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Chapeau
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25. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit social dans la cause A., B. et C. contre Grand Conseil du canton de Fribourg (recours en matière de droit public)
8C_80/2018 du 9 octobre 2018
Regeste
Art. 28 al. 4, art. 36 Cst. ; art. 27 al. 4, art. 38 Cst./FR ; contrôle abstrait de la loi du 17 novembre 2017 modifiant la loi cantonale fribourgeoise du 17 octobre 2001 sur le personnel de l'Etat (LPers/FR); interdiction du recours à la grève au personnel de soins.
Reconnaissance du droit de grève et des restrictions à son exercice (consid. 4.3.1-4.3.3). Evolution du droit de grève dans la fonction publique au niveau cantonal (consid. 4.3.4). Doctrine relative aux limitations du recours à la grève dans le domaine des soins médicaux (consid. 4.3.5).
Examen de la mesure sous l'angle des conditions de restrictions des droits fondamentaux (consid. 4.4). L'interdiction du recours à la grève au personnel de soins prévue par le nouvel art. 68 al. 7 LPers/FR frappe de manière indifférenciée les employés, soumis à la LPers/FR, des établissements publics de soins du canton de Fribourg (consid. 4.4.3.2). L'absence de limitation au personnel dont la présence serait absolument indispensable à la préservation de la vie et de la santé des patients est d'autant plus disproportionnée que la licéité du recours à la grève est soumise à des conditions très strictes. Le système instauré par les art. 68 et 68a LPers /FR offre des garanties suffisantes pour ne pas mettre en péril les prestations indispensables à la population dans le domaine de la santé (consid. 4.4.3.3). Les justifications de la mesure lors des débats parlementaires ne sont pas de nature à permettre une atteinte aussi grave au droit de grève (consid. 4.4.3.4).
A.a Le 11 septembre 2017, le Conseil d'Etat du canton de Fribourg a soumis au Grand Conseil fribourgeois un projet de loi modifiant la loi cantonale du 17 octobre 2001 sur le personnel de l'Etat (LPers/FR; RSF 122.70.1). Parmi les modifications proposées, le projet prévoyait deux nouvelles dispositions relatives au droit de grève des employés de l'Etat, dont la teneur était la suivante:
"Art. 68 Paix du travail et recours à la grève
1 Les collaborateurs et collaboratrices, ainsi que l'Etat, respectent la paix du travail.
2 Sous réserve de l'alinéa 7, la grève est licite aux conditions cumulatives suivantes :
a) elle se rapporte aux relations du travail;
b) elle concerne un conflit collectif;
c) l'organe de conciliation a été saisi et a délivré un acte de non-conciliation;
d) elle est proportionnée au but poursuivi et n'est utilisée qu'en dernier ressort.
3 A la suite de la délivrance de l'acte de non-conciliation, l'organisation de travailleurs ou travailleuses qui entend faire grève dépose, en temps voulu, un préavis de grève.
4 Les collaborateurs et collaboratrices qui s'abstiennent de travailler sur la base de l'alinéa 2 ne sont pas rétribués.
5 En cas d'irrespect des conditions fixées à l'alinéa 2, le Conseil d'Etat prend les mesures appropriées.
6 Un service minimal est assuré dans les secteurs où un arrêt de travail mettrait en péril, directement ou indirectement, les prestations indispensables à la population. Le Conseil d'Etat détermine les secteurs d'activité et fixe les modalités de service minimal sur le préavis de l'autorité d'engagement.
7 La grève est interdite pour les catégories de personnel suivantes: policiers et policières, gardiens et gardiennes de prisons [termes remplacés dans un deuxième temps par agents et agentes de détention].
8 Les Directions et les établissements, pour ces derniers sous réserve du préavis de la Direction de l'Etat dont ils dépendent, peuvent, dans des situations exceptionnelles, restreindre le droit de grève de certaines
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fonctions et catégories professionnelles, notamment si cela s'avère nécessaire à la sauvegarde de la sécurité publique, de l'ordre, de la santé. Les associations de personnel responsables de la grève sont tenues de coopérer à l'application de telles mesures.
Art. 68a (nouveau) Organe de conciliation et d'arbitrage
1 L'organe de conciliation est composé de trois membres et de leurs suppléants ou suppléantes nommés pour la durée de la législature par le Tribunal cantonal au début de chaque législature.
2 Le Tribunal cantonal désigne un ou une juge cantonal-e pour en assurer la présidence. De leur côté, le Conseil d'Etat et les associations de personnel reconnues proposent chacun un représentant ou une représentante.
3 La désignation et la nomination des suppléants ou suppléantes se fait au cours de la même procédure et selon le même mode.
4 Dès sa saisie, l'organe de conciliation convoque les parties, à savoir les personnes représentant l'employeur et celles qui représentent les collaborateurs et collaboratrices. Il tente la conciliation aussi longtemps qu'une solution amiable est envisageable. En cas d'échec, il délivre un acte de non-conciliation.
5 Après le constat de l'échec de la conciliation, les parties peuvent décider, au plus tard dix jours après réception de l'acte de non-conciliation, de soumettre le différend à l'arbitrage des personnes désignées à l'alinéa 1. La sentence arbitrale est définitive et obligatoire pour les parties.
6 Un règlement, adopté par le Conseil d'Etat, précise les modalités."
A.b Lors de sa séance du 17 novembre 2017, le Grand Conseil a adopté une version modifiée des dispositions susmentionnées. Par 47 voix contre 44, l'art. 68 al. 7 LPers/FR a été accepté dans la teneur suivante:
"7 La grève est interdite pour les catégories de personnel suivantes: policiers et policières, agents et agentes de détention et personnel de soins."
Les modifications touchant l'art. 68a LPers/FR ont consisté pour l'essentiel à donner au Grand Conseil la compétence d'élire l'organe de conciliation plutôt qu'au Tribunal cantonal.
La loi ainsi votée a été publiée au recueil officiel fribourgeois le 8 décembre 2017. A l'issue du délai référendaire, sa promulgation par le Conseil d'Etat le 27 mars 2018 a été publiée au recueil officiel du 30 mars 2018.
B. Par acte du 23 janvier 2018, A., B. et C. ont formé un recours en matière de droit public contre cette modification législative dont ils demandent l'annulation partielle, en ce sens que les termes "et personnel de soins" de l'art. 68 al. 7 LPers/FR soient supprimés.
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Préalablement, ils ont demandé l'attribution de l'effet suspensif à leur recours.Le Grand Conseil conclut au rejet du recours, dans la mesure de sa recevabilité.
Le Tribunal fédéral a admis le recours dans la mesure où il était recevable.
Extrait des considérants:
2. Lorsqu'il doit se prononcer dans le cadre d'un contrôle abstrait de normes, le Tribunal fédéral s'impose une certaine retenue eu égard notamment aux principes découlant du fédéralisme et de la proportionnalité; il n'annule les dispositions cantonales attaquées que si elles ne se prêtent à aucune interprétation conforme au droit invoqué ou si, en raison des circonstances, leur teneur fait craindre avec une certaine vraisemblance qu'elles soient interprétées de façon contraire au droit supérieur. Pour en juger, il faut tenir compte en particulier de la portée de l'atteinte aux droits en cause, de la possibilité d'obtenir ultérieurement, par un contrôle concret de la norme, une protection juridique suffisante, et des circonstances dans lesquelles ladite norme sera appliquée (ATF 143 I 137 consid. 2.2 p. 139; ATF 140 V 574 consid. 3 p. 577; ATF 140 I 2 consid. 4 p. 14). Les explications de l'autorité cantonale sur la manière dont elle applique ou envisage d'appliquer la disposition mise en cause doivent également être prises en considération. Si une réglementation de portée générale apparaît comme défendable au regard du droit supérieur dans des situations normales, telles que le législateur pouvait les prévoir, l'éventualité que, dans certains cas, elle puisse se révéler inconstitutionnelle ne saurait en principe justifier une intervention du juge au stade du contrôle abstrait (ATF 143 I 137 et ATF 140 I 2 précités; ATF 134 I 293 consid. 2 p. 295; ATF 130 I 82 consid. 2.1 p. 86).
3.1 Les recourants soutiennent que l'interdiction de grève au personnel de soins viole le droit de grève garanti par les art. 28 Cst., 27 Cst./FR (RS 131.219), 11 CEDH et 8 al. 1 let. d Pacte ONU I (RS 0.103.1), les principes de la légalité et de la proportionnalité (art. 5 Cst. et 4 Cst./FR) ainsi que les conditions posées à l'admissibilité des atteintes aux droits fondamentaux (art. 36 Cst., 38 Cst./FR
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et 18 CEDH). Ils se plaignent en particulier du fait que la notion de "personnel de soins" ne cible pas des professions spécifiques mais englobe l'ensemble des employés, soumis à la LPers/FR, des établissements publics de soins du canton de Fribourg. Or, selon les recourants, la préservation de la vie et de la santé des patients dépendrait uniquement de l'action d'un cercle restreint de professionnels. En outre, l'adjonction subséquente du personnel de soins à l'interdiction générale serait superfétatoire compte tenu du mécanisme instauré par les al. 6 et 8 de l'art. 68 LPers/FR. Enfin, les recourants soutiennent que l'art. 68 al. 7 LPers/FR viole également le principe d'égalité de traitement (art. 8 Cst., 9 Cst./FR et 14 CEDH), dans la mesure où il ne vise que les employés du secteur public et exclut ceux du secteur privé.
3.2 Dans sa réponse au recours, l'intimé fait valoir que la notion de "personnel de soins" correspond à la catégorie 6 30 ("personnel hospitalier") de l'annexe à l'arrêté du 19 novembre 1990 concernant la classification des fonctions du personnel de l'Etat (RSF 122.72.21), pris sur la base de l'art. 17 LPers/FR ("Description, évaluation et classification des fonctions - Principe"). Aussi le personnel de soins comprendrait-il les médecins (6 31), les pharmaciens-chimistes (6 32), le personnel soignant (6 33), le personnel médico-technique et thérapeutique (6 34) ainsi que le personnel d'exploitation et d'intendance (6 35).
4.1 Aux termes de l'art. 28 Cst. ("Liberté syndicale"), les travailleurs, les employeurs et leurs organisations ont le droit de se syndiquer pour la défense de leurs intérêts, de créer des associations et d'y adhérer ou non (al. 1); les conflits sont, autant que possible, réglés par la négociation ou la médiation (al. 2); la grève et le lock-out sont licites quand ils se rapportent aux relations de travail et sont conformes aux obligations de préserver la paix du travail ou de recourir à une conciliation (al. 3); la loi peut interdire le recours à la grève à certaines catégories de personnes (al. 4).
La teneur de l'art. 28 Cst. correspond à celle de l'art. 27 Cst./FR, de sorte que la portée de cette dernière n'apparaît pas plus étendue. Les recourants ne prétendent pas le contraire.
4.2.1 Sur le plan international, l'art. 8 Pacte ONU I garantit le droit de grève conformément aux lois de chaque pays (al. 1 let. d); il
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n'empêche pas de soumettre à des restrictions légales l'exercice de ce droit par les membres des forces armées, de la police ou de la fonction publique (al. 2). L'art. 11 CEDH ("Liberté de réunion et d'association"), également invoqué par les recourants, ne protège pas expressément le droit de grève mais la Cour européenne des droits de l'homme reconnaît que celui-ci représente sans nul doute l'un des plus importants des droits syndicaux (cf. notamment arrêts Dilek et autres contre Turquie du 17 juillet 2007, § 68; Schmidt et Dahlström contre Suède du 6 février 1976, § 36; pour un rappel des normes de droit international qui protègent la liberté syndicale voir ATF 144 I 50 consid. 4.2 p. 55).
4.2.2 Il y a lieu de relever, d'emblée, que les recourants se réfèrent aux art. 8 Pacte ONU I et à l'art. 11 CEDH sans développer de motivation topique relative à une prétendue violation de ces dispositions conventionnelles. Leur argumentation se confond, à cet égard, avec celle relative aux dispositions constitutionnelles. Partant, le grief tiré de la violation du droit de grève ne sera examiné qu'à l'aune de ces dernières dispositions.
4.3.1 Sous l'empire de l'ancienne Constitution fédérale de 1874, qui ne garantissait pas explicitement la liberté syndicale, le Tribunal fédéral avait laissé indécise la question de savoir si le droit de grève était fondé sur un droit constitutionnel non écrit. Il avait toutefois soumis la licéité d'une grève à plusieurs conditions cumulatives (ATF 111 II 245 consid. 4c p. 257 s.). Dans un arrêt rendu après l'adoption de la nouvelle Constitution fédérale mais avant son entrée en vigueur, le Tribunal fédéral, constatant que le droit suisse ne contenait aucune réglementation explicite du droit de grève, a affirmé l'existence d'une lacune du droit privé et conféré un effet horizontal au droit de grève, reconnaissant formellement l'existence d'un tel droit dans l'ordre juridique suisse (ATF 125 III 277 consid. 2 p. 279 ss). Enfin, à l'aune de l'art. 28 Cst., le Tribunal fédéral a jugé, compte tenu de la teneur de la disposition constitutionnelle et de la jurisprudence antérieure, que pour qu'une grève soit licite, elle devait se rapporter aux relations de travail, être conforme à l'obligation de préserver la paix du travail ou de recourir à une conciliation, respecter le principe de la proportionnalité et être appuyée par une organisation de travailleurs (ATF 132 III 122 consid. 4.4.2 p. 133 s.).
4.3.2 S'agissant plus particulièrement des restrictions à l'exercice du droit de grève, le Tribunal fédéral a considéré dans une affaire
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concernant des fonctionnaires du canton de Genève, que la grève ne saurait paralyser le service public dans les domaines essentiels que sont, par exemple, le maintien de l'ordre public, la protection des biens et des personnes, la lutte contre le feu ou les soins requis par les malades dans les hôpitaux. Par rapport à l'exigence d'un service minimum prévue par le droit genevois, il a indiqué que le principe de la proportionnalité empêchait que, sous couvert de ce service minimum, la grève soit interdite à des fonctionnaires dont la présence n'était en réalité pas absolument nécessaire (arrêt 2P.328/1992 du 23 mars 1995 consid. 4a, in SJ 1995 p. 681).
4.3.3 Dans son Message du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle Constitution fédérale, le Conseil fédéral a exposé que le législateur pouvait interdire le recours à la grève à certaines catégories de personnes afin d'assurer un service public minimum. Il a précisé, se référant à la jurisprudence mentionnée au considérant précédent, que toutes les catégories de personnes du service public n'assuraient pas un service essentiel et ne devaient donc pas se voir interdire par principe le recours à la grève. La tendance à la privatisation de certaines tâches étatiques commandait, à l'inverse, de laisser ouverte la possibilité de limiter ou d'interdire le droit de grève aux personnes assurant un service essentiel pour le public, que ces personnes aient le statut d'agent public ou non (FF 1997 I 182 s.).
4.3.4 Traditionnellement, la plupart des cantons interdisaient - explicitement ou non - à leurs fonctionnaires de se mettre en grève (à ce sujet cf. p. ex. MICHÈLE MARTI, Arbeitskampffreiheit im öffentlichen Dienst, 2010, p. 23 s.). Depuis l'inscription du droit de grève dans la Constitution fédérale de 1999, la situation a considérablement évolué; les réformes du statut de fonctionnaire, dans le sens d'un rapprochement avec le droit privé du travail, ont entraîné pour les agents publics la perte de certains avantages mais aussi le renforcement de leurs droits fondamentaux (cf. PETER HÄNNI, Droit et devoirs des collaborateurs, Revue fribourgeoise de jurisprudence [RFJ] 2004 p. 151 ss; HÉLOÏSE ROSELLO, Les influences du droit privé du travail sur le droit de la fonction publique, 2016, p. 103 ss; BELLANGER/ROY, Evolution du cadre légal et réglementaire de la fonction publique suisse, in Manuel d'administration publique suisse, 2013, p. 461 ss). Actuellement, la majorité des lois cantonales sur le personnel de l'Etat ne règlementent pas l'exercice du droit de grève par leurs employés. Pour les autres, mis à part le canton de Nidwald
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qui interdit encore la grève à ses collaborateurs (cf. Art. 46 des Gesetzes vom 3. Juni 1998 über das öffentlichrechtliche Arbeitsverhältnis [Personalgesetz, PersG; NG 165.1]), les lois cantonales prévoient (uniquement) la possibilité de supprimer et/ou limiter le droit de grève lorsque son exercice mettrait en péril des prestations indispensables à la population ou, plus généralement, pour maintenir l'ordre public (cf. art. 52 al. 5 de la loi du 12 novembre 2001 sur le personnel de l'Etat de Vaud [LPers-VD; RSV 172.31]; § 20 Abs. 2 des Gesetzes des Kantons Aargau vom 16. Mai 2000 über die Grundzüge des Personalrechts [Personalgesetz, PersG; SAR 165.100]; Art. 67 Abs. 1 des Personalgesetzes des Kantons Appenzell Ausserrhoden vom 24. Oktober 2005 [PG; bGS 142.21]; Art. 33 des Gesetzes des Kantons Schaffhausen vom 3. Mai 2004 über das Arbeitsverhältnis des Staatspersonals [Personalgesetz; SHR 180.100]), certaines citant expressément le domaine de la santé et des soins (cf. art. 59 al. 5 de la loi du canton du Jura du 22 septembre 2010 sur le personnel de l'Etat [RSJU 173.11]; art. 12 al. 2 de la loi du canton de Berne du 16 septembre 2004 sur le personnel [LPers; BSG 153.01]; § 46 des Gesetzes des Kantons Luzern vom 26. Juni 2001 über das öffentlich-rechtliche Arbeitsverhältnis [Personalgesetz, PG; SRL 51]; Art. 69 Abs. 1 lit. a des Personalgesetzes des Kantons St. Gallen vom 25. Januar 2011 [sGS 143.1]; Art. 45 des Gesetzes vom 14. Juni 2006 über das Arbeitsverhältnis der Mitarbeitenden des Kantons Graubünden [Personalgesetz, PG; BR 170.400]). Autrement dit, sous réserve du cas particulier du canton de Nidwald, aucune loi cantonale sur le personnel de l'Etat ne prévoit d'emblée une interdiction formelle du recours à la grève à son personnel de soins, à la manière de l'acte attaqué dans la présente procédure.
4.3.5 La doctrine reconnaît que l'exercice du droit à la grève peut être limité dans le domaine des soins médicaux (cf., parmi d'autres, RHINOW/SCHEFER/UEBERSAX, Schweizerisches Verfassungsrecht, 3e éd. 2016, p. 642 n. 3372; MARTI, op. cit., p. 177; PASCAL MAHON, in Petit commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, 2003, n° 16 ad art. 28 Cst.; SALOME STÄHELIN, Das Streikrecht in unerlässlichen Diensten, Basler Studien zur Rechtswissenschaft, 2001, vol. 58, p. 128 ss). On ne peut pour autant en déduire que la possibilité d'interdire le recours à la grève selon l'art. 28 al. 4 Cst. peut frapper de manière indifférenciée l'ensemble du personnel d'un établissement hospitalier (cf. en particulier PATRICIA M. SCHIESS RÜTIMANN, in Basler Kommentar,
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Bundesverfassung, 2015, n° 55 ad art. 28 Cst.; MARTI, op. cit., p. 113 s. et 179 s.; STÄHELIN, op. cit., p. 128 ss; HÄNNI, op. cit., p. 166; ROSELLO, op. cit., p. 106 n. 216), mais elle pourrait, par exemple, interdire la grève aux médecins de garde (AUER/MALINVERNI/HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, 3e éd. 2013, vol. II, p. 724 n. 1641).
4.4.1 Le point de savoir si l'art. 28 al. 4 Cst. permet au législateur cantonal de soumettre le personnel de soins, au sens de l'art. 68 al. 7 LPers/FR, à une interdiction du recours à la grève doit être examiné à la lumière des conditions générales de restrictions des droits fondamentaux, étant précisé que l'art. 36 Cst. et 38 Cst./FR sont de teneur équivalente (arrêt 1C_439/2012 du 15 janvier 2013 consid. 4.2). Une interdiction de grève à certaines catégories de personnes exige non seulement une base légale formelle (art. 36 al. 1 Cst. en relation avec l'art. 28 al. 4 Cst.), mais doit en outre être justifiée par un intérêt public (art. 36 al. 2 Cst.) et proportionnée au but visé (al. 3). En particulier, pour être conforme au principe de la proportionnalité (également ancré à l'art. 5 al. 2 Cst.), une mesure restrictive doit être apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude), lesquels ne peuvent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité); le principe de la proportionnalité interdit en outre toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts; ATF 143 I 403 consid. 5.6.3 p. 412 et les arrêts cités).
4.4.2 Initialement, le Conseil d'Etat fribourgeois proposait d'interdire l'exercice du droit de grève aux policiers et agents de détention, considérant qu'il s'agissait de fonctions régaliennes de l'Etat, dont le personnel accomplissait des tâches essentielles et pour lesquelles l'interruption de l'exercice pourrait porter un grave préjudice à la vie, à la santé et à la sécurité de la population, même si un service minimum était mis en place (Message du 11 septembre 2017 du Conseil d'Etat au Grand Conseil accompagnant le projet de loi modifiant la loi sur le personnel de l'Etat, p. 8). En ce qui concernait le personnel de soins, il devait être astreint au service minimum prévu à l'art. 68 al. 6 LPers/FR, le Conseil d'Etat estimant que ce moyen était suffisant pour garantir la sécurité sanitaire de la population et qu'une mesure plus coercitive d'interdiction de faire la grève pour le personnel
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de soins serait disproportionnée. En outre, si les circonstances le commandaient, l'interdiction pourrait exceptionnellement être élargie, notamment au personnel de soins, sur la base de l'art. 68 al. 8 LPers/FR (cf. bulletin de la session du Grand Conseil fribourgeois du 17 novembre 2017, p. 2345).
4.4.3.1 En l'occurrence, si l'interdiction du recours à la grève au personnel de soins ancrée à l'art. 68 al. 7 LPers/FR repose sur une loi au sens formelle et s'inscrit dans la sauvegarde d'intérêts liés à la santé publique, il convient néanmoins de donner raison au Conseil d'Etat et aux recourants, sous l'angle du principe de la proportionnalité. En effet, l'admissibilité constitutionnelle d'une interdiction légale du droit de grève pour certaines catégories de personnes dépend surtout du point de savoir si ces personnes fournissent des services essentiels sous l'angle de l'intérêt public.
4.4.3.2 En l'espèce, que l'on suive l'argumentation des recourants ou les explications de l'intimé, le cercle des personnes potentiellement visées par l'interdiction faite au personnel de soins s'étend à de multiples et diverses professions, à la différence des autres catégories de personnes mentionnées à l'art. 68 al. 7 LPers/FR, qui se rapportent à des fonctions spécifiques. En admettant que la référence au personnel de soins soit suffisamment précise pour ordonner une restriction aussi grave à l'exercice du droit de grève (exigence de la densité normative: ATF 141 V 688 consid. 4.2.2 p. 692; ATF 138 I 378 consid. 7.2 p. 391 s.), il n'en reste pas moins que la disposition litigieuse ne fait et ne permet aucune distinction selon la nature des activités. Telle qu'elle est formulée, l'interdiction de grève ne se limite pas au personnel dont la présence serait absolument indispensable à la préservation de la vie et de la santé des patients. Or, la possibilité laissée au législateur d'interdire de grève certaines catégories de personnes doit être conçue comme une exception. Force est de constater, en l'espèce, que la mesure étatique va au-delà du but poursuivi par les art. 28 al. 4 Cst. et 27 al. 4 Cst./FR.
4.4.3.3 Qui plus est, une grève licite implique déjà la réalisation de conditions strictes (supra consid. 4.3.1), inhérentes à son exercice (ATF 140 I 257 consid. 5.2.2 p. 264). A cet égard, les art. 68 et 68a LPers /FR requièrent en particulier la délivrance d'un acte de non-conciliation par l'organe compétent et prévoient la possibilité d'une procédure arbitrale. A cela s'ajoute qu'un service minimal doit être art. 68 et 68a LPers /FR prévoit ainsi des garanties qui paraissent suffisantes pour assurer les services essentiels à la sauvegarde de la santé publique. L'adjonction du personnel de soins aux catégories de personnes frappées par l'interdiction de grève ne s'inscrit pas dans la logique de ces dispositions et n'apparaît pas nécessaire.
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assuré dans les secteurs où un arrêt de travail mettrait en péril, même indirectement, les prestations indispensables à la population (art. 68 al. 6 LPers/FR). Enfin, dans le domaine de la santé, des restrictions supplémentaires exceptionnelles peuvent être imposées en cas de nécessité (art. 68 al. 8 LPers/FR). Le système instauré par les
4.4.3.4 En tout état de cause, la portée et les effets de l'interdiction de grève au personnel de soins ne sont pas dans un rapport raisonnable avec le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public. Les motifs évoqués par les parlementaires lors des débats du 17 novembre 2017 pour justifier la mesure - comme le devoir de reconnaissance envers l'employeur du fait que le personnel de soins bénéficierait de meilleures prestations que dans les autres cantons ou dans le secteur privé, la garantie d'un service optimal, la possibilité de recevoir des soins "normaux" à un certain moment ou encore la protection du personnel contre les syndicats - ne permettent pas d'aboutir à une autre conclusion. Au demeurant, de tels arguments s'écartent des motifs légitimes permettant à l'Etat de restreindre les droits fondamentaux selon l'art. 36 Cst. On ne saurait les prendre en compte au titre de l'intérêt public.
4.4.4 Vu les art. 28 Cst. et 27 Cst./FR, les conditions de restriction des droits fondamentaux, l'évolution du droit de grève dans la fonction publique et la jurisprudence en la matière, la réglementation en cause justifie une intervention du juge au stade du contrôle abstrait. L'ajout "et personnel soins" frappe de manière indifférenciée l'ensemble des employés, soumis à la LPers/FR, des établissements publics de soins du canton de Fribourg. L'absence de limitation au personnel dont la présence serait absolument indispensable à la préservation de la vie et de la santé des patients, est d'autant plus disproportionnée que la licéité du recours à la grève est soumise à des conditions très strictes ( art. 68 et 68a LPers /FR). Dans le but de garantir un service minimal pour ne pas mettre en péril, même indirectement, les prestations indispensables à la population dans le domaine de la santé, la possibilité de restrictions supplémentaires est prévue par la loi (art. 68 al. 8 LPers/FR). Les justifications lors des
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débats parlementaires ne permettent pas une autre conclusion. Même à l'aune des explications de l'autorité cantonale, d'un possible contrôle concret ultérieur, la portée de l'atteinte au droit en cause se révèle inconstitutionnelle. Malgré la retenue du Tribunal fédéral face à des dispositions cantonales, il se justifie en l'espèce d'annuler (partiellement) l'art. 68 al. 7 LPers/FR, dès lors qu'il est contraire au droit constitutionnel et ne se prête pas à une interprétation conforme à celui-ci.