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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4A_69/2010 
 
Arrêt du 6 avril 2010 
Ire Cour de droit civil 
 
Composition 
Mme et MM. les Juges Klett, présidente, Corboz et Kolly. 
Greffière: Mme Cornaz. 
 
Participants à la procédure 
X.________, représenté par Me Jean-Frédéric Malcotti, 
recourant, 
 
contre 
 
Y.________, représentée par Me François Bohnet, 
intimée. 
 
Objet 
responsabilité du mandataire, 
 
recours contre le jugement de la IIe Cour civile du Tribunal cantonal neuchâtelois du 18 décembre 2009. 
 
Faits: 
 
A. 
Dès 1996, Y.________ (ci-après: l'employée), citoyenne américaine, a travaillé pour un groupe de sociétés (ci-après: l'employeur) aux États-Unis. Le 14 mai 2002, elle a conclu un nouveau contrat de travail avec l'une des branches du groupe implantée à La Chaux-de-Fonds; le contrat a été partiellement modifié le 2 septembre 2002. L'employée devait commencer son activité en Suisse le 1er janvier 2003 et s'installer dans ce pays où habitait son époux, avec lequel elle s'était mariée en 2000. 
 
Le 19 novembre 2002, l'employée a eu une conversation téléphonique avec des représentants de l'employeur, au cours de laquelle il a été question de la suppression de son poste en Suisse ensuite d'une restructuration du groupe. Le lendemain, se référant à cet entretien et au fait qu'on l'avait invitée à quitter l'entreprise, elle a demandé quel serait son dernier jour de travail et posé diverses autres questions sur son avenir. Il lui a été répondu qu'elle pourrait quitter la société une fois les problèmes courants résolus, en particulier une migration informatique aux États-Unis; il a été ajouté que ses autres questions recevraient une réponse ultérieurement. 
 
En décembre 2002, l'employée a déménagé des États-Unis en Suisse. Le 17 décembre 2002, elle s'est présentée chez son employeur à La Chaux-de-Fonds et a alors été priée d'accuser réception d'une lettre du même jour qui confirmait le congé donné le 19 novembre 2002, fixait la fin des rapports de travail au 31 mars 2003 et la dispensait de son obligation de travailler jusqu'à cette date; l'employée a signé le document en précisant qu'elle n'était pas d'accord avec son contenu. 
 
Agissant par l'intermédiaire d'un avocat vaudois, l'employée a contesté son congé; elle réclamait, pour le cas où l'employeur ne reviendrait pas sur le congé, une indemnité de six mois de salaire pour licenciement abusif, ainsi que d'autres montants. 
 
Une procédure judiciaire étant envisagée, le mandataire vaudois a transmis au printemps 2003 le dossier à un confrère neuchâtelois, l'avocat X.________ (ci-après: l'avocat). Celui-ci a entamé des négociations avec le mandataire de l'employeur, en faisant notamment valoir une prétention en versement d'une indemnité pour licenciement abusif ou économique. Le 15 octobre 2003, l'employée et son époux ont demandé à l'avocat des nouvelles de l'affaire, lui ont signalé leur intention d'aller de l'avant et d'intenter une procédure judiciaire et se sont inquiétés de savoir s'il y avait des délais à respecter. Le 22 octobre 2003, il leur a répondu qu'il était en négociation et qu'envisager une procédure judiciaire était prématuré. En réponse à une nouvelle interpellation de l'employée du 11 avril 2004, l'avocat lui a indiqué le 25 avril 2004 que la menace d'une procédure pour licenciement abusif n'en était plus une dès lors que le délai pour introduire une telle procédure était échu depuis fin septembre ou fin octobre 2003; il s'en excusait, tout en relevant que la menace avait tout de même permis d'obtenir le paiement du salaire jusqu'à fin avril 2003. 
 
L'employée a poursuivi ses négociations avec l'employeur avec l'aide d'un nouveau mandataire. Une transaction a finalement été conclue. 
 
En septembre 2005, l'employée s'est adressée à l'avocat pour lui indiquer qu'elle le tenait pour responsable de sa perte du droit à demander une indemnité pour licenciement abusif, qu'elle entendait lui réclamer l'équivalent à titre de réparation du dommage et qu'elle le priait d'informer son assurance en responsabilité civile. Mise au courant, celle-ci a refusé d'intervenir, estimant en substance que la perte du droit pour agir n'avait causé aucun tort à l'employée. 
 
B. 
Le 16 août 2006, l'employée a actionné l'avocat en paiement de 55'000 fr. représentant quatre mois de son ancien salaire de base; celui-ci a conclu au rejet, faute de dommage consécutif à l'inobservation du délai pour agir en justice. 
 
Par jugement du 18 décembre 2009, la IIe Cour civile du Tribunal cantonal neuchâtelois a admis l'action; elle a condamné l'avocat à payer à l'employée 55'000 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le 1er mai 2003. En substance, elle a considéré que l'employeur avait violé ses obligations en manquant des égards les plus élémentaires face à une collaboratrice qui travaillait pour lui depuis six ans au moins et qui devait donner satisfaction puisque le nouveau contrat prévoyait un salaire de base annuel confortable de 165'000 fr.; en effet, il l'avait laissée quitter définitivement les États-Unis pour l'accueillir pratiquement à sa descente d'avion avec une lettre de licenciement prétendant faussement confirmer un congé déjà donné précédemment; en outre, il avait allégué des raisons économiques que l'instruction n'avait pas confirmées; en conséquence, il pouvait être admis avec une vraisemblance prépondérante qu'une indemnité pour licenciement abusif correspondant à quatre mois de salaire aurait été accordée si l'action avait été intentée à temps; l'omission d'ouvrir action, en violation fautive du devoir de diligence du mandataire, avait dès lors causé à l'employée un dommage de même montant. 
 
C. 
L'avocat (le recourant) a interjeté un "recours en matière de droit civil, subsidiairement constitutionnel" au Tribunal fédéral, concluant principalement au rejet de toutes les conclusions de la demande. L'employée (l'intimée) a proposé le rejet du recours. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
La valeur litigieuse, déterminée par les conclusions encore en cause devant la dernière instance cantonale (art. 51 al. 1 let. a LTF), est de 55'000 fr. Seule la voie du recours en matière civile est dès lors ouverte (cf. art. 74 al. 1 let. b et art. 113 LTF). 
 
2. 
Le Tribunal fédéral n'examine que les griefs constitutionnels expressément invoqués et motivés (art. 106 al. 2 LTF). L'acte de recours doit, sous peine d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits ou principes constitutionnels violés et préciser en quoi consiste la violation; le recourant doit discuter les attendus de la décision attaquée et exposer de manière claire et circonstanciée en quoi consiste la violation du droit constitutionnel (cf. ATF 134 I 83 consid. 3.2; 134 II 244 consid. 2.2; 134 V 138 consid. 2.1). La simple énumération d'une série de dispositions constitutionnelles que le recourant a ajoutée à titre subsidiaire à la fin d'un grief ne satisfait pas à ces exigences. Il n'y a pas à entrer en matière. 
 
3. 
Le recourant critique l'appréciation des preuves concernant la situation économique de l'employeur; en bref, il reproche à la cour cantonale de ne pas avoir pris certaines pièces en considération. 
 
Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), dont il ne peut s'écarter que s'ils l'ont été de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 135 II 145 consid. 8.1; 135 III 127 consid. 1.5 p. 130) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause. En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables, ou encore s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen important propre à modifier la décision attaquée (ATF 134 V 53 consid. 4.3; 129 I 8 consid. 2.1). 
 
La cour cantonale a retenu que l'employeur avait licencié des cadres durant la période du 1er mai 2002 au 31 mars 2003, c'est-à-dire pendant celle où il avait d'abord conclu le nouveau contrat avec l'intimée puis y avait mis fin. Ces faits ne sont pas contestés, mais ne relèveraient pas, selon le recourant, l'importance des difficultés économiques auxquelles l'employeur devait faire face. 
 
En l'occurrence, les juges cantonaux ont admis que le congé était abusif essentiellement parce que l'employeur avait laissé l'intimée quitter son domicile aux États-Unis pour l'accueillir pratiquement à sa descente d'avion en Suisse avec une lettre de licenciement. On ne discerne pas en quoi l'éventuelle importance des difficultés économiques de l'employeur imposait de procéder de la sorte, ni en quoi elle serait susceptible de modifier l'appréciation du manque d'égards dont il avait fait preuve envers une employée de longue date, ce d'autant moins que le nouveau contrat de l'intimée avait été conclu à un moment où il connaissait manifestement des problèmes et procédait déjà à des licenciements; le recourant n'en dit mot. Le grief doit être rejeté faute de pertinence. 
 
4. 
Le recourant critique la cour cantonale pour avoir retenu que l'omission d'ouvrir action avant l'échéance du délai de 180 jours à compter de la fin du contrat (art. 336b al. 2 CO) avait causé un dommage à l'intimée; en résumé, il soutient que le congé litigieux n'était pas abusif et, partant, qu'une action en paiement d'une indemnité n'aurait pas abouti. 
 
L'énumération des cas de licenciement abusif à l'art. 336 CO n'est pas exhaustive. Elle concrétise avant tout l'interdiction générale de l'abus de droit et en aménage les conséquences juridiques pour le contrat de travail. D'autres situations constitutives de congé abusif sont donc également admises par la pratique. Elles doivent toutefois comporter une gravité comparable aux cas expressément mentionnés à l'art. 336 CO. L'abus de la résiliation peut découler non seulement des motifs du congé, mais également de la façon dont la partie qui met fin au contrat exerce son droit. Lorsqu'une partie résilie de manière légitime un contrat, elle doit exercer son droit avec des égards. Elle ne peut en particulier pas jouer un double jeu en contrevenant de manière caractérisée au principe de la bonne foi; en revanche, un comportement qui ne serait simplement pas convenable ou indigne des relations commerciales établies ne suffit pas; par exemple, le fait pour l'employeur d'avoir affirmé à son collaborateur qu'il ne serait pas licencié et de lui notifier son congé une semaine plus tard est un comportement qui n'est certes pas correct, mais qui ne rend pas à lui seul le congé abusif (ATF 131 III 535 consid. 4.2 p. 538 s.; cf. également ATF 132 III 115 consid. 2.1 et 2.2 p. 116 s.). 
 
En l'occurrence, la cour cantonale a jugé que l'employeur avait procédé au licenciement de manière abusive en ne retenant pas l'intimée de quitter son domicile aux États-Unis et de s'établir en Suisse alors qu'il savait qu'il allait supprimer son poste dans ce dernier pays, puis en lui signifiant le congé lorsqu'elle s'était présentée pour la première fois à son lieu de travail en Suisse. Cette appréciation ne prête pas le flanc à la critique. Il ne s'agit pas d'un cas où l'employeur, de bonne ou de mauvaise foi, nie simplement toute intention de licenciement avant d'y procéder quelques jours plus tard. En l'espèce, l'employeur, alors qu'il savait qu'il allait mettre fin aux relations de travail, a laissé l'intimée prendre des dispositions d'ordre personnel incisives en vue de remplir les obligations découlant pour elle du contrat de travail. 
 
5. 
A titre subsidiaire, le recourant conteste le montant du dommage; il soutient que l'intimée aurait au plus reçu une indemnité correspondant à un mois de salaire, dès lors qu'elle avait été dispensée de son obligation de travailler pendant le délai de congé. 
 
L'indemnité prévue par l'art. 336a CO a une double finalité, punitive et réparatrice; comme elle est due même si le travailleur ne subit aucun dommage, il ne s'agit pas de dommages-intérêts au sens classique, mais d'une indemnité sui generis, s'apparentant à une peine conventionnelle (ATF 135 III 405 consid. 3.1 p. 407). Le juge fixe l'indemnité en équité (art. 4 CC) en fonction de toutes les circonstances (ATF 131 III 243 consid. 5.2 p. 246); il doit notamment tenir compte de la gravité de la faute de l'employeur, d'une éventuelle faute concomitante du travailleur, de la manière dont s'est déroulée la résiliation, de la gravité de l'atteinte à la personnalité du travailleur licencié, de la durée des rapports de travail, de leur étroitesse, des effets économiques du licenciement, de l'âge du travailleur, d'éventuelles difficultés de réinsertion dans la vie économique et de la situation économique des parties (ATF 135 III 405 consid. 3.1 p. 407; 123 III 246 consid. 6a p. 255 s., 391 consid. 3c). Le montant de l'indemnité est fixé librement par le juge; le pouvoir d'appréciation qui est reconnu de la sorte à l'autorité cantonale conduit le Tribunal fédéral à ne pas substituer sa propre appréciation à celle de l'instance inférieure. Il n'interviendra que si la décision s'écarte sans raison sérieuse des règles établies par la doctrine et la jurisprudence en matière de libre appréciation ou s'appuie sur des faits qui, en l'occurrence, ne devaient jouer aucun rôle ou encore ne tient, au contraire, pas compte d'éléments qui auraient absolument dû être pris en considération; le Tribunal fédéral sanctionnera, en outre, les décisions rendues en vertu d'un pouvoir d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un résultat manifestement injuste ou à une iniquité choquante (ATF 130 III 28 consid. 4.1 p. 32, 213 consid. 3.1 p. 220). 
 
En l'espèce, la cour cantonale a tenu compte du nombre d'années passées par l'intimée au service de l'employeur et du manque de tout ménagement lors du licenciement dans le contexte du changement radical d'environnement professionnel et personnel que supposait sa venue en Suisse; le recourant ne critique pas ces motifs. Le fait que l'intimée n'ait pas dû travailler pendant la période du délai de congé est par contre sans pertinence; le temps libre obtenu suite à la dispense de devoir offrir ses services après réception de la résiliation, libération au demeurant courante, ne concerne pas directement le congé et n'a pas à être imputé sur l'indemnité due pour cause de licenciement abusif, en tout cas pas si, comme en l'espèce pour l'intimée, il n'est pas établi que l'employé licencié a occupé un emploi équivalent durant cette période ou aurait pu le faire. En retenant une indemnité correspondant à quatre mois de salaire, les juges cantonaux sont restés dans le cadre du large pouvoir d'appréciation qui leur revient en la matière. 
 
6. 
Le recourant conteste avoir violé son devoir de diligence; il plaide qu'à l'époque concernée, aucun arrêt admettant qu'un licenciement sans ménagement pouvait être qualifié d'abusif n'avait été publié au Recueil officiel des arrêts du Tribunal fédéral; il en déduit qu'on ne saurait dès lors lui reprocher à faute de ne pas avoir ouvert action pour demander une indemnité pour licenciement abusif (cf. ATF 134 III 534 consid. 3.2.3.3). 
 
Un arrêt du 13 octobre 1998 publié au Recueil officiel précise que l'énumération à l'art. 336 CO n'est pas exhaustive et que le caractère abusif d'un licenciement peut découler de la façon dont la partie donnant le congé exerce son droit de résilier le contrat de travail (cf. ATF 125 III 70 consid. 2a et 2b). Le recourant ne pouvait dès lors pas ignorer qu'un licenciement, en soi licite, pouvait néanmoins être abusif suivant les circonstances dans lesquelles il est prononcé. Le reste était question d'appréciation, et le comportement de l'employeur, dont le recourant admet lui-même le caractère critiquable, devait à cet égard à tout le moins soulever des questions; dans les négociations avec l'employeur, le recourant a d'ailleurs requis une indemnité pour licenciement abusif. Il ne pouvait pas simplement laisser l'action se périmer au motif qu'aucun arrêt publié ne tranchait un cas tout-à-fait similaire à celui dont il était en charge, ce d'autant moins que l'intimée lui avait annoncé être disposée à engager une procédure judiciaire. 
 
7. 
En définitive, il résulte des considérants qui précèdent que le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
 
8. 
Comme la valeur litigieuse, calculée selon les prétentions à l'ouverture de l'action (ATF 115 II 30 consid. 5b p. 41), dépasse le seuil de 30'000 fr., le montant de l'émolument judiciaire est fixé selon le tarif ordinaire (art. 65 al. 3 let. b LTF) et non réduit (art. 65 al. 4 let. c LTF). Compte tenu de l'issue du litige, les frais judiciaires et dépens de l'intimée sont mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 66 al. 1 ainsi qu'art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'500 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3. 
Une indemnité de 3'000 fr., à payer à l'intimée à titre de dépens, est mise à la charge du recourant. 
 
4. 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la IIe Cour civile du Tribunal cantonal neuchâtelois. 
 
Lausanne, le 6 avril 2010 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
La Présidente: La Greffière: 
 
Klett Cornaz