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Chapeau

36391/16


Porchet Mathieu c. Suisse
Urteil no. 36391/16, 08 octobre 2019

Regeste

  DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ de la CourEDH:
  SUISSE: Art. 5 par. 1 et 5 CEDH. Réduction de la durée de la peine au lieu de l'octroi d'une réparation pécuniaire pour détention illicite.

  Le requérant reproche aux autorités suisses d'avoir réduit la durée de sa peine plutôt que de lui avoir octroyé une réparation pécuniaire pour sa détention illicite. Dans un arrêt motivé, le Tribunal fédéral a considéré que l'allocation d'une réparation sous forme d'une réduction de peine plutôt que d'une prestation financière était parfaitement conforme au droit suisse. Les autorités nationales ont reconnu la violation en cause et l'ont réparée d'une manière comparable à la satisfaction équitable dont parle l'art. 41 CEDH. Le requérant ne peut dès lors plus se prétendre victime d'une violation de l'art. 5 par. 5 CEDH. La Cour conclut que la requête est incompatible ratione personae avec les dispositions de la Convention (ch. 13-26).
  Conclusion: requête déclarée irrecevable.

Synthèse de l'OFJ


(4ème rapport trimestriel 2019)

Droit à la liberté et à la sûreté (art. 5 § 5 CEDH); réduction de la durée de la peine de détention comme réparation équitable.

L'affaire concerne la mise en détention provisoire du requérant dans un local destiné aux gardes à vues de 48 heures et sa demande de réparation pécuniaire. Le requérant s'est vu octroyer une réduction de peine de huit jours en réparation des 16 jours de détention provisoire dans des locaux non adaptés. Le Tribunal fédéral a considéré que l'allocation d'une réparation sous la forme d'une réduction de la durée de la peine, plutôt que le versement d'une prestation financière, était conforme au droit suisse.

Invoquant l'article 5 § 5 CEDH, le requérant a allégué devant la Cour que cette disposition crée un droit direct et opposable à une indemnisation financière. Il a reproché aux juridictions suisses de ne pas lui avoir octroyé une telle réparation, ajoutant que le droit suisse prévoit un droit à une indemnisation financière. La Cour a conclu que cette forme de réparation est conforme à l'article 5 § 5 CEDH et que le requérant ne peut donc plus se prétendre victime d'une violation de cette disposition. Requête irrecevable (unanimité).





Faits

 
TROISIÈME SECTION
DÉCISION
Requête no 36391/16
Mathieu PORCHET
contre la Suisse
 
La Cour européenne des droits de l'homme (troisième section), siégeant le 8 octobre 2019 en une Chambre composée de :
    Paul Lemmens, président,
    Georgios A. Serghides,
    Paulo Pinto de Albuquerque,
    Helen Keller,
    María Elósegui,
    Gilberto Felici,
    Erik Wennerström, juges,
et de Stephen Phillips, greffier de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 21 juin 2016,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
 
EN FAIT
1.  Le requérant, M. Mathieu Porchet, est un ressortissant suisse né en 1993 et résidant dans le canton de Vaud. Il a été représenté devant la Cour par Me F. Mingard, avocat exerçant à Lausanne.
A.  Les circonstances de l'espèce
2.  Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.
3.  Le requérant fut appréhendé le 1er septembre 2013 et placé en détention dans une cellule de l'Hôtel de police de Lausanne jusqu'au 18 septembre 2013, date de son transfert à la Prison de la Croisée. Sa détention se prolongea jusqu'au 29 novembre 2013.
4.  Par une ordonnance du 11 décembre 2013, le Tribunal des mesures de contrainte du canton de Vaud constata que les conditions dans lesquelles s'étaient déroulés les 16 jours de la détention provisoire du requérant n'étaient pas conformes aux dispositions légales. Il relevait que, malgré l'ordre de transfert dans un établissement de détention provisoire approprié, donné par le Ministère public, le prévenu avait été placé dans une cellule réservée à la garde à vue pendant 18 jours au lieu des 48 heures autorisées par la loi. Il précisait également qu'il ne lui appartenait pas de décider du montant de l'indemnité à allouer, son rôle se limitant à constater les manquements.
5.  Par un jugement du 12 février 2015, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne reconnut le requérant coupable notamment de mise en danger de la vie d'autrui, de conduite d'un véhicule sans permis de conduire et de violation grave qualifiée des règles de la circulation routière. Il le condamna à une peine privative de liberté de 35 mois, sous déduction de 90 jours de détention avant jugement, avec sursis partiel, la peine à exécuter étant de 11 mois, le solde de 24 mois étant assorti d'un sursis de cinq ans, ainsi qu'à une amende de 1 000 francs suisses (« CHF ») (soit environ 846 euros [« EUR »]). Le tribunal ordonna également la déduction de huit jours de détention de la peine fixée à titre de réparation du tort moral pour détention dans des conditions illicites.
6.  Le requérant fit appel de ce jugement, soutenant notamment que la réduction de peine ne constituait pas une réparation adéquate du tort moral qu'il avait subi et réclamant une indemnisation pécuniaire.
7.  Par un arrêt du 11 juin 2015, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois rejeta l'appel du requérant et confirma le jugement précité.
Se référant à la jurisprudence de la Cour sur l'article 3 de la Convention, en particulier à l'arrêt Ananyev et autres c. Russie (nos 42525/07 et 60800/08, § 225, 10 janvier 2012), elle considéra qu'une indemnisation sous forme d'une réduction de peine était adéquate.
8.  Agissant par la voie du recours en matière pénale au Tribunal fédéral, et invoquant l'article 5 §§ 1 et 5 de la Convention, le requérant demanda l'annulation de la déduction de huit jours de détention de la peine prononcée et le versement par l'État de Vaud d'une indemnité de 1 600 CHF (soit environ 1 354 EUR).
9.  Par un arrêt du 2 mai 2016, publié au recueil des arrêts principaux du Tribunal fédéral (« ATF » 142 IV 245), la cour de droit pénal du Tribunal fédéral rejeta le recours du requérant. Les extraits pertinents en l'espèce de cet arrêt se lisaient comme suit :
« 4. Invoquant les art. 58 CPC, 431 al. 1 CPP et 5 CEDH, le recourant reproche aux autorités précédentes d'avoir réparé la détention illicite qu'il avait subie en procédant à une réduction de peine, alors qu'il avait conclu à une indemnisation financière. A son avis, les juges ne pouvaient pas s'écarter de ses conclusions.
4.1. Aux termes de l'art. 431 al. 1 CPP, si le prévenu a, de manière illicite, fait l'objet de mesures de contrainte, l'autorité pénale lui alloue une juste indemnité et réparation du tort moral.
Selon la jurisprudence, lorsqu'une irrégularité constitutive d'une violation d'une garantie conventionnelle ou constitutionnelle a entaché la procédure relative à la détention provisoire, celle-ci peut être réparée par une décision de constatation (ATF 140 I 246 consid. 2.5.1 p. 250). Une telle décision vaut notamment lorsque les conditions de détention provisoire illicites sont invoquées devant le juge de la détention. A un tel stade de la procédure, seul un constat peut donc en principe intervenir et celui-ci n'a pas pour conséquence la remise en liberté du prévenu (ATF 139 IV 41 consid. 3.4 p. 45). Il appartient ensuite à l'autorité de jugement d'examiner les possibles conséquences des violations constatées, par exemple par le biais d'une indemnisation fondée sur l'art. 431 CPP ou, cas échéant, par une réduction de la peine (ATF 141 IV 349 consid. 2.1 p. 352 et les arrêts cités; ATF 140 I 125 consid. 2.1 p. 128).
S'agissant du mode et de l'étendue de l'indemnisation fondée sur les art. 429 ss CPP, il n'est pas exclu de s'inspirer des règles générales des art. 41 ss CO (cf. ATF 140 I 246 consid. 2.6 p. 251). Ces dispositions accordent au juge un large pouvoir d'appréciation, que le Tribunal fédéral ne revoit qu'avec retenue (cf. ATF 137 III 303 consid. 2.2.2 p. 309 s.; arrêt 6B_111/2012 du 15 mai 2012 consid. 4.2; arrêt 6B_437/2014 du 29 décembre 2014 consid. 3). En vertu de l'art. 43 CO, une réparation en nature n'est pas exclue (HEIERLI/ SCHNYDER, in Basler Kommentar OR, 2011, no 4 ad art. 43 CO). Une réparation en nature est déjà pratiquée par la jurisprudence en cas de violation du principe de la célérité. Le Tribunal fédéral considère alors, comme les retards de procédure ne peuvent être guéris, qu'il y a lieu de tenir compte de la violation du principe de la célérité sur le plan de la peine en réduisant celle-ci (ATF 133 IV 158 consid. 8 p. 170).
4.2. L'art. 5 par. 5 CEDH prévoit que toute personne victime d'une détention dans des conditions contraires aux dispositions de cet article a droit à réparation. Cette disposition n'octroie pas au recourant de garanties plus étendues que celles découlant de l'art. 431 CPP et ne lui accorde en particulier pas le droit de choisir le mode de dédommagement. La cour cantonale n'a par conséquent pas commis un déni de justice en n'examinant pas la question de l'indemnisation sous cet angle.
Par ailleurs, contrairement à ce que soutient le recourant, l'art. 58 CPC ne s'applique pas aux affaires pénales (cf. art. 1 CPC); il ne peut dès lors rien tirer de cette disposition.
4.3. En l'espèce, la cour cantonale a relevé que le recourant devait purger la part ferme de sa peine. La réduction de la peine était donc à même de l'indemniser et c'était en vain qu'il demandait une réparation financière, alors que la restitution de sa liberté constituait le meilleur moyen de réparer le tort en l'espèce. Les conditions de détention ayant été illicites pendant 16 jours, la réduction de 8 jours sur la peine prononcée correspondait à la jurisprudence cantonale et devait être confirmée.
Le recourant n'allègue pas que la réduction de peine accordée en réparation de la détention illicite serait insuffisante, ce qui n'apparaît pas être le cas. Il se plaint en revanche que les juges cantonaux n'ont pas donné suite à ses conclusions, qui tendaient à l'allocation d'une indemnité de 1'600 francs. Or, contrairement à ce qu'affirme le recourant, le choix du type d'indemnisation ne lui appartient pas, le mode et l'étendue de la réparation étant laissés à l'appréciation du juge. En l'occurrence, les juges cantonaux n'ont pas excédé leur pouvoir d'appréciation en considérant que la restitution de la liberté constituait le meilleur moyen de réparer le tort subi par le recourant et en décidant ainsi de diminuer la durée de la peine, ce qui correspond à une indemnisation en nature. Ce faisant, ils se sont visiblement inspirés de la solution adoptée par le législateur à l'art. 431 al. 2 CPP en cas de durée excessive de la détention provisoire, qui prévoit en premier lieu l'imputation de la détention sur les sanctions prononcées. Le mode de réparation choisi par la cour cantonale échappe par conséquent à la critique.
(...) »
B.  Le droit interne pertinent
10.  L'article 431 du Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (« CPP », RS 312.0) prévoit ce qui suit :
Article 431 : Mesures de contrainte illicites
« Si le prévenu a, de manière illicite, fait l'objet de mesures de contrainte, l'autorité pénale lui alloue une juste indemnité et réparation du tort moral.
En cas de détention provisoire et de détention pour des motifs de sûreté, le prévenu a droit à une indemnité ou à une réparation du tort moral lorsque la détention a excédé la durée autorisée et que la privation de liberté excessive ne peut être imputée sur les sanctions prononcées à raison d'autres infractions.
Le prévenu n'a pas droit aux prestations mentionnées à l'al. 2 s'il:
a. est condamné à une peine pécuniaire, à un travail d'intérêt général ou à une amende, dont la conversion donnerait lieu à une peine privative de liberté qui ne serait pas notablement plus courte que la détention provisoire ou la détention pour des motifs de sûreté;
b. est condamné à une peine privative de liberté assortie du sursis, dont la durée dépasse celle de la détention provisoire ou de la détention pour des motifs de sûreté qu'il a subie. »
11.  Dans son arrêt concernant la présente affaire, le Tribunal fédéral se référait à son arrêt 6B_573/2015 du 17 juillet 2015, publié au recueil des arrêts principaux du Tribunal fédéral (ATF 141 IV 349). Le passage pertinent se lit comme suit :
« 2.1 Selon la jurisprudence, lorsqu'une irrégularité constitutive d'une violation d'une garantie conventionnelle ou constitutionnelle a entaché la procédure relative à la détention provisoire, celle-ci peut être réparée par une décision de constatation (ATF 140 I 246 consid. 2.5.1 p. 250; ATF 138 IV 81 consid. 2.4 p. 85). Une telle décision vaut notamment lorsque les conditions de détention provisoire illicites sont invoquées devant le juge de la détention. A un tel stade de la procédure, seul un constat peut donc en principe intervenir et celui-ci n'a pas pour conséquence la remise en liberté du prévenu (ATF 139 IV 41 consid. 3.4 p. 45). Il appartient ensuite à l'autorité de jugement d'examiner les possibles conséquences des violations constatées, par exemple par le biais d'une indemnisation fondée sur l'art. 431 CPP ou, cas échéant, par une réduction de la peine (ATF 140 I 246 consid. 2.5.1 p. 250; ATF 140 I 125 consid. 2.1 p. 128; ATF 139 IV 41 consid. 3.4 p. 45). Les mêmes principes s'appliquent, mutatis mutandis, en matière de traitement institutionnel en milieu fermé (arrêt 6B_507/2013 du 14 janvier 2014 consid. 4.2). Sous réserve de ce qui sera exposé ci-dessous à propos des effets de l'entrée en force du jugement pénal, il n'y a aucune raison de s'en écarter s'agissant de conditions de détention illicites au stade de l'exécution de la peine. »
GRIEF
12.  Invoquant l'article 5 § 5 de la Convention, le requérant allègue que cette disposition crée un droit direct et opposable à une indemnisation financière devant le juge national et reproche aux autorités suisses de ne pas lui avoir octroyé une telle réparation pour sa détention illicite. Il fait valoir que ces autorités ne pouvaient pas s'écarter des conclusions qu'il avait formulées et choisir un autre mode de réparation. Il allègue, de plus, que le droit suisse prévoit un droit à une indemnisation financière.
 


Considérants

EN DROIT
13.  Le requérant fait grief aux autorités suisses d'avoir réduit la durée de sa peine plutôt que de lui octroyer une réparation pécuniaire pour sa détention non conforme à l'article 5 § 1 de la Convention. Il invoque l'article 5 § 5 de la Convention, qui se lit comme suit :
« 5.  Toute personne victime d'une arrestation ou d'une détention dans des conditions contraires aux dispositions de cet article a droit à réparation. »
14.  La Cour rappelle que le paragraphe 5 de l'article 5 de la Convention se trouve respecté dès lors que l'on peut demander réparation du chef d'une privation de liberté opérée dans des conditions contraires aux paragraphes 1, 2, 3 ou 4. Le droit à réparation énoncé au paragraphe 5 suppose donc qu'une violation de l'un de ces autres paragraphes ait été établie par une autorité nationale ou par les institutions de la Convention. À cet égard, la jouissance effective du droit à réparation garanti par cette disposition doit se trouver assurée à un degré suffisant de certitude (Stanev c. Bulgarie [GC], no 36760/06, § 182, CEDH 2012). En outre, pour que la Cour conclue à la violation de l'article 5 § 5 de la Convention, il doit être établi que le constat de violation d'un des autres paragraphes de l'article 5 ne pouvait, avant l'arrêt concerné de la Cour, ni ne peut, après cet arrêt, donner lieu à une demande d'indemnité devant les juridictions nationales (idem, § 184).
15.  Par ailleurs, la Cour rappelle que c'est aux autorités nationales qu'il appartient en premier lieu de redresser une violation alléguée de la Convention. À cet égard, elle réaffirme que la question de savoir si un requérant peut se prétendre victime du manquement allégué se pose à tous les stades de la procédure au regard de la Convention (Kurić et autres c. Slovénie [GC], no 26828/06, § 259, CEDH 2012 (extraits)). Elle rappelle, en outre, qu'une décision ou une mesure favorable au requérant ne suffit en principe à lui retirer la qualité de victime que si les autorités nationales ont reconnu, explicitement ou en substance, puis réparé de manière appropriée et suffisante la violation de la Convention (Scordino c. Italie (no 1) [GC], no 36813/97, §§ 179-180 et 193, CEDH 2006-V et Murray c. Pays-Bas [GC], no 10511/10, § 83, 26 avril 2016).
16.  En l'espèce, la Cour relève que, par une ordonnance du 11 décembre 2013, le Tribunal des mesures de contrainte du canton de Vaud a reconnu que les conditions dans lesquelles s'étaient déroulés les 16 jours de la détention provisoire du requérant n'étaient pas conformes aux dispositions légales (paragraphe 4 ci-dessus). Ce constat a été confirmé par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 2 mai 2016, qui a analysé explicitement la question sous l'angle de l'article 5 de la Convention (paragraphe 9 ci-dessus).
17.  La Cour constate également que le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne a réduit de huit jours la peine de prison infligée au requérant, à titre de réparation pour le préjudice moral résultant de son placement en détention provisoire dans une cellule réservée à la garde à vue, au-delà du délai légal (paragraphe 5 ci-dessus).
18.  La Cour rappelle ensuite que, si le droit à réparation garanti par l'article 5 § 5 est principalement de nature pécuniaire, cela n'exclut pas qu'il puisse avoir un contenu plus large (Bozano c. France, no 9990/82, décision de la Commission du 15 mai 1984, Décisions et rapports 39, pp. 119, 131). Quant au quantum, l'article 5 § 5 ne garantit pas le droit à un montant déterminé à titre de réparation (K.W. c. Suisse, no 26382/95, décision de la Commission du 3 décembre 1997 et Jeronovičs c. Lettonie (déc.), no 547/02, § 76, 10 février 2009).
19.  Par analogie, la Cour rappelle avoir déjà jugé dans des affaires portant sur le non-respect du délai raisonnable exigé par l'article 6 § 1 de la Convention, que les autorités nationales peuvent accorder réparation en réduisant la peine infligée au requérant d'une manière expresse et mesurable (Chraidi c. Allemagne, no 65655/01, § 24, CEDH 2006-XII).
20.  Elle a, en outre, estimé qu'une telle réduction de peine peut aussi constituer une réparation adéquate pour une violation de l'article 5 § 3 lorsque les autorités nationales n'ont pas examiné, dans un délai raisonnable, l'affaire d'un requérant placé en détention provisoire (Ščensnovičius c. Lituanie, no 62663/13, § 92, 10 juillet 2018 et Chraidi, précité, § 24) ou encore pour des conditions de détention contraires à l'article 3, à condition que, d'une part, elle soit explicitement octroyée pour réparer la violation de l'article 3 et que, d'autre part, son impact sur le quantum de la peine de la personne intéressée soit mesurable (Stella et autres c. Italie (déc.), nos 49169/09 et al., §§ 59-60, 16 septembre 2014).
21.  En l'espèce, en supposant que l'article 5 § 5 est applicable, la Cour relève que le requérant s'est vu octroyer une réduction de peine de 8 jours en réparation des 16 jours de détention provisoire dans des locaux non adaptés. L'illicéité constatée par les autorités nationales ne tenait donc pas à la nécessité de la détention provisoire ou à sa durée, ce dont le requérant ne s'est d'ailleurs jamais plaint, mais uniquement à la nature des locaux où elle s'était déroulée. Ce constat rend le raisonnement par analogie avec l'affaire Stella et autres, précitée, d'autant plus pertinent.
22.  Par ailleurs, c'est pour la même infraction que le requérant avait été, d'abord, placé en détention provisoire et, ensuite, condamné à une peine de prison. Et c'est précisément en prenant en compte l'illicéité d'une partie de la détention provisoire, que le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne a réduit la peine du requérant.
En outre, le requérant ne se plaint pas de l'insuffisance de la réparation mais uniquement de sa nature non pécuniaire.
23.  Aux yeux de la Cour, l'intention réparatoire de la décision du Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne et le caractère proportionnel de la réduction de peine sont clairement établis (a contrario, Włoch c. Pologne (no 2), no 33475/08, § 32, 10 mai 2011).
24.  La Cour note enfin que le Tribunal fédéral, dans un arrêt motivé et ne révélant aucune trace d'interprétation arbitraire ou déraisonnable, a considéré que l'allocation d'une réparation sous la forme d'une réduction de peine plutôt que d'une prestation financière était parfaitement conforme au droit suisse.
À cet égard, elle rappelle qu'elle n'a pas pour tâche de se substituer aux juridictions internes. C'est au premier chef aux autorités nationales, notamment aux cours et tribunaux, qu'il incombe d'interpréter la législation interne. Le rôle de la Cour se limite à vérifier la compatibilité avec la Convention des effets de pareille interprétation (Waite et Kennedy c. Allemagne [GC], no 26083/94, § 54, CEDH 1999-I).
25.  Partant, compte tenu de ce que, par des jugements définitifs précités, les autorités nationales ont reconnu la violation en cause et puis l'ont réparée d'une manière comparable à la satisfaction équitable dont parle l'article 41 de la Convention (Cocchiarella c. Italie [GC], no 64886/01, § 72, CEDH 2006-V), la Cour considère que le requérant ne peut plus se prétendre victime d'une violation de l'article 5 § 5 de la Convention.
26.  Au vu de ce qui précède, la Cour conclut que la requête est incompatible ratione personae avec les dispositions de la Convention au sens de l'article 35 § 3 (a) et doit être rejeté en application de l'article 35 § 4.
 


Disposition

Par ces motifs, la Cour, à l'unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
Fait en français puis communiqué par écrit le 7 novembre 2019.
    Stephen Phillips    Paul Lemmens
    Greffier    Président
 

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