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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1B_550/2022  
 
 
Arrêt du 17 novembre 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux Jametti, Juge présidant, Chaix et Haag. 
Greffier : M. Parmelin. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Mathias Micsiz, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Procureur général du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens. 
 
Objet 
Procédure pénale; communication de l'avis d'ouverture d'une instruction pénale à l'autorité disciplinaire, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre des recours 
pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 3 octobre 2022 (724 - PE21.016862-OJO). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 13 mai 2022, le Ministère public de l'arrondissement de l'Est vaudois a ouvert une instruction pénale pour contrainte, usure et escroquerie contre A.________, associée-gérante de l'entreprise B.________ Sàrl, à X., à la suite de plusieurs plaintes de clients. 
Le 15 août 2022, le Procureur général du canton de Vaud a décidé de communiquer l'ouverture de l'instruction pénale à l'autorité disciplinaire compétente. 
La Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud a confirmé cette décision sur recours de la prévenue au terme d'un arrêt rendu sans échange d'écritures le 3 octobre 2022. 
 
B.  
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au Tribunal fédéral de réformer cet arrêt en ce sens que l'information relative à l'ouverture de l'instruction pénale dirigée à son encontre n'est pas communiquée à l'autorité disciplinaire compétente. Elle conclut également à ce que ni l'arrêt rendu le 3 octobre 2022 par la Chambre des recours pénale ni l'éventuel arrêt cantonal de renvoi ne soient publiés sur le site internet cantonal de jurisprudence. 
La Chambre des recours pénale et le Ministère public se réfèrent à l'arrêt attaqué, sans autres observations. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
L'arrêt attaqué confirme en dernière instance cantonale la décision du Procureur général de communiquer l'ouverture de l'instruction à une autorité cantonale, en application de l'art. 75 al. 4 CPP. Il s'agit d'une décision rendue dans le cadre d'une procédure pénale, susceptible d'un recours au sens des art. 78 ss LTF
La recourante soutient qu'il s'agirait d'une décision partielle au sens de l'art. 91 let. a LTF en tant qu'elle statue sur un objet dont le sort serait indépendant de celui qui reste en cause. Fût-il incident, elle lui causerait un préjudice irréparable car la communication de l'ouverture d'une instruction pénale à une autorité tierce porterait une atteinte irréparable à son droit au respect de la vie privée tel que garanti par les art. 13 Cst. et 8 CEDH et qu'elle l'exposerait aux mesures ou aux sanctions administratives fondées sur l'art. 191 de la loi vaudoise sur la santé publique (LSP; BLV 800.01). Ces questions peuvent toutefois demeurer indécises, vu l' admission du recours en tant qu'il se rapporte à la violation du droit d'être entendu (ATF 141 IV 1 consid. 1.1). 
Le recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF). La recourante dispose d'un intérêt juridique à obtenir la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens que l'information relative à l'ouverture de l'instruction pénale dirigée à son encontre n'est pas communiquée à l'autorité disciplinaire compétente (art. 81 al. 1 LTF). En revanche, la conclusion tendant à ce que ni l'arrêt rendu le 3 octobre 2022 par la Chambre des recours pénale ni l'éventuel arrêt cantonal de renvoi ne soient publiés sur le site internet cantonal de jurisprudence n'est pas motivée et est irrecevable. 
 
2.  
La recourante reproche à la Chambre des recours pénale d'avoir commis un déni de justice et violé son droit d'être entendue en déclarant irrecevable son écriture complémentaire du 12 septembre 2022 au motif qu'elle avait été déposée après l'échéance du délai de recours et en dehors de tout échange d'écritures. 
 
2.1. Les dispositions générales sur les voies de recours (art. 379-392 CPP) ne prévoient aucune réglementation restrictive concernant le sort des faits et moyens de preuve nouveaux. Ainsi, l'art. 385 al. 1 let. c CPP prescrit uniquement au recourant d'indiquer, précisément mais sans autre restriction, les moyens de preuve qu'il invoque. Pour sa part, l'autorité se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance (art. 389 al. 1 CPP). L'administration des preuves peut être répétée aux conditions de l'art. 389 al. 2 CPP et l'autorité peut administrer d'office ou sur requête les preuves nécessaires au traitement du recours (al. 3). Les dispositions relatives au recours au sens strict (art. 393-397 CPP) ne posent pas non plus de prescriptions particulières en matière de faits et de moyens de preuve nouveaux. Ainsi, le code de procédure pénale a instauré de manière générale des voies de recours permettant à l'autorité cantonale de deuxième instance de disposer d'un plein pouvoir d'examen. Le législateur a renoncé à introduire un régime restrictif en matière d'allégations et de preuves nouvelles, sauf dans le cas très particulier de l'art. 398 al. 4 CPP. Par conséquent, avec la majorité de la doctrine, il faut admettre que le recourant peut produire devant l'instance de recours des faits et des moyens de preuve nouveaux (arrêt 1B_368/2014 du 5 février 2015 consid. 3.2 et les références citées).  
 
2.2. L'écriture spontanée de la recourante du 12 septembre 2022 fait suite aux audiences de confrontation intervenues le 7 septembre 2022 devant le Ministère public. Les procès-verbaux d'audition établis à cette occasion constituaient des pièces nouvelles dont elle ne pouvait se prévaloir auparavant et dont l'autorité de recours devait en principe prendre en considération puisqu'elles figuraient au dossier de la procédure pénale au moment où elle a statué. Ces pièces ont été produites sans retard et dans un délai qui permettait à la Chambre des recours pénale d'en tenir compte puisque celle-ci a statué vingt jours plus tard. Il importe peu qu'elle envisageait de statuer sans échange d'écritures en application de l'art. 390 al. 2 CPP ou qu'elles aient été produites après l'échéance du délai de recours (cf. arrêt 1B_368/2014 du 5 février 2015 consid. 3.3). Cela étant, le droit d'être entendue de la recourante n'a pas été respecté.  
Suivant la jurisprudence, une telle violation entraîne en principe l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (ATF 144 I 11 consid. 5.3). Le droit d'être entendu n'est toutefois pas une fin en soi; il constitue un moyen d'éviter qu'une procédure judiciaire ne débouche sur un jugement vicié en raison de la violation du droit des parties de participer à la procédure, notamment à l'administration des preuves. Lorsqu'on ne voit pas quelle influence la violation du droit d'être entendu a pu avoir sur la procédure, il n'y a pas lieu d'annuler la décision attaquée (ATF 143 IV 380 consid. 1.4.1). 
La Cour de céans ne saurait d'emblée dénier toute pertinence aux pièces nouvelles produites par la recourante dans son écriture complémentaire du 12 septembre 2022, s'agissant d'apprécier les soupçons formulés à son égard en lien avec l'infraction de contrainte et la proportionnalité de la communication de l'avis d'ouverture de l'instruction pénale à l'autorité disciplinaire compétente. 
 
2.3. Le recours doit dès lors être admis pour ce motif formel, sans qu'il y ait lieu d'examiner les griefs de fond. La requête d'effet suspensif est sans objet. L'arrêt cantonal est annulé et la cause est renvoyée à la Chambre des recours pénale afin que celle-ci statue à nouveau en tenant compte de l'écriture complémentaire de la recourante du 12 septembre 2022 et des pièces annexées.  
 
3.  
Vu l'issue du litige, i l y n'a pas lieu de percevoir de frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). La recourante, représentée par un avocat, a droit à des dépens (art. 68 al. 2 LTF), à la charge du canton de Vaud. 
Les motifs invoqués par la recourante pour s'opposer à la publication du présent arrêt sur internet ne suffisent pas pour déroger à l'art. 59 al. 1 let. b RTF. En revanche, il en sera tenu compte en procédant au caviardage du nom de la recourante et de son entreprise dans la version de l'arrêt publiée sur internet. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis dans la mesure où il est recevable. L'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Le canton de Vaud versera une indemnité de 1'500 fr. à titre de dépens à la recourante. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, ainsi qu'au Procureur général et à la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 17 novembre 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Juge présidant : Jametti 
 
Le Greffier : Parmelin