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Chapeau

87 I 29


5. Extrait de l'arrêt du 3 mars 1961 dans la cause Sociétés coopératives Migros Lausanne et Genève contre Conseil d'Etat du canton de Vaud.

Regeste

Taxes cantonales sur le commerce ambulant. Art. 31 Cst.
Dans la mesure où les taxes dépassent le cadre d'un émolument, elles ne doivent pas exclure la possibilité de réaliser un gain (consid. 3).
La preuve du caractère prohibitif de la taxe incombe au recourant. A quelles conditions les taxes appliquées aux camions-magasins sont-elles prohibitives? (consid. 4).

Faits à partir de page 30

BGE 87 I 29 S. 30
Résumé des faits
Les Sociétés coopératives Migros Lausanne et Genève exploitent dans le canton de Vaud un système de vente itinérante au moyen de camions spécialement aménagés à cet effet. Les autorités vaudoises, appliquant la loi cantonale sur la police du commerce, ont frappé cette activité de taxes semestrielles fixes, équivalant approximativement à 2% du chiffre d'affaires des camionsmagasins.
Lesdites sociétés coopératives ont recouru au Tribunal fédéral, notamment pour violation de l'art. 31 Cst. Elles ont fait valoir à ce propos, que les impôts spéciaux perçus sur un commerce, ne peuvent dépasser le montant des dépenses particulières que ce commerce impose à l'Etat. Elles estiment, en outre, que la taxe imposée au camionsmagasins empêche ceux-ci de réaliser un bénéfice convenable et devient ainsi prohibitive, lorsqu'elle dépasse 1% du chiffre d'affaires.

Considérants

Extrait des motifs:

3. L'art. 31 Cst., qui garantit la liberté du commerce et de l'industrie, réserve aux cantons la possibilité de frapper l'exercice de ces activités d'impôts spéciaux. Les recourantes voient une violation de l'art. 31 Cst. dans le fait que les taxes de patentes réclamées par le canton de Vaud dépassent le montant des dépenses spéciales que les camions-magasins imposent à l'Etat et aux communes. Elles ont manifestement tort sur ce point. En effet, l'abondante jurisprudence publiée en la matière a toujours admis oue les taxes prélevées dans ce domaine peuvent avoir le caractère non seulement d'émoluments, c'est-à-dire de contrepartie des frais que l'activité en question impose à la collectivité (Etat et communes), mais aussi d'impôts proprement dits. Cependant, dans la mesure où ces taxes dépassent le cadre d'un émolument, d'une part elles doivent se justifier par des motifs d'intérêt général et ne
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pas servir uniquement à protéger de la concurrence une catégorie de commerçants et, d'autre part, elles ne doivent pas atteindre des proportions telles qu'elles deviennent prohibitives en excluant pratiquement la possibilité de réaliser un gain (RO 38 I 224, 39 I 564, 41 I 266, 45 I 358, 48 I 274, 50 I 190, 54 I 82, 60 I 190, 62 I 134, 75 I 112).
Il n'est pas contesté que, pour une part en tout cas, les taxes imposées aux recourantes ont un caractère fiscal. Le Conseil d'Etat vaudois s'est livré, dans sa décision, à certains calculs tendant à démontrer que la presque totalité des taxes perçues est absorbée par les frais imposés à l'Etat et aux communes pour le contrôle des ventes faites par les camions. Mais les données sur lesquelles il a fondé ses calculs ne sauraient être admises, parce que certains contrôles font partie des tâches habituelles de l'Etat, et d'autres ne sont pas exercés ou requis dans la mesure indiquée. Il n'est cependant pas nécessaire d'élucider ce point, car on établira ci-dessous que, même si les taxes exigées ont un caractère fiscal dans toute la mesure où elles sont contestées, soit pour la moitié de leur montant, le recours devra être rejeté.
Dans plusieurs arrêts concernant les Sociétés coopératives Migros (Migros c. Berne du 29 janvier 1932; Migros c. Bâle du 28 décembre 1932; Migros c. Tessin du 18 décembre 1936: RO 62 I 134; Migros c. Berne du 29 janvier 1958), le Tribunal fédéral a reconnu que le prélèvement de taxes spéciales sur le commerce par camions-magasins pouvait se justifier par des considérations d'intérêt public, ainsi que cela est admis de façon générale pour les commerces ambulants. Le canton de Vaud a établi pour ces genres de commerces un classement par catégories, suivant les moyens de transport utilisés. Ce système permet d'atteindre plus fortement les entreprises qui ont des possibilités plus larges de débit. Le législateur a entendu également compenser, dans une certaine mesure, la diminution des ressources de l'impôt sur le revenu dans les communes où le commerçant ambulant exerce son activité sans avoir
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de domicile ou de succursale. Les critères admis sont objectifs et les motifs valables. Il n'y a donc pas de raison de s'écarter de la jurisprudence sur ce point.
Dès lors, la seule q-uestion qui reste à résoudre est de savoir si les taxes fixées par le canton de Vaud sont prohibitives selon la jurisprudence. Tel sera le cas si leur montant empêche la réalisation d'un bénéfice convenable dans le commerce ou la branche en question, en rendant impossible ou excessivement difficile l'exercice de la profession. Il ne suffit pas que la taxe empêche la réalisation d'un bénéfice dans une entreprise déterminée, en l'espèce Migros (RO 40 I 186, 60 I 191, 62 I 129; arrêts Migros c. Berne du 29 janvier 1932 et Migros c. Bâle-Campagne du 28 décembre 1932).
La taxe est dès lors prohibitive: a) si, ajoutée aux frais d'exploitation, elle exclut un bénéfice convenable, même en appliquant les prix pratiqués dans la branche; b) si, transférée à l'acheteur, c'est-à-dire ajoutée aux prix de vente, elle empêche le commerçant de soutenir efficacement la concurrence des autres entreprises de la branche, auxquelles il peut être comparé.

4. Le commerçant frappé d'une taxe, qui prétend que celle-ci est prohibitive, doit prouver son allégation. En l'espèce, les recourantes n'ont pas présenté à l'autorité cantonale leurs comptes et leurs bilans, notamment les comptes d'exploitation détaillés de la vente par camions. Elles ont invoqué essentiellement les conclusions de l'expertise faite par les Prof. Schwarzfischer et Golay en 1955, dans une affaire concernant des taxes semblables exigées des sociétés Migros dans le canton de Zoug. C'était compréhensible. Toutefois, après que l'autorité vaudoise eut refusé d'accepter les conclusions de cette expertise en relevant que les experts n'avaient procédé à aucun contrôle comptable, ni pris en considération les avantages de la vente par camions pour l'entreprise, il incombait aux recourantes de fournir à l'autorité cantonale de recours les renseignements et pièces propres à établir le
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caractère prohibitif des taxes, et notamment les comptes d'exploitation détaillés. A défaut de ces renseignements, l'autorités cantonale n'était pas tenue de reconnaître le caractère prohibitif des taxes réclamées conformément à la loi.
Le Tribunal fédéral a demandé à nouveau l'avis du Prof. Schwarzfischer, et ensuite celui aussi du Prof. Marbach. Les rapports d'experts ont été déjà communiqués aux parties.
Les experts n'ayant pas procédé non plus à des contrôles comptables, le canton estime que le caractère prohibitif des taxes n'est pas prouvé. Un contrôle des comptes, notamment des comptes d'exploitation, n'est toutefois pas nécessaire en l'espèce, car même sur la base des renseignements fournis par les experts, le Tribunal est en mesure de statuer sur le recours.
Selon les experts, la rentabilité du commerce par camionsmagasins dépend dans une très large mesure du volume des ventes. Les Prof. Schwarzfischer et Marbach sont d'accord pour déclarer que ce commerce est déficitaire tant que le chiffre annuel des ventes n'atteint pas 450 000 fr. au moins. Entre 450 000 et 550 000 fr., il ne couvre que les frais. Or, d'après les indications des sociétés Migros, le volume moyen des ventes par camions en Suisse a varié entre 520 000 et 540 000 fr. environ, au cours des années 1950 à 1958. Il a été de 430 000 fr. environ dans le canton de Vaud en 1957/1958, pour passer à 489 000 fr. 1959. Ces chiffres prouvent que, même lorsque le volume des ventes est normal, le commerce par camions-magasins, tel que le pratiquent les recourantes, ne laisse pas de bénéfice. L'impossibilité de réaliser un bénéfice ne dépend donc pas des taxes de patente, si minimes fussent-elles. En fait, il n'existe en Suisse aucune entreprise qui pratique le commerce des denrées alimentaires uniquement au moyen de camions-magasins. Ainsi que l'ont relevé les experts, cette activité ne peut avoir un intérêt que si elle est le complément de la vente dans les magasins, si
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elle est organisée et conçue comme telle, en raison des avantages qu'elle procure à celle-ci. D'autre part, les recourantes ont relevé - et les experts ont confirmé ce point de vue - qu'il n'est pas possible aux sociétés Migros de pratiquer, dans les camions, des prix différents de ceux des magasins: Une telle différence créerait des difficultés d'organisation interne qui augmenteraient les frais de façon insupportable, notamment pour le matériel d'emballage, la marque des prix et des poids, le remplissage à la machine, l'entreposage, etc.
Ainsi, la vente au moyen des camions ne peut être dissociée de la vente dans les magasins; économiquement aussi bien que juridiquement, ces deux activités forment un tout. C'est bien d'ailleurs la société coopérative qui a demandé et obtenu la patente pour la vente par camions: c'est elle qui est titulaire du droit et débitrice de la taxe. Celle-ci est donc une charge de l'entreprise, et non d'un exploitant indépendant de la vente par camions, qui n'existe pas. Cela étant, il est impossible d'examiner le caractère prohibitif de la taxe en tenant compte seulement des opérations frappées - qui ne sont en elles-mêmes pas rentables, même sans taxe aucune -; il est nécessaire, au contraire, d'apprécier cette question en considérant l'influence que la taxe aura sur l'ensemble de l'entreprise.
Les avantages que celle-ci retire de la vente par camions sont divers: le seul que les experts aient chiffré et retenu provient de la réduction que l'augmentation du chiffre d'affaires, due à la vente par camions, provoque sur la part des frais généraux grevant chaque unité vendue (ce que les experts appellent "die Kostendegression pro Verkaufseinheit"). C'est indiscutablement l'un des avantages que la vente par camions procure à l'entreprise, mais ce n'est pas le seul, ni même le plus important. Les effets profitables (Nutzwirkungen) que produit la vente par camions, en tant qu'instrument de publicité, de propagande, d'étude du marché, de pénétration commerciale, d'accroissement des affaires, de prosélytisme social, sont
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plus grands encore. En particulier, la vente itinérante n'apporte pas seulement à l'entreprise le chiffre d'affaires des camions, mais accroît aussi considérablement le chiffre d'affaires des magasins, grâce à la clientèle nouvelle qu'elle y attire. Les textes des réclames déposés en cause montrent l'importance que les sociétés Migros elles-mêmes attribuent à ces facteurs.
Or le Prof. Marbach n'a tenu aucun compte de ces éléments, en déclarant qu'ils ne sont pas chiffrables (expertise, p. 72). Quant au Prof. Schwarzfischer, il s'est borné à apprécier plus largement la réduction des frais généraux grevant chaque unité vendue. C'est manifestement insuffisant. Si le calcul mathématique de l'influence de ces autres avantages n'était pas possible, il fallait les apprécier par approximation, ex aequo et bono. La difficulté d'appréciation ne saurait justifier le refus de prendre en considération des avantages dont la réalité et l'importance ne sont pas contestables.
Le bénéfice résultant de la réduction des frais par unité vendue a été estimé par le Prof. Schwarzfischer - qui reconnaît avoir été un peu large - à 6,5% du chiffre d'affaires des camions. Or les taxes litigieuses ne s'élèvent qu'à 2% de ce chiffre d'affaires. Dès lors, quelle que soit l'importance que l'on attribue à l'influence des facteurs non chiffrables, les taxes litigieuses n'absorbent, en tout cas, pas même le tiers des avantages que l'entreprise retire de la vente par camions. Elles ne peuvent donc pas être considérées comme prohibitives.
Le Prof. Marbach a relevé encore que le bénéfice net des coopératives Migros est, en moyenne, de 0,5% de leur chiffre d'affaires. Le canton a dénié toute valeur à cette circonstance, soit parce qu'elle n'a pas été contrôlée par les experts, soit parce qu'elle serait la conséquence de la politique des prix voulue par Migros. Un contrôle apparaît toutefois superflu car, même en admettant le bénéfice net indiqué, une taxe de patente correspondant à 2% du chiffre d'affaires des camions équivaut à une
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charge de 0,1% du chiffre d'affaires total de la coopérative, dans les cantons où la vente par camions ne représente que le 5% de la vente totale (parmi lesquels se trouve le canton de Vaud), et à une charge de 0,2% dans les cantons où elle représente un dixième de la vente totale. Cela signifie que, si l'on ajoute la taxe litigieuse aux frais de la coopérative, celle-ci pourra, même sans augmenter ses prix, garder les 4/5 ou les 3/5 du bénéfice qu'elle a déclaré. La taxe n'est donc pas prohibitive, même à ce point de vue.
En outre, la jurisprudence a admis que la taxe n'est pas prohibitive si elle peut être transférée à l'acheteur, c'est-à-dire si, ajoutée au prix de vente, elle n'empêche pas l'entreprise de soutenir la concurrence. Or il ressort des rapports d'expertises que le chiffre d'affaires des camions représente dans l'ensemble de la Suisse 10% environ du chiffre d'affaires total des sociétés Migros; pour le canton de Vaud, il n'est que de 5% environ. Comme on l'a vu plus haut, les ventes au moyen des camions ne peuvent être dissociées du commerce des magasins et les prix doivent être uniformes. Or si les taxes atteignant 2% du chiffre d'affaires des camions étaient reportées sur l'ensemble des ventes des recourantes dans le canton de Vaud, elles ne représenteraient qu'une augmentation de l'ordre de un pour mille du prix de vente. Dans les cantons où la vente par camion représente un dixième de la vente totale, l'augmentation est de 2 ‰. Il est évident qu'une telle augmentation est insignifiante et ne peut atteindre un commerce dans sa capacité de concurrence (voir arrêts Migros c. Berne du 28 janvier 1932 et Migros c. Bâle du 28 décembre 1932).

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Erwägungen 3 4

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