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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_291/2023  
 
 
Arrêt du 18 décembre 2023  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix et Müller. 
Greffière : Mme Rouiller. 
 
Participants à la procédure 
A.________ et B.A.________, 
recourants, 
 
contre  
 
Commission de gestion du pouvoir judiciaire de la République et canton de Genève, case postale 3966, 1211 Genève 3, 
agissant par Patrick Becker, 
 
Objet 
Protection des données; accès à un dossier archivé, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice 
de la République et canton de Genève, 
Chambre administrative, du 9 mai 2023 
(ATA/481/2023 - A/39/2023-LIPAD). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________ et B.A.________ (ci-après: les époux A.________) ont, le 16 décembre 2021, demandé accès aux "codicilles et documents originaux manuscrits, et non pas les copies certifiées conformes, en rapport avec la succession de Mme C.A.________, dite Lucette, décédée le 22 avril 1996". 
A l'appui de leur demande, les époux A.________ expliquaient agir en qualité d'amis, de parents et de représentants de nombreux membres de la famille A.________. Ils disposaient de documents qui pouvaient faire aboutir une "action en nullité contre le défendeur de mauvaise foi" et les documents sollicités leur seraient utiles dans ce cadre. 
 
B.  
La Commission de gestion du pouvoir judiciaire (ci-après: CGPJ) a, par décision du 9 décembre 2022, refusé de donner suite à la demande des époux A.________. 
Par arrêt du 9 mai 2023, la Cour de justice de la Chambre administrative de la République et canton de Genève (ci-après: Cour de justice) a rejeté le recours formé par les époux A.________ contre la décision de la CGPJ du 9 décembre 2023. Elle a en particulier retenu que le dossier auquel les époux A.________ souhaitaient accéder contenait les données personnelles de nombreuses personnes, dont les dates de naissance et de décès ne pouvaient être établies aisément; ledit dossier ne pouvait par conséquent être consulté qu'en 2096, soit au terme du délai de 100 ans prévu par l'art. 12 al. 4 de la loi genevoise du 1 er décembre 2000 sur les archives publiques (LArch; RS GE B 2 15) et courant au plus tôt à compter de l'ouverture du dossier de la succession de C.A.________. A cet égard, les époux A.________ n'avaient pas démontré disposer d'un intérêt prépondérant leur permettant d'avoir accès au dossier avant l'expiration du délai susmentionné. Au surplus, ils avaient déjà entrepris des démarches auprès de la Justice de paix en 2002 pour obtenir une copie du même dossier; celles-ci n'avaient pas abouti et les époux A.________ n'apportaient pas d'élément nouveau permettant de revenir sur ce refus. Finalement, ils étaient en possession de copies conformes des documents dont ils demandaient simplement à voir les originaux.  
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, les époux A.________ demandent principalement au Tribunal fédéral d'annuler la décision de la CGPJ du 9 décembre 2022 et l'arrêt de la Cour de justice du 9 mai 2023. Subsidiairement, ils concluent au renvoi de la cause aux autorités cantonales pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
La Cour de justice persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. La CGPJ conclut au rejet du recours. Dans leurs dernières observations, les recourants persistent dans les conclusions de leur recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière de droit public est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) par une autorité de dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF). Les recourants, qui ont pris part à la procédure devant l'autorité précédente, sont particulièrement touchés par l'arrêt attaqué qui confirme le refus de leur demande d'accès à des documents en rapport avec la succession de C.A.________ A.________; ils disposent ainsi d'un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de cette décision (art. 89 al. 1 LTF). 
Les autres conditions formelles de recevabilité énoncées aux art. 82 ss LTF sont remplies, de sorte qu'il y a en principe lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
A teneur de l'art. 42 al. 1 LTF, le recours doit être motivé. Les motifs doivent exposer succinctement en quoi l'acte attaqué viole le droit (art. 42 al. 2 LTF). Pour satisfaire à cette exigence, il appartient à la partie recourante de discuter au moins brièvement les considérants de la décision litigieuse et d'expliquer en quoi ceux-ci seraient contraires au droit (ATF 143 II 283 consid. 1.2.2); en particulier, la motivation doit être topique, c'est-à-dire se rapporter à la question juridique tranchée par l'autorité cantonale (ATF 146 IV 297 consid. 1.2). Par ailleurs, les griefs de violation des dispositions de droit cantonal et des droits fondamentaux sont soumis à des exigences de motivation accrues (art. 106 al. 2 LTF). Ces griefs doivent alors être invoqués de manière claire et détaillée par la partie recourante (ATF 148 I 160 consid. 3; 146 IV 114 consid. 2.1). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les griefs insuffisamment motivés ou sur les critiques de type appellatoire (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1). 
 
3.  
Les recourants se plaignent d'une constatation arbitraire des faits pertinents. 
 
3.1. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits constatés par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (ATF 148 I 160 consid. 3; 145 V 188 consid. 2). Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1). La partie recourante doit alors expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (art. 106 al. 2 LTF; cf. consid. 2 ci-dessus).  
 
3.2. En l'espèce, et pour autant qu'on les comprenne, les recourants estiment que la Cour de justice aurait dû reconnaître qu'une "action en nullité contre le défenseur de mauvaise foi" avait des chances d'aboutir. Ils estiment également que la Cour de justice aurait dû retenir leur lien de parenté avec C.A.________. Les recourants se contentent toutefois d'opposer leur version des faits, au demeurant peu claire, à celle de l'autorité précédente. Ils n'exposent pas en quoi les faits retenus l'auraient été de manière arbitraire et ne démontrent pas en quoi une correction de l'état de fait aurait une influence sur le sort de la cause. Partant, la critique des recourants, purement appellatoire, ne répond pas aux exigences de motivation accrues de l'art. 106 al. 2 LTF.  
Le grief d'établissement arbitraire des faits est ainsi irrecevable. 
 
4.  
Les recourants reprochent à la Cour de justice une application arbitraire de l'art. 48 al. 1 let. b de la loi genevoise sur la procédure administrative (LPA; RS GE E 5 10), qui prévoit que les demandes de reconsidération de décisions prises par les autorités administratives sont recevables lorsque les circonstances se sont modifiées dans une mesure notable depuis la première décision. 
 
4.1. Le Tribunal fédéral ne revoit l'interprétation et l'application faite du droit cantonal que sous l'angle de l'arbitraire (ATF 147 I 433 consid. 4.2; 146 II 367 consid. 3.1.5). Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de justice et d'équité. Le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable (cf. également consid. 3.1 ci-dessus). Si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution - éventuellement plus judicieuse - paraît possible (ATF 145 II 32 consid. 5.1; 145 I 108 consid. 4.4.1).  
Il appartient à la partie recourante de démontrer par une argumentation qui réponde aux exigences de motivation en quoi une norme cantonale a été appliquée arbitrairement (art. 106 al. 2 LTF; cf. consid. 2 ci-dessus). 
 
4.2. A l'appui de leur grief, les recourants font valoir que leur demande ne constituerait pas une demande de reconsidération de la demande faite en 2002, "puisque les [documents demandés] ne sont plus en possession des autorités administratives (demande d'accès LIPAD), mais des archives (demande d'accès LArch) ". Il ne serait ainsi pas nécessaire qu'ils démontrent l'existence de faits nouveaux. Cette argumentation ne satisfait pas aux exigences accrues de motivation précitées. Les recourants ne proposent en particulier aucune démonstration du caractère arbitraire de la solution retenue par la Cour de justice, qui n'apparaît au demeurant pas insoutenable. Cette dernière se réfère en effet au règlement genevois du pouvoir judiciaire sur l'accès aux documents et aux données personnelles (RADPJ; RS GE E 05.52) et rappelle que l'accès aux documents judiciaires de procédures en cours est régi par le droit de procédure, alors que l'accès aux documents judiciaires de procédures archivées est régi par la LArch et le RADPJ (art. 3 al. 4 RADPJ). En l'espèce, les recourants sollicitaient l'accès à des documents qu'ils avaient déjà sollicités en 2002 alors que, contrairement au contexte de la présente procédure, la procédure relative à la succession de C.A.________ était encore en cours et dont l'accès leur avait été refusé sans qu'ils ne s'opposent à cette décision. Au demeurant, il ne ressort pas de l'arrêt attaqué que leur seconde demande, fondée sur des dispositions différentes, aurait été traitée comme une demande de reconsidération.  
Par conséquent, le grief d'arbitraire dans l'application du droit cantonal soulevé par les recourants doit être rejeté, pour autant qu'il soit recevable. 
 
5.  
Dans un dernier grief, les recourants reprochent à la Cour de justice une violation des art. 8 et 10 CEDH, qui consacrent le droit au respect de la vie privée et familiale, respectivement le droit à la liberté d'expression. Ils font également grief à la Cour de justice d'avoir violé l'art. 28 al. 2 de la Constitution du 14 octobre 2012 de la République et canton de Genève (Cst./GE; A 2 00), qui prévoit que toute personne a le droit de prendre connaissance des informations et d'accéder aux documents officiels, à moins qu'un intérêt prépondérant ne s'y oppose. 
 
5.1. En lien avec l'art. 10 CEDH, les recourants se réfèrent principalement à l'arrêt de la CourEDH Magyar Helsinki Bizottság contre Hongrie du 28 novembre 2016 (requête n° 18030/11), qui consacre la reconnaissance d'un droit d'accès aux informations détenues par un Etat fondée sur l'art. 10 CEDH, à certaines conditions (cf. arrêt 1C_59/2020 du 20 novembre 2020 consid. 5.1). Ils se contentent dans ce cadre d'affirmer que les prétendues irrégularités dans la succession de C.A.________ seraient propres à faire primer leur droit à être renseignés et n'exposent nullement en quoi les conditions jurisprudentielles du droit d'accès aux informations détenues par un Etat fondé sur l'art. 10 CEDH seraient remplies.  
Les recourants se bornent ensuite à relever que l'arrêt attaqué viole l'art. 8 CEDH en mettant "à mal le respect de la relation" qu'entretenaient les recourants avec C.A.________. Il ne ressort toutefois pas de l'argumentation des recourants en quoi l'arrêt attaqué serait contraire à l'art. 8 CEDH
Finalement, citant l'art. 28 al. 2 Cst./GE, les recourants relèvent que "le droit constitutionnel genevois va plus loin dans le droit à l'information", dès lors qu'un intérêt prépondérant est exigé pour que l'autorité puisse refuser de communiquer une information. Pour peu qu'on les comprenne, ils semblent considérer, sans autre explication, que la protection des tiers ne constitue pas un intérêt primant sur leur intérêt à obtenir les documents requis. Outre le fait que l'art. 28 al. 2 Cst./GE n'a pas de portée plus large que la LIPAD (arrêt 1C_379/2014 du 29 janvier 2015 consid. 5.4), le grief des recourants ne répond pas davantage sur ce point aux exigences de motivation requises. 
 
5.2. Au vu de ce qui précède, et faute de répondre aux exigences de motivation découlant des art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF, les griefs relatifs aux art. 8 et 10 CEDH, ainsi qu'à l'art. 28 al. 2 Cst./GE sont irrecevables.  
 
6. Il s'ensuit que le recours est rejeté, en tant qu'il est recevable. Les frais judiciaires sont mis à la charge des recourants, qui succombent (art. 65 et 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).  
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté, en tant qu'il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge des recourants. 
 
3.  
Il n'est pas alloué de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux recourants, à la Commission de gestion du pouvoir judiciaire et à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 18 décembre 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Rouiller