Avis important:
Les versions anciennes du navigateur Netscape affichent cette page sans éléments graphiques. La page conserve cependant sa fonctionnalité. Si vous utilisez fréquemment cette page, nous vous recommandons l'installation d'un navigateur plus récent.
 
Urteilskopf

35201/18


Diala Barthlomew Uchenna gegen Schweiz
Nichtzulassungsentscheid no. 35201/18, 10 décembre 2019

Regeste

Diese Zusammenfassung existiert nur auf Französisch.

  DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ de la CourEDH:
  SUISSE: Art. 8 CEDH. Refus de prolonger l'autorisation de séjour et renvoi d'un ressortissant nigérian dont l'épouse et les trois enfants sont des ressortissants suisses.

  L'expulsion du requérant a été décidée suite à sa condamnation à une peine privative de liberté pour trafic de stupéfiants. S'agissant d'une infraction en matière de stupéfiants, la Cour a toujours conçu que les autorités fassent preuve d'une grande fermeté à l'égard de ceux qui contribuent activement à la propagation de ce fléau. Concernant l'impact de la mesure sur le bien des trois enfants mineurs, la Cour relève que dans le contexte de l'expulsion d'un parent étranger à la suite d'une condamnation pénale, la décision concerne avant tout le délinquant. Elle estime que les autorités nationales ont suffisamment mis en balance tous les intérêts en jeu afin d'apprécier, dans le respect des critères établis par sa jurisprudence, si les mesures litigieuses étaient proportionnées aux buts légitimes poursuivis et donc nécessaires dans une société démocratique (ch. 25-46).
  Conclusion: requête déclarée irrecevable.

Inhaltsangabe des BJ


(4. Quartalsbericht 2019)

Recht auf Achtung des Privat- und Familienlebens (Art. 8 EMRK); Landesverweisung des Beschwerdeführers nach Nigeria.

Bei den Beschwerdeführern handelt es sich um einen Staatsangehörigen Nigerias («erster Beschwerdeführer») sowie um seine Ehefrau und ihre drei Kinder, die ihrerseits Schweizer Staatsangehörige sind. Der Fall betrifft die Landesverweisung des ersten Beschwerdeführers nach Nigeria hauptsächlich wegen dessen Verurteilung infolge Beteiligung in einem Fall von Drogenhandel.

Unter Berufung auf Artikel 8 EMRK rügten die Beschwerdeführer, dass die Wegweisung des ersten Beschwerdeführers nach Nigeria ihr Recht auf Achtung des Privat- und Familienlebens verletzen würde.

In Bezug auf die Ehefrau und die Kinder des ersten Beschwerdeführers befand der Gerichtshof, dass sie nicht berechtigt sind, im Namen des ersten Beschwerdeführers die auf Artikel 8 EMRK gestützte Beschwerde zu erheben. In Bezug auf den ersten Beschwerdeführer befand der Gerichtshof, dass die nationalen Behörden alle relevanten Interessen hinreichend abgewogen haben, um einzuschätzen, ob die strittige Massnahme in einer demokratischen Gesellschaft notwendig war. Er hielt unter anderem Folgendes fest: Selbst wenn berücksichtigt werde, dass der erste Beschwerdeführer seit seiner Verurteilung 2016 keine Straftaten begangen und sich vorbildlich verhalten habe, sei er für schwere Taten im Zusammenhang mit dem Handel mit erheblichen Mengen von Drogen verurteilt worden; das erste Mal sei er mit einer falschen Identität in die Schweiz eingereist und habe sich bis zu seiner Rückführung nach Benin ohne Aufenthaltstitel dort aufgehalten; während seines kurzen Aufenthalts in der Schweiz sei er mehrmals wegen geringfügiger Verstösse gegen das Betäubungsmittelgesetz verurteilt worden; bei seiner Rückkehr in die Schweiz weniger als ein Jahr später hätten ihn die Behörden ausdrücklich darauf hingewiesen, welche Auswirkungen die Begehung weiterer Straftaten auf seinen Rechtsstatus hätte. Der Gerichtshof erinnerte ferner daran, dass seine Ehefrau wusste, welche Risiken ihr Ehemann im Falle neuer Probleme mit der Justiz eingehe und dass allenfalls eine Landesverweisung drohe. Im Übrigen haben die nationalen Behörden anerkannt, dass es eindeutig dem Wohl des Kindes entspricht, bei seinen beiden Eltern aufzuwachsen. Sie haben den Fall des Beschwerdeführers mit Verweis auf die Tatsache, dass seine strafbaren Handlungen dem Wohl der Kinder zuwiderliefen, jedoch zurecht relativiert. Beschwerde offensichtlich unbegründet und damit unzulässig (einstimmig).





Sachverhalt

TROISIÈME SECTION
DÉCISION
Requête no 35201/18
Bartholomew Uchenna DIALA et autres
contre la Suisse
 
La Cour européenne des droits de l'homme (troisième section), siégeant le 10 décembre 2019 en un comité composé de :
    Dmitry Dedov, président,
    Alena Poláčková,
    Gilberto Felici, juges,
et de Stephen Phillips, greffier de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 11 novembre 2018,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
 
EN FAIT
1.  Les requérants sont M. Bartholomew Uchenna Diala (« le premier requérant »), ressortissant nigérian, né en 1978 ; son épouse, Mme Michelle Melanie Diala (« la deuxième requérante »), ressortissante suisse, née en 1991 ; et leurs trois enfants (« les troisième, quatrième et cinquième requérants »), ressortissants suisses, nés respectivement en 2011, 2013 et 2017. Ils ont été représentés devant la Cour par Me Annina Mullis, avocate exerçant à Berne.
Les circonstances de l'espèce
2.  Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit.
3.  Le 13 mars 2008, le premier requérant entra en Suisse sous une fausse identité et y déposa une demande d'asile. Pendant la procédure d'asile, il fut condamné principalement pour des infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes (« LStup », Recueil systématique de la législation fédérale suisse - « RS » - 812.121) ; entre octobre 2008 et janvier 2009 à une peine privative de liberté globale de six mois, puis, le 13 avril 2009, à une peine de 60 jours.
4.  Par décision du 21 avril 2009, l'Office fédéral des migrations (désormais le Secrétariat d'État aux migrations, « le SEM ») refusa d'entrer en matière sur la demande d'asile de l'intéressé et prononça son renvoi de Suisse. Le recours formé contre cette décision fut rejeté par le Tribunal administratif fédéral, le 1er mai 2009.
5.  Le 5 décembre 2009, le premier requérant fut rapatrié vers le Bénin, pays dont il avait préalablement dit posséder la nationalité.
6.  Le 16 janvier 2010, le premier requérant épousa la deuxième requérante au Bénin. Suite à cette union, l'Office cantonal des migrations de Lucerne (« l'Office des migrations ») délivra au premier requérant une autorisation de séjour au titre du regroupement familial, le 15 octobre 2010.
7.  Le 6 novembre 2010, l'intéressé entra une nouvelle fois en Suisse afin d'y rejoindre son épouse.
8.  Le 6 janvier 2011, l'Office des migrations avertit le premier requérant que la commission de futures infractions pourrait avoir des conséquences sur son statut en Suisse et mener à la révocation de son autorisation de séjour.
9.  En février 2011, naquit le premier, puis, en octobre 2013, le deuxième enfant du couple.
10.  Entre janvier 2011 et août 2013, le premier requérant effectua un programme d'insertion dans le monde du travail d'une durée d'un mois auprès d'une association à Lucerne. Durant cette période, lui et sa famille touchèrent des prestations de l'aide sociale et des indemnités de maternité (Mutterschaftsbeihilfe) à hauteur de 97 642.45 francs suisses (CHF), soit environ 89 000 euros (EUR). À partir de juillet 2013, le premier requérant exerça plusieurs missions dans le domaine de la construction pour des entreprises de travail temporaire.
11.  Entre janvier 2012 et mai 2017, le premier requérant fit l'objet de poursuites pour un montant total de 4 488.50 CHF (environ 4 000 EUR). Il accumula des dettes à hauteur de 3 442.65 CHF (environ 3 100 EUR).
12.  Par jugement du 2 février 2016, le Tribunal pénal de Lucerne reconnut le premier requérant coupable d'infraction grave à la LStup et le condamna, après déduction de 61 jours de détention provisoire, à une peine privative de liberté de deux ans avec mise à l'épreuve de trois ans. Il lui était en substance reproché d'avoir, en janvier 2015, mis son appartement à disposition d'un transporteur intracorporel de stupéfiants, transporté la cocaïne extraite du transporteur à des tiers et personnellement revendu une partie de la marchandise.
13.  Après lui avoir octroyé le droit d'être entendu, l'Office des migrations refusa, par décision du 17 mars 2017, de prolonger l'autorisation de séjour du premier requérant et ordonna son renvoi de Suisse, l'intérêt public l'emportant sur l'intérêt privé de l'intéressé. À cet égard, l'Office des migrations releva, pour l'essentiel, que la condamnation pénale du requérant à deux ans de réclusion pour infraction grave à la LStup était une peine de longue durée qui justifiait, en application du droit national, la révocation, respectivement la non-prolongation de son autorisation de séjour. L'autorité considéra qu'il était particulièrement répréhensible que l'intéressé ait utilisé l'appartement familial, dans lequel se trouvait son épouse et ses enfants, pour ses activités délictueuses (excrétion et stockage de 1,01 kg de cocaïne). Par son comportement, le requérant avait, sans scrupules, accepté de mettre en danger la santé d'un grand nombre de personnes, d'autant plus qu'il avait uniquement agi par appât du gain, sans être lui-même toxicomane. Par ailleurs, le trafic de drogue figurait désormais dans la liste des actes énumérés à l'article 121 alinéa 3 de la Constitution suisse, qui prévoyait l'expulsion des étrangers condamnés pour certaines infractions graves. Aussi, il ne s'était pas écoulé un long laps de temps depuis l'infraction commise, en janvier 2015, et, même si le requérant n'avait pas commis de nouvelles infractions depuis lors, un risque de récidive ne pouvait être exclu, en particulier considérant que le requérant avait déjà été impliqué dans le milieu de la drogue lors de son précédent séjour en Suisse. Aussi, l'avertissement des autorités du 6 janvier 2011 n'avait manifestement eu aucun effet, puisque le requérant n'avait pas saisi la chance qui lui était offerte de se conformer à l'ordre juridique suisse. Dans la pesée des intérêts à laquelle il s'est livré, l'Office des migrations souligna, en outre, que le premier requérant n'avait pas été indépendant sur le plan financier, au moins jusqu'au mois d'août 2013, et que son intégration professionnelle en Suisse, consistant en des emplois temporaires, à partir de l'été 2013, était modérée. Son mariage avec une ressortissante suisse et la naissance de leurs enfants communs, qui avaient également la nationalité suisse, représentaient certes des intérêts privés importants. Toutefois, il ressortait du dossier que le premier requérant et son épouse, qui s'étaient rencontrés en Suisse, étaient en couple depuis avril 2008 et que, lors de la conclusion du mariage début 2010, le premier requérant avait déjà été incarcéré pour des infractions à la LStup, ce que son épouse n'ignorait pas. Le couple devait dès lors se douter qu'il ne pourrait pas, avec certitude, vivre son union conjugale de manière durable en Suisse. Par ailleurs, il était loisible à la deuxième requérante et à ses enfants de rejoindre leur époux, respectivement père, au Nigéria, ou de rester en Suisse. Dans cette deuxième hypothèse, la vie familiale pourrait être maintenue par le biais de visites et l'usage de moyens de communication modernes. En tant que les requérants invoquaient que la famille dépendait de la présence du premier requérant en Suisse pour des raisons financières, l'Office des migrations rétorqua qu'il pouvait être attendu de la deuxième requérante, si elle décidait de rester en Suisse avec ses enfants, qu'elle reprenne une activité lucrative, du moins après que son plus jeune enfant ait atteint l'âge de trois ans. Enfin, le premier requérant ne risquait pas de rencontrer dans son pays d'origine des difficultés insurmontables, étant précisé qu'il avait également passé de nombreuses années au Bénin, où il lui serait également possible de s'établir s'il le souhaitait.
14.  Les recours interjetés contre cette décision auprès du Département de la justice et de la sécurité du canton de Lucerne et du Tribunal cantonal lucernois (« le Tribunal cantonal »), furent rejetés. Dans son jugement du 29 mars 2018, le Tribunal cantonal releva notamment qu'il fallait partir du principe que le premier requérant, qui ne séjournait en Suisse que depuis fin 2010, était toujours accoutumé au mode de vie et aux usages de son pays d'origine, où vivait l'une de ses sœurs, avec laquelle il avait déclaré entretenir de bons rapports, ainsi que de nombreuses connaissances. Il pourrait dès lors compter sur un réseau de relations pouvant le soutenir lors de sa réintégration au Nigéria. En tant qu'il invoquait qu'il serait dans l'intérêt supérieur des enfants qu'on l'autorise à demeurer en Suisse, le Tribunal cantonal concéda que, contrairement à ce qui avait été retenu par l'autorité de première instance, il pouvait difficilement être attendu de l'épouse et des enfants de suivre le premier requérant au Nigéria, ajoutant qu'il fallait reconnaître à ces derniers un intérêt certain à grandir auprès de leur père à l'avenir. Cela dit, vivre sous le même toit qu'un parent délinquant et mal intégré socialement ne pouvait, selon le Tribunal cantonal, pas être qualifié de positif pour le bien de l'enfant dans tous les cas de figure. Le requérant avait été condamné à deux ans de peine privative de liberté pour trafic de drogue et ce bien qu'il connaissait les risques que pourrait engendrer une future condamnation sur son statut juridique en Suisse et qu'il bénéficiait d'une situation familiale stable. En accueillant un transporteur intracorporel de stupéfiants chez lui, alors que ses jeunes enfants étaient présents dans une autre pièce de l'appartement, le bien de ses enfants avait été fortement mis en péril. Le requérant avait, par son propre comportement, menacé la stabilité de la famille. Le Tribunal cantonal rappela, en outre, que le premier requérant demeurait libre, à l'avenir, de déposer une nouvelle demande d'autorisation de séjour en Suisse après une période probatoire dans son pays d'origine.
15.  Par un jugement du 5 juillet 2018, le Tribunal fédéral confirma la décision de ne pas prolonger l'autorisation de séjour du premier requérant et son obligation de quitter la Suisse, retenant que les instances précédentes avaient correctement pesé tous les intérêts publics et privés en présence.
16.  Le 27 août 2018, une interdiction d'entrée en Suisse fut prononcée à l'encontre du premier requérant pour la période allant du 1er septembre 2018 au 31 août 2023. L'intéressé recourut contre cette décision auprès du Tribunal administratif fédéral. L'issue de cette procédure n'est pas connue de la Cour.
Le droit interne pertinent
17.  Les dispositions pertinentes de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers (« LEtr », RS 142.20), alors en vigueur, renommée le 1er janvier 2019, loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (« LEI »), étaient libellées comme suit :
Article 42 Membres étrangers de la famille d'un ressortissant suisse
« 1 Le conjoint d'un ressortissant suisse ainsi que ses enfants célibataires de moins de 18 ans ont droit à l'octroi d'une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité à condition de vivre en ménage commun avec lui. »
Article 51 Extinction du droit au regroupement familial
« 1 Les droits prévus à l'art. 42 s'éteignent dans les cas suivants :
a. (...)
b. il existe des motifs de révocation au sens de l'art. 63. »
Article 62 Révocation des autorisations et autres décisions
« 1 L'autorité compétente peut révoquer une autorisation, à l'exception de l'autorisation d'établissement, ou une autre décision fondée sur la présente loi, dans les cas suivants :
a. si l'étranger ou son représentant légal a fait de fausses déclarations ou a dissimulé des faits essentiels durant la procédure d'autorisation ;
b. l'étranger a été condamné à une peine privative de liberté de longue durée ou a fait l'objet d'une mesure pénale prévue aux art. 59 à 61 ou 64 CP ;
c. il attente de manière grave ou répétée à la sécurité et l'ordre publics en Suisse ou à l'étranger, les met en danger ou représente une menace pour la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse ;
d. il ne respecte pas les conditions dont la décision est assortie ;
e. lui-même ou une personne dont il a la charge dépend de l'aide sociale. »
Article 63 Révocation de l'autorisation d'établissement
« 1 L'autorisation d'établissement ne peut être révoquée que dans les cas suivants :
a. les conditions visées à l'art. 62, let. a ou b, sont remplies ;
b. l'étranger attente de manière très grave à la sécurité et l'ordre publics en Suisse ou à l'étranger, les met en danger ou représente une menace pour la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse ;
c. lui-même ou une personne dont il a la charge dépend durablement et dans une large mesure de l'aide sociale ; »
Article 67 Interdiction d'entrée
« 5 Pour des raisons humanitaires ou pour d'autres motifs importants, l'autorité appelée à statuer peut exceptionnellement s'abstenir de prononcer une interdiction d'entrée ou suspendre provisoirement ou définitivement une interdiction d'entrée. A cet égard, il y a lieu de tenir compte notamment des motifs ayant conduit à l'interdiction d'entrée ainsi que de la protection de la sécurité et de l'ordre publics ou du maintien de la sécurité intérieure et extérieure de la Suisse, lesquels doivent être mis en balance avec les intérêts privés de l'intéressé dans le cadre d'une décision de levée. »
Article 96 Pouvoir d'appréciation
« 1 Les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son degré d'intégration. »
 
GRIEF
18.  Invoquant l'article 8 de la Convention, les requérants allèguent qu'un renvoi du premier requérant vers le Nigéria porterait atteinte au respect de leur vie privée et familiale du fait que les deuxième, troisième, quatrième et cinquième requérants résident en Suisse, pays dont ils ont la nationalité.
 


Erwägungen

EN DROIT
A.    Sur la qualité pour agir des deuxième, troisième, quatrième et cinquième requérants
19.  Pour pouvoir introduire une requête en vertu de l'article 34 de la Convention, une personne physique, une organisation non gouvernementale ou un groupe de particuliers doit pouvoir se prétendre victime d'une violation des droits reconnus dans la Convention. L'individu doit avoir subi directement les effets de la mesure litigieuse (Aksu c. Turquie [GC], nos 4149/04 et 41029/04, § 50, CEDH 2012).
20.  La Cour interprète le concept de victime de façon autonome, indépendamment des notions internes telles que celles d'intérêt ou de qualité pour agir, même si elle doit prendre en compte le fait que le requérant a été partie à la procédure interne (Micallef c. Malte [GC], no 170056, § 48, CEDH 2009).
21.  En l'espèce, l'épouse du premier requérant (la deuxième requérante), agissant en son nom et celui de ses enfants mineurs (les troisième, quatrième et cinquième requérants) dénonce la mesure d'éloignement prise à l'égard de son époux, qui, selon elle, aurait de graves conséquences sur leur vie familiale.
22.  Or, ni l'épouse ni les enfants du premier requérant, qui possèdent la nationalité suisse, ne sont menacés d'un renvoi. Ils n'étaient pas partie à la procédure interne et leurs arguments avancés devant la Cour se confondent entièrement avec ceux de leur père, respectivement époux, dont les griefs seront traités ci-après (voir paragraphes 25 et suivants).
23.  L'épouse et les enfants mineurs du premier requérant n'ont pas qualité pour soulever au nom du premier requérant le grief tiré de l'article 8 qu'ils invoquent.
24.  Il s'ensuit que ces griefs sont incompatibles ratione personae avec les dispositions de la Convention au sens de l'article 35 § 3 a) et doivent être rejetés en application de l'article 35 § 4.
B.    Sur la violation alléguée de l'article 8 de la Convention
25.  Le premier requérant ne conteste pas que le refus de prolonger son autorisation de séjour et le prononcé de son renvoi du territoire suisse étaient fondés sur une base légale suffisante et qu'ils poursuivaient des buts légitimes au sens de l'article 8 § 2 de la Convention. En revanche, il soutient que ces mesures ne sont pas proportionnées et, dès lors, pas « nécessaires dans une société démocratique » et que les autorités suisses ont, par conséquent, méconnu son droit au respect de la vie privée et familiale tel que prévu par l'article 8, ainsi libellé :
« 1.  Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2.  Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
26.  La Cour rappelle que selon un principe de droit international bien établi, les États ont le droit, sans préjudice des engagements découlant pour eux de traités, de contrôler l'entrée des étrangers sur leur sol (voir, parmi beaucoup d'autres, Nada c. Suisse [GC], no 10593/08, § 164, CEDH 2012, Abdulaziz, Cabales et Balkandali c. Royaume-Uni, § 67, 28 mai 1985, série A no 94, Boujlifa c. France, 21 octobre 1997, § 42, Recueil 1997-VI).
27.  La Convention ne garantit pas le droit pour un étranger d'entrer ou de résider dans un pays particulier, et, lorsqu'ils assument leur mission de maintien de l'ordre public, les États contractants ont la faculté d'expulser un étranger délinquant, entré et résidant légalement sur leur territoire. Toutefois, leurs décisions en la matière, dans la mesure où elles porteraient atteinte à un droit protégé par le paragraphe 1 de l'article 8, doivent se révéler nécessaires dans une société démocratique, c'est-à-dire être justifiées par un besoin social impérieux et, notamment, proportionnées au but légitime poursuivi (Mehemi c. France, 26 septembre 1997, § 34, Recueil 1997-VI, Dalia c. France, 19 février 1998, § 52, Recueil 1998-I, Boultif c. Suisse, no54273/00, § 46, CEDH 2001-IX, et Slivenko c. Lettonie [GC], no 48321/99, § 113, CEDH 2003-X).
28.  Dans l'affaire Üner c. Pays-Bas ([GC], no 46410/99, §§ 54-60, CEDH 2006-XII), la Cour a eu l'occasion de résumer les critères devant guider les instances nationales dans de telles affaires :
-  la nature et la gravité de l'infraction commise par le requérant ;
-  la durée du séjour de l'intéressé dans le pays dont il doit être expulsé ;
-  le laps de temps qui s'est écoulé depuis l'infraction, et la conduite du requérant pendant cette période ;
-  la nationalité des diverses personnes concernées ;
-  la situation familiale du requérant, et notamment, le cas échéant, la durée de son mariage, et d'autres facteurs témoignant de l'effectivité d'une vie familiale au sein d'un couple ;
-  la question de savoir si le conjoint avait connaissance de l'infraction à l'époque de la création de la relation familiale ;
-  la question de savoir si des enfants sont issus du mariage et, dans ce cas, leur âge ;
-  la gravité des difficultés que le conjoint risque de rencontrer dans le pays vers lequel le requérant doit être expulsé ;
-  l'intérêt et le bien-être des enfants, en particulier la gravité des difficultés que les enfants du requérant sont susceptibles de rencontrer dans le pays vers lequel l'intéressé doit être expulsé ; et
-  la solidité des liens sociaux, culturels et familiaux avec le pays hôte et avec le pays de destination.
29.  Doivent également être prises en compte, le cas échéant, les circonstances particulières entourant le cas d'espèce, comme par exemple les éléments d'ordre médical ou la nature temporaire ou définitive de l'interdiction de territoire (Shala c. Suisse, no 52873/09, § 46, 15 novembre 2012, et les références citées).
30.  Ces critères ont également été appliqués plus récemment dans les affaires I.M. c. Suisse (no 23887/16, 9 avril 2019) et K.M. c. Suisse (no 6009/10, 2 juin 2015).
31.  La Cour rappelle que les autorités nationales jouissent d'une certaine marge d'appréciation pour se prononcer sur la nécessité d'une ingérence dans l'exercice d'un droit protégé par l'article 8 et sur la proportionnalité de la mesure en question au but légitime poursuivi. Sa tâche consiste à déterminer si les mesures litigieuses ont respecté un juste équilibre entre les intérêts en présence, à savoir, d'une part, les droits de l'intéressé protégés par la Convention et, d'autre part, les intérêts de la société (Slivenko, précité, § 113, et Boultif, précité, § 47).
32.  La Cour rappelle également que les juridictions internes doivent motiver leurs décisions de manière suffisamment circonstanciée, afin notamment de permettre à la Cour d'assurer le contrôle européen qui lui est confié (voir, mutatis mutandis, X c. Lettonie [GC], no 27853/09, § 107, CEDH 2013, El Ghatet c. Suisse, no 56971/10, § 47, 8 novembre 2016, et I.M. c. Suisse, précité). Un raisonnement insuffisant des juridictions internes, sans véritable mise en balance des intérêts en présence, est contraire aux exigences de l'article 8 de la Convention. C'est le cas lorsque les autorités internes ne parviennent pas à démontrer de manière convaincante que l'ingérence dans un droit protégé par la Convention est proportionnée aux buts poursuivis et qu'elle correspond dès lors à un « besoin social impérieux » au sens de la jurisprudence précitée (El Ghatet, précité, § 47, et mutatis mutandis, Schweizerische Radio- und Fernsehgesellschaft SRG c. Suisse, no 34124/06, § 65, 21 juin 2012, Saber et Boughassal c. Espagne, nos 76550/13 et 45938/14, § 51, 18 décembre 2018).
33.  En revanche, s'il s'avère que les autorités internes ont procédé à un examen suffisant et convaincant des faits et considérations pertinents, y englobant une pesée adéquate entre les intérêts personnels du requérant et les intérêts plus généraux de la société, il n'appartient pas à la Cour de se substituer à l'appréciation faite par celles-ci, y compris en ce qui concerne l'examen de la proportionnalité de la mesure litigieuse, sauf s'il existe des raisons importantes pour le faire (voir, dans ce sens, Ndidi c. Royaume-Uni, no 41215/14, § 76, 14 septembre 2017, Hamesevic c. Danemark (déc.), no 25748/15, § 43, 16 mai 2017 et Alam c. Danemark (déc.), no 33809/15, § 35, 6 juin 2017).
34.  En l'occurrence, l'expulsion du requérant a été décidée principalement à la suite de sa condamnation, le 2 février 2016, à une peine privative de liberté de deux ans, avec mise à l'épreuve de trois ans, en raison de son implication dans un trafic de stupéfiants qui remonte à l'année 2015.
35.  Devant la Cour, le requérant invoque qu'il n'a plus commis d'infractions depuis sa condamnation en 2016 et que son comportement a été exemplaire. Il en ressort qu'il ne pourrait plus être considéré comme un danger pour l'ordre ou la sécurité publics en Suisse.
36.  Même en tenant compte de ce qui précède, il n'en reste pas moins que le premier requérant a été condamné pour des faits graves en lien avec un trafic de drogue portant sur des quantités non-négligeables. S'agissant d'une infraction en matière de stupéfiants, eu égard aux ravages de la drogue dans la population, la Cour a toujours conçu que les autorités fassent preuve d'une grande fermeté à l'égard de ceux qui contribuent activement à la propagation de ce fléau (voir K.M. c. Suisse, précité, § 55).
37.  La Cour rappelle ensuite que le premier requérant est entré une première fois en Suisse en mars 2008 sous une fausse identité. Il y a séjourné sans titre de séjour jusqu'à son rapatriement vers le Bénin, dont il disait alors être un ressortissant, en décembre 2009. Pendant son court séjour en Suisse, il a été condamné à plusieurs reprises pour des infractions mineures à la LStup. À son retour en Suisse, moins d'une année plus tard, les autorités l'avertirent expressément des conséquences qu'aurait la commission de futures infractions sur son statut juridique. Le premier requérant et son épouse se sont mariés en janvier 2010, de sorte qu'il ne fait aucun doute que celle-ci avait connaissance des risques qu'encourrait son époux en cas de nouveaux déboires avec la justice et qu'elle pouvait donc envisager le risque d'une éventuelle expulsion. Malgré l'avertissement reçu, l'intéressé récidiva de manière grave, en janvier 2015, soit moins de cinq ans plus tard. Le fait qu'il n'ait pas été inquiété par la justice depuis sa dernière condamnation, le 2 février 2016, dont la période de sursis a pris fin en février 2019, est certes une évolution positive. Cela dit, ce seul constat ne permet pas de remettre en cause l'analyse faite par les autorités nationales s'agissant d'un éventuel risque de récidive (voir paragraphe 13).
38.  Le premier requérant reproche ensuite aux autorités nationales de ne pas avoir suffisamment tenu compte de l'impact qu'aurait la mesure de renvoi sur le bien de ses trois enfants mineurs. Sa famille et lui seraient très affectés par l'idée d'une future séparation. Le premier requérant aurait été sujet à un épisode dépressif majeur en septembre 2018.
39.  Dans son jugement Jeunesse c. Pays-Bas [GC] (no 12738/10, § 109, 3 octobre 2014), qui concernait le regroupement familial, la Cour a rappelé que « l'idée selon laquelle l'intérêt supérieur des enfants doit primer dans toutes les décisions qui les concernent fait l'objet d'un large consensus, notamment en droit international. Cet intérêt n'est certes pas déterminant à lui seul, mais il faut assurément lui accorder un poids important. Pour accorder à l'intérêt supérieur des enfants qui sont directement concernés une protection effective et un poids suffisant, les organes décisionnels nationaux doivent en principe examiner et apprécier les éléments touchant à la commodité, à la faisabilité et à la proportionnalité d'un éventuel éloignement de leur père ou mère ressortissants d'un pays tiers ».
40.  Bien que ce principe s'applique à toutes les décisions concernant les enfants, la Cour relève que, dans le contexte de l'expulsion d'un parent étranger à la suite d'une condamnation pénale, la décision concerne avant tout le délinquant. En outre, comme le montre la jurisprudence, dans de tels cas, la nature et le sérieux des infractions commises ou les antécédents de la personne concernée peuvent peser lourd dans l'analyse globale (voir, Hamesevic c. Danemark (déc.), précitée, § 40).
41.  En l'occurrence, les autorités internes ont dans leurs décisions insisté sur le fait que les actes pour lesquels le premier requérant avait été condamné par le Tribunal pénal de Lucerne, le 2 février 2016, présentaient un caractère de gravité particulier. Contrairement à ce qui avait été retenu par l'Office des migrations, le Tribunal cantonal a estimé qu'il ne pouvait être raisonnablement exigé de l'épouse et des enfants, qui possèdent la nationalité suisse, de quitter la Suisse pour s'établir au Nigéria. Il leur était toutefois possible de maintenir avec le premier requérant des liens étroits par le biais de moyens de communication modernes. Le Tribunal cantonal a en outre rappelé que le premier requérant demeurait libre, à l'avenir, de déposer une nouvelle demande d'autorisation de séjour en Suisse après une période probatoire dans son pays d'origine. Par ailleurs, après avoir reconnu l'intérêt évident d'un enfant à pouvoir grandir auprès de ses deux parents, le Tribunal cantonal a relativisé la situation de l'intéressé en soulignant que son comportement délictueux, qui avait consisté à accueillir un transporteur intracorporel de stupéfiants chez lui, alors même que ses jeunes enfants se trouvaient dans une autre pièce de l'appartement, allait à l'encontre de leur intérêt supérieur.
42.  La Cour ne voit aucune raison de constater qu'une telle conclusion serait arbitraire ou manifestement déraisonnable. Il y a lieu de rappeler que l'interdiction d'entrée sur le territoire suisse de cinq ans, prononcée à l'endroit du premier requérant, le 27 août 2018, a fait l'objet d'un recours devant les tribunaux internes, dont l'issue n'est pas connue ou n'a pas été communiquée à la Cour. Même dans l'hypothèse où cette mesure devait être confirmée, celle-ci n'apparaît pas disproportionnée dans sa durée. À cet égard, la présente affaire se distingue du jugement de la Cour Udeh c. Suisse (no 12020/09, 16 avril 2013) dans lequel le requérant s'était vu interdit du territoire suisse pour une durée de neuf ans. Quoi qu'il en soit, le premier requérant conserve, en application du droit national, la possibilité de solliciter la suspension, pour une courte durée déterminée, de la mesure d'éloignement en cause (voir paragraphe 17), afin de rendre visite à sa famille. Celle-ci demeure quant à elle en tout temps libre de voyager au Nigéria pour être réunie avec l'intéressé.
43.  La Cour note, par ailleurs, que les affections du premier requérant (épisode dépressif), survenues en septembre 2018, semblent être étroitement liées à l'injonction qui lui a été faite de quitter la Suisse. Sans vouloir minimiser les difficultés rencontrées par l'intéressé, il ne peut être retenu, à la lecture des rapports déposés devant la Cour, qu'il est atteint de problèmes médicaux d'une gravité telle que ceux-ci mettraient son existence en péril en cas de renvoi.
44.  La Cour constate, enfin, que le premier requérant est venu en Suisse il y a neuf ans, soit à l'âge de 32 ans, et qu'il ne conclut pas à l'absence de toute parenté au Nigéria, pays avec lequel il semble avoir maintenu des liens étroits, ce qui laisse supposer qu'il pourra s'y intégrer (voir paragraphe 14).
45.  Compte tenu de l'analyse qui précède, la Cour estime que les autorités nationales ont suffisamment mis en balance tous les intérêts en jeu afin d'apprécier, dans le respect des critères établis par sa jurisprudence, si les mesures litigieuses étaient proportionnées aux buts légitimes poursuivis et donc nécessaires dans une société démocratique.
46.  Il s'ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l'article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
 


Entscheid

Par ces motifs, la Cour,
Déclare la requête irrecevable.
 
Fait en français puis communiqué par écrit le 23 janvier 2020.
  Stephen   Greffier
  Phillips    Dmitry Dedov   Président
 

contenu

Arrêt CourEDH entier
résumé allemand français italien

Etat de fait

Considérants

Dispositif

références

Article: Art. 8 CEDH