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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_4/2023  
 
 
Arrêt du 19 mars 2024  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Jametti, Présidente, Hohl et May Canellas. 
Greffier : M. Botteron. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Julien Rouvinez et 
Me Vincent Zen-Ruffinen, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________ SA, 
représentée par Me Yannis Sakkas, 
intimée. 
 
Objet 
contrôle spécial (art. 697b al. 2 aCO), 
 
recours contre le jugement rendu le 21 novembre 2022 par la Cour civile II du Tribunal cantonal du canton du Valais (C1 22 62). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. B.________ SA (ci-après: la société ou la défenderesse ou l'intimée), dont le siège est à Martigny, est active notamment dans l'exploitation d'établissements publics de diverses natures, en particulier des hôtels. C.________, architecte et promoteur immobilier en est le président et son père D.________ en est administrateur, les deux avec signature collective à deux. Depuis le 28 avril 2022, ils ont été rejoints par E.________ et F.________ en qualité d'administrateurs avec signature collective à deux avec le président. La gestion de la société (factures, finances, appels de fonds aux actionnaires, établissement des comptes) est assurée par G.________ SA, dont H.________ est administrateur.  
A.________ SA (ci-après: la société actionnaire ou la requérante ou la recourante), dont le siège est à Sion, qui a notamment pour but la prise de participations et leur financement, détient 500 actions (50 %) de la société défenderesse, les 500 autres actions étant partagées par moitié entre la société I.________ SA, dont C.________ est administrateur unique avec signature individuelle, et la société J.________ Sàrl, dont D.________ est associé et gérant avec signature individuelle. H.________ est l'administrateur unique, avec signature individuelle, de la société actionnaire et K.________, homme d'affaires de nationalité britannique et domicilié en Valais, en est l'unique ayant droit économique. Cette société détient des participations dans de nombreuses autres sociétés. 
 
A.b. Depuis de nombreuses années, C.________ est associé à K.________, dont il était l'ami, pour la réalisation de promotions immobilières.  
En sa qualité d'architecte et de promoteur immobilier, C.________ dispose d'un bureau d'architecte, M.________ SA (qui a succédé à Q.________). 
Dans le cadre de son activité de promoteur, C.________ recherche des parcelles intéressantes, procède à l'analyse de la faisabilité d'un projet, le valorise, puis établit les plans financiers, réalisant ainsi l'intégralité des démarches permettant la réalisation de promotions immobilières. 
K.________ s'engage à fournir, contre remise d'une partie du capital-actions des sociétés à créer en vue de ces promotions, le financement du projet au moins jusqu'à l'obtention du crédit bancaire ou l'autorisation de construire. 
La cour cantonale a retenu que les prénommés étaient convenus de collaborer dans des promotions immobilières en apportant chacun ses compétences et sa structure de sociétés. L'amitié qui existait entre eux expliquait cette collaboration. 
 
A.c. La société défenderesse, dont C.________ est président, détient la totalité des actions de la société Hôtel L.________ SA, dont C.________ est aussi président. Elle a décidé de transformer l'hôtel du même nom et a confié le mandat d'architecte à M.________ SA (ci-après: la société d'architecture mandatée) dont le même C.________ est président et N.________ administrateur. Ainsi, par contrat des 1er et 2 octobre 2019, la société défenderesse, représentée par C.________ et D.________, et la société d'architecture mandatée, représentée par N.________, ont conclu un contrat de prestations d'architecte. Celui-ci consiste en la démolition de l'hôtel et en la conception et la réalisation d'un complexe immobilier avec résidences secondaires et hôtelières, restaurants, spa, surfaces commerciales, garage et locaux annexes. La rémunération convenue est fixée en proportion des coûts de l'ouvrage, estimés provisoirement à 54'037'286 fr., hors TVA, de sorte que l'honoraire provisoire du bureau d'architecture est de 8'348'000 fr., TVA incluse.  
A la suite de l'émergence d'un conflit à fin 2019, la société actionnaire requérante voit un risque concret de préjudice, pour la société défenderesse et ses actionnaires, du fait que C.________ est président de la société mandante et également président de la société mandataire chargée des travaux d'architecture. 
La société défenderesse soutient que la société d'architecture mandatée s'est vu confier le mandat en toute transparence, d'entente avec la société actionnaire requérante. 
La cour cantonale a retenu qu'il ressort d'un échange d'e-mails et en particulier de l'e-mail de H.________, administrateur de la société actionnaire, du 2 décembre 2019, auquel étaient annexées cinq factures d'avril à octobre 2019 de la société d'architecture mandatée d'un total de 2'200'294 fr., que K.________ a non seulement été complètement tenu informé de l'évolution du projet de transformation conduit par le bureau d'architecture, mais qu'il y a aussi pris une part très active, en sa qualité d'unique ayant droit économique de la société actionnaire requérante. H.________ lui a adressé l'appel de fonds réclamé aux sociétés propriétaires de la société défenderesse et, dans un e-mail du 29 janvier 2020, il a rappelé aux sociétés la clé de répartition des coûts convenue entre eux. 
 
A.d. Le 9 mai 2019, la société défenderesse a tenu son assemblée générale et les comptes de l'exercice 2018 ont été approuvés.  
Le 20 novembre 2019, la société actionnaire a requis la convocation d'une assemblée générale extraordinaire des actionnaires, demandant l'institution d'un contrôle spécial, puis, par courrier du 27 janvier 2020, a formulé 28 questions à l'intention du conseil d'administration concernant notamment les conditions de rémunération du bureau d'architecture mandaté. 
Le 15 juin 2020, la société actionnaire a requis la convocation de l'assemblée générale ordinaire annuelle des actionnaires, réitérant sa demande de renseignements et de production de pièces en lien avec le projet de transformation de l'hôtel susmentionné et formulant 20 nouvelles questions. L'assemblée générale, dont la société actionnaire a obtenu la convocation par décision judiciaire, a été reportée pour laisser aux deux sociétés le temps de tenter d'aplanir leurs dissensions. 
 
A.e. L'assemblée générale du 17 décembre 2021 a traité des exercices 2019 et 2020. Selon le procès-verbal, les comptes et les rapports de gestion ont été remis à tous les actionnaires de la société avant l'assemblée, mais aucun n'a formulé de question particulière à leur sujet.  
Au cours de cette assemblée, des réponses ont été apportées aux 28 questions posées par la société actionnaire requérante dans sa lettre du 27 janvier 2020. 
En particulier, s'agissant du projet immobilier de l'hôtel, le conseil d'administration a précisé que seule la société d'architecture mandatée avait été mandatée, à l'exclusion de toute autre société ayant des liens avec C.________, telles que O.________ SA et P.________ SA, et que la rémunération de ce bureau d'architecture avait été prévue conventionnellement et que le pourcentage des frais était tributaire de la complexité du projet. 
Quant aux mesures prises pour prévenir les éventuels conflits d'intérêts découlant de la position particulière de C.________ au sein de la société défenderesse et la société d'architecture mandatée, le conseil d'administration s'est contenté de rappeler l'accord convenu dès la constitution de la société, à savoir que chaque partenaire serait choisi dans son domaine d'activité pour réaliser les projets envisagés, une façon de faire qui était connue de la société actionnaire requérante puisqu'elle l'avait déjà pratiquée. 
La société actionnaire requérante s'est déclarée insatisfaite des réponses obtenues et a demandé l'institution d'un contrôle spécial, proposition qui a été rejetée par l'assemblée générale. Vu l'égalité entre les actionnaires (d'une part, la société actionnaire requérante et, d'autre part, I.________ SA et J.________ Sàrl), l'acceptation des différents points à l'ordre du jour a été obtenue grâce à la voie prépondérante du président C.________. 
Par requête de conciliation du 16 février 2022, l'actionnaire requérante a ouvert action en constatation de la nullité, subsidiairement en annulation des décisions de cette assemblée générale. 
 
B.  
Le 16 mars 2022, la société actionnaire a introduit contre la société défenderesse, devant la Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Valais, une requête en institution d'un contrôle spécial. Elle a conclu, d'une part, à la nomination d'un expert indépendant et à ce que celui-ci soit chargé d'exécuter un contrôle spécial concernant la gestion de la société, la mise en oeuvre du projet de transformation de l'hôtel, ainsi que les mesures prises par le conseil d'administration pour éviter les conflits d'intérêts et, d'autre part, à ce que l'expert entreprenne six démarches. 
Par jugement du 21 novembre 2022, rendu en instance cantonale unique, la Cour civile II du Tribunal cantonal a rejeté la requête en institution d'un contrôle spécial. 
 
C.  
Contre ce jugement, qui lui a été notifié le 22 novembre 2022, la société actionnaire a interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral le 9 janvier 2023. Elle conclut à l'admission de son recours et à l'annulation et à la réforme du jugement cantonal en ce sens que sa requête de contrôle spécial soit admise et que la cause soit renvoyée à la cour cantonale pour nomination de l'expert et fixation de sa mission conformément à sa requête du 16 mars 2022. Elle invoque la violation de l'art. 697b al. 2 aCO et, subsidiairement, elle soutient que le nouvel art. 697d al. 3 CO, entré en vigueur le 1er janvier 2023, soit après le prononcé du jugement cantonal, doit être appliqué directement dans la présente procédure devant le Tribunal fédéral. 
La société intimée conclut à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet du recours. Elle se plaint d'un établissement manifestement inexact des faits et d'une appréciation arbitraire des preuves, d'un défaut de motivation du recours, contestant toute violation de l'art. 697b al. 2 aCO, toute application rétroactive du nouvel art. 697d al. 3 CO et qualifiant d'abusif le comportement de la société actionnaire recourante. Celle-ci a encore déposé des observations, contestant la recevabilité des motifs propres soulevés par la société intimée. 
La cour cantonale se réfère aux considérants de son jugement. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Comme le droit de l'actionnaire de demander des renseignements au conseil d'administration ou à l'organe de révision fondé sur l'art. 697 CO, le droit de l'actionnaire de demander au juge l'institution d'un contrôle spécial au sens de l'art. 697b aCO applicable en l'espèce est un droit autonome de l'actionnaire. Lorsqu'il statue sur l'existence et l'étendue de ce droit, le juge rend une décision finale (art. 90 LTF) dans une contestation civile (art. 72 al. 1 LTF) de nature pécuniaire (art. 74 LTF), et non une décision de mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF, quand bien même le juge peut se contenter de la simple vraisemblance des faits pertinents de l'art. 697b al. 2 aCO et se limiter à un examen sommaire du droit (arrêt 4A_84/2023 du 9 octobre 2023 consid. 3.2.2; cf., sous l'empire de l'aOJ, l'ATF 120 II 393 consid. 2, selon lequel la contestation relevait du recours [ordinaire] en réforme). 
Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF), le délai étant suspendu pendant les féries de fin d'année (art. 46 al. 1 let. c LTF, l'art. 46 al. 2 LTF n'étant pas applicable) et le délai échéant un samedi étant reporté au lundi suivant (art. 45 al. 1 LTF), contre une décision rendue en instance cantonale unique (art. 75 al. 2 let. a LTF en relation avec l'art. 5 let. g CPC), dans une cause dont la valeur litigieuse s'élève au moins à 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours en matière civile est recevable au regard de ces dispositions. 
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal fédéral revoit en principe librement l'application du droit (art. 106 al. 1 LTF). Toutefois, dès lors que la cour cantonale ne procède qu'à un examen sommaire du droit à la désignation d'un contrôleur spécial au sens de l'art. 697b al. 2 aCO, le Tribunal fédéral ne revoit qu'avec retenue (mit Zurückhaltung) la décision qu'elle a prise. Il n'intervient que si l'examen sommaire de la violation de la loi ou des statuts susceptible de causer un dommage ne paraît pas défendable.  
Si la requête d'institution d'un contrôle spécial a été admise, il incombe à la société recourante de démontrer que l'appréciation sommaire de l'instance précédente n'est pas défendable; inversement, si la requête a été refusée, il appartient à l'actionnaire recourant de démontrer dans quelle mesure l'appréciation faite par la cour cantonale n'est pas défendable (arrêt 4A_84/2023 précité consid. 3.2.3). 
 
2.2. Quant aux faits, qui, dans la procédure en institution d'un contrôle spécial, ne doivent être prouvés qu'avec une simple vraisemblance (glaubhaft), ils relèvent de l'appréciation des preuves et ne peuvent être corrigés par le Tribunal fédéral que s'ils se révèlent arbitraires (art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF et art. 9 Cst.; arrêt 4A_84/2023 précité consid. 3.2.3).  
Concernant l'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2; 134 V 53 consid. 4.3; 133 II 249 consid. 1.4.3; 129 I 8 consid. 2.1). 
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1). Les critiques de nature appellatoires sont irrecevables (ATF 130 I 258 consid. 1.3). 
 
3.  
C'est à tort que, invoquant l'art. 102 al. 1 in fine LTF, la recourante croit que l'intimée au recours ne pourrait pas faire valoir de motifs propres à l'encontre du jugement attaqué et qu'elle pourrait uniquement se déterminer sur les motifs du recours. 
En effet, alors que le recours en réforme de l'aOJ connaissait le recours en réforme joint, le recours en matière civile de la LTF n'a pas repris cette institution du recours joint (ATF 134 III 332 consid. 2.5; cf. aussi ATF 145 V 57 consid. 10.2; 138 V 106 consid. 2.1). Cela a pour conséquence que l'intimé ne peut pas obtenir une réforme en sa faveur du jugement attaqué. Rien ne l'empêche toutefois de faire valoir ses moyens propres qui, si les moyens du recourant étaient admis, devraient néanmoins conduire au rejet de son recours. L'obligation de motiver le recours en matière civile de l'art. 42 al. 2 LTF (Begründungspflicht) n'incombe pas seulement au recourant. Les mêmes exigences de motivation pèsent sur l'intimé qui doit reprendre les motifs qu'il avait invoqués précédemment et qui ont été écartés, pour le cas où les motifs retenus par l'autorité précédente ne devraient pas être suivis par le Tribunal fédéral (ATF 140 III 86 consid. 2.1 et les arrêts cités). 
 
4.  
La société actionnaire recourante déclare ne s'en prendre qu'aux deux conditions de l'art. 697b al. 2 aCO. 
 
4.1. Lorsque l'assemblée générale de la société anonyme ne donne pas suite à la proposition d'un actionnaire d'instituer un contrôle spécial, l'actionnaire peut demander au juge de l'instituer, entre autres conditions, afin d'élucider des faits déterminés si cela est nécessaire à l'exercice de ses droits, en rendant vraisemblable que des organes ont violé la loi ou les statuts et qu'ils ont ainsi causé un préjudice à la société ou aux actionnaires (art. 697a al. 1 et 697b al. 1-2 aCO).  
Toute action ou requête en justice est subordonnée à l'existence d'un intérêt juridique à l'invocation du droit correspondant ou, tout au moins, en cas d'action en constatation de droit, d'un intérêt digne de protection, qu'il appartient au demandeur de prouver, sous peine d'irrecevabilité (art. 59 al. 2 let. a CPC). L'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi (art. 2 al. 2 CC). 
 
4.2. La cour cantonale a tout d'abord constaté que la société actionnaire requérante reconnaît elle-même qu'elle a obtenu certaines réponses, à savoir l'implication de la société d'architecture mandatée, à l'exclusion de O.________ SA et de P.________ SA, ainsi que les conditions de la rémunération de la société d'architecture mandatée.  
Elle a relevé que celle-là se plaint toutefois de ne pas être en mesure de vérifier l'absence d'implication de ces deux dernières sociétés et de ce qu'aucune mesure n'ait été prise afin de prévenir les conflits d'intérêts, C.________ étant président de la société défenderesse et pouvant conclure un mandant d'architecte, ce qui fait sérieusement douter de la loyauté de sa gestion et peut causer un préjudice très important à la société défenderesse et ses actionnaires. Elle a répondu à ces craintes générales en examinant et en se prononçant sur les six mesures que cette actionnaire voulait voir prendre par le contrôleur spécial. 
Ainsi, en ce qui concerne les trois premières mesures (liste des intervenants dans le projet de transformation de l'hôtel, détermination des liens entre ces intervenants, conditions de la rémunération de ces intervenants), la cour cantonale a nié tout intérêt actuel de la recourante: elle a constaté que, pour les deux sociétés, soit O.________ SA et P.________ SA, qui avaient fait l'objet de la requête de renseignements adressée au conseil d'administration, l'actionnaire recourante avait reçu les rapports de gestion 2019 et 2020 avant l'assemblée générale, que le rapport de 2019 énumère les mandats adjugés, qu'une seule société s'est vu adjuger les travaux et que, puisque la recourante ne conteste pas la véracité de ce rapport, elle pouvait vérifier l'absence d'implication des deux autres sociétés. 
S'agissant de la quatrième mesure (se prononcer sur l'absence de mesures tendant à prévenir les conflits d'intérêts), la cour cantonale a considéré qu'elle ne tend pas à établir des faits déterminés, comme l'exige l'art. 697a al. 1 aCO, mais à obtenir du contrôleur spécial une appréciation ou un jugement de valeur sur la politique de gestion de la société intimée. La requête viserait donc à utiliser l'institution de l'art. 697b CO dans un but qui n'est pas prévu par cette disposition. 
Quant à la cinquième mesure (détailler les rémunérations perçues, à percevoir ou attendues), la cour cantonale a considéré que les informations au sujet des rémunérations perçues ont déjà été données lors de l'assemblée générale, qu'elles figurent dans les comptes de pertes et profits et qu'un contrôle spécial ne pourrait pas apporter d'informations sur des rémunérions non versées. Lorsque des indices concrets le justifieraient, la recourante pourrait d'ailleurs redéposer une requête. 
Enfin, sur la sixième mesure (vérifier l'exactitude des réponses apportées par le conseil d'administration lors de l'assemblée générale du 17 décembre 2021), la cour cantonale a considéré que la recourante ne tente pas de rendre vraisemblable qu'elle a de bonnes raisons de douter de leur véracité ou de leur exhaustivité et le dossier ne contient aucun élément allant dans ce sens. Elle en a conclu qu'il ne se justifiait pas, faute d'intérêt juridiquement protégé, de faire confirmer ces informations par une longue et coûteuse procédure de contrôle spécial, laquelle ne vise pas un tel but. 
 
4.3. Force est de constater que la société actionnaire recourante ne s'en prend à aucune des réponses motivées données par la cour cantonale aux six mesures qu'elle voulait voir prises par le contrôleur spécial. Elle se borne à reprocher à la cour cantonale d'avoir répondu elle-même à ces questions et de s'être substituée à l'expert à désigner qui devait les élucider.  
Par cette critique générale et théorique, la recourante ne démontre pas en quoi la cour cantonale aurait établi et apprécié arbitrairement les faits et les preuves ou violé le droit fédéral. Contrairement à ce qu'elle soutient, le juge ne saurait se dispenser de s'assurer de l'existence d'un intérêt actuel à une telle requête, conformément à la règle reprise dans l'adage "pas d'intérêt, pas d'action". Il ne saurait ordonner un contrôle spécial dès que les questions posées au conseil d'administration correspondent dans les grandes lignes à celles qui sont l'objet de la requête de contrôle spécial. Lorsqu'elle se plaint de manière générale de l'absence de mesures prises pour éviter les conflits, la recourante ne précise pas de quelle mesure il s'agirait. Enfin, il ne suffit pas d'affirmer qu'un désaccord survenu entre les parties à fin 2019 justifie à lui seul un contrôle spécial: la recourante ne conteste pas avoir reçu les rapports et comptes 2019 et 2020 et passe sous silence le fait résultant du jugement attaqué, à savoir que la gestion de la société défenderesse (factures, finance, appels de fonds aux actionnaires, établissement des comptes) est assurée par G.________ SA, dont l'administrateur, H.________, est également son propre administrateur unique. 
 
5.  
Subsidiairement, invoquant l'art. 3 et, subsidiairement, l'art. 4 du Tit. fin. CC, applicables par renvoi de l'art. 1 des dispositions transitoires de la loi fédérale du 19 juin 2020 (Droit de la société anonyme), entrée en vigueur le 1er janvier 2023, l'actionnaire recourante soutient que le nouvel art. 697d al. 3 CO serait applicable en l'espèce. Elle en infère qu'elle n'aurait pas à rendre vraisemblable que la violation de la loi a causé un préjudice à la société ou à ses actionnaires, mais seulement que cette violation est de nature à causer un tel préjudice, en raison de l'importance des honoraires d'architecte prévus par le projet. 
La question de savoir si les disposition des art. 3 et 4 Tit. fin. CC s'appliquent à un jugement cantonal entré en force de chose jugée et en force exécutoire avant l'entrée en vigueur du nouvel art. 697d al. 3 CO, puisque le recours en matière civile au Tribunal fédéral n'a pas d'effet suspensif (art. 103 al. 1 LTF), peut demeurer ouverte. En effet, comme on l'a vu, le recours de la société actionnaire recourante est irrecevable, faute de motivation satisfaisant aux exigences de l'art. 42 al. 2 LTF
 
6.  
Il s'ensuit qu'il est superflu d'examiner les griefs propres soulevés par l'intimée. 
 
7.  
Au vu de ce qui précède, le recours en matière civile doit être déclaré irrecevable, aux frais et dépens de son auteur (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 6'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 7'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour civile II du Tribunal cantonal du canton du Valais. 
 
 
Lausanne, le 19 mars 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
Le Greffier : Botteron