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Chapeau

148 II 336


25. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause A. S.R.L. et B.B. SA contre Administration fédérale des contributions (recours en matière de droit public)
2C_481/2021 du 19 mai 2022

Regeste

Art. 25 par. 3 let. c CDI CH-PE; assistance administrative internationale en matière fiscale; secret commercial ou industriel; portée de la Convention.
Conformément à l'art. 25 par. 3 let. c CDI CH-PE, l'Etat requis n'a notamment pas l'obligation de fournir des renseignements vraisemblablement pertinents qui révéleraient un secret commercial ou industriel ou un procédé commercial. La notion de secret figurant dans cette disposition est une notion conventionnelle, autonome par rapport au droit interne et qui doit être interprétée de manière plutôt restrictive. S'agissant des renseignements qui révéleraient un secret commercial ou industriel ou un procédé commercial, il s'agit de permettre à l'Etat requis de se prémunir contre une utilisation abusive de l'échange de renseignements à des fins d'espionnage économique et de tenir compte de l'intérêt des personnes concernées (consid. 9.3).
L'art. 25 par. 3 let. c CDI CH-PE se limite à permettre à l'Etat requis de refuser de transmettre des renseignements qui révéleraient un secret, mais ne lui interdit pas de le faire. Une telle interdiction ne peut ressortir que du droit interne d'exécution. La LAAF ne contient aucune disposition en ce sens. Le point de savoir s'il faut considérer qu'il existe une interdiction liée à un devoir de protection découlant de la Constitution peut rester ouvert, puisqu'en l'occurrence, les renseignements destinés à être transmis ne révèlent aucun secret commercial ou industriel ni aucun procédé commercial (consid. 9.4 et 9.5).

Faits à partir de page 338

BGE 148 II 336 S. 338

A.

A.a Le 6 mai 2019, le Service péruvien d'échange de renseignements en matière fiscale (ci-après: l'autorité requérante) a adressé une demande d'assistance administrative à l'Administration fédérale des contributions (ci-après: l'Administration fédérale) concernant la société péruvienne A. S.R.L., dont elle était en train de procéder au contrôle fiscal. Elle indiquait qu'en novembre 2012, A. S.R.L. avait conclu un contrat de vente avec la société suisse A.B. SA, portant sur la fourniture et la livraison de 200'000 tonnes de cuivre brut entre 2014 et 2016. Dans le contrat, le prix était fixé selon la formule suivante (traduction en français par le Tribunal fédéral):
Price per metric ton = Payable contents - deductions
Where,
a) Payable contents: Sum of the payments for the final products of copper, silver and gold, which are multiplied by the London Metal Exchange (LME) quotation price for each kind of mineral.
b) Deductions: Treatments charges, refining charges and penalties for existence of arsenic, bismuth, mercury and other kind of elements.
Prix par tonne métrique = Contenus à payer - déductions
Où,
a) Contenus à payer: somme des paiements pour les produits finis de cuivre, d'argent et d'or, multipliés par le prix de cotation duLondon Metal Exchange (LME) pour chaque type de minéral.
b) Déductions: frais de traitement, frais de raffinage et pénalités en cas de présence d'arsenic, de bismuth, de mercure et d'autres types d'éléments
.
L'autorité requérante indiquait aussi que:
3) On the other hand, C. Limited entered into an agreement with A.B. SA on smelting terms for 200'000 tons of copper concentrate to be supplied by the latter.
4) Thus, deliveries of concentrate were directly sent from U. Port of Peru to Atlantic Port of V. in W. where is located D., a concentrate processing facility located in W.
3) Par ailleurs, C. Limited a conclu un contrat avec A.B. SA portant sur la fonte de 200'000 tonnes de concentré de cuivre à livrer par cette dernière.
4) Ainsi, les livraisons de concentré ont été directement expédiées du port de U. au Pérou vers le port Atlantique de V. en W., où est située la société D., une installation de traitement de concentrés.
BGE 148 II 336 S. 339
Le but fiscal de l'assistance requise consistait à déterminer le prix de transfert correct du concentré de cuivre vendu par A. S.R.L. A cet effet, l'autorité requérante cherchait à connaître "the payable contents and the deductions as well as the treatment and refining charges"(les contenus à payer et les déductions, de même que les frais de traitement et de raffinage), soit les éléments de détermination du prix de vente qui avait été convenu entre A. S.R.L. et A.B. SA. Elle demandait partant à l'Administration fédérale de lui fournir une copie des documents suivants:
1. The contract celebrated between A.B. SA and C. Limited for the treatment and refining of 200'000 tons of copper concentrate from 2015 to 2016 in the smelter plant located in X., W.
2. A report detailing treatment and refining charges agreed for each shipment of copper concentrate sent to W. in 2015, according the information enclosed in Annex N° 1.
Furthermore, it is necessary to establish the destiny country or place where the final product of mineral was sent after the treatment and refining process. This report is also required in an excel file.
3. Invoices and other receipts documenting the payment relating to treatment and refining process on the copper concentrate, issued by C. Limited to A.B. SA, for the year 2015.
4. Final liquidations issued by C. Limited to A.B. SA for each shipment delivered in 2015. They should include details of the treatment and refining process, final products obtained after that process, and elements of other minerals found in the copper concentrate.
5. Purchase contracts related to final products of copper, agreed between A.B. SA and its customers, as well as invoices, receipts or vouchers documenting those payments.
6. In relation to Metals Platform, one of A.B. SA several platforms business units, included at Merchandizing Segment of its Audited Consolidated Financial Statements, we need a report including monetary amount of net sales, cost of sales and operating expenses.
1. Le contrat conclu entre A.B. SA et C. Limited concernant le traitement et le raffinage de 200'000 tonnes de concentré de cuivre entre 2015 et 2016 dans la fonderie située à X., W.
2. Un rapport détaillant les frais de traitement et de raffinage convenus pour chaque livraison de concentré de cuivre expédiée en W. selon les informations contenues dans l'Annexe N° 1.
Il est en outre nécessaire d'établir le pays ou le lieu de destination du produit fini après le processus de traitement et de raffinage. Ce rapport est aussi demandé en format Excel.
3. Les factures et les autres reçus adressés par C. Limited à A.B. SA en 2015, permettant de documenter les paiements relatifs au traitement et au raffinage du concentré de cuivre.
BGE 148 II 336 S. 340
4. Les "liquidations finales" adressées par C. Limited à A.B. SA pour chaque cargaison livrée en 2015, incluant des détails sur le processus de traitement et de raffinage, les produits finaux obtenus à l'issue de ce processus et les éléments d'autres minéraux présents dans le concentré de cuivre.
5. Les contrats d'achat concernant les produits finis de cuivre conclus entre A.B. SA et ses clients, de même que les factures, reçus ou vouchers permettant de documenter les paiements.
6. En ce qui concerne "Metals Platform", l'une des unités commerciales de A.B. SA, incluse dans la rubrique "Merchandizing" de ses états financiers consolidés et audités, nous avons besoin d'un rapport comprenant le montant monétaire des ventes nettes, des frais afférents aux ventes et des frais d'exploitation.
L'autorité requérante précisait qu'elle maintiendrait le secret, que les renseignements ne seraient utilisés que dans des buts admis par la Convention, que sa demande était conforme à son droit et à sa pratique administrative internes et qu'elle avait épuisé ses sources de renseignements internes.

A.b En juin 2018 et à la suite de sa vente à un fonds d'investissement chinois, la raison sociale de A.B. SA est devenue B.B. SA.

A.c Par ordonnance de production du 3 juin 2019, l'Administration fédérale a demandé à B.B. SA de produire les renseignements requis. Après avoir d'abord fourni des documents caviardés ou incomplets, B.B. SA s'est exécutée, tout en indiquant qu'elle s'opposait à tout échange de renseignements avec l'autorité requérante.

B.

B.a Par décision finale du 14 mai 2020, notifiée à A. S.R.L. et à B.B. SA, l'Administration fédérale a accordé l'assistance administrative à l'autorité requérante pour tous les renseignements que lui avait adressés B.B. SA, à savoir:
1. The tolling contract celebrated between A.B. SA et E. Limited (enclosure 1).
2. The supplemental deed to tolling contract and overarching agreement between A.B. SA on one side and E. Limited and F. EAD on the other side (enclosure 2).
3. The deed of settlement celebrated between A.B. SA, C. Inc., E. Limited and F. EAD (enclosure 3);
4. The extract of the Economist explaining the connection between C. Limited and E. Limited (enclosure 4).
5. The invoices and other receipts documenting the payment relating to treatment and refining process on the copper concentrate, issued by C. Limited to A.B. SA for the year 2015 (enclosure 5).
6. The final liquidations issued by C. Limited to A.B. SA for each shipment delivered in 2015 (enclosure 6).
BGE 148 II 336 S. 341
7. The purchase contracts related final products of copper, agreed between A.B. SA and its customers (enclosure 7).
1. Le contrat de fabrication à façon conclu entre A.B. SA et E. Limited (annexe 1).
2. Le complément au contrat de fabrication à façon et l'accord global conclu entre A.B. SA, E. Limited et F. EAD (annexe 2).
3. L'acte de règlement concluentre A.B. SA, C. Inc., E. Limited et F. EAD (annexe 3).
4. Un extrait de The Economist expliquant le lien entre C. Limited et E. Limited (annexe 4).
5. Les factures et autres reçus documentant le paiement concernant le traitement et le raffinage du concentré de cuivre, émis par C. Limited à l'attention de A.B. SA pour l'année 2015 (annexe 5).
6. Les "liquidations finales" émises par C. Limited à A.B. SA pour chaque livraison effectuée en 2015 (annexe 6).
7. Les contrats d'achat relatifs aux produits finis de cuivre, conclus entre A.B. SAet ses clients (annexe 7).

B.b A. S.R.L. et B.B. SA ont recouru contre la décision finale du 14 mai 2020 de l'Administration fédérale auprès du Tribunal administratif fédéral. (...) Par arrêt du 1er juin 2021, le Tribunal administratif fédéral a rejeté le recours dans la mesure de sa recevabilité. Sous le chiffre 3 de son dispositif, il a ordonné à l'Administration fédérale de "préciser au chiffre 3 du dispositif de sa décision finale du 14 mai 2020 que les informations transmises ne peuvent être utilisées qu'à l'encontre des recourantes dans le cadre d'une procédure fiscale, conformément à l'art. 25 par. 2 de la Convention du 21 septembre 2012 entre la Confédération suisse et la République du Pérou en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (RS 0.672.964.11; ci-après: CDI CH-PE)".

C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A. S.R.L. et B.B. SA demandent au Tribunal fédéral, principalement, d'annuler l'arrêt du 1er juin 2021 du Tribunal administratif fédéral, de déclarer irrecevable toute demande d'assistance administrative déposée par l'autorité requérante concernant A. S.R.L. et B.B. SA et de refuser toute forme d'assistance administrative internationale les concernant; subsidiairement à cette conclusion, d'ordonner à l'Administration fédérale de préciser, au chiffre 3 du dispositif de sa décision finale du 14 mai 2020, que les informations transmises ne pourraient être utilisées qu'à l'encontre de A. S.R.L. dans le cadre d'une procédure fiscale, conformément à l'art. 25 par. 2 CDI CH-PE, et de renvoyer la cause au Tribunal administratif fédéral pour nouvelle décision dans le sens des considérants. (...)
BGE 148 II 336 S. 342
Le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours et modifié le chifre 3 du dispositif de l'arrêt du 1er juin 2020 du Tribunal administratif fédéral en ce sens que l'autorité inférieure doit préciser au chiffre 3 du dispositif de sa décision finale du 14 mai 2020 que les informations transmises ne peuvent être utilisées qu'à l'encontre de la recourante 1, dans le cadre d'une procédure fiscale, conformément à l'art. 25 par. 2 CDI CH-PE (cf. consid. 8 non publié). Il a confirmé l'arrêt attaqué pour le surplus.
(extrait)

Considérants

Extrait des considérants:

9. Les recourantes invoquent encore une violation de l'art. 25 par. 3 let. c CDI CH-PE. Elles font valoir que les renseignements destinés à être transmis contiennent un secret commercial au sens de cette disposition, de sorte qu'ils ne "peuvent pas" faire l'objet d'une transmission à l'autorité requérante.

9.1 Selon l'art. 25 par. 3 let. c CDI CH-PE, les dispositions des par. 1 et 2 ne peuvent en aucun cas être interprétées comme imposant à un Etat contractant l'obligation de fournir des renseignements qui révéleraient un secret commercial, industriel, professionnel ou un procédé commercial ou des renseignements dont la communication serait contraire à l'ordre public. Le Tribunal fédéral n'a encore jamais examiné ce qu'il fallait entendre par "secret" au sens d'une disposition conventionnelle calquée sur l'art. 26 par. 3 let. c du Modèle de Convention de l'OCDE (ci-après: MC OCDE) ni déterminé la portée d'une telle disposition, au regard de l'obligation conventionnelle d'échanger des renseignements vraisemblablement pertinents. Ces deux questions doivent être clarifiées par la voie de l'interprétation (cf. infra consid. 9.3 et 9.4).

9.2 Au préalable, il faut rappeler que l'interprétation des conventions de double imposition s'effectue conformément aux principes d'interprétation de droit international tels qu'ils découlent de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités (RS 0.111 [ci-après: CV]; ATF 146 II 150 consid. 5.3.1; ATF 145 II 339 consid. 4.4.1; 144 II 130 consid. 8.2; ATF 143 II 136 consid. 5.2.1). Selon l'art. 31 par. 1 CV, un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but. L'art. 31 par. 1 CV fixe un ordre de prise en compte des éléments de l'interprétation, sans toutefois établir de hiérarchie fixe entre eux. Le sens ordinaire du texte du traité constitue
BGE 148 II 336 S. 343
toutefois le point de départ de l'interprétation (ATF 146 II 150 consid. 5.3.2; ATF 144 II 130 consid. 8.2.1; ATF 143 II 202 consid. 6.3.1, ATF 143 II 136 consid. 5.2.2). L'objet et le but du traité correspondent à ce que les parties voulaient atteindre par le traité. L'interprétation téléologique garantit, en lien avec l'interprétation selon la bonne foi, l'"effet utile" du traité (ATF 146 II 150 consid. 5.3.2; ATF 144 II 130 consid. 8.2.1; ATF 143 II 136 consid. 5.2.2; ATF 142 II 161 consid. 2.1.3; ATF 141 III 495 consid. 3.5.1). Selon l'art. 32 let. a et b CV, les travaux préparatoires et les circonstances dans lesquelles le traité a été conclu représentent des moyens complémentaires d'interprétation auxquels il peut être fait appel, soit pour confirmer le sens résultant de l'application de l'art. 31, soit pour déterminer le sens lorsque l'interprétation donnée conformément à l'art. 31 laisse celui-ci ambigu ou obscur ou conduit à un résultat qui est manifestement absurde ou déraisonnable (ATF 146 II 150 consid. 5.3.2; ATF 145 II 339 consid. 4.4.2; ATF 144 II 130 consid. 8.2; ATF 143 II 136 consid. 5.2.3).
Par ailleurs, l'environnement juridique international qui se dégage des travaux tels que ceux de l'OCDE, auxquels la Suisse participe activement, est pris en compte lorsqu'il s'agit de déterminer la portée d'une convention de double imposition calquée sur le MC OCDE (ATF 144 II 130 consid. 8.2.3 et 8.4.3).

9.3 La notion de secret n'est pas définie à l'art. 26 par. 3 let. c MC OCDE (resp. à l'art. 25 par. 3 let. c CDI CH-PE). Pour la circonscrire, on peut donc utilement se référer au Commentaire OCDE du MC OCDE. Le Tribunal fédéral l'a du reste déjà fait dans deux arrêts rendus dans le contexte de l'échange de renseignements avec les Pays-Bas, en retenant qu'il n'avait pas de raison de s'écarter de l'interprétation que le Tribunal administratif fédéral avait donnée à la notion de secret au sens de l'art. 26 par. 3 let. c CDI CH-NL, dès lors que celle-ci était partagée tant par la doctrine majoritaire que par le Commentaire OCDE (arrêts 2C_616/2018 du 9 juillet 2019 consid. 7.1 et 7.2; 2C_615/2018 du 26 mars 2019 consid. 5.1 et 5.2).

9.3.1 Selon le Commentaire OCDE de l'art. 26 MC OCDE:
"Il convient de ne pas donner un sens trop large à la notion de secret dont il est question au dit alinéa. Avant d'invoquer ces dispositions, un Etat contractant devra apprécier avec soin si les intérêts du contribuable en justifient réellement l'application. Sinon, il est évident qu'une interprétation trop large de cette clause rendrait en bien des cas inefficace l'échange de renseignements prévu par la Convention".
(Commentaire OCDE, n° 19 ad art. 26 MC OCDE, amendé le 15 juillet 2005).
BGE 148 II 336 S. 344
"Par secret commercial ou industriel, on entend généralement des faits ou circonstances qui sont d'une importance économique considérable, qui peuvent être exploités dans la pratique et dont l'utilisation non autorisée peut conduire à un grave préjudice (par exemple en occasionnant de graves difficultés financières). La détermination, l'évaluation ou le recouvrement de l'impôt ne peuvent être considérés en tant que tels comme donnant lieu à un grave préjudice. Les informations financières, y compris les livres et documents comptables, ne constituent pas, de par leur nature, un secret commercial, industriel ou autre. Toutefois, dans des cas limités, la divulgation d'informations financières pourrait trahir un secret commercial, industriel ou autre. Par exemple, une demande de renseignements portant sur certains documents relatifs à des achats peut poser ce type de problème si la divulgation de ces informations révèle la formule exclusive d'un produit. La protection de ces renseignements peut aussi s'étendre aux informations qui sont en possession de tierces personnes. Par exemple, une banque peut être en possession d'une demande de brevet en cours qu'elle garde en sécurité ou d'un procédé ou d'une formule secrète décrits dans une demande de prêt ou dans un contrat que détient labanque. Dans ces conditions, les détails concernant le secret commercial, industriel ou autre doivent être isolés des documents et les renseignements financiers restants doivent être échangés en conséquence".
(Commentaire OCDE, n° 19.2 ad art. 26 MC OCDE, ajouté le 15 juillet 2005).
Il en ressort que la notion de secret est une notion conventionnelle et autonome par rapport au droit interne (cf. aussi en ce sens MICHAEL ENGELSCHALK, in Doppelbesteuerungsabkommen der Bundesrepublik Deutschland [...]: Kommentar auf der Grundlage derMusterabkommen [MA],7e éd. 2021, n° 107 ad art. 26 OCDE MA; ANDREA OPEL, in Amtshilfe, 2020, p. 152 nos 322 s. et p. 153 n° 327, p. 154 n° 330 ad art. 26 OCDE MA; XAVIER OBERSON, International exchange of information in tax matters, 2e éd. 2018, p. 37 n. 3.76; ANA PAULA DOURADO, in Klaus Vogel on Double Taxation Conventions, vol. 2, 4e éd. 2015, n° 309 ad art. 26 MC OCDE; RENÉ MATTEOTTI, Lebensversicherungen im Fokus der internationalen Amtshilfe und Abgeltungssteuerabkommen [...], in Festschrift Martin Zweifel, 2013, p. 264 s.; d'un autre avis, DONATSCH/HEIMGARTNER/ MEYER/SIMONEK, Internationale Rechtshilfe, 2e éd. 2015, p. 246). Il ressort aussi de ces extraits du Commentaire OCDE que la notion de secret doit être comprise de manière plutôt restrictive (cf. aussi OPEL, op. cit., p. 154 n° 330 ad art. 26 OCDE MA; MATTEOTTI, op. cit., p. 265; OBERSON, op. cit., p. 36 n. 3.74). Le secret peut en revanche concerner l'ensemble des activités économiques d'une personne (ENGELSCHALK, op. cit., n° 108 ad art. 26 OCDE MA;
BGE 148 II 336 S. 345
DOURADO, op. cit., n° 310 ad art. 26 MC OCDE; s'agissant spécifiquement du secret professionnel de l'avocat, cf. Commentaire OCDE n° 19.3 et 19.4).
Sous l'angle téléologique, il en ressort que l'art. 26 par. 3 let. c MC OCDE a pour but de permettre à l'Etat requis de se prémunir contre une utilisation "non autorisée" de renseignements obtenus par la voie de l'assistance administrative, qui pourrait conduire à un "grave préjudice", par exemple en occasionnant de "graves difficultés financières" (cf. Commentaire OCDE n° 19.2 cité ci-dessus). La disposition donne ainsi à l'Etat requis la possibilité d'empêcher une utilisation abusive des échanges de renseignements à des fins d'espionnage économique et de tenir compte de l'intérêt du contribuable, afin de le protéger d'une utilisation non autorisée des renseignements (cf. aussi ENGELSCHALK, op. cit., n° 107 ad art. 26 OCDE MA; DOURADO, op. cit., n° 307 ad art. 26 MC OCDE). Il faut à cet égard rappeler que, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les procédures d'assistance administrative internationale en matière fiscale sont fondées sur la présomption de la bonne foi de l'Etat requérant et sur la confiance mutuelle entre les Etats parties (cf. ATF 143 II 202 consid. 8.5.4; ATF 142 II 161 consid. 2.1.3, ATF 142 II 218 consid. 3.3). L'Etat requérant est donc présumé agir de bonne foi lorsqu'il requiert l'assistance administrative (cf. art. 26 CV; ATF 146 II 150 consid. 7.1). Cette présomption de bonne foi implique que l'Etat requis doit en principe se fier aux indications que lui fournit l'Etat requérant (principe de la confiance; ATF 146 II 150 consid. 7.1; ATF 144 II 206 consid. 4.4; ATF 143 II 202 consid. 8.7.1; ATF 142 II 161 consid. 2.1.3 et consid. 2.4; 218 consid. 3.3). Le principe de la confiance ne s'oppose pas à ce qu'un éclaircissement soit demandé, en cas de doute sérieux, à l'Etat requérant (ATF 146 II 150 consid. 7.1; ATF 144 II 206 consid. 4.4; ATF 143 II 202 consid. 8.7.1). Pour faire naître un doute sérieux que, nonobstant le but fiscal annoncé, l'autorité requérante poursuit en réalité un but d'espionnage économique en sollicitant l'assistance administrative, la partie recourante doit amener des indices concrets. Des allégations générales sur les intentions cachées de l'Etat requérant ne suffisent pas.

9.4 Il faut encore déterminer la portée d'une clause calquée sur l'art. 26 par. 3 let. c MC OCDE en lien avec l'obligation d'échanger des renseignements vraisemblablement pertinents, qui figure au par. 1 de cette disposition.
BGE 148 II 336 S. 346

9.4.1 Il ressort du sens ordinaire des termes du début de l'art. 26 par. 3 MC OCDE ("les dispositions des par. 1 et 2 ne peuvent en aucun cas être interprétées comme imposant à un Etat contractant l'obligation de", "Die Absätze 1 und 2 sind nicht so auszulegen, als verpflichteten sie einen Vertragsstaat"; "I paragrafi 1 e 2 non possono essere interpretati nel senso che facciano obbligo a uno Stato contraente di") que l'art. 26 par. 3 let. c MC OCDE signifie, et signifie seulement, qu'un Etat contractant n'est pas obligé d'échanger des renseignements vraisemblablement pertinents comme le prévoit le par. 1, si ceux-ci révéleraient un secret commercial, industriel, professionnel, ou un procédé commercial, et ce même si l'Etat requérant s'est engagé à maintenir le secret (par. 2). Une clause d'échange de renseignements calquée sur l'art. 26 par. 3 let. c MC OCDE permet donc à l'Etat requis de refuser d'échanger un renseignement vraisemblablement pertinent, mais ne lui interdit pas de le faire.

9.4.2 Cette lecture, fondée sur le sens ordinaire des termes du traité, est corroborée par le Commentaire de l'OCDE, qui précise que:
"Dans les cas visés aux paragraphes ci-dessus, l'Etat requis est libre de refuser de fournir les renseignements. Toutefois, s'il communique les renseignements demandés, il reste dans le cadre de l'accord sur l'échange de renseignements prévu par la Convention; on ne pourra donc faire valoir que cet Etat a manqué à l'obligation du secret" (Commentaire OCDE n° 17 ad art. 26 MC OCDE, ajouté le 11 avril 1977).
"L'Etat requis dispose d'un certain pouvoir d'appréciation pour refuser, dans le but de protéger les intérêts de ses contribuables, les renseignements demandés, mais s'il les fournit délibérément, le contribuable ne peut invoquer une infraction aux règles du secret" (Commentaire OCDE n° 19 in fine ad art. 26 MC OCDE, version amendée le 15 juillet 2005).

9.4.3 Au surplus, la doctrine interprète aussi l'art. 26 par. 3 MC OCDE en ce sens que cette disposition prévoit des exceptions à l'obligation conventionnelle d'échanger des renseignements en vertu du par. 1, mais qu'elle n'interdit pas l'échange de tels renseignements (ENGELSCHALK, op. cit., n° 97 ad art. 26 OCDE MA; DOURADO, op. cit., n° 285 s. ad art. 26 MC OCDE; OPEL, op. cit., p. 138 n° 262 s. ad art. 26 OCDE MA; cf. aussi OBERSON, op. cit., p. 36 n. 3.74; DONATSCH/ HEIMGARTNER/MEYER/SIMONEK, op. cit., p. 243; HOLENSTEIN, op. cit., nos 272 s. et 277 ad art. 26 OCDE MA). Une telle interdiction ne peut découler que du droit interne d'exécution (cf. aussi OPEL, op. cit., n° 264 ad art. 26 OCDE MA, et ENGELSCHALK, op. cit., n° 97 ad art. 26 OCDE MA).
BGE 148 II 336 S. 347

9.4.4 En droit suisse, la LAAF (cf. en particulier l'art. 8 LAAF) ne contient aucune disposition interdisant à l'Administration fédérale de transmettre un renseignement qui révélerait un secret au sens de l'art. 26 par. 3 let. c MC OCDE (en ce sens aussi OPEL, op. cit., p. 153 nos 327 à 331 ad art. 26 OCDE MA). Selon cette auteure, les autorités suisses devraient toutefois partir du principe que leur devoir de protection découlant de la Constitution et des droits fondamentaux ("verfassungs- resp. grundrechtlichen Schutzpflicht") devrait les conduire à refuser la transmission de tels renseignements (OPEL, op. cit., n° 331 ad art. 26 OCDE MA). Il n'est pas nécessaire d'examiner plus avant cette question puisque, dans le cas d'espèce, les renseignements litigieux ne contiennent pas de secret et qu'aucun élément concret ne fait craindre une utilisation des renseignements par le Pérou qui serait contraire au but fiscal annoncé (cf. consid. 9.5 ci-après).

9.5 Il ressort de l'arrêt attaqué que les renseignements destinés à être transmis sont issus des livres et de documents comptables de A.B. SA, ou portent sur les contrats que cette société a conclus avec des tiers en lien avec l'acquisition de 200'000 tonnes de cuivre brut. Ces contrats concernent soit le traitement et le raffinage du cuivre acheté, soit la vente des produits finis à des clients de A.B. SA.

9.5.1 Par nature, les renseignements provenant des livres et des documents comptables de A.B. SA ne comprennent pas de secret commercial ou industriel (cf. Commentaire OCDE supra consid. 9.3). Quant aux contrats, il ne ressort pas des faits constatés qu'ils contiendraient des formules exclusives de produits. Par ailleurs, s'ils révèlent la manière dont A.B. SA a organisé l'acquisition, la transformation et la revente de 200'000 tonnes de cuivre brut, cela ne signifie pas encore que ces informations pourraient être exploitées dans la pratique et que cette exploitation non autorisée conduirait à un grave préjudice pour B.B. SA. A cela s'ajoute que ces contrats se rapportent à une seule acquisition de cuivre brut, qui est intervenue en 2012. Il n'est donc pas évident de discerner en quoi une utilisation non autorisée des renseignements litigieux pourraient actuellement porter une atteinte aux intérêts de B.B. SA et en quoi cette atteinte porterait un préjudice à ce point grave qu'elle justifierait un refus d'accorder l'assistance administrative requise. En outre, comme la notion de secret commercial ou industriel figurant à l'art. 25 par. 3 CDI CH-PE est une notion conventionnelle autonome (cf. supra consid. 9.3), c'est en vain que les recourantes objectent que ces renseignements
BGE 148 II 336 S. 348
tombent dans le champ d'application de cette disposition parce qu'ils révéleraient des secrets protégés par l'art. 162 du Code pénal suisse.

9.5.2 Par ailleurs, si l'arrêt attaqué constate que le Pérou est également actif dans les secteurs minier et commercial du cuivre, ce seul fait n'est pas suffisant pour faire naître un doute sérieux quant à la réalité du but fiscal annoncé par l'autorité requérante, d'autant que l'autorité requérante précise qu'elle maintiendra le secret et qu'elle utilisera les renseignements obtenus de manière conforme à la Convention (supra let. A.a). Contrairement à ce que soutiennent les recourantes, le fait que les renseignements requis soient des documents contractuels impliquant des tiers n'est pas propre à faire naître un doute sérieux quant à la réalité de ce but fiscal. Ces documents contiennent les éléments qui entrent en ligne de compte pour déterminer le prix de vente de 200'000 tonnes de cuivre brut, prix que l'autorité requérante cherche précisément à établir afin de vérifier qu'il est conforme au principe de pleine concurrence (cf. supra let. A.a et consid. 7.7 non publié). On ne peut donc pas y voir un indice concret démontrant que l'autorité requérante poursuivrait en réalité un objectif non autorisé, qui serait de nature à faire naître un doute sérieux quant à sa bonne foi.

9.6 Il découle de ce qui précède que, sur la base des faits constatés dans l'arrêt attaqué, qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), on ne peut pas reprocher au Tribunal administratif fédéral d'avoir jugé que les renseignements litigieux ne contenaient pas de secret commercial ou industriel au sens de l'art. 25 par. 3 let. c CDI CH-PE et qu'il n'y avait pas non plus de motif de refuser l'assistance administrative en raison d'un comportement contraire à la bonne foi de l'Etat requérant.

contenu

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regeste: allemand français italien

Etat de fait

Considérants 9

références

ATF: 146 II 150, 144 II 130, 143 II 136, 143 II 202 suite...

Article: art. 26 par. 3 let, Art. 25 par. 3 let, art. 31 par. 1 CV, art. 32 let. a et b CV suite...