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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_430/2022, 6B_431/2022  
 
 
Arrêt du 23 août 2023  
 
Ire Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux 
Denys, Juge présidant, Muschietti et van de Graaf. 
Greffier : M. Dyens. 
 
Participants à la procédure 
6B_430/2022 
A.________, 
représenté par Me Gaspard Genton, avocat, 
recourant, 
 
et 
 
6B_431/2022 
B.________, 
représentée par Me Olivier Peter, avocat, 
recourante, 
 
contre 
 
Ministère public central du canton de Vaud, 
avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD, 
intimé. 
 
Objet 
Opposition à une ordonnance pénale 
(violation de domicile, etc.); frais, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal 
du canton de Vaud, Chambre des recours pénale, 
du 7 décembre 2021 (n° 1116 PE21.006007/DSO). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Par ordonnance pénale du 31 mars 2021, le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne a déclaré "B.________" coupable de violation de domicile, d'empêchement d'accomplir un acte officiel et d'insoumission a une décision de l'autorité, l'a condamnée à une peine privative de liberté de 60 jours sous déduction d'un jour d'arrestation provisoire subi, à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à 30 fr. le jour et à une amende de 300 fr., convertible en trois jours de peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement dans le délai imparti, et a mis les frais de procédure, par 400 fr., à sa charge.  
Il était en substance reproché à la prévenue d'avoir, à U.________/V.________, sur W.________, à tout le moins le 30 mars 2021, refusé de donner suite, dans le délai imparti, à l'injonction de la police de quitter les bâtiments et les parcelles y attenantes, propriété de la société C.________ SA, malgré l'ordre d'évacuation de la Présidente du Tribunal civil de l'arrondissement de La Côte du 24 février 2021, décision exécutoire et assortie de la menace de la peine d'amende prévue par l'art. 292 CP. Il était par ailleurs reproché à la prévenue d'avoir résisté à son évacuation et d'avoir fortement gêné l'intervention de la police chargée de procéder à celle-ci. 
 
A.b. Par acte du 12 avril 2021, l'avocate D.________, déclarant agir pour "B.________" a formé opposition à l'encontre de cette ordonnance. Elle a joint à cet acte une procuration par laquelle cette inconnue, apparemment, a déclaré la mandater, qui contient les annotations manuscrites "X.________" et "xx.xx.2021" ainsi qu'une signature illisible accompagnée d'une empreinte digitale de mauvaise qualité.  
 
A.c. Par avis du 27 avril 2021 adressé à Me D.________, le ministère public a indiqué qu'il considérait l'opposition et la procuration comme viciées dès lors qu'elles ne permettaient pas l'identification de la prévenue et lui a imparti un délai au 7 mai 2021 pour réparer le vice.  
Dans ses déterminations du 7 mai 2021, Me D.________ a conclu à ce que la validité de la procuration au dossier et de l'opposition formée soit constatée. Elle a produit deux photographies de deux personnes, comprenant chacune une empreinte digitale et une signature illisible, au bas desquelles était inscrit: " Je confirme la procuration donnée à D.________, avocate, et ma volonté de faire opposition contre l'ordonnance pénale du 31 mars 2021 (PE21.0060007-JON), B.________ ".  
Par avis du 11 mai 2021, le ministère public a déclaré maintenir son ordonnance pénale et a transmis le dossier au Tribunal de police de l'arrondissement de La Côte. 
 
B.  
 
B.a. Par courrier du 20 mai 2021, le Tribunal de police de l'arrondissement de La Côte a imparti à Me D.________ un délai au 31 mai 2021 pour se déterminer sur la validité de la procuration et tout autre élément qui lui paraîtrait utile sur la question de la recevabilité.  
Par courrier daté du 24 juin 2021, Me D.________ a requis que la nullité de l'ordonnance pénale soit constatée, subsidiairement que la validité de l'opposition et de la procuration soit constatée et que le dossier soit renvoyé au ministère public. 
 
B.b. Par prononcé du 12 novembre 2021, le Tribunal de police de l'arrondissement de La Côte a déclaré irrecevable l'opposition à l'ordonnance pénale du 31 mars 2021 formée le 12 avril 2021 par Me D.________, déclarant agir pour "B.________", dit que l'ordonnance pénale rendue le 31 mars 2021 était exécutoire, ordonné le retour du dossier au Ministère public de l'arrondissement de Lausanne et dit que la décision était rendue sans frais.  
Le Tribunal de police a en premier lieu rejeté l'argument de la nullité de l'ordonnance pénale querellée, au motif que cette dernière était dirigée contre inconnu et ne contenait pas l'identité de la prévenue, conformément à l'art. 353 al. 1 let. b CPP. Il a jugé à cet égard, en référence à l'art. 81 al. 2 let. c CPP, qui prévoit de manière plus large une désignation suffisante des parties, qu'il suffisait que la personne soit identifiable. Tel était le cas en l'espèce, dès lors que "B.________" était identifiable grâce à ses empreintes digitales et à son profil ADN, ces éléments étant suffisants pour assurer, le cas échéant, l'exécution de la peine. L'opposante était seule responsable du fait que son identité n'était pas complète, dès lors qu'elle avait refusé de la donner sans motif valable. L'art. 215 al. 2 let. a CPP lui imposait de décliner son identité, sans que cela porte atteinte au droit de ne pas s'auto-incriminer. En outre, l'opposition ne contenait que la signature de Me D.________ et ne répondait pas aux exigences déduites de la forme écrite, respectivement de la procuration écrite, découlant des art. 110 et 129 CPP, nonobstant un délai pour corriger le vice imparti en application de l'art. 110 al. 4 CPP. Il a enfin été relevé que "B.________" avait été formellement avisée par le ministère public, lors de son audition du 31 mars 2021, que sa décision de ne pas donner son identité la priverait des voies de droit ouvertes par la loi pour contester l'ordonnance pénale, de sorte qu'en refusant de décliner son identité, elle avait renoncé à son droit d'accès aux tribunaux, dès lors qu'il n'était pas envisageable d'admettre une personne dont on ne connaîtrait pas l'identité dans l'enceinte d'un tribunal et encore moins en salle d'audience. Pour ces motifs en particulier, le tribunal de police a donc déclaré l'opposition irrecevable et l'ordonnance pénale exécutoire. 
 
B.c. Par publication dans la Feuille des avis officiels (FAO) du 19 novembre 2021, le tribunal de police a avisé "B.________, sans domicile connu" que l'opposition déposée en son nom contre l'ordonnance pénale rendue contre elle le 31 mars 2021 avait été déclarée irrecevable.  
Le prononcé a été notifié à Me D.________ le 12 novembre 2021 en qualité "d'auteur[e] de l'opposition". 
 
C.  
 
C.a. Par acte du 26 novembre 2021, Me A.________, prétendant agir au nom et pour le compte d'"B.________" a recouru auprès de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois contre ce prononcé, en concluant en substance, principalement, à sa réforme en ce sens que la nullité de l'ordonnance pénale du 31 mars 2021 soit constatée et le dossier de la cause renvoyé au ministère public pour la suite de la procédure. A titre subsidiaire, il concluait à la réforme de l'ordonnance attaquée en ce sens que des violations du droit de garder le silence, du droit d'accès au juge, du droit à un avocat et de la liberté de réunion pacifique soient constatées et que l'opposition à l'ordonnance pénale du 31 mars 2021 soit déclarée recevable, le dossier de la cause étant renvoyé au ministère public pour la suite de la procédure. En tout état de cause, il concluait à ce que les frais de la procédure de recours soient laissés à la charge de l'État et à l'octroi au recourant d'une indemnité équitable pour ses dépens.  
Il a produit un lot de pièces comprenant une procuration datée du 19 novembre 2021 le désignant comme mandataire de "B.________,", comportant une signature illisible et deux empreintes digitales, accompagnée d'une photographie en couleur montrant une personne tenant une procuration. 
 
C.b. Par arrêt du 7 décembre 2021 (n° 1116), la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois a déclaré le recours irrecevable et mis les frais d'arrêt, par 1'320 fr., à la charge de Me A.________.  
En bref, la cour cantonale a constaté que le recours interjeté devant elle n'était pas muni de la signature manuscrite de la partie visée par l'ordonnance pénale et qui prétendait avoir fait opposition à celle-ci, mais comportait uniquement celle de Me A.________. Elle a jugé à son tour qu'une procuration valable faisait défaut. Ainsi, mutatis mutandis, la cour cantonale a considéré elle aussi que le recours avait été déposé par un représentant sans pouvoir et l'a par conséquent déclaré irrecevable, en mettant de surcroît les frais à la charge de l'avocat prénommé.  
 
D.  
 
D.a. Par acte daté du 28 mars 2022, Me A.________ (ci-après: le recourant n° 1), représenté par Me Gaspard Genton, forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt rendu le 7 décembre 2021 (n° 1116) par la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois (6B_430/2022).  
Il conclut en substance, avec suite de frais et dépens, principalement, à l'annulation de l'arrêt attaqué, à l'annulation du prononcé rendu 12 novembre 2021 par le Tribunal d'arrondissement de La Côte, à ce que la nullité de l'ordonnance pénale du ministère public du 31 mars 2021 soit constatée et à ce que les frais judiciaires et les dépens de l'instance précédente soient mis à la charge du canton de Vaud. Subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué, à l'annulation du prononcé rendu 12 novembre 2021 par le Tribunal d'arrondissement de La Côte, à ce que soient constatées une violation du droit d'être entendu et une violation de la liberté d'expression, à ce que l'opposition à l'ordonnance pénale du 31 mars 2021 soit déclarée recevable, à l'annulation de dite ordonnance pénale, au renvoi de la cause au ministère public pour la suite de la procédure, et à ce que les frais judiciaires et dépens de l'instance précédente soient mis à la charge du canton de Vaud. Plus subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour suite de la procédure de recours et pour qu'elle se prononce sur le fond. Plus subsidiairement encore, il conclut à ce que l'arrêt attaqué soit réformé en ce sens que les frais de la cause sont mis à la charge de la partie qui succombe. 
Au préalable, il conclut à ce que soit ordonnée la jonction des deux procédures de recours en cause, soit celle ayant trait à son propre recours (6B_430/2022) et celle évoquée ci-après (6B_431/2022). 
 
D.b. Par acte daté du 28 mars 2022, Me A.________, exposant agir pour "B.________" (ci-après: la recourante n° 2), forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt rendu le 7 décembre 2021 (n° 1116) par la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois (6B_431/2022).  
Cette dernière conclut, avec suite de frais et dépens, en substance, principalement, à l'annulation de l'arrêt attaqué, à l'annulation du prononcé du 12 novembre 2021 par le Tribunal d'arrondissement de La Côte, à ce que la nullité de l'ordonnance pénale du ministère public du 31 mars 2021 soit constatée et au renvoi du dossier au ministère public pour la suite de la procédure. Subsidiairement, elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué, à l'annulation du prononcé rendu le 12 novembre 2021 par le Tribunal d'arrondissement de La Côte, à ce que soient constatés une violation du droit de garder le silence, une violation du droit d'accès au juge, du droit à une défense effective et une violation de la liberté de réunion pacifique, à ce que l'opposition à l'ordonnance pénale du 31 mars 2021 soit déclarée recevable, à l'annulation de dite ordonnance pénale et au renvoi du dossier au ministère public pour la suite de la procédure. Plus subsidiairement, elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité précédente. 
Elle a en outre requis la jonction de la présente cause (6B_431/2022) avec celle évoquée ci-dessus (6B_430/2022), ainsi que la jonction de l'ensemble des causes concernant d'autres "zadistes", respectivement leur conseil. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les deux recours en matière pénale au Tribunal fédéral sont dirigés contre le même arrêt cantonal. Ils concernent le même complexe de faits et soulèvent des questions juridiques qui se recoupent pour l'essentiel. Il y a donc lieu de joindre les causes et de les traiter dans un seul arrêt (art. 71 LTF et 24 PCF). En revanche, et dès lors que les arrêts cantonaux demeurent distincts, il n'y a pas lieu de joindre l'ensemble des causes concernant d'autres "zadistes", respectivement leur conseil. 
 
2.  
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 149 IV 9 consid. 2; ATF 146 IV 185 consid. 2). 
 
2.1. L'arrêt attaqué, rendu en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF), déclare irrecevable un recours interjeté contre un prononcé déclarant lui-même irrecevable une opposition à une ordonnance pénale. Il émane d'une autorité de dernière instance cantonale (art. 80 al. 1 LTF) et revêt un caractère final (art. 90 LTF). Les recours sont donc recevables quant à leur objet.  
 
2.2. Aux termes de l'art. 81 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière pénale quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a) et a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (let. b).  
En l'espèce, dès lors que l'arrêt attaqué met à sa charge les frais de la cause devant l'autorité précédente, le recourant n° 1 a qualité pour recourir. 
S'agissant de la recourante n° 2, cette dernière revêt la qualité de prévenue (art. 81 let. a et b ch. 1 LTF). Est en particulier en cause, en ce qui la concerne, la garantie de l'accès au juge (art. 29 Cst., 29a Cst. et 6 CEDH), eu égard à la présente situation procédurale ayant trait à un arrêt déclarant irrecevable un recours contre un prononcé déclarant lui-même irrecevable une opposition à une ordonnance pénale. Il convient ainsi de lui reconnaître la qualité pour recourir et d'entrer en matière sur son recours, étant au demeurant relevé qu'il sied de laisser indécises, au stade de l'examen de la recevabilité, les questions de recevabilité formelle relatives à la procuration censée légitimer les pouvoirs de l'avocat prétendant la représenter devant le Tribunal fédéral (cf. art. 40 al. 2 et 42 al. 1 et 5 LTF), sachant que celles-ci se confondent avec la problématique qui figure au coeur du présent litige. 
 
3.  
Sous différents angles, les recourants s'en prennent à la motivation par laquelle la cour cantonale, en examinant si le recours formé devant elle respectait les exigences de la forme écrite, est parvenue à la conclusion que tel n'était pas le cas, avant de le déclarer irrecevable. Ils formulent différents griefs, reprochant notamment à la cour cantonale d'avoir violé les art. 393 ss CPP, en lien avec l'art. 129 al. 2 CPP. Ils invoquent de surcroît une violation du droit de garder le silence et du principe de non-incrimination, la nullité de l'ordonnance pénale du 31 mars 2021, ainsi qu'une violation du droit d'accès au juge et de la prohibition du formalisme excessif. 
 
4.  
 
4.1. Conformément à l'art. 396 al. 1 CPP, le recours (au sens des art. 393 à 397 CPP) contre les décisions notifiées par écrit ou oralement est motivé et adressé par écrit, dans le délai de dix jours, à l'autorité de recours. L'art. 396 al. 1 CPP compte parmi les dispositions qui imposent de procéder en la forme écrite (cf. art. 110 al. 3 CPP; YASMINA BENDANI, in Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2 e éd. 2019, n° 3 ad art. 110 CPP), à l'instar, du reste, de l'art. 354 al. 1 CPP, s'agissant de l'opposition (ATF 142 IV 299 consid. 1.1). Conformément à l'art. 110 al. 1 2 e phrase CPP, l'acte pour lequel la forme écrite est exigée doit être daté et signé ( ibid.; cf. aussi ATF 145 IV 190 consid. 1.3.2). Selon la jurisprudence constante, la signature doit être apposée de manière manuscrite, par la partie concernée, sur le document écrit en cause (ATF 142 IV 299 consid. 1.1).  
Aux termes de l'art. 129 CPP, dans toutes les procédures pénales et à n'importe quel stade de celles-ci, le prévenu a le droit de charger de sa défense un conseil juridique au sens de l'art. 127 al. 5 CPP (défense privée) ou, sous réserve de l'art. 130 CPP, de se défendre soi-même (al. 1). L'exercice de la défense privée exige une procuration écrite ou une déclaration du prévenu consignée au procès-verbal (al. 2). 
Sous forme écrite, la procuration doit indiquer le nom du client, celui de l'avocat mandaté par ce dernier et comporter la signature du client, respectivement remplir les conditions des art. 13 à 15 CO (arrêt 6B_525/2008 du 4 septembre 2008 consid. 2 [en lien avec les art. 40 al. 2 et 42 al. 5 LTF]; MAURICE HARARI, in Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2e éd. 2019, n° 22 ad art. 129 CPP). 
 
4.2. En l'espèce, il est constant que la procuration censée établir les pouvoirs du recourant n° 1 ne comporte pas le nom de la recourante n° 2, mais uniquement une désignation calquée sur celle de l'ordonnance pénale du 31 mars 2021, à savoir "B.________", ainsi qu'une signature illisible et des empreintes digitales. Force est donc de constater que cette dernière n'est pas formellement conforme aux exigences précitées.  
Les recourants font néanmoins état des spécificités de la cause, en qualifiant l'ordonnance pénale du 31 mars 2021 de " premier des maillons de l'étrange chaîne procédurale qui amène au[x] présent[s] recours ". On doit toutefois relever d'emblée que la situation procédurale inédite qui singularise la présente cause se trouve en réalité liée au refus de la recourante n° 2 de décliner son identité. D'un point de vue purement objectif, ce refus est en effet aussi bien à l'origine du libellé de l'ordonnance pénale en cause, s'agissant de la désignation de la recourante n° 2, que du motif d'irrecevabilité retenu dans l'arrêt attaqué - et avant lui dans le prononcé du Tribunal de police de l'arrondissement de La Côte du 12 novembre 2021 -, puisque celui-ci repose sur l'absence de procuration désignant nommément l'intéressée et comportant sa signature manuscrite. Les particularités de la cause commandent quoi qu'il en soit d'examiner plus avant différents griefs que les recourants soulèvent en lien avec ce qui précède.  
 
5.  
Invoquant une violation du droit de garder le silence, les recourants reprochent à la cour cantonale d'avoir considéré que ce droit ne pouvait justifier un refus de révéler son identité et de signer une procuration en bonne et due forme en faveur d'un conseil de choix. Ils contestent dès lors, sous cet angle notamment, le motif d'irrecevabilité retenu par les juges précédents. Compte tenu du rôle que revêt en l'occurrence la question du droit de garder le silence en lien avec l'établissement de l'identité de la personne prévenue (cf. supra consid. 4.2), il convient d'examiner en priorité les griefs qui en sont tirés.  
 
5.1. Conformément à l'art. 113 al. 1 CPP, le prévenu n'a pas l'obligation de déposer contre lui-même (1 re phrase). Il a notamment le droit de refuser de déposer et de refuser de collaborer à la procédure (2 e phrase). Il est toutefois tenu de se soumettre aux mesures de contrainte prévues par la loi (3 e phrase).  
Dans son arrêt rendu le 27 septembre 2022, publié aux ATF 149 IV 9, la cour de céans a rappelé les fondements et la portée du principe de non-incrimination (" nemo tenetur se ipsum accusare "), et s'est penchée plus particulièrement sur sa portée en rapport avec l'établissement des données personnelles et de l'identité du prévenu (consid. 5.1). Le Tribunal fédéral a ainsi été amené à juger que le droit de se taire et de refuser de collaborer ne saurait s'appréhender comme le fondement d'un droit à l'anonymat, ni être invoqué pour justifier le refus de décliner son identité (consid. 5.2).  
 
5.2. En l'espèce, il suffit de constater que les recourants confèrent au droit en question une portée que la jurisprudence ne lui reconnaît pas. Ils ne peuvent en réalité rien tirer d'une prétendue violation du droit de garder le silence et de refuser de collaborer. Mal fondé, le grief doit être rejeté.  
 
6.  
Les recourants font également valoir qu'en tout état de cause, la cour cantonale aurait dû constater la nullité de l'ordonnance pénale du 31 mars 2021, en relation avec le libellé de cette dernière, en ce qu'elle désigne comme prévenue "B.________". Pour les recourants, un tel libellé viole l'art. 353 al. 1 let. b CPP de telle façon que l'ordonnance en question serait entachée de nullité. 
 
6.1. Sur ce point également, il convient de renvoyer à la motivation de l'arrêt publié aux ATF 149 IV 9, dans lequel la cour de céans a eu l'occasion de rappeler les principes concernant la nullité d'une décision, en particulier en droit pénal (consid. 6.1 et 6.2), et d'apporter différentes précisions concernant les exigences relatives au contenu d'une ordonnance pénale, s'agissant de la désignation de la personne prévenue (consid. 6.3). Il a en l'occurrence été jugé que lorsque les données personnelles de cette dernière demeurent en tout ou en partie inconnues, il incombe à l'autorité de pallier ces éventuelles carences par toutes mesures utiles permettant de garantir une identification et une désignation claire de celle-ci, propre à prévenir tout risque de confusion. Il a ainsi été retenu que rien n'excluait une désignation générique accompagnée de données signalétiques, pourvu que l'on puisse être certain que la personne qui fait l'objet de la procédure est bien celle que désigne l'ordonnance pénale, à l'exclusion de toute autre. Sous ces conditions, la désignation peut être qualifiée de suffisante, malgré l'absence de données nominatives complètes ( ibid.).  
 
6.2. En l'espèce, il convient de constater que la solution retenue pour désigner la recourante n° 2, à savoir "B.________", qui revêt un caractère pragmatique et qui était en définitive dictée par les circonstances, ne laisse subsister aucun risque de confusion en ce qui la concerne. Dans les circonstances particulières propres au cas d'espèce, la désignation en cause, qui trouve son origine dans le refus de la recourante n° 2 de décliner son identité après avoir invoqué son droit de se taire, est demeurée conforme à l'art. 353 al. 1 let. b CPP. Le grief tiré d'une prétendue violation de l'art. 353 al. 1 let. b CPP s'avère par conséquent mal fondé. Il en va ainsi de même de celui tiré de la prétendue nullité de l'ordonnance pénale à la base de la présente procédure, qui s'avère lui aussi mal fondé.  
 
7.  
En référence aux art. 6 CEDH, 29 et 29a Cst. et 354 CPP, respectivement 396 CPP, les recourants soutiennent encore que l'arrêt attaqué, en tant qu'il déclare irrecevable le recours cantonal contre un prononcé déclarant lui-même irrecevable une opposition à une ordonnance pénale, consacre une violation du droit d'accès au juge et de la prohibition du formalisme excessif. 
 
7.1. A teneur de l'art. 29a Cst., toute personne a droit à ce que sa cause soit jugée par une autorité judiciaire. Aux termes de l'art. 32 al. 3 Cst., toute personne condamnée a le droit de faire examiner le jugement par une juridiction supérieure. Des garanties analogues découlent également de l'art. 6 par. 1 CEDH (ATF 147 IV 518 consid. 3.1).  
Là encore, il sied de renvoyer à la motivation de l'arrêt publié aux ATF 149 IV 9, dans lequel la cour de céans a eu l'occasion de rappeler l'importance de la prise en compte de la garantie de l'accès au juge dans la procédure de l'ordonnance pénale (consid. 7.1), ainsi que les principes relatifs à la prohibition du formalisme excessif (consid. 7.2). Il a en outre été jugé, dans des circonstances parfaitement analogues au cas d'espèce et présentant les mêmes singularités que l'admission de la validité d'une ordonnance pénale désignant la personne prévenue de façon générique, puis la déclaration d'irrecevabilité concernant son opposition à l'ordonnance pénale la condamnant, ainsi que celle de son recours, fondées sur une stricte application des exigences de forme applicables aux voies de droit, respectivement à la procuration censée établir les pouvoirs du mandataire, aboutissaient à une violation de la prohibition du formalisme excessif et de la garantie d'accès au juge (consid. 7.3). 
 
7.2. Ce qui précède prévaut également dans la présente configuration, sachant qu'elle demeure analogue. Si l'on admet ici aussi que la désignation en cause de la recourante n° 2, à savoir "B.________", est valable sous l'angle de l'art. 353 al. 1 let. b CPP en ce qui concerne l'ordonnance pénale, une telle solution commande ici aussi d'appréhender en conséquence les exigences formelles concernant les procurations produites en instance cantonale. Comme souligné dans l'arrêt rendu le 27 septembre 2022 par la cour de céans (ATF 149 IV 9), on ne peut guère admettre, d'un côté, une interprétation large des exigences découlant de la disposition précitée, tout en imposant, de l'autre, une stricte application des exigences de forme applicables aux voies de droit permettant de contester la décision de base (cf. art. 354 al. 1 et 396 CPP cum art. 110 al. 3 et 129 al. 2 CPP). Ici aussi, il s'avère problématique de vouloir à la fois considérer que la désignation retenue pour l'ordonnance pénale renvoie à une personne identifiable, y compris dans une optique d'exécution de la peine, et ne comporte aucun risque de confusion - et qu'elle est ainsi valable - tout en opposant à cette même personne ainsi désignée des vices de forme lorsqu'elle procède en reprenant la désignation retenue par les autorités. La situation qui en découle est d'autant plus problématique au regard de la nature de l'ordonnance pénale - en tant que proposition de jugement - et de l'importance que revêt la procédure de l'opposition par rapport à la garantie d'accès au juge dans ce contexte. Qui plus est, l'acuité de cette problématique s'en trouve accrue par la peine ferme concrètement en jeu. Par conséquent, dans la configuration qui singularise le cas d'espèce, la conception retenue par la cour cantonale, et avant elle par le premier juge, rompt le rapport raisonnable qui doit subsister entre les exigences de forme et le droit d'accès au juge, et ce quand bien même la recourante n° 2 est à l'origine des difficultés procédurales auxquelles elle a été confrontée en raison de son refus de décliner son identité. Son attitude aurait été susceptible d'avoir un effet sur les frais de la cause mais ne saurait, in fine, la priver de tout accès au juge. L'équité de la procédure en a été, quoi qu'il en soit, affectée. Il faut dès lors d'admettre que les griefs tirés d'une violation de la prohibition du formalisme excessif et de la garantie d'accès au juge s'avèrent fondés.  
Les recours doivent ainsi être admis sur ce point, ce qui dispense d'examiner les griefs de fond tirés notamment d'une prétendue violation du droit à la liberté de réunion pacifique, ou encore de son grief tiré d'une prétendue violation du droit à une audience publique. Il s'ensuit également que la cour cantonale n'était pas fondée à mettre les frais de la procédure à la charge du recourant n° 1, sans qu'il y ait lieu d'examiner plus avant les griefs que ce dernier soulève spécifiquement à cet égard. 
 
8.  
Au vu de ce qui précède, les recours doivent être partiellement admis et la cause renvoyée devant l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Il n'y a pas lieu d'inviter le ministère public et la cour cantonale à se déterminer, dès lors que la présente solution découle, comme indiqué plus haut, de l'arrêt rendu le 27 septembre 2022 par la cour de céans (ATF 149 IV 9), dans le contexte duquel les autorités précitées avaient été invitées à se déterminer. 
Les recourants, qui n'obtiennent que partiellement gain de cause, doivent supporter une partie des frais judiciaires (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF). Ils peuvent prétendre à des dépens réduits à la charge du canton de Vaud (art. 68 al. 1 LTF), lequel est dispensé de tout frais (art. 66 al. 4 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Les causes 6B_430/2022 et 6B_431/2022 sont jointes. 
 
2.  
Les recours sont partiellement admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. 
 
3.  
Une partie des frais judiciaires, arrêtée à 1'000 fr., est mise à la charge des recourants, solidairement entre eux. 
 
4.  
Le canton de Vaud versera aux recourants une indemnité de 1'000 fr. chacun à titre de dépens réduits pour la procédure au Tribunal fédéral. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale. 
 
 
Lausanne, le 23 août 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Denys 
 
Le Greffier : Dyens