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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_170/2023  
 
 
Arrêt du 28 juin 2023  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Kiss, juge présidant, Hohl et May Canellas. 
Greffier: M. O. Carruzzo. 
 
Participants à la procédure 
Fédération Internationale de Football Association, FIFA-Strasse 20, 8044 Zurich, 
recourante, 
 
contre  
 
A.________, 
représenté par Mes Claude Ramoni et Monia Karmass, avocats, 
ainsi que par Me Elie Elkaim, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
arbitrage international en matière de sport, 
 
recours en matière civile contre la sentence rendue le 14 février 2023 par le Tribunal Arbitral du Sport (TAS 2021/A/7661). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. La Fédération Internationale de Football Association (FIFA), association de droit suisse ayant son siège à Zurich, est la structure faîtière du football au niveau international. Elle dispose d'un pouvoir disciplinaire sur les fédérations nationales de football, les joueurs ou les officiels qui méconnaîtraient ses règles, en particulier son Code d'éthique (ci-après: CEF).  
Depuis l'an 2000, A.________, domicilié dans l'État U.________, préside la Fédération B.________ - de Football (FB F), laquelle est affiliée à la FIFA. 
 
A.b. Dans un document diffusé le 25 avril 2020 sur sa chaîne YouTube, le journaliste C.________ a fait état d'allégations d'abus sexuels systématiques qui auraient été commis au sein de la FB F.  
Le 30 avril 2020, le journal britannique G.________ a publié un article indiquant que A.________ aurait contraint plusieurs joueuses de football du Centre technique national de U.________ à entretenir des rapports sexuels avec lui. 
Le 4 mai 2020, G.________ a fait paraître un nouvel article mentionnant que l'intéressé niait toutes les accusations portées à son endroit. Le même jour, A.________ s'est adressé au Président de la FIFA afin de lui faire part de ses observations sur l'" opération de démolition " menée à son encontre par le journal précité. 
Le 11 mai 2020, la Chambre d'instruction de la Commission d'éthique de la FIFA a ouvert une procédure disciplinaire à l'encontre de A.________ en raison de potentielles violations du CEF. Le lendemain, elle a fait savoir à ce dernier qu'un Comité ad hoc avait été constitué afin de procéder localement à toutes les mesures d'instruction nécessaires.  
Le 18 mai 2020, A.________ a déposé une plainte pénale en France pour diffamation publique à l'encontre de C.________. 
Le 25 mai 2020, à la suite de la publication du rapport établi le 21 mai 2020 par le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) - qui avait été chargé de mener une enquête indépendante sur les structures de la FB F et sur les allégations d'abus sexuels commis au Centre technique national de U.________ - et des recommandations émises par l'organisation Human Rights Watch (HRW) dans un document rendu public le 22 mai 2020, la Présidente de la Chambre d'instruction de la Commission d'éthique de la FIFA a suspendu provisoirement A.________ de toute activité liée au football pour une durée de 90 jours. Cette mesure a été prolongée le 19 août 2020 pendant 90 jours supplémentaires. 
Le 5 août 2020, E.________ Ltd, société chargée de mener une enquête numérique sur requête de la Chambre d'instruction de la Commission d'éthique de la FIFA, a rendu son rapport final, dans lequel elle a notamment souligné que plusieurs allégations d'abus sexuels avaient été formulées via les réseaux sociaux bien avant avril 2020. 
Le 7 août 2020, G.________ a publié un nouvel article révélant, en particulier, que le dénommé F.________, lequel avait travaillé au Centre technique national de U.________ avant 2014, avait indiqué avoir été témoin d'abus sexuels commis par A.________ sur de jeunes joueuses de football. 
Le 10 août 2020, une thérapeute a fait savoir à la Chambre d'instruction de la Commission d'éthique de la FIFA que sa clinique fournissait, depuis mai 2020, des services de traumatologie aux témoins et victimes de prétendus abus sexuels commis au sein du Centre technique national de U.________. 
Le 13 août 2020, la Fédération Internationale des Associations de Footballeurs Professionnels (FIFPRO) a transmis à la Chambre d'instruction de la Commission d'éthique de la FIFA un document dans lequel elle indiquait avoir obtenu les noms de 34 victimes supposées d'abus sexuels commis par 10 auteurs et complices, parmi lesquels figurait A.________. 
Entre le 18 mai et le 21 août 2020, le Comité ad hoc a publié six rapports intermédiaires relatant les résultats de ses investigations.  
Sur la base des informations contenues dans le sixième rapport intermédiaire, la Chambre d'instruction de la Commission d'éthique de la FIFA a ouvert, le 21 août 2020, une enquête préliminaire à l'encontre d'autres officiels de la FB F. 
Le 14 octobre 2020, la Commission d'éthique de la FIFA a publié son rapport final. Elle a abouti à la conclusion que A.________ avait enfreint plusieurs dispositions du CEF, en se livrant à des actes d'abus et de harcèlement sexuels sur des joueuses de football mineures, en menaçant des victimes et des témoins potentiels et en abusant de sa position au sein de la FB F. 
Le 16 novembre 2020, un tribunal de l'État U.________ a mis un terme, faute d'éléments suffisants, à la procédure pénale qui avait été ouverte à l'encontre de A.________. 
Une fois l'instruction close, la Chambre de jugement de la Commission d'éthique de la FIFA a rendu sa décision le 18 novembre 2020. Retenant que A.________ avait violé les art. 23 (protection de l'intégrité physique et mentale) et 25 (abus de pouvoir) du CEF pour des actes de harcèlement et d'abus sexuels commis sur des joueuses de football, y compris des mineures, ainsi que des abus de pouvoir liés à sa fonction, elle lui a interdit à vie d'exercer toute activité en lien avec le football à un niveau national et international et lui a infligé, de surcroît, une amende de 1'000'000 fr. 
 
B.  
Le 27 janvier 2021, A.________ a interjeté appel auprès du Tribunal Arbitral du Sport (TAS) aux fins d'obtenir l'annulation de la décision précitée. 
La procédure d'arbitrage a été conduite en français par une Formation de trois arbitres. 
La Formation a tenu audience à Lausanne du 23 au 25 mars 2022. Elle a notamment procédé à l'audition de plus d'une vingtaine de témoins, certains étant entendus selon des modalités particulières afin d'assurer leur protection. 
Par sentence finale du 14 février 2023, la Formation a admis l'appel interjeté par A.________ et annulé la décision attaquée. 
La Formation a considéré, en substance, qu'il incombait à la FIFA de démontrer l'existence d'éventuelles violations du CEF, le degré de la preuve requis étant celui de la " satisfaction adéquate ". Procédant à l'examen des divers moyens de preuve à sa disposition, elle a estimé que les indications figurant dans les documents établis par les organisations FIFPRO et HRW ne constituaient pas des éléments suffisants permettant d'établir les faits litigieux, celles-ci n'étant pas corroborées par d'autres moyens de preuve régulièrement administrés. La Formation a aussi observé un manque de cohérence et des imprécisions dans les déclarations faites par les victimes supposées d'abus sexuels et les témoins cités par la FIFA au cours de l'audience. Ces témoignages provenaient du reste en grande partie de sources indirectes qui paraissaient peu crédibles. La Formation a relevé, par ailleurs, que les autorités pénales de l'État U.________ avaient abandonné les poursuites visant A.________, motif pris que les faits qui lui étaient reprochés n'étaient pas suffisamment établis. Au terme de son appréciation des preuves disponibles, elle a conclu qu'il n'était pas démontré que l'appelant aurait enfreint les art. 23 et 25 du CEF (sentence, n. 203-234). 
 
C.  
Le 17 mars 2023, la FIFA (ci-après: la recourante) a formé un recours en matière civile, assorti d'une requête d'effet suspensif, aux fins d'obtenir l'annulation de la sentence précitée. 
A.________ (ci-après: l'intimé) a conclu au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. 
Au terme de sa réponse, le TAS a proposé le rejet du recours. 
La recourante a répliqué suscitant le dépôt d'une duplique de la part de l'intimé. 
La demande d'effet suspensif a été rejetée par ordonnance du 22 mai 2023. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
D'après l'art. 54 al. 1 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée. En l'occurrence, celle-ci a été rendue en français. Le Tribunal fédéral rendra, par conséquent, son arrêt en français, même si, dans les mémoires que la recourante a adressés au Tribunal fédéral, celle-ci s'est servie de l'allemand. 
 
2.  
Le recours en matière civile est recevable contre les sentences touchant l'arbitrage international aux conditions fixées par les art. 190 à 192 de la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP; RS 291), conformément à l'art. 77 al. 1 let. a LTF
Le siège du TAS se trouve à Lausanne. L'une des parties n'avait pas son domicile en Suisse au moment déterminant. Les dispositions du chapitre 12 de la LDIP sont donc applicables (art. 176 al. 1 LDIP). 
 
3.  
Qu'il s'agisse de l'objet du recours, de la qualité pour recourir, du délai de recours ou encore des conclusions prises par la recourante, aucune de ces conditions de recevabilité ne fait problème en l'espèce. Rien ne s'oppose donc à l'entrée en matière. Demeure réservé l'examen de la recevabilité, sous l'angle de leur motivation, des différents griefs soulevés par l'intéressée. 
 
4.  
 
4.1. Un mémoire de recours visant une sentence arbitrale doit satisfaire à l'exigence de motivation telle qu'elle découle de l'art. 77 al. 3 LTF en liaison avec l'art. 42 al. 2 LTF et la jurisprudence relative à cette dernière disposition (ATF 140 III 86 consid. 2 et les références citées). Cela suppose que le recourant discute les motifs de la sentence entreprise et indique précisément en quoi il estime que l'auteur de celle-ci a méconnu le droit. Il ne pourra le faire que dans les limites des moyens admissibles contre ladite sentence, à savoir au regard des seuls griefs énumérés à l'art. 190 al. 2 LDIP lorsque l'arbitrage revêt un caractère international. Au demeurant, comme cette motivation doit être contenue dans l'acte de recours, le recourant ne saurait user du procédé consistant à prier le Tribunal fédéral de bien vouloir se référer aux allégués, preuves et offres de preuve contenus dans les écritures versées au dossier de l'arbitrage. De même se servirait-il en vain de la réplique pour invoquer des moyens, de fait ou de droit, qu'il n'avait pas présentés en temps utile, c'est-à-dire avant l'expiration du délai de recours non prolongeable (art. 100 al. 1 LTF en liaison avec l'art. 47 al. 1 LTF) ou pour compléter, hors délai, une motivation insuffisante (arrêt 4A_478/2017 du 2 mai 2018 consid. 2.2 et les références citées).  
 
4.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits constatés dans la sentence attaquée (cf. art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter d'office les constatations des arbitres, même si les faits ont été établis de manière manifestement inexacte ou en violation du droit (cf. l'art. 77 al. 2 LTF qui exclut l'application de l'art. 105 al. 2 LTF). Les constatations du tribunal arbitral quant au déroulement de la procédure lient aussi le Tribunal fédéral, qu'elles aient trait aux conclusions des parties, aux faits allégués ou aux explications juridiques données par ces dernières, aux déclarations faites en cours de procès, aux réquisitions de preuves, voire au contenu d'un témoignage ou d'une expertise ou encore aux informations recueillies lors d'une inspection oculaire (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées; arrêts 4A_54/2019 du 11 avril 2019 consid. 2.4; 4A_322/2015 du 27 juin 2016 consid. 3 et les références citées).  
La mission du Tribunal fédéral, lorsqu'il est saisi d'un recours en matière civile visant une sentence arbitrale internationale, ne consiste pas à statuer avec une pleine cognition, à l'instar d'une juridiction d'appel, mais uniquement à examiner si les griefs recevables formulés à l'encontre de ladite sentence sont fondés ou non. Permettre aux parties d'alléguer d'autres faits que ceux qui ont été constatés par le tribunal arbitral, en dehors des cas exceptionnels réservés par la jurisprudence, ne serait plus compatible avec une telle mission, ces faits fussent-ils établis par les éléments de preuve figurant au dossier de l'arbitrage (arrêt 4A_140/2022 du 22 août 2022 consid. 4.2). Cependant, le Tribunal fédéral conserve la faculté de revoir l'état de fait à la base de la sentence attaquée si l'un des griefs mentionnés à l'art. 190 al. 2 LDIP est soulevé à l'encontre dudit état de fait ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux sont exceptionnellement pris en considération dans le cadre de la procédure du recours en matière civile (ATF 138 III 29 consid. 2.2.1 et les références citées). 
 
4.3. Méconnaissant ces principes, la recourante présente sa propre version des circonstances factuelles et procédurales de la cause en litige, sans se limiter aux constatations faites souverainement par la Formation, en cherchant à compléter l'état de fait figurant dans la sentence attaquée au moyen de diverses pièces extraites du dossier de la procédure d'arbitrage et annexées à son mémoire. Elle n'invoque, du reste, aucune des exceptions sus-indiquées qui lui permettraient de s'en prendre aux constatations de la Formation. La Cour de céans n'en tiendra dès lors pas compte.  
 
5.  
Dans un premier moyen, divisé en deux branches, la recourante dénonce une violation de son droit d'être entendue (art. 190 al. 2 let. d LDIP). 
 
5.1.  
 
5.1.1. Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par les art. 182 al. 3 et 190 al. 2 let. d LDIP, permet à chaque partie de s'exprimer sur les faits essentiels pour la décision, de présenter son argumentation juridique, de proposer ses moyens de preuve sur des faits pertinents et de prendre part aux séances du tribunal arbitral. S'agissant du droit de faire administrer des preuves, il faut qu'il ait été exercé en temps utile et selon les règles de forme applicables (ATF 142 III 360 consid. 4.1.1). Le tribunal arbitral peut refuser d'administrer une preuve, sans violer le droit d'être entendu, si le moyen de preuve est inapte à fonder une conviction, si le fait à prouver est déjà établi, s'il est sans pertinence ou encore si le tribunal, en procédant à une appréciation anticipée des preuves, parvient à la conclusion que sa conviction est déjà faite et que le résultat de la mesure probatoire sollicitée ne peut plus la modifier (ATF 142 III 360 consid. 4.1.1).  
La jurisprudence a également déduit du droit d'être entendu un devoir minimum pour le tribunal arbitral d'examiner et de traiter les problèmes pertinents. Ce devoir est violé lorsque, par inadvertance ou malentendu, le tribunal arbitral ne prend pas en considération des allégués, arguments, preuves et offres de preuve présentés par l'une des parties et importants pour la sentence à rendre (ATF 142 III 360 consid. 4.1.1 et les références citées). Il incombe à la partie soi-disant lésée de démontrer, dans son recours dirigé contre la sentence, en quoi une inadvertance des arbitres l'a empêchée de se faire entendre sur un point important. C'est à elle d'établir, d'une part, que le tribunal arbitral n'a pas examiné certains des éléments de fait, de preuve ou de droit qu'elle avait régulièrement avancés à l'appui de ses conclusions et, d'autre part, que ces éléments étaient de nature à influer sur le sort du litige (ATF 142 III 360 consid. 4.1.1 et 4.1.3). Si la sentence passe totalement sous silence des éléments apparemment importants pour la solution du litige, c'est aux arbitres ou à la partie intimée qu'il appartiendra de justifier cette omission dans leurs observations sur le recours. Ceux-ci pourront le faire en démontrant que, contrairement aux affirmations du recourant, les éléments omis n'étaient pas pertinents pour résoudre le cas concret ou, s'ils l'étaient, qu'ils ont été réfutés implicitement par le tribunal arbitral (ATF 133 III 235 consid. 5.2). 
Au demeurant, le grief tiré de la violation du droit d'être entendu ne doit pas servir, pour la partie qui se plaint de vices affectant la motivation de la sentence, à provoquer par ce biais un examen de l'application du droit de fond (ATF 142 III 360 consid. 4.1.2 et les références citées). 
 
5.1.2. Selon la jurisprudence, la partie qui s'estime victime d'une violation de son droit d'être entendue ou d'un autre vice de procédure doit l'invoquer d'emblée dans la procédure arbitrale, sous peine de forclusion. En effet, il est contraire à la bonne foi de n'invoquer un vice de procédure que dans le cadre du recours dirigé contre la sentence arbitrale, alors que le vice aurait pu être signalé en cours de procédure (arrêts 4A_332/2021 du 6 mai 2022; 4A_668/2016 du 24 juillet 2017 consid. 3.1). Depuis le 1er janvier 2021 (RO 2020 4181), l'art. 182 al. 4 LDIP prévoit du reste expressément qu'une partie qui poursuit la procédure d'arbitrage sans faire valoir immédiatement une violation des règles de procédure qu'elle a constatée ou qu'elle aurait pu constater en faisant preuve de la diligence requise ne peut plus se prévaloir de cette violation ultérieurement.  
 
5.2.  
 
5.2.1. Dans la première branche du moyen considéré, la recourante reproche au TAS d'avoir refusé d'entendre l'un de ses témoins capitaux, à savoir "la victime C". Pour étayer son grief, elle rappelle que la Formation avait elle-même jugé nécessaire de garantir l'anonymat de potentielles victimes d'abus sexuels ainsi que des témoins éventuels de tels faits. Elle relève que, dans son courrier du 28 février 2022, le TAS a indiqué que la plateforme utilisée pour ses audiences par vidéoconférence ne disposait pas d'une option permettant la déformation de la voix et ne permettait dès lors pas de préserver l'anonymat des témoins protégés. C'est pourquoi, la Formation a fait savoir aux parties que, sauf objection de leur part d'ici au 7 mars 2022, ces personnes seraient auditionnées à distance, mais en Suisse, au moyen d'un téléphone muni d'un appareil permettant la distorsion de la voix, dans un lieu tenu secret en présence d'un collaborateur du TAS. La recourante souligne qu'elle s'est plainte, le 7 mars 2022, de ce que le système de vidéoconférence utilisé par le TAS ne permettait pas de garantir la protection des personnes appelées à témoigner, tout en mettant en avant le fait que certains témoins protégés ne pouvaient pas se rendre en Suisse en raison de circonstances indépendantes de leur volonté. L'intéressée expose que la forme arrêtée par la Formation pour l'audition des témoins protégés a eu pour effet de l'empêcher de faire entendre plusieurs personnes, et notamment la "victime C". Elle rappelle aussi qu'elle s'est plainte, une nouvelle fois, au début de l'audience tenue par la Formation, des conséquences de ce mode d'audition pour les victimes potentielles incapables de rejoindre le territoire helvétique. L'intéressée fait ainsi grief à la Formation de n'avoir pas donné suite à une offre de preuve régulièrement présentée, qui était manifestement pertinente pour le sort de la procédure arbitrale, puisque les déclarations de la "victime C" auraient permis de corroborer les indications figurant dans le rapport de la FIFPRO. Elle prétend, enfin, que la Formation aurait totalement fait fi de la proposition qu'elle avait faite tendant à ce que les témoins protégés qui ne pouvaient pas se rendre en Suisse puissent témoigner par écrit.  
 
5.2.2. En l'occurrence, il appert que la recourante a certes fait valoir, dans son courrier du 7 mars 2022, qu'il était "plutôt regrettable" que le système de vidéoconférence utilisé par le TAS ne puisse pas garantir la protection des personnes appelées à témoigner. Elle n'a toutefois pas formulé d'objection concrète aux modalités d'audition proposées par la Formation. Par pli du 8 mars 2022, le TAS, réagissant au courrier précité, a rappelé aux parties qu'elles étaient tenues de s'assurer elles-mêmes de la disponibilité de leurs témoins et qu'il n'était pas responsable de l'impossibilité pour certains d'entre eux de se rendre en Suisse. Ne pouvant pas garantir l'anonymat des témoins protégés via la plateforme utilisée pour les vidéoconférences, il a exposé avoir pris ses dispositions afin que les témoins protégés puissent néanmoins être entendus de manière confidentielle. Or, la recourante n'a pas formulé d'objection relative au contenu dudit courrier mais s'est uniquement référée ultérieurement à son courrier du 7 mars 2022. Au début de l'audience tenue par la Formation, l'intéressée a souligné qu'il était "malheureux" que le TAS ne soit pas capable d'assurer la protection vocale des témoins entendus par vidéoconférence et estimé qu'il "devrait être possible aussi d'assurer la potentielle distorsion de voix de ce genre de témoins dans ce genre d'affaires". A cette occasion, elle n'a toutefois jamais soutenu que les modalités d'audition des témoins protégés arrêtées par la Formation étaient viciées ou que celles-ci portaient atteinte à son droit d'être entendue. Qui plus est, à l'issue de l'audience, la Formation a interpellé les parties afin de s'assurer que leur droit d'être entendues avait été pleinement respecté. Or, il ressort de la sentence attaquée que celles-ci avaient indiqué que leur droit d'être entendues avait été "totalement respecté" (n. 109). Comme l'expose en outre l'intimé dans sa réponse, sans être contredit sur ce point par la recourante, celle-ci a indiqué n'avoir aucune objection à formuler quant à la manière dont s'était déroulée la procédure et a tenu à remercier la Formation d'avoir protégé les personnes qui avaient témoigné au cours de l'audience. Dans ces conditions, la recourante est forclose à venir soutenir le contraire aujourd'hui, après avoir pris connaissance du contenu, défavorable pour elle, de la sentence querellée (arrêts 4A_378/2015 du 22 septembre 2015 consid. 3.3; 4A_348/2009 du 6 janvier 2010 consid. 4).  
Cette question de forclusion mise à part, le moyen pris de la violation de l'art. 190 al. 2 let. d LDIP n'apparaît de toute manière pas fondé. Contrairement à ce que soutient la recourante, la Formation n'a en effet jamais "refusé" d'entendre la "victime C". Elle a simplement opté pour un mode d'audition visant à concilier, d'une part, les intérêts liés à la sécurité des personnes interrogées et, d'autre part, les exigences liées au droit à un procès équitable. Dans sa lettre du 28 février 2022, le TAS a en effet exposé en détail les modalités prévues pour l'audition des témoins protégés afin de garantir leur anonymat, tout en indiquant pourquoi il n'était pas possible de les entendre via la plateforme utilisée pour les audiences par vidéoconférence. Le 8 mars 2022, il a également rappelé aux parties qu'il leur incombait d'amener leurs propres témoins à l'audience, ce qui ressort expressément de l'art. R44 al. 2 du Code de l'arbitrage en matière de sport. Or, l'intéressée n'a non seulement pas contesté ce point mais n'a surtout pas exposé, à ce moment-là, les raisons pour lesquelles la "victime C" aurait été dans l'impossibilité de se rendre en Suisse pour y témoigner, se contentant tout au plus de faire référence à son courrier du 7 mars 2022 dans lequel elle avait affirmé de manière lapidaire, sans nullement étayer ses allégations, que certaines personnes appelées à comparaître ne pouvaient pas se déplacer pour assister à l'audience "en raison de circonstances indépendantes de leur volonté ". Elle n'a pas davantage soutenu que les modalités d'audition arrêtées par la Formation étaient contraires au droit ni fait valoir qu'il convenait de trouver une solution spécifique pour entendre la "victime C". L'intéressée s'est, en réalité, contentée de faire part de ses regrets quant à l'impossibilité de pouvoir entendre certains témoins par vidéoconférence depuis l'étranger mais n'a pas formellement soulevé d'objection s'agissant des modalités procédurales d'audition fixées par la Formation. C'est également en vain que la recourante reproche à cette dernière d'avoir ignoré sa requête formulée le 7 mars 2022 tendant à ce que les témoins protégés ne pouvant pas se rendre en Suisse puissent témoigner par écrit, puisque la sentence attaquée y fait référence (n. 79), ce qui démontre que les arbitres ont exclu, à tout le moins de manière implicite, pareille possibilité, sans que l'intéressée ne s'en plaigne du reste lors de la procédure arbitrale. Il s'ensuit que la Formation n'a jamais refusé d'entendre la "victime C" mais a simplement dû fixer des règles procédurales afin de protéger les personnes interrogées tout en garantissant dans le même temps un déroulement équitable des auditions, permettant au TAS de vérifier l'identité des témoins et de s'assurer qu'ils puissent témoigner librement sans subir d'éventuelles pressions de la part de tiers. 
Il suit de là que le moyen pris de la violation du droit d'être entendu de la recourante, s'il n'avait pas été atteint par la forclusion, n'aurait pu qu'être rejeté comme étant infondé. 
 
5.3.  
 
5.3.1. Dans la seconde branche du moyen considéré, la recourante reproche au TAS d'avoir enfreint son droit d'être entendue en ne donnant pas suite à une offre de preuve qu'elle avait régulièrement présentée. A cet égard, elle rappelle qu'elle avait proposé à la Formation de lui transmettre les déclarations non caviardées faites par divers témoins. Or, si elle avait donné suite à cette proposition et consulté lesdits documents, la Formation, qui a précisé avoir décelé des incohérences dans les témoignages recueillis, aurait pu se rendre compte que les déclarations faites par les témoins étaient en réalité cohérentes.  
 
5.3.2. Semblable argumentation n'emporte nullement la conviction de la Cour de céans.  
Force est d'emblée de souligner que le moyen considéré est lui aussi frappé de forclusion pour les mêmes motifs que ceux déjà énoncés. 
Au demeurant, le grief invoqué apparaît de toute manière infondé. Il appert, en effet, que la Formation, en date du 25 mai 2021, a demandé à la recourante de lui remettre, pour sa seule information, une copie du dossier de sa Commission d'éthique "dans son intégralité et sans anonymisation" (sentence, n. 58). Or, il ressort de la sentence attaquée que l'intéressée a transmis au TAS un exemplaire dudit dossier "dans son intégralité" le 31 mai 2021 (n. 59). Dans ces conditions, la recourante ne saurait reprocher à la Formation de n'avoir pas requis la production de documents non caviardés. Au demeurant, si elle estimait réellement que la Formation n'avait pas tous les documents nécessaires en sa possession pour statuer en pleine connaissance des circonstances pertinentes de la cause en litige, la recourante aurait dû réagir au cours de la procédure d'arbitrage et interpeller les arbitres à cet égard, ce qu'elle s'est bien gardée de faire. Quoi qu'il en soit, la Formation a visiblement considéré qu'elle possédait toutes les informations utiles pour rendre sa sentence et, partant, qu'elle n'avait pas besoin d'éventuels autres documents non caviardés qui n'auraient pas été produits par la recourante. 
En tout état de cause, l'intéressée ne parvient pas à démontrer que les incohérences des témoignages identifiées par la Formation proviendraient du fait que certaines informations topiques auraient été caviardées de sorte que l'on ne discerne pas en quoi la violation dénoncée aurait pu influer sur l'issue du litige. 
 
6.  
Dans un second groupe de moyens, la recourante dénonce diverses violations de l'ordre public (art. 190 al. 2 let. e LDIP). 
 
6.1. Une sentence est incompatible avec l'ordre public si elle méconnaît les valeurs essentielles et largement reconnues qui, selon les conceptions prévalant en Suisse, devraient constituer le fondement de tout ordre juridique (ATF 144 III 120 consid. 5.1; 132 III 389 consid. 2.2.3). On distingue un ordre public procédural et un ordre public matériel.  
 
6.1.1. Une sentence est contraire à l'ordre public matériel lorsqu'elle viole des principes fondamentaux du droit de fond au point de ne plus être conciliable avec l'ordre juridique et le système de valeurs déterminants (ATF 144 III 120 consid. 5.1; 132 III 389 consid. 2.2.1). Qu'un motif retenu par un tribunal arbitral heurte l'ordre public n'est pas suffisant; c'est le résultat auquel la sentence aboutit qui doit être incompatible avec l'ordre public (ATF 144 III 120 consid. 5.1). L'incompatibilité de la sentence avec l'ordre public, visée à l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, est une notion plus restrictive que celle d'arbitraire (ATF 144 III 120 consid. 5.1; arrêt 4A_318/2018 du 4 mars 2019 consid. 4.3.1). Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable (ATF 137 I 1 consid. 2.4; 136 I 316 consid. 2.2.2 et les références citées). Pour qu'il y ait incompatibilité avec l'ordre public, il ne suffit pas que les preuves aient été mal appréciées, qu'une constatation de fait soit manifestement fausse ou encore qu'une règle de droit ait été clairement violée (arrêts 4A_116/2016 du 13 décembre 2016 consid. 4.1; 4A_304/2013 du 3 mars 2014 consid. 5.1.1; 4A_458/2009 du 10 juin 2010 consid. 4.1). L'annulation d'une sentence arbitrale internationale pour ce motif de recours est chose rarissime (ATF 132 III 389 consid. 2.1).  
 
6.1.2. Il y a violation de l'ordre public procédural lorsque des principes fondamentaux et généralement reconnus ont été violés, conduisant à une contradiction insupportable avec le sentiment de la justice, de telle sorte que la décision apparaît incompatible avec les valeurs reconnues dans un État de droit (ATF 141 III 229 consid. 3.2.1; 140 III 278 consid. 3.1; 136 III 345 consid. 2.1). Selon une jurisprudence constante, l'ordre public procédural, au sens de l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, n'est qu'une garantie subsidiaire ne pouvant être invoquée que si aucun des moyens prévus à l'art. 190 al. 2 let. a-d LDIP n'entre en ligne de compte (ATF 138 III 270 consid. 2.3).  
 
6.2.  
 
6.2.1. En premier lieu, la recourante prétend, en substance, que l'impossibilité d'entendre des témoins protégés, et singulièrement la "victime C", par vidéoconférence moyennant un système de distorsion de la voix viole l'ordre public procédural visé par l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, étant donné que les personnes concernées étaient tenues de se rendre en Suisse pour témoigner indépendamment du point de savoir si elles étaient en mesure de le faire.  
En argumentant de la sorte, l'intéressée se contente, en réalité, d'émettre, sous un autre angle, des critiques similaires formulées antérieurement à l'appui du moyen pris de la violation de son droit d'être entendue. Il n'y a dès lors pas lieu de s'arrêter ici sur les reproches formulés par la recourante au titre de la contrariété à l'ordre public procédural qui se recoupent avec ceux ayant déjà été écartés précédemment. En tout état de cause, on relèvera que l'impossibilité matérielle pour le TAS d'entendre des témoins protégés via un système de vidéoconférence ne contrevient ni à des principes fondamentaux et généralement reconnus ni ne conduit à une contradiction insupportable avec le sentiment de la justice, étant précisé que la possibilité même d'entendre des témoins par vidéoconférence n'existe légalement pas dans plusieurs États, et singulièrement en Suisse, raison pour laquelle le législateur fédéral a décidé récemment d'adopter une disposition en ce sens dont l'entrée en vigueur n'a toutefois pas encore été fixée (cf. l'art. 170a de la modification du 17 mars 2023 du Code de procédure civile, FF 2023 786 [délai référendaire échéant le 6 juillet 2023]). 
 
6.2.2. En second lieu, l'intéressée soutient que l'"acquittement" de l'intimé serait choquant et contraire à l'ordre public matériel. A cet égard, elle fait valoir que la sanction infligée à un autre officiel de la FBF a été confirmée par le TAS et qu'il ne saurait en être autrement pour l'intimé. En outre, elle estime que le traitement procédural réservé à la "victime C" serait contraire à sa dignité humaine.  
Par sa critique purement appellatoire, la recourante ne fait rien d'autre que d'opposer son appréciation personnelle des preuves disponibles à celle ayant conduit les arbitres à retenir que l'existence des faits reprochés à l'intimé n'était pas établie. Ce faisant, elle ne démontre nullement que le résultat auquel a abouti la Formation serait incompatible avec l'ordre public matériel. Au demeurant, le seul fait que le TAS a estimé qu'un autre officiel de la FB F avait effectivement commis les actes qui lui étaient reprochés ne signifie pas nécessairement que les graves accusations portées à l'encontre de l'intimé seraient avérées. En l'occurrence, la Formation a procédé à un examen détaillé des preuves à sa disposition et a exposé les raisons pour lesquelles elle estimait que les éléments recueillis étaient incohérents, imprécis et contradictoires. Dans ces circonstances, le refus de sanctionner un individu faute d'éléments suffisants établissant sa responsabilité ne saurait être taxé d'incompatible avec l'ordre public matériel. 
Enfin, la Cour de céans ne discerne pas, sur la base des faits constatés dans la sentence entreprise, en quoi le traitement procédural réservé à la "victime C" aurait porté atteinte à sa dignité humaine. 
 
7.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. La recourante, qui succombe, supportera les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF) et versera à l'intimé une indemnité à titre de dépens (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 15'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 17'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal Arbitral du Sport (TAS). 
 
 
Lausanne, le 28 juin 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Juge présidant : Kiss 
 
Le Greffier : O. Carruzzo