.  La Cour estime que la question de l'applicabilité de l'article 14, combiné avec l'article 8, se distingue dans la présente affaire. En effet, la requérante n'est pas dans une situation où elle a cessé de travailler suite à la naissance de ses enfants. Célibataire et sans enfant, elle a fait le choix de travailler à temps partiel afin d'avoir plus de temps libre. De plus, la requérante bénéficie d'une rente trois quarts alors que l'application de la méthode mixte à Madame Di Trizio provoquait la perte de toute rente. L'application de la méthode mixte à la requérante n'était donc pas susceptible d'influencer l'organisation familiale de la requérante.
36.  La Cour juge donc que l'aspect « vie familiale » de l'article 8 n'entre pas en jeu. Dès lors, l'article 14 ne s'applique pas sous cet angle-là. Il s'ensuit que cette partie du grief est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention, au sens de l'article 35 § 3 a).
37.  Quant à l'aspect « vie privée », il est vrai que la requérante a subi une réduction de la rente sur la base de son choix de travailler à temps partiel et en application de la méthode mixte. Elle est donc a priori touchée dans son « autonomie personnelle » (Di Trizio, précité, § 64). L'article 14 trouve donc à s'appliquer en ce qui concerne cette partie du grief.
38.  Selon la jurisprudence établie de la Cour, une discrimination consiste à traiter de manière différente, sauf justification objective et raisonnable, des personnes placées dans des situations comparables (İzzettin Doğan et autres c. Turquie [GC], no 62649/10, § 156, 26 avril 2016). Seules les différences de traitement fondées sur une caractéristique identifiable, objective ou personnelle (« situation ») sont susceptibles de revêtir un caractère discriminatoire aux fins de l'article 14 (Biao c. Danemark [GC], no 38590/10, § 89, 24 mai 2016).
39.  Il est vrai que la Cour a établi une présomption selon laquelle la méthode mixte représentait une discrimination indirecte (Di Trizio, précité, § 88). Cette présomption découlait du fait que la méthode mixte touchait principalement des femmes ayant fait le choix de travailler à temps partiel suite à la naissance de leurs enfants et concernait donc l'aspect « vie familiale » de l'article 8. Comme cet aspect n'entre pas en jeu en l'espèce, cette présomption ne trouve pas à s'appliquer.
40.  En l'espèce, la requérante a bien été traitée différemment des personnes ayant un emploi à temps plein. La situation des personnes travaillant à temps plein n'est toutefois pas la même que celle des personnes travaillant à temps partiel. On ne saurait, dès lors, prétendre que la requérante se trouve dans une « situation comparable » au sens de la jurisprudence précitée. De plus, cette différence de traitement est basée sur son choix de travailler à temps partiel et ne repose donc pas sur une caractéristique personnelle. Elle ne repose pas non plus sur le sexe puisqu'un homme ayant fait le choix de travailler à temps partiel serait traité de la même manière. Il y a lieu de considérer que l'utilisation de la méthode mixte dans le cas de la requérante n'est pas constitutive d'une discrimination prohibée par l'article 14 de la Convention.
41.  La Cour juge donc que l'article 14, combiné avec l'aspect « vie privée » de l'article 8, entre en jeu mais que cette partie du grief est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l'article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
 


Disposition

Par ces motifs, la Cour, à l'unanimité,
 
Déclare la requête irrecevable.
Fait en français puis communiqué par écrit le 11 octobre 2018.
 
Fatoş Aracı    Greffière adjointe
Pere Pastor Vilanova     Président

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Considérants

Dispositif

références

Article: art. 8 CEDH, Art. 6 par. 1 CEDH