Avis important:
Les versions anciennes du navigateur Netscape affichent cette page sans éléments graphiques. La page conserve cependant sa fonctionnalité. Si vous utilisez fréquemment cette page, nous vous recommandons l'installation d'un navigateur plus récent.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_640/2023  
 
 
Arrêt du 19 avril 2024  
 
IVe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Wirthlin, Président, 
Maillard et Métral. 
Greffière : Mme Fretz Perrin. 
 
Participants à la procédure 
Service des prestations complémentaires, route de Chêne 54, 1208 Genève, 
recourant, 
 
contre  
 
A.________, 
représentée par Caritas Genève, 
intimée. 
 
Objet 
Prestation complémentaire à l'AVS/AI 
(prestation d'assurance indue; remise), 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 6 septembre 2023 (A/1373/2023 ATAS/667/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________, née en 1959, est au bénéfice de prestations complémentaires cantonales et fédérales. Par décision du 4 octobre 2022, le Service des prestations complémentaires de la République et canton de Genève (ci-après: le SPC) a réclamé à A.________ la restitution d'un montant de 1'220 fr., correspondant aux prestations complémentaires versées en trop pour la période du 1 er avril au 31 octobre 2022. Après avoir fait opposition le 24 octobre 2022, la prénommée a retiré son opposition le 7 novembre 2022, informant le SPC qu'après une vérification attentive des nouveaux plans de calcul, elle avait constaté que la décision du 4 octobre 2022 était correcte au vu des indexations successives de sa rente de B.________ en 2022.  
 
A.b. Le 14 décembre 2022, A.________ a demandé au SPC la remise de l'obligation de restituer. Par décision du 25 janvier 2023, confirmée sur opposition le 9 mars 2023, le SPC a rejeté cette demande, au motif que la condition relative à la bonne foi n'était pas réalisée. En effet, ce n'était qu'en date du 14 juillet 2022 que l'assurée avait informé le SPC de l'augmentation de sa rente de B.________ de 1'731.99 USD à 1'880.95 USD dès le 1 er avril 2022.  
 
B.  
Considérant que l'assurée pouvait se prévaloir de sa bonne foi, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève a, par arrêt du 6 septembre 2023, partiellement admis le recours formé devant lui, annulé la décision sur opposition du 9 mars 2023 et renvoyé la cause au SPC pour examen de la condition relative à la situation financière de l'assurée. 
 
C.  
Le SPC forme un recours en matière de droit public contre cet arrêt. Il conclut à l'annulation de celui-ci en ce qu'il concerne les prestations fondées sur le droit fédéral et à la confirmation de la décision sur opposition du 9 mars 2023. 
A.________ conclut implicitement au rejet du recours. La juridiction cantonale et l'Office fédéral des assurances sociales (OFSP) ont renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) est recevable contre les décisions qui mettent fin à la procédure (art. 90 LTF), contre les décisions partielles (art. 91 LTF) ainsi que contre les décisions préjudicielles et incidentes qui sont notifiées séparément et qui portent sur la compétence ou sur une demande de récusation (art. 92 al. 1 LTF). Selon l'art. 93 al. 1 LTF, les autres décisions préjudicielles et incidentes notifiées séparément peuvent faire l'objet d'un recours si elles peuvent causer un préjudice irréparable (let. a) ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (let. b).  
 
1.2.  
 
1.2.1. Les arrêts qui renvoient la cause à l'autorité inférieure constituent en principe des décisions incidentes car ils ne mettent pas fin à la procédure. Toutefois, lorsque l'autorité inférieure à laquelle la cause est renvoyée ne dispose plus d'aucune marge de manoeuvre parce que le renvoi ne porte que sur l'exécution (par simple calcul) des injonctions de l'autorité supérieure, l'arrêt constitue matériellement une décision finale (ATF 145 III 42 consid. 2.1; 140 V 321 consid. 3.2; 135 V 141 consid. 1.1).  
 
1.2.2. Par ailleurs, un arrêt qui ne tranche que certains aspects d'un même rapport juridique litigieux n'est en règle générale pas une décision partielle, mais une décision incidente qui ne peut faire l'objet d'un recours qu'aux conditions de l'art. 93 LTF. Tel est généralement le cas, par exemple, d'un arrêt par lequel un tribunal renvoie la cause à un assureur social pour nouvelle décision, en lui donnant des instructions sur la manière de trancher certains aspects du rapport de droit litigieux (ATF 140 V 321 consid. 3.1; 133 V 477 consid. 4.2). Cela étant, l'assureur social qui voit sa décision initiale annulée et doit statuer à nouveau à la suite de cet arrêt subit un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF. En effet, il ne pourra plus recourir contre sa propre décision après avoir suivi les instructions de l'arrêt de renvoi. Il peut donc recourir immédiatement contre cet arrêt (ATF 145 V 266 consid. 1.3; 145 I 239 consid. 3.3; 141 V 330 consid. 1.2; 133 V 477 consid. 5.2.2).  
 
1.3. En l'espèce, le litige porte sur la remise d'une obligation de restituer au sens de l'art. 25 al. 1, deuxième phrase, LPGA, laquelle est soumise à la réalisation de deux conditions matérielles cumulatives (ATF 126 V 48 consid. 3c; arrêt 8C_207/2023 du 7 septembre 2023 consid. 3.3). En tant qu'il renvoie le dossier à l'autorité administrative pour qu'elle examine la seconde condition posée à l'octroi d'une remise, l'arrêt entrepris doit être qualifié de décision incidente au sens de l'art. 93 LTF. Pour autant, cet arrêt de renvoi ne laisse plus de latitude de jugement à l'autorité administrative sur l'un des aspects de la remise de l'obligation de restituer, à savoir la bonne foi de l'intimée. Aussi, le recourant pourrait-il être tenu de rendre, sur la base de cet élément, une décision qui, selon lui, est contraire au droit fédéral. En cela, il subit un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF.  
 
2.  
Le recourant n'a pas qualité pour former un recours en matière de droit public pour ce qui est des prestations complémentaires prévues par le droit cantonal (ATF 134 V 53). C'est donc à raison qu'il a limité ses conclusions aux prestations complémentaires fondées sur le droit fédéral. 
 
3.  
Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être limité par les arguments de la partie recourante ou par la motivation de l'autorité précédente. Le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, et ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Il fonde son raisonnement sur les faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). La partie recourante qui entend s'écarter des faits constatés doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne peut être pris en considération. Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF). 
 
4.  
 
4.1. Les premiers juges ont constaté que le 24 mars 2022, le SPC avait adressé à l'intimée une décision de prestations complémentaires, tout en invitant cette dernière à contrôler attentivement les montants indiqués sur le plan de calcul, afin de s'assurer qu'ils correspondaient bien à la situation réelle. Les juges cantonaux ont également retenu qu'entre le moment où l'intimée avait été informée par sa caisse de pension le 22 avril 2022 de l'indexation de sa rente à partir du 1 er avril 2022 et le moment où elle avait transmis cette information au SPC le 14 juillet 2022, il s'était écoulé un délai de deux mois et trois semaines. Il s'était par ailleurs écoulé un mois entre le moment où l'intimée avait été informée de la deuxième indexation de sa rente par courrier de la caisse de pension du 22 juillet 2022 et le moment où elle avait envoyé copie de ce courrier au SPC le 25 août 2022. En l'absence de règles portant sur la question de savoir à partir de quand un retard dans l'obligation d'informer est constitutif d'une négligence grave, les premiers juges ont estimé, par analogie avec les délais de recours, qu'une information transmise dans un délai d'un mois n'était pas tardive. Dans le cas d'espèce, il y avait donc lieu de constater que le retard concernant la première notification de l'indexation de la rente n'était que de un mois et trois semaines, et que la notification de la seconde indexation de la rente avait été faite dans le délai d'un mois. En outre, l'examen du dossier montrait que l'intimée s'était toujours montrée coopérante avec le SPC en fournissant régulièrement les pièces demandées. Compte tenu de ces éléments, la cour cantonale est arrivée à la conclusion que l'intimée n'avait pas commis une négligence grave en transmettant tardivement l'information de sa caisse de pension concernant l'indexation de sa rente. Tout au plus s'agissait-il d'une négligence légère et isolée chez une assurée qui avait par ailleurs été diligente.  
 
4.2. Le recourant estime pour sa part que la bonne foi de l'intimée aurait dû être niée. Dès lors que la condition de la bonne foi devait être réalisée au moment où la personne assurée percevait les prestations indues dont la restitution était exigée, le comportement habituellement diligent de l'intimée n'était pas pertinent pour en conclure que la violation de son devoir d'information ne procédait que d'une négligence légère. Par ailleurs, lorsque l'intimée avait été informée par courrier du 22 avril 2022 de l'indexation de sa rente dès le 1 er avril 2022, elle ne pouvait ignorer le fait qu'elle allait recevoir des prestations complémentaires trop élevées et savait ou devait savoir qu'elle devrait restituer le trop-perçu. Enfin, s'agissant du délai d'annonce d'un changement de situation, le recourant fait valoir qu'il incombe à une personne assurée d'informer immédiatement la caisse de compensation compétente d'un revenu supplémentaire de nature à influencer le droit aux prestations. En n'informant le recourant de l'indexation de sa rente que le 14 juillet 2022, soit plus de deux mois et demi après avoir reçu le courrier du 22 avril 2022, l'intimée avait par conséquent commis une négligence grave.  
 
5.  
Aux termes de l'art. 25 al. 1 LPGA (RS 830.1), les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile. 
 
5.1. Le litige porte en l'occurrence sur la question de la remise de l'obligation de restituer les prestations complémentaires indûment perçues - le principe n'étant lui-même plus contesté -, singulièrement sur le point de savoir si l'intimée peut invoquer sa bonne foi.  
 
5.2. Selon la jurisprudence, l'ignorance, par le bénéficiaire des prestations, du fait qu'il n'avait pas droit aux prestations ne suffit pas pour admettre sa bonne foi. Il faut bien plutôt que le requérant ne se soit rendu coupable, non seulement d'aucune intention malicieuse, mais aussi d'aucune négligence grave. Il s'ensuit que la bonne foi, en tant que condition de la remise, est exclue d'emblée lorsque les faits qui conduisent à l'obligation de restituer - comme par exemple une violation du devoir d'annoncer ou de renseigner - sont imputables à un comportement dolosif ou à une négligence grave. En revanche, le bénéficiaire peut invoquer sa bonne foi lorsque l'acte ou l'omission fautifs ne constituent qu'une violation légère de l'obligation d'annoncer ou de renseigner (ATF 138 V 218 consid. 4 avec les renvois).  
Il y a négligence grave quand un ayant droit ne se conforme pas à ce qui peut raisonnablement être exigé d'une personne capable de discernement dans une situation identique et dans les mêmes circonstances (ATF 110 V 176 consid. 3d; SYLVIE PÉTREMAND, Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, n° 63 ss ad art. 25). 
 
5.3. L'examen de l'attention exigible d'un ayant droit qui invoque sa bonne foi relève du droit et le Tribunal fédéral revoit librement ce point (ATF 122 V 221 consid. 3).  
 
6.  
L'intimée a eu connaissance de l'indexation de sa rente à partir du 1 er avril 2022 le 23 avril 2022 au plus tôt, comme l'ont retenu les premiers juges. A ce moment-là, elle aurait dû se rendre compte que le corollaire de cette augmentation de revenus était une réduction rétroactive des prestations complémentaires avec demande de restitution correspondante des prestations perçues en trop, ce d'autant plus que le 24 mars 2022, le SPC lui avait adressé une décision de prestations complémentaires en l'invitant à contrôler attentivement les montants indiqués sur le plan de calcul, afin de s'assurer qu'ils correspondaient bien à la situation réelle. Il lui incombait dès lors d'informer immédiatement le SPC de cette nouvelle situation (cf. art. 24 OPC-AVS/AI), ce qu'elle n'a fait que plus de deux mois et demi plus tard, soit le 14 juillet 2022. Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de juger qu'un délai de deux mois pour se conformer à son obligation de renseigner l'administration d'une augmentation de ses revenus relevait d'une négligence grave excluant la bonne foi (cf. arrêt 8C_766/2007 du 17 avril 2008 consid. 4.3). Par ailleurs, quand bien même le retard dans la communication de la seconde indexation de rente était moindre, l'intimée ne pouvait ignorer que cette modification de revenu avait pour corollaire une adaptation des prestations complémentaires et qu'elle devrait restituer le trop-perçu. Il s'ensuit qu'elle ne peut pas se prévaloir de sa bonne foi, en l'absence d'autres circonstances particulières, ce qui exclut la remise de l'obligation de restituer. Il s'ensuit que le recours est bien fondé.  
 
7.  
Au regard de l'issue du litige, les frais judiciaires sont mis à la charge de l'intimée (art. 66 al. 1 LTF) qui ne peut prétendre des dépens (art. 68 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis et l'arrêt de la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 6 septembre 2023 est annulé en tant qu'il porte sur des prestations complémentaires fondées sur le droit fédéral. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimée. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 19 avril 2024 
 
Au nom de la IVe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
La Greffière : Fretz Perrin