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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_298/2022  
 
 
Arrêt du 26 juillet 2023  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, Moser-Szeless et Beusch. 
Greffier : M. Bürgisser. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Philippe Nordmann, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, 
avenue du Général-Guisan 8, 1800 Vevey, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-invalidité, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 16 mai 2022 (AI 290/21 - 150/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________ a travaillé en dernier lieu en tant que "Manager Risk Assurance, (...) " au service de B.________ SA de novembre 2013 à juillet 2015. A la suite d'un arrêt de travail depuis le mois d'octobre 2014 (qui a donné lieu au versement d'indemnités de l'assureur perte de gain en cas de maladie de l'employeur), l'assuré a déposé en août 2015 une demande de prestations de l'assurance-invalidité, en invoquant notamment une très importante fatigabilité, ainsi que des troubles neuropsychologiques apparus en lien avec un accident de la circulation survenu en novembre 2009. Par décision du 7 décembre 2016, l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après: l'office AI) a nié le droit de l'assuré à une rente.  
Par arrêt du 20 septembre 2018, le Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, a admis le recours de l'assuré, annulé la décision du 7 décembre 2016 et renvoyé la cause à l'office AI pour complément d'instruction et nouvelle décision. 
 
A.b. Reprenant l'instruction, l'office AI a confié à l'Unité d'expertises médicales du Centre C.________ la réalisation d'une expertise pluridisciplinaire. Les experts ont conclu à une capacité résiduelle de travail de 50 % dans l'activité habituelle et dans une activité adaptée, depuis le 8 octobre 2014 (appréciation consensuelle des docteurs D.________, spécialiste en médecine interne générale, E.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie et F.________, spécialiste en médecine interne générale, du 7 avril 2020 et complément du 23 juin 2020). L'office AI a, par décision du 9 juillet 2021, reconnu le droit de l'assuré à trois quarts de rente depuis le 1 er février 2016.  
 
B.  
Statuant par arrêt du 16 mai 2022 sur le recours formé par A.________, le Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, l'a rejeté. 
 
C.  
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre l'arrêt cantonal, dont il demande la réforme en ce sens qu'une rente entière lui est allouée dès le 1er février 2016 et que la rente soit calculée au minimum sur un revenu annuel moyen déterminant de 76'140 fr. en lieu et place de 69'090 fr., "avec les adaptations ultérieures". Subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt entrepris et au renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour "qu'elle procède conformément aux considérants du Tribunal fédéral". 
 
D.  
Par ordonnance du 15 septembre 2022, le Tribunal fédéral a suspendu la procédure en raison d'une demande de révision déposée par l'assuré le 8 juin 2022 contre l'arrêt cantonal du 16 mai 2022. Par arrêt du 12 décembre 2022, la juridiction cantonale a rejeté la demande de révision. 
Par courrier du 31 janvier 2023, l'assuré a informé le Tribunal fédéral qu'il n'entendait pas recourir contre l'arrêt du 12 décembre 2022 et a confirmé le maintien de son recours en ce qui concerne uniquement le droit à la rente entière. La procédure a été reprise (ordonnance du 10 mai 2022). 
L'office AI a conclu au rejet du recours et l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le recours en matière de droit public peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il statue par ailleurs sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend s'en écarter doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne peut pas être pris en considération.  
 
1.2. En ce qui concerne la comparaison des revenus (art. 16 LPGA), la constatation des deux revenus hypothétiques à comparer est une question de fait, dans la mesure où elle repose sur une appréciation concrète des preuves; il s'agit en revanche d'une question de droit si elle se fonde sur l'expérience générale de la vie (ATF 137 V 64 consid. 1.2; arrêt 9C_835/2019 du 20 octobre 2020 consid. 5.1).  
 
2.  
 
2.1. Le litige a trait à l'étendue du droit du recourant à une rente de l'assurance-invalidité dès le 1 er février 2016, singulièrement sur le droit à une rente entière en lieu et place du droit à trois quarts de rente reconnu par l'intimé et confirmé par la juridiction cantonale.  
 
2.2. L'arrêt attaqué cite les normes et la jurisprudence nécessaires à la résolution du litige, en particulier celles portant sur la notion d'invalidité (art. 6 et 8 LPGA en relation avec l'art. 4 al. 1 LAI), le droit à une rente (art. 28 LAI), l'évaluation du degré d'invalidité au moyen de la méthode de comparaison des revenus (art. 16 LPGA), plus particulièrement celles portant sur la détermination du revenu sans invalidité (ATF 134 V 322 consid. 4.1) et avec invalidité, en fonction des données tirées de l'Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS; ATF 143 V 295 consid. 3.5). Il suffit d'y renvoyer, tout en précisant que les dispositions légales applicables au cas d'espèce sont celles dans leur version en vigueur jusqu'au 31 décembre 2021, dans la mesure où la décision litigieuse a été rendue avant cette date (cf. notamment ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et les références).  
 
3.  
La juridiction cantonale a considéré qu'il n'y avait pas lieu de s'écarter de l'appréciation consensuelle des experts, selon laquelle le recourant disposait d'une capacité résiduelle de travail de 50 % depuis octobre 2014. Dans le cadre de la comparaison des revenus, elle a retenu que les perspectives de développement de carrière évoquées par le recourant en relation avec l'expertise privée qu'il avait produite ne pouvaient pas être prises en considération pour déterminer le revenu sans invalidité. Elles reposaient en effet sur de simples hypothèses qui n'étaient pas étayées par des éléments concrets. De plus, les premiers juges n'ont pas tenu compte d'un bonus de 16'800 fr., ainsi que d'une somme forfaitaire de 6'000 fr., mentionnés dans une lettre de promotion adressée au recourant par son dernier employeur en juin 2014. Si ces éléments figuraient certes sur ce courrier, ainsi que sur le certificat de prévoyance, rien ne permettait d'affirmer que le recourant percevait concrètement ces montants. En effet, ni le questionnaire de l'employeur rempli à la demande de l'intimé, ni l'extrait du compte individuel du recourant, pas plus que les calculs effectués par l'assureur perte de gain en cas de maladie ne faisaient état de ces montants supplémentaires en sus du salaire annuel de 120'300 fr. S'agissant du revenu avec invalidité, la juridiction cantonale a considéré que le recourant était en mesure d'obtenir un revenu de 40'670 fr. (en fonction des données de l'ESS correspondant au niveau de compétence 2 et compte tenu d'un abattement de 5 % retenu sur le salaire statistique), de sorte que la comparaison des revenus aboutissait à un degré d'invalidité arrondi de 66 %, ouvrant le droit à trois quarts de rente. 
 
4.  
 
4.1.  
 
4.1.1. Dans un grief formel qu'il convient d'examiner en premier, le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu, "assimilable à l'arbitraire" ainsi que d'une violation du droit à la preuve, en ce que les premiers juges n'auraient pas ordonné - sans motiver leur refus - une expertise qui aurait pu démontrer qu'il aurait obtenu un revenu plus élevé que celui retenu à titre de revenu sans invalidité. Selon le recourant, cette expertise était en effet nécessaire puisque celle qu'il avait produite en procédure cantonale démontrait déjà que, sans atteinte à la santé, il aurait "gagné bien davantage" que le revenu perçu notamment auprès de son dernier employeur.  
 
4.1.2. On rappellera que le refus d'instruire ne viole le droit d'être entendu des parties que si l'appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a procédé, est entachée d'arbitraire (ATF 144 II 427 consid. 3.1.3; 141 I 60 consid. 3.3).  
En l'espèce, le recourant ne remet pas en cause le raisonnement des premiers juges selon lequel ils ont considéré - certes de manière succincte - que les perspectives de développement de carrière évoquées par l'expertise privée ne reposaient sur aucun élément concret et relevaient de simples hypothèses. En invoquant le "caractère particulier des spécialisations en matière de sécurité informatique bancaire, nécessitant des cours permanents et des mises à jour constantes", le recourant n'apporte aucun indice concret en faveur du développement professionnel qu'il allègue; il ne montre pas non plus que l'expertise qu'il a produite, voire une nouvelle expertise, aurait permis de mettre en évidence des éléments objectifs en ce sens comme des étapes concrètes, telles que la fréquentation d'un cours, le début d'études ou la passation d'examens (cf. arrêt 9C_271/2022 du 28 novembre 2022 consid. 3.3.2 et la référence). Aussi, et à la lecture du "Rapport d'expertise 'Evolution potentielle de carrière et salariale'" de février 2013, on constate à la suite des premiers juges que les conclusions de celui-ci relèvent largement d'hypothèses fondées sur la description de la carrière d'une tierce personne et l'affirmation que le recourant aurait atteint une fonction semblable (p. ex. "On ne voit pas ce qui aurait pu empêcher M. A.________ d'avoir la même évolution de carrière que [..]"; "On peut raisonnablement estimer que M. A.________ aurait atteint la fonction de [...]" [rapport de février 2013, p. 9]). L'appréciation qui a conduit la juridiction cantonale à écarter ce moyen de preuve et à renoncer à une instruction complémentaire est par conséquent dénuée d'arbitraire. 
 
4.2.  
 
4.2.1. Dans un second grief, invoquant une constatation manifestement inexacte des faits pertinents consécutive à une mauvaise appréciation des preuves, le recourant reproche à la juridiction cantonale de n'avoir pas retenu que le revenu qu'il avait obtenu de son dernier employeur comprenait non seulement son salaire de 120'300 fr., mais également un "bonus garanti" de 16'800 fr., ainsi qu'une somme forfaitaire de 6'000 fr., le revenu sans invalidité s'élevant à 143'100 fr. au total.  
 
4.2.2. On rappellera qu'en ce qui concerne le revenu sans invalidité, est déterminant le salaire qu'aurait effectivement réalisé l'assuré sans atteinte à la santé, selon le degré de la vraisemblance prépondérante. En règle générale, on se fonde sur le dernier salaire réalisé avant l'atteinte à la santé, compte tenu de l'évolution des circonstances à l'époque où est né le droit à la rente (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2; arrêt 9C_271/2022 du 28 novembre 2022 consid. 3.3.1).  
 
4.2.3. En n'incluant pas le montant de 16'800 fr. ("target bonus") mentionné dans la lettre de promotion de l'ancien employeur du recourant datée de juin 2014, dans le revenu sans invalidité, la cour cantonale a procédé à une constatation manifestement inexacte des faits. Il ressort en effet de cette lettre que le recourant a été promu à la fonction de "Manager" à partir du 1er juillet 2014 avec un salaire annuel de 120'300 fr. assorti d'une somme de 16'800 fr. comme "variable bonus component", l'objectif final de salaire étant de 137'100 fr. Si le bonus cible constituait certes un montant variable en fonction des performances du collaborateur et de l'entreprise, selon les indications données en cours de procédure par B.________ SA (cf. courrier de l'office AI au conseil de l'assuré du 18 mars 2021), la société a non seulement annoncé un salaire annuel de 137'100 fr. à la caisse de pension, mais elle a également indiqué, dans le questionnaire de l'employeur du 22 septembre 2015, une "Gratifikation" pour l'année 2014. Il en découle que l'ancien employeur entendait concrètement verser un bonus au recourant, qui a apparemment perçu un montant s'ajoutant à son salaire de base à titre de gratification. Celle-ci correspondait sans doute aux mois de juillet à septembre 2014, l'incapacité de travail, qui a débuté à partir d'octobre 2014, expliquant que l'employeur n'a plus indiqué de gratification pour l'année 2015. Celui-ci a par ailleurs confirmé au cours de la procédure administrative que le principe du salaire assorti d'un bonus cible était resté le même dans l'entreprise (cf. communication interne de l'office AI du 1er mars 2021). L'extrait du compte individuel de l'assuré pour l'année 2014 n'est par ailleurs pas déterminant à cet égard, puisque le revenu inscrit ne correspond pas à une année complète sans atteinte à la santé, des indemnités de l'assureur perte de gain en cas de maladie, qui ne sont pas soumises à l'AVS (cf. art. 6 al. 2 let. b RAVS), ayant été versées au recourant.  
Dans ces circonstances, l'appréciation de la juridiction cantonale selon laquelle le dossier ne comprenait pas d'éléments suffisants pour admettre que le recourant percevait concrètement un bonus ne peut être suivie, puisqu'elle ne repose pas sur l'ensemble des indications de l'ancien employeur quant au nouveau salaire du recourant à partir du 1er juillet 2014, qui doivent être prises en considération en tenant compte de la survenance de l'incapacité de travail dès octobre 2014. Par conséquent, on peut admettre, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l'employeur aurait versé le bonus cible au recourant en l'absence d'invalidité, dès lors aussi qu'il avait déclaré le nouveau salaire (y compris le "target bonus", soit un total de 137'100 fr.) de son employé à sa caisse de pension. 
 
4.3. En tenant compte d'un revenu sans invalidité de 137'100 fr. et d'un revenu avec invalidité de 40'670 fr. tel que retenu par la juridiction cantonale, le degré d'invalidité du recourant s'élève à 70 % (70,33 %). Il ouvre ainsi un droit à une rente entière d'invalidité (art. 28 al. 2 LAI) depuis le 1er février 2016, étant précisé que le début du droit à la rente n'est pas contesté.  
Au vu de ce résultat, il n'y a pas lieu d'examiner ni le grief du recourant relatif à l'inclusion de la somme forfaitaire de 6'000 fr. dans le revenu sans invalidité, ni celui consistant à critiquer le "revenu d'invalide trop élevé". 
 
5.  
Ensuite de ce qui précède, la conclusion du recourant visant à l'octroi d'une rente entière d'invalidité à compter du 1er février 2016 est bien fondée. L'arrêt attaqué doit être réformé en ce sens. 
 
6.  
Vu l'issue de la procédure, l'intimé supportera les frais de justice (art. 66 al. 1 LTF), ainsi que les dépens que peut prétendre le recourant (art. 68 al. 1 LTF). La cause sera renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure antérieure (art. 68 al. 5 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis. Le ch. II du dispositif de l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, du 16 mai 2022, est réformé en ce sens que le recourant a droit à une rente entière de l'assurance-invalidité dès le 1 er février 2016, la décision de l'office AI du 9 juillet 2021 étant modifiée en ce sens.  
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 
 
3.  
L'intimé versera à au recourant la somme de 2'800 fr. à titre de dépens pour la procédure fédérale. 
 
4.  
La cause est renvoyée au Tribunal cantonal du Canton de Vaud, Cour des assurances sociales, pour nouvelle décision sur les frais et les dépens de la procédure antérieure. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 26 juillet 2023 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
Le Greffier : Bürgisser