123 IV 70
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Chapeau
123 IV 70
10. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 7 mars 1997 dans la cause X. contre Ministère public du canton de Fribourg (pourvoi en nullité)
Regeste
Art. 305 CP; entrave à l'action pénale.
Un taxidermiste ne se trouve pas dans une position de garant qui justifie sa condamnation pour entrave à l'action pénale par omission s'il n'a pas annoncé, comme il en a l'obligation en vertu de la réglementation sur la chasse, des animaux protégés qui lui ont été confiés pour naturalisation (consid. 2).
Art. 59 ch. 2 CP; créance compensatrice.
Détermination du montant de la créance compensatrice mise à la charge du taxidermiste (consid. 3).
A.- A la suite d'un contrôle systématique effectué auprès de tous les taxidermistes du canton de Fribourg, il s'est avéré que X. avait naturalisé 12 lynx, dont 7 sans être au bénéfice de l'autorisation requise s'agissant d'animaux protégés. Il a en outre admis avoir agi de même avec un coq de grand tétras. Ces animaux lui avaient été confiés par des chasseurs pour qui il a effectué le travail et dont il a refusé de dévoiler l'identité.
B.- Le 13 mars 1996, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de la Veveyse a reconnu X. coupable d'infractions aux art. 23 de la loi fribourgeoise sur la chasse, 5 de l'ordonnance sur la chasse et la protection des mammifères et oiseaux sauvages (OChP, RS 922.01) ainsi que d'entrave à l'action pénale (art. 305 CP). Partant, il l'a condamné, en vertu des art. 17 al. 1 let. d de la loi fédérale sur la chasse (LChP; RS 922.0), 305, 41, 63, 68, 69 CP et 63 CPP/FR,
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à un mois d'emprisonnement avec sursis pendant 2 ans; il lui a en outre retiré son autorisation de chasser pour une année et l'a condamné à verser à l'Etat de Fribourg un montant de 10'000 fr. à titre de créance compensatrice.
C.- Par arrêt du 16 septembre 1996, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal fribourgeois a rejeté le recours formé par le condamné contre ce jugement. S'agissant de l'application de l'art. 305 CP, elle a admis que le taxidermiste occupe en matière de protection des animaux une position juridique particulière, notamment en raison du fait qu'il peut être autorisé à empailler des animaux protégés, de sorte que son devoir d'annoncer un tel travail doit être assimilé à une véritable obligation juridique d'où découle sa position de garant permettant de réprimer une entrave à l'action pénale commise par omission. En outre, la cour cantonale a considéré qu'il ne saurait être question d'autofavorisation, qui n'est pas punissable, car elle suppose que l'infraction à la poursuite de laquelle l'auteur se soustrait soit consommée avant que n'intervienne l'acte d'assistance.
En ce qui concerne le montant de la créance compensatrice, les juges cantonaux ont estimé que celui-ci avait été à juste titre déterminé sur la base du gain brut réalisé par X.
D.- X. s'est pourvu en nullité contre cet arrêt. Le recourant soutient que l'arrêt attaqué viole les art. 305 et 59 CP , partant il conclut principalement à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle statue à nouveau; subsidiairement il conclut à ce qu'il soit dit et prononcé que sa condamnation pour infraction à l'art. 305 CP n'est pas fondée, que le montant de la créance compensatrice est réduit à 6'600 fr. et qu'une indemnité équitable lui est allouée pour la procédure du pourvoi en nullité.
A l'appui de ses conclusions, le recourant fait valoir qu'aucun devoir évident, voire impérieux comme l'exige la jurisprudence, n'incombe au taxidermiste, de sorte que l'on ne saurait lui appliquer l'art. 305 CP pour une omission de dénoncer une infraction. Il soutient en outre qu'il n'est pas établi que sa décision de ne pas annoncer les dépouilles soit antérieure aux naturalisations qu'il a pratiquées sur celles-ci. S'agissant de la créance compensatrice, il conteste que l'on puisse appliquer à son cas la jurisprudence développée à propos des infractions à la LStup et allègue qu'il faut fixer l'enrichissement obtenu par l'infraction en tenant compte des frais de production, qu'il évalue au minimum à un tiers du bénéfice brut.
Considérant en droit:
2. Le recourant soutient en premier lieu que l'autorité cantonale a violé le droit fédéral en le condamnant pour entrave à l'action pénale au sens de l'art. 305 CP.
Cette disposition punit de l'emprisonnement celui qui aura soustrait une personne à une poursuite pénale ou à l'exécution d'une peine ou d'une mesure. L'infraction ne peut être commise par omission que si l'auteur a un devoir de garant, auquel n'importe quelle obligation ne saurait être assimilée; il doit s'agir d'un devoir juridique qualifié, par exemple un devoir de protection ou de surveillance (ATF 120 IV 98 consid. 2c et les arrêts cités).
En l'espèce, ce qui est reproché au recourant n'est pas d'avoir naturalisé les animaux en question, mais de n'avoir pas sollicité l'autorisation de le faire. En effet, ce qui était de nature à entraver l'action pénale n'est pas l'empaillage de l'animal mais le défaut d'annonce. La naturalisation ne saurait en elle-même être considérée comme un moyen de faire disparaître les preuves; ceci est tellement vrai que c'est précisément la découverte d'un coq de grand tétras empaillé qui a été à l'origine des investigations qui ont conduit à l'action pénale dirigée contre le recourant.
C'est donc bien d'une omission que ce dernier a à répondre, de sorte qu'il faut en premier lieu examiner s'il existait un devoir de garant justifiant l'application de l'art. 305 CP. Selon la jurisprudence, un tel devoir incombe notamment à celui qui, en raison de sa situation juridique, est tenu de protéger un bien donné des dangers qui le menacent. Une obligation légale ne fonde pas forcément un devoir de garant, ce qui est déterminant est la nature du lien, à l'origine de la norme, existant entre la personne qui est ainsi tenue et le bien menacé ou la source de danger (ATF 120 IV 98 consid. 2c et les références citées; cf. URSULA CASSANI, Commentaire du droit pénal suisse, partie spéciale, vol. 9, Berne 1996, n. 18 ss ad art. 305 avec une présentation détaillée de la doctrine et de la jurisprudence).
En l'espèce, la position du recourant en tant que taxidermiste n'est en rien comparable à celle d'un garde-chasse, par exemple, qui serait punissable pour entrave à l'action pénale par omission (voir ATF 74 IV 164 consid. 1). Alors que le garde-chasse est chargé de veiller au respect des règles concernant la chasse, ce qui lui confère dans le domaine de ses attributions un rôle analogue à celui d'un policier, le taxidermiste exerce une activité indépendante qui ne fait pas de
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lui un auxiliaire de l'Etat dans la surveillance de la chasse. Le simple fait de devoir se faire enregistrer dans son canton s'il souhaite naturaliser des animaux empaillés (art. 5 al. 2 OChP), s'il marque la volonté du législateur de ne pas confier un tel travail à n'importe qui et sans aucun contrôle, ne suffit pas à investir le taxidermiste d'une tâche d'assistance des personnes chargées de veiller au respect des règles concernant la chasse. Il reste à déterminer si une position de garant peut découler de l'obligation faite par l'art. 5 al. 3 OChP à celui qui souhaite naturaliser un animal de certaines espèces, parmi lesquelles figurent tous les mammifères protégés et le grand tétras, de le déclarer à l'administration de la chasse du canton de provenance de l'animal en question. Il s'agit d'une obligation tout à fait générale, qui tend à permettre à l'autorité de garder un certain contrôle sur l'ensemble du gibier protégé destiné à l'empaillage plutôt qu'à porter à sa connaissance d'éventuelles infractions à la législation sur la chasse. Il est d'ailleurs à noter que tous les animaux concernés doivent être annoncés, même si leur provenance, parfaitement légale, est connue du taxidermiste; la déclaration n'est donc pas liée à un quelconque soupçon d'infraction. Au surplus, le fait que la déclaration doit être effectuée dans les 14 jours qui suivent l'arrivée de l'animal dans l'atelier de naturalisation (art. 5 al. 4 OChP) montre bien que le législateur n'estimait pas important qu'elle parvienne dans les meilleurs délais à l'autorité, ce qui aurait été le cas si le but avait été de permettre la répression des infractions car il est bien évident que dans un tel délai de nombreuses preuves peuvent avoir disparu ou été détruites. Dans ces circonstances, force est de constater que l'obligation d'annoncer les animaux protégés destinés à la naturalisation est une obligation très générale qui n'est pas propre à fonder une position de garant du taxidermiste (ATF 118 IV 309 consid. 1d). C'est donc à tort que celui-ci a été reconnu coupable d'entrave à l'action pénale et la question de l'impunité dans les cas d'autofavorisation est par conséquent devenue sans objet.
3. S'agissant de la créance compensatrice mise à sa charge, le recourant conteste que l'on puisse, comme l'a fait l'autorité cantonale, appliquer à son cas la jurisprudence développée à propos des infractions à la législation fédérale sur les stupéfiants; selon lui, il faut déterminer l'enrichissement obtenu au moyen de l'infraction en tenant compte de ses frais de production, qu'il estime au minimum à un tiers du bénéfice.
Selon l'art. 59 ch. 1 CP, le juge prononcera la confiscation des valeurs patrimoniales qui sont le résultat d'une infraction ou qui
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étaient destinées à décider ou à récompenser l'auteur d'une infraction, si elles ne doivent pas être restituées au lésé en rétablissement de ses droits. Le ch. 2 de l'art. 59 CP précise que lorsque les valeurs patrimoniales à confisquer ne sont plus disponibles, le juge ordonnera leur remplacement par une créance compensatrice de l'Etat d'un montant équivalent.Le but de cette créance compensatrice est d'éviter que celui qui a disposé des objets ou valeurs à confisquer soit privilégié par rapport à celui qui les a conservés (ATF 119 IV 17 consid. 2a et les arrêts cités); elle ne joue qu'un rôle de substitution de la confiscation en nature et ne doit donc, par rapport à celle-ci, engendrer ni avantage ni inconvénient (ATF 119 IV 17 consid. 2b).
Les animaux qui ont été naturalisés par le recourant étaient l'objet de l'infraction commise par celui-ci et sanctionnée en application de l'art. 17 al. 1 let. d LChP. Ils pouvaient dès lors être confisqués en application de l'art. 59 ch. 1 CP. C'est au demeurant selon toute vraisemblance ce qui se serait produit s'ils avaient été trouvés en possession du taxidermiste. Toutefois, en l'espèce, ces animaux ne se trouvaient plus chez le recourant et n'ont donc pas pu être confisqués; c'est la raison pour laquelle il y a lieu de prononcer une créance compensatrice, conformément au chiffre 2 de l'art. 59 CP. Dans l'hypothèse où les animaux empaillés auraient été saisis en sa possession, le recourant n'aurait pu prétendre à aucune contrepartie pour le matériel qu'il avait investi dans la naturalisation ni pour son travail. En effet, la loi prévoit la confiscation pure et simple de l'objet de l'infraction (art. 59 ch. 1 CP). Au demeurant, en empaillant un animal sans se soumettre à la procédure obligatoire dans un tel cas, se rendant ainsi coupable de l'infraction prévue par l'art. 17 al. 1 let. d LChP, le recourant s'est exposé à se faire confisquer les objets terminés et à perdre ainsi le fruit de son travail et le matériel investi; c'est donc bien à lui d'en supporter les conséquences. Comme la créance compensatrice remplace la confiscation en nature par rapport à laquelle elle ne doit engendrer ni avantage ni inconvénient, le montant doit être fixé à la valeur des objets qui n'ont pas pu être saisis, savoir en l'espèce les animaux empaillés. C'est donc à tort que le recourant soutient que ses frais de production auraient dû être pris en considération.
Ce grief est donc mal fondé et le pourvoi doit être rejeté sur ce point.