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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_734/2022  
 
 
Arrêt du 3 mai 2023  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et MM. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz, Hänni, 
Hartmann et Ryter. 
Greffier : M. Jeannerat. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Robert Assaël, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Office cantonal de la population et des migrations du canton de Genève, route de Chancy 88, 1213 Onex. 
 
Objet 
Refus d'octroi d'une autorisation de séjour, 
 
recours contre le jugement de la Cour de justice 
de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 2ème section, du 26 juillet 2022 (ATA/758/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________, né en 1962, est ressortissant de Côte d'Ivoire. Compte tenu de son mariage avec une ressortissante helvétique, avec laquelle il a eu deux enfants en 1995 et 1996, avant de divorcer en 2000, il a bénéficié d'une autorisation de séjour en Suisse dès 1995, laquelle a été régulièrement renouvelée par les autorités vaudoises jusqu'en 2007. Par courrier du 13 décembre 2007, il a déposé une demande de changement de canton auprès des autorités genevoises. Celles-ci lui ont alors adressé plusieurs courriers de demande de complément d'information auxquels il n'a pas répondu, de sorte que son dossier a été archivé. A.________ a néanmoins continué de résider à Genève sans titre de séjour. 
 
B.  
Le 7 novembre 2017, A.________ a déposé une demande de renouvellement de son autorisation de séjour auprès de l'Office cantonal de la population et des migrations de la République et canton de Genève (ci-après: l'Office cantonal). 
Considérant que la demande susmentionnée devait être examinée comme une demande de nouvelle autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité, l'Office cantonal a refusé d'octroyer une telle autorisation de séjour à A.________ et a dès lors prononcé son renvoi de Suisse. 
A.________ a formé un recours contre la décision de l'Office cantonal auprès du Tribunal administratif de première instance de la République et canton de Genève. L'autorité judiciaire précitée a rejeté ledit recours par jugement du 2 septembre 2021. 
A.________ a recouru contre le jugement susmentionné auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice). Par arrêt du 26 juillet 2022, cette dernière a rejeté ledit recours et confirmé le refus d'autorisation de séjour litigieux. 
 
C.  
A.________ (ci-après: le recourant) dépose un recours en matière de droit public, ainsi qu'un recours constitutionnel subsidiaire auprès du Tribunal fédéral contre l'arrêt de la Cour de justice du 26 juillet 2022. Prenant les mêmes conclusions pour les deux types de recours, il demande l'annulation de l'arrêt attaqué et, cela étant fait, la délivrance d'une autorisation de séjour. Il conclut subsidiairement au renvoi de la cause à la Cour de justice. 
Après le dépôt de son recours, le recourant a formé une demande d'assistance judiciaire et de dispense de versement d'avance de frais. 
L'Office cantonal a renoncé à formuler des observations sur le recours. Il en va de même de la Cour de justice, qui s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du recours et qui persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Invité à se prononcer, le Secrétariat d'Etat aux migrations (ci-après: le SEM) a pour sa part déposé une brève prise de position, dans laquelle il conclut au rejet du recours, pour autant que celui-ci soit recevable. 
Le recourant a déposé des observations complémentaires. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. En tant qu'il conteste un arrêt de la Cour de justice confirmant un refus d'une autorisation de séjour, le recours en matière de droit public déposé par le recourant est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) qui relève du droit public (art. 82 let. a LTF) et qui a été rendue par un tribunal supérieur statuant en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF).  
 
1.2. L'art. 83 let. c ch. 2 LTF prévoit que le recours en matière de droit public est irrecevable contre les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit. Cela signifie a contrario que cette voie de recours est ouverte lorsque la partie recourante peut se prévaloir d'un droit à l'obtention de l'autorisation sollicitée. Selon la jurisprudence, il suffit à cet égard qu'il existe un droit potentiel à l'autorisation, étayé par une motivation soutenable, pour que l'art. 83 let. c ch. 2 LTF ne s'applique pas et, partant, qu'un recours en matière de droit public soit envisageable (ATF 147 I 89 consid. 1.1.1; 139 I 330 consid. 1.1).  
Tel est le cas en l'espèce. En raison de sa longue durée de présence en Suisse, où il vit actuellement depuis environ 28 ans, dont 12 au bénéfice d'une autorisation de séjour, le recourant peut invoquer de manière défendable que le respect de son droit à la protection de la vie privée, tel que garanti par l'art. 8 CEDH, lui confère un droit dérivé de demeurer dans le pays (cf. notamment, pour des cas comparables, arrêts 2C_89/2022 du 3 mai 2022 consid. 1.1 et 2C_739/2016 du 31 janvier 2017 consid. 1.1). Le point de savoir si un tel droit peut effectivement être déduit de l'art. 8 CEDH dans le cas particulier, notamment au regard de la jurisprudence récente du Tribunal fédéral (cf. arrêts 2C_528/2021 du 23 juin 2021 consid. 4.8 et 2C_821/2021 du 1er novembre 2022 consid 2.1.3, tous deux destinés à la publication) - qui, comme on le verra, mérite d'être précisée - relève de l'examen au fond. 
 
1.3. Le recourant, qui a manifestement qualité pour recourir dans la mesure où il jouit d'un intérêt digne de protection à la modification de l'arrêt attaqué (cf. art. 89 al. 1 LTF), a pour le reste déposé son recours en matière de droit public en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites (art. 42 LTF), de sorte qu'il convient d'entrer en matière.  
 
1.4. En revanche, dès lors que la voie du recours en matière de droit public est ouverte en la cause, le recours constitutionnel subsidiaire simultanément interjeté par le recourant est irrecevable (cf. art. 113 LTF a contrario).  
 
2.  
Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral et du droit international (art. 95 let. a et b et 106 al. 1 LTF), sous réserve des exigences de motivation figurant à l'art. 106 al. 2 LTF. Il y procède en se fondant sur les faits constatés par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), à moins que ces derniers n'aient été établis de façon manifestement inexacte - c'est-à-dire arbitrairement (ATF 133 III 393 consid. 7.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), ce qu'il appartient à la partie recourante de démontrer dans sa motivation (cf. art. 106 al. 2 LTF). D'une manière générale, la correction du vice doit en outre être susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 in fine LTF).  
 
3.  
Le présent litige concerne le refus de la Cour de justice d'octroyer une nouvelle autorisation de séjour au recourant, quelque quinze ans après l'extinction de son précédent permis. Il est ici relevé que le recourant ne peut se prévaloir d'aucun droit à séjourner dans le pays en vertu de la législation interne, même s'il a été marié à une ressortissante helvétique avec laquelle il a eu deux enfants, nés en 1995 et 1996. En particulier, les art. 42 et 50 de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers et l'intégration (RS 142.20; LEI), qui règlent le droit au regroupement familial de personnes étrangères avec leurs conjoints et/ou enfants suisses, respectivement son maintien ("Weiterbestehen"), n'entrent pas en ligne de compte en l'espèce, puisque, d'une part, le recourant est divorcé de son ex-épouse depuis 2000 déjà et ne bénéficie plus d'aucun titre de séjour en Suisse depuis 2007 (ATF 140 II 289 consid. 3.6.1; 137 II 345 consid. 3.2.3; aussi arrêt 2C_590/2010 du 29 novembre 2010 consid. 2.5.3) et, d'autre part, n'est titulaire d'aucune autorisation de séjour durable délivrée par un Etat avec lequel la Suisse aurait conclu un accord sur la libre circulation des personnes. L'intéressé ne peut pour le reste déduire aucun droit de séjourner en Suisse de la protection de la vie familiale issue de l'art. 8 CEDH, dès lors que, d'après l'arrêt attaqué, ses enfants vivant en Suisse sont majeurs et qu'il n'existe pas de lien de dépendance particulier entre eux (cf. notamment ATF 145 I 227 consid. 3 et 6). Il ne prétend d'ailleurs pas le contraire dans son mémoire. Comme il l'invoque dans ses écritures, seul un droit de demeurer en Suisse tiré de la protection de sa vie privée garantie par l'art. 8 CEDH peut donc entrer en ligne de compte dans sa situation. 
 
4.  
Le recourant affirme tout d'abord que la Cour de justice aurait constaté les faits de la cause de manière arbitraire sur de nombreux points. 
 
4.1. Selon la jurisprudence, il y a arbitraire dans l'établissement des faits ou l'appréciation des preuves si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2; 136 III 552 consid. 4.2). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, la partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (cf. supra consid. 2.2 et ATF 145 V 188 consid. 2; 137 II 353 consid. 5.1).  
 
4.2. L'intéressé reproche en l'occurrence à l'autorité précédente d'avoir constaté de manière arbitraire qu'il avait effectué en 2007 une simple demande de changement de canton auprès des autorités genevoises. Il soutient que, cette année-là, il avait formellement requis le renouvellement de son permis de séjour, ce à quoi il aurait eu droit s'il avait poursuivi la procédure à son terme, étant précisé qu'il était alors au bénéfice d'un contrat de travail. En lien avec ce qui précède, le recourant se plaint également du fait que l'arrêt attaqué retiendrait arbitrairement qu'il aurait commis une faute en ne répondant pas aux demandes d'informations des autorités genevoises. Il prétend avoir non seulement démontré s'être trouvé en 2008 dans une situation de dépression telle qu'il n'était plus en mesure de traiter ses affaires courantes, mais aussi avoir prouvé que le concierge de l'hôtel où il résidait ne lui avait en réalité jamais transmis son courrier.  
La Cour de céans ne voit cependant pas en quoi les faits avancés par le recourant seraient pertinents pour l'issue du litige. L'intéressé ne fait en fin de compte que détailler les circonstances ayant conduit au non-renouvellement et, partant, à l'extinction de son autorisation de séjour en 2007. Or, le présent litige ne concerne pas une éventuelle prolongation d'autorisation de séjour requise hors délai (cf. art. 59 al. 1 OASA). Il porte sur l'octroi d'une nouvelle autorisation. Sous cet angle, il importe peu de savoir si le recourant a déposé une demande de renouvellement de son autorisation de séjour en 2007, pas plus qu'il est pertinent de connaître les raisons pour lesquelles cette demande n'a pas abouti. On ne peut dès lors pas reprocher à la Cour de justice d'avoir procédé à un établissement des faits arbitraire s'agissant de ces points. 
 
4.3. Le recourant se plaint également du fait que la Cour de justice aurait retenu de manière arbitraire qu'il avait simplement " participé à l'animation des différents églises dont il a été membre ", alors que les diverses attestations qu'il avait produites au dossier feraient état d'une fréquentation assidue de ces établissements et d'une forte implication au sein de ces communautés. Il perd cependant de vue que l'autorité précédente a expressément relevé dans son arrêt qu'il fréquentait régulièrement différents services religieux depuis 2007, en plus de participer à leur animation musicale. Quoi qu'en dise le recourant, l'arrêt attaqué laisse ainsi bel et bien transparaître sa forte implication au sein de diverses communautés religieuses établies en Suisse. Quant au point de savoir si l'autorité précédente a suffisamment tenu compte de cet élément sous l'angle de l'art. 8 CEDH, il constitue une question de droit qui sera examinée ci-après. Il en va de même des reproches du recourant selon lesquels la Cour de justice aurait retenu arbitrairement que son renvoi était " raisonnablement exigible, licite et possible " et qu'il pouvait être " exigé de sa part qu'il conserve les liens sociaux établis en Suisse par le biais de moyens de télécommunication modernes ". Ces questions ne relèvent pas de l'établissement des faits, contrairement à ce que semble croire le recourant, mais de la pesée des intérêts sous-tendant la délivrance de toute autorisation de séjour à l'aune de l'art. 8 CEDH.  
 
4.4. Enfin, il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur l'ultime grief que le recourant formule de manière lapidaire à l'encontre des faits établis par la Cour de justice, qui, d'après lui, aurait retenu arbitrairement que les bénéfices du médicament, actuellement à l'étude, qu'il prend depuis son infarctus n'étaient pas démontrés et qu'un renvoi ne mettrait vraisemblablement pas sa vie en danger. Une telle contestation des faits, qui ne se réfère à aucune pièce du dossier, est appellatoire et donc inadmissible devant le Tribunal fédéral (cf. supra consid. 4.1).  
 
5.  
Le recourant affirme qu'en refusant de lui octroyer une autorisation de séjour lui permettant de demeurer en Suisse, la Cour de justice a violé son droit au respect de la vie privée garanti par l'art. 8 CEDH
 
5.1. En l'occurrence, dans ses écritures, le recourant met plus précisément en exergue le fait qu'il vit en Suisse depuis 1995, soit depuis plus de 27 ans, dont douze - de 1995 à 2007 - passés au bénéfice d'une autorisation de séjour valable. Il affirme avoir tissé, durant ce laps de temps, d'importants liens sociaux avec la Suisse, où ses deux enfants habitent d'ailleurs, notamment en s'impliquant dans le vie de plusieurs églises. Ces liens sociaux seraient propres à fonder un droit à séjourner en Suisse, conformément à la jurisprudence fédérale - initiée par l'ATF 144 I 266 - selon laquelle une personne étrangère ayant résidé dans le pays pendant au moins 10 ans au bénéfice d'une autorisation de séjour jouirait du droit - tiré de l'art. 8 CEDH - de demeurer en Suisse, tant qu'il n'existerait pas de motif sérieux à son renvoi.  
 
5.2. Invité à se prononcer sur le recours, le SEM soutient pour sa part que le recourant ne peut pas se prévaloir de l'art. 8 CEDH dans le cas d'espèce. D'après lui, aucun droit de séjour fondé sur le droit au respect de la vie privée n'entrerait en ligne de compte, dès lors que l'invocation d'un tel droit supposerait un séjour légal d'une dizaine d'années et une bonne intégration, ce qui ne serait manifestement pas le cas en l'espèce.  
 
5.3. Il s'agit donc d'examiner en premier lieu si le recourant peut, sur le principe, se prévaloir du droit à la protection de la vie privée garanti par l'art. 8 CEDH pour tenter d'obtenir une nouvelle autorisation de séjour, étant rappelé qu'en l'occurrence, l'intéressé, divorcé de longue date et père de deux enfants majeurs, ne peut pas invoquer à cet effet le respect de sa vie familiale, également protégée par cette disposition, et qu'aucune norme de droit interne ne lui confère un droit à la délivrance d'un titre de séjour (cf. supra consid. 3).  
 
5.3.1. Le Tribunal fédéral reconnaît depuis longtemps qu'indépendamment de l'existence de relations familiales, le refus d'octroyer ou de renouveler une autorisation de séjour, impliquant une mesure d'éloignement de Suisse, peut, dans certaines circonstances particulières, violer l'art. 8 CEDH, qui garantit le droit au respect non seulement de la vie familiale, mais aussi de la vie privée (cf. ATF 140 II 129 consid. 2.2; 139 I 16 consid. 2.2.2 et les références citées). La question de l'existence d'un droit à demeurer en Suisse au bénéfice d'une autorisation de séjour en raison d'un enracinement particulier dans le pays implique cependant de se demander, dans chaque cas, si la personne étrangère concernée entretient des relations privées de nature professionnelle ou sociale particulièrement intenses en Suisse, allant au-delà d'une intégration normale. Si tel est le cas, il convient de procéder à une pesée globale des intérêts en présence plaidant en faveur ou en défaveur d'une autorisation de séjourner en Suisse (ATF 144 II 1 consid. 6.1; 130 II 281 consid. 3.2.1; 126 II 377 consid. 2c; 120 Ib 16 consid. 3b; cf. aussi ATF 138 I 246 consid. 3.2.1).  
 
5.3.2. Dans l'ATF 144 I 266, après avoir rappelé la position de la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après: la CourEDH) sur le droit au respect de la vie privée garanti par l'art. 8 CEDH, le Tribunal fédéral a cherché à schématiser quelque peu sa jurisprudence et à renforcer le droit à la vie privée issu de l'art. 8 CEDH en considérant qu'un droit à une autorisation de séjour fondée sur ce droit fondamental dépendait en règle générale de la durée pendant laquelle la personne requérante avait déjà vécu en Suisse. Il a alors admis que lorsque celle-ci résidait légalement dans le pays depuis plus de dix ans, il y avait lieu de présumer que les liens sociaux qu'elle avait développés avec notre pays étaient à ce point étroits qu'un refus de renouvellement d'autorisation de séjour, respectivement la révocation de celle-ci ne pouvaient être prononcés que pour des motifs sérieux (cf. arrêt précité consid. 3). L'ATF 144 I 266 a ainsi fixé un nombre indicatif d'années à partir duquel un étranger vivant légalement en Suisse est réputé suffisamment bien intégré pour disposer, en principe, d'un droit de séjour déduit du droit au respect de la vie privée garanti par l'art. 8 CEDH, droit dont il peut se prévaloir pour obtenir le renouvellement de son titre de séjour ou pour s'opposer à sa révocation, sauf motif sérieux de renvoi (cf. dans ce sens ATF 146 II 185 consid. 5.2). Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a cependant expressément précisé que la reconnaissance finale d'un droit à séjourner en Suisse issu du droit au respect de la vie privée garanti par l'art. 8 par. 1 CEDH pouvait s'imposer même sans séjour légal de dix ans en cas d'intégration particulièrement réussie (cf. ATF 144 I 266 consid. 3.8 et 3.9; aussi arrêt 2C_666/2019 du 8 juin 2019 du consid. 4.2). Autrement dit, dans les situations où la personne étrangère ne peut pas se prévaloir d'un précédent séjour légal de dix ans en Suisse, la question d'un éventuel droit de séjour issu du droit au respect de la vie privée reste régie par la jurisprudence originelle impliquant de se demander si la personne étrangère concernée entretient des relations privées de nature professionnelle ou sociale particulièrement intenses en Suisse, allant au-delà d'une intégration normale, avant de procéder à une pesée des intérêts en présence (cf. supra consid. 5.3.1).  
 
5.3.3. Le Tribunal fédéral a par la suite dû définir plus précisément quelles étaient les situations couvertes par l'ATF 144 I 266 et par la présomption qui y est posée selon laquelle un séjour légal de dix ans en Suisse fonde un droit à y demeurer en application l'art. 8 CEDH, sauf motif sérieux de renvoi.  
En l'occurrence, il a tout d'abord précisé que la notion de "séjour légal" de dix ans, qui n'incluait évidemment pas les années passées en clandestinité dans le pays, ne comprenait pas non plus le temps passé en Suisse au bénéfice d'une simple tolérance (cf. notamment arrêts 2D_19/2019 du 20 mars 2020 consid. 1.3 et 2C_436/2018 du 8 novembre 2018 consid. 2). 
Dans un arrêt 2C_528/2021 du 23 juin 2022 destiné à la publication, la Cour de céans a ensuite posé le principe que la personne qui quittait le pays pour une longue période et qui voyait pour cette raison son titre de séjour s'éteindre conformément à l'art. 61 al. 2 LEI, ne pouvait plus se prévaloir de la durée de son séjour légal en Suisse au sens de l'ATF 144 I 266 pour prétendre à l'octroi d'une nouvelle autorisation de séjour fondé sur la protection de la vie privée garantie par l'art. 8 CEDH (arrêt précité consid. 4.8). Retenir le contraire et permettre de facto à toute personne étrangère ayant quitté la Suisse de se prévaloir d'un droit à récupérer un titre de séjour issu de la protection de la vie privée, au seul motif qu'elle a déjà séjourné plus dix ans dans le pays, aurait en effet vidé l'art. 61 LEI de sa substance ( ibidem).  
Enfin, dans un arrêt 2C_821/2021 du 1er novembre 2022 également destiné à la publication, la Cour de céans a souligné que le droit de demeurer en Suisse après un séjour légal de dix ans - tel que le Tribunal fédéral l'avait tiré de la garantie de la vie privée dans l'ATF 144 I 266 - ne concernait que les cas de prolongation et de renouvellement d'autorisations de séjour, à l'exclusion des situations dans lesquelles de nouveaux titres de séjour en Suisse étaient appelés à être délivrés. Autrement dit, elle a clarifié le fait qu'une personne étrangère ne pouvait pas se prévaloir d'un droit potentiel à l'obtention d'une autorisation de séjour fondé sur l'art. 8 CEDH, tel que reconnu par l'ATF 144 I 266, lorsqu'elle avait vécu sans autorisation en Suisse ou avait refusé de quitter le pays malgré une décision de révocation ou de refus de renouvellement de son permis entrée en force (cf. arrêt précité consid. 2.1.3). 
 
5.3.4. Il est toutefois important de garder à l'esprit que, dans toutes les situations qui viennent d'être décrites, seule la présomption d'enracinement en Suisse posée par l'ATF 144 I 266 n'entre pas en ligne de compte. La jurisprudence ancienne, déduite du respect de la vie privée et reconnaissant un droit potentiel à l'obtention d'une autorisation de séjour tiré de l'art. 8 CEDH en cas d'intégration particulièrement réussie en Suisse, reste en tous les cas applicable (cf. supra consid. 5.3.1 et 5.3.2). Il n'est ainsi pas exclu qu'une personne étrangère puisse invoquer son droit à la protection de sa vie privée garanti par l'art. 8 CEDH en vue d'obtenir une autorisation de séjour initiale ou un nouveau titre de séjour dans le pays après en avoir perdu un précédent, en alléguant notamment avoir vécu longtemps en Suisse (cf. d'ailleurs ATF 147 I 268 consid. 1 et 4 et arrêt 2D_19/2022 du 16 novembre 2022 consid. 1.2.3), ce même s'il est vrai que le respect de la vie privée garanti par l'art. 8 CEDH ne donne "en règle générale" pas droit à entrer ou à revenir dans le pays (cf. arrêt 2C_89/2022 du 3 mai 2022 consid. 2.2.3).  
 
5.3.5. Les auteurs de doctrine qui interprètent la jurisprudence fédérale en ce sens que, désormais, le droit à la protection de la vie privée garanti à l'art. 8 CEDH ne s'appliquerait qu'en cas de prolongation d'une autorisation de séjour et qu'il ne pourrait plus être invoqué en vue de l'octroi d'une autorisation de séjour initiale ou d'un nouveau titre de séjour dans le pays (en ce sens, Peter Bolzli, Ohne Bewilligung kein Schutz - ohne Schutz keine Bewilligung, in: iusNet Migrationsrecht du 18 janvier 2023; CHRISTOPH RAESS, Die Neuerteilung von Aufenthaltsbewilligung und das Recht auf Privatleben, in: Jusletter du 12 décembre 2022, n. 24; aussi THOMAS HUGI YAR, Trotz Privatleben keinen Anspruch auf Schutz?, in: dRSK du 8 décembre 2022) perdent ainsi de vue que l'objectif de l'ATF 144 I 266 n'était pas de fixer de manière exhaustive les conditions auxquelles une personne d'origine étrangère peut invoquer le droit au respect de la vie privée consacré à l'art. 8 CEDH pour obtenir le droit de vivre légalement en Suisse, mais de simplifier l'application de ce dernier et d'en renforcer la portée pratique en présence d'un séjour légal d'au moins dix ans. Il n'en va pas autrement des arrêts postérieurs - dont les arrêts 2C_528/2021 et 2C_821/2021 - qui n'ont fait que clarifier ou "préciser" cette jurisprudence, en délimitant le champ d'application de la présomption d'enracinement en Suisse et du droit de demeurer dans le pays qu'elle reconnaît (cf., expressément en ce sens, arrêt 2C_89/2022 du 3 mai 2022 consid. 2.1). Il serait d'ailleurs contraire à la pratique de la CourEDH de considérer que le droit à la protection de la vie privée au sens de l'art. 8 CEDH ne peut jamais être invoqué à l'appui d'une requête tendant à la délivrance d'une autorisation de séjour initiale ou d'un nouveau titre de séjour en Suisse. Le Tribunal fédéral a en ce sens explicitement réservé, dans son arrêt 2C_821/2021 du 1er novembre 2022, la jurisprudence de la Cour EDH selon laquelle le respect d'un tel droit pouvait dans certaines circonstances contraindre l'État à régulariser le statut de personnes étrangères séjournant illégalement dans le pays ou souffrant d'une situation juridique précaire (cf. arrêt précité consid. 2.2.2, et les diverses références à la jurisprudence de la Cour EDH).  
 
5.4. En l'espèce, le recourant a certes vécu en Suisse pendant 12 ans, mais n'a pas accompli les démarches pour maintenir son titre de séjour, lequel s'est éteint en 2007, et a ensuite vécu dans la clandestinité durant dix années. Il ne peut donc, selon la jurisprudence exposée ci-avant, se fonder sur la présomption de l'ATF 144 I 266 en lien avec un séjour légal en Suisse qui a cessé après 2007. Son long séjour dans le pays implique toutefois que l'on doive examiner s'il ne peut prétendre à l'octroi d'un titre de séjour en raison d'une intégration particulière à Genève conformément à la jurisprudence de base. Cela revient en l'occurrence à se demander, conformément à ladite jurisprudence, si l'on se trouve face à une personne qui entretient des relations privées de nature professionnelle ou sociale particulièrement intenses en Suisse et dont le renvoi du pays ne se justifie pas au regard des intérêts et des biens juridiques en présence (cf. art. 8 par. 2 CEDH et supra consid. 5.3.1).  
 
 
5.5. En l'occurrence, d'après les constatations figurant dans l'arrêt entrepris, qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), le recourant est arrivé en Suisse en 1995 à la suite de son mariage avec une ressortissante suissesse, avec laquelle il a eu deux enfants les années suivantes, avant de divorcer en 2000. Il a alors continué à vivre dans le canton de Vaud, au bénéfice d'une autorisation de séjour régulièrement renouvelée jusqu'en 2007, date à laquelle il a finalement déménagé dans le canton de Genève. Il n'a alors pas effectué les démarches nécessaires à la prolongation de son permis, qui s'est éteint. L'intéressé est néanmoins resté à Genève, et ce de manière illégale durant de nombreuses années. Pendant cette période, il a été condamné à plusieurs reprises, notamment pour violation de son obligation d'entretien. S'il n'a jamais émargé à l'aide sociale, l'arrêt attaqué retient qu'il a accumulé des dettes totalisant plus de 100'000 fr. et n'a plus jamais exercé aucune activité professionnelle, se consacrant, selon ses dires, à l'étude du piano.  
 
5.6. Sur la base de ces éléments, il n'est pas possible de retenir que le recourant est particulièrement bien intégré en Suisse. Certes, l'intéressé, qui est de langue maternelle française, a tissé des liens d'amitié en Suisse, notamment au sein des différentes églises dont il a été successivement membre. Cela n'a toutefois rien d'extraordinaire après un séjour de près de trente ans en Suisse, dont il convient du reste de relativiser l'importance afin de ne pas encourager les étrangers à vivre dans notre pays sans titre de séjour et de ne pas valider indirectement des comportements tendant à mettre l'Etat devant le fait accompli (cf. notamment cf. arrêts 2D_33/2021 du 30 septembre 2021 consid. 5.5 et 2C_923/2017 du 3 juillet 2018 consid. 5.4). A l'inverse, les diverses condamnations pénales du recourant, ses très importantes dettes et, surtout, son absence de volonté de s'insérer sur le marché du travail depuis de nombreuses années démontrent clairement que l'intéressé n'entretient pas des relations de nature professionnelle ou sociale particulièrement intenses en Suisse; ces éléments ne plaident, dès lors, pas en faveur de l'octroi d'une autorisation de séjour. Il faut ainsi admettre qu'un retour en Côte d'Ivoire, où l'intéressé a passé les trente-trois premières années de sa vie, même s'il peut s'avérer difficile, apparaît admissible à l'aune de l'art. 8 CEDH et de la jurisprudence fédérale y relative. On ne voit pas que le mode de vie qu'il a développé en Suisse, tel que décrit, ne puisse se poursuivre dans son pays d'origine.  
 
5.7. Dans ses écritures, le recourant ne soulève aucune critique permettant d'aboutir à une autre conclusion. Il se prévaut notamment en vain du fait qu'il aurait eu droit à la prolongation de son autorisation de séjour précédente, éteinte en 2007, du traitement médical commencé ici à la suite de la découverte de ses problèmes cardiaques. Ces éléments de fait ne permettent pas de conclure à l'existence de liens particulièrement intenses avec la Suisse, allant au-delà d'une intégration ordinaire, qui seuls justifieraient de déroger aux règles d'octroi d'une nouvelle autorisation de séjour fixées par la LEI.  
 
5.8. Dans ces conditions, force est d'admettre que la Cour de justice n'a pas violé l'art. 8 CEDH en refusant d'octroyer une autorisation de séjour au recourant. Notons que celui-ci ne prétend pour le reste pas qu'un renvoi en Côte d'Ivoire violerait son droit à l'intégrité physique et à la dignité humaine garanti par l'art. 3 CEDH, en l'exposant à un risque réel d'être exposé à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé entraînant des souffrances intenses ou à une réduction significative de son espérance de vie (cf. arrêt CourEDH Paposhvili c. Belgique du 13 décembre 2016, n° 41738/10 § 183; arrêt 2C_671/2021 du 15 février 2022 consid. 8.1 et les arrêts cités).  
 
6.  
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours en matière de droit public, étant rappelé que le recours constitutionnel déposé simultanément est irrecevable (cf. supra consid. 1.4). 
 
7.  
Après avoir interjeté recours devant le Tribunal fédéral et reçu une ordonnance d'avance de frais, le recourant a déposé une demande d'assistance judiciaire et sollicité la dispense des frais de la procédure. Cette demande peut être admise, au vu de l'indigence manifeste du recourant et de la question juridique soulevée dans le recours. Aucun frais ne sera donc mis à la charge du recourant (art. 64 al. 1 LTF). 
Compte tenu du principe selon lequel il n'y a pas de droit à l'octroi rétroactif de l'assistance judiciaire pour des frais qui sont déjà intervenus avant le dépôt de la demande d'assistance judiciaire (ATF 122 I 203 consid. 2c et 2f; arrêts 9C_27/2021 du 25 novembre 2021 consid. 8; 4A_492/2020 du 19 janvier 2021), la présente requête doit être comprise comme se limitant aux frais judiciaires devant le Tribunal fédéral. Elle ne saurait porter sur le versement d'une indemnité au défenseur du recourant qu'il conviendrait de désigner comme avocat d'office. Du reste, le recourant ne le demande pas. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable. 
 
2.  
Le recours en matière de droit public est rejeté. 
 
3.  
La demande d'assistance judiciaire est admise dans le sens des considérants. 
 
4.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, à l'Office cantonal de la population et des migrations du canton de Genève, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 2ème section, et au Secrétariat d'Etat aux migrations. 
 
 
Lausanne, le 3 mai 2023 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
Le Greffier : E. Jeannerat