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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_916/2022  
 
 
Arrêt du 23 août 2023  
 
Ire Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux 
Denys, Juge présidant, Muschietti et van de Graaf. 
Greffier : M. Dyens. 
 
Participants à la procédure 
Ministère public central du canton de Vaud, 
avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD, 
recourant, 
 
contre  
 
A.________, 
intimée. 
 
Objet 
Nullité d'une ordonnance pénale 
(violation de domicile, etc.), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale, du 1er juillet 2022 
(n° 483 PE21.006013/DSO). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Par ordonnance pénale du 31 mars 2021, le Ministère public de l'arrondissement du Nord vaudois a déclaré "B.________" coupable de violation de domicile, d'empêchement d'accomplir un acte officiel et d'insoumission à une décision de l'autorité, l'a condamnée à une peine privative de liberté ferme de 90 jours sous déduction d'un jour de détention avant jugement, à une peine pécuniaire ferme de 15 jours-amende à 30 fr. le jour et à une amende de 600 fr. assortie d'une peine privative de liberté de substitution de 20 jours, et a mis les frais de procédure, par 300 fr., à sa charge.  
Il était reproché à la prévenue d'avoir, à tout le moins le 30 mars 2021, dans le but de faire barrage à l'activité professionnelle de la société C.________ SA, sur U.________, au lieu-dit V.________, sur la commune de W.________, en y squattant un bâtiment. Il lui était en outre reproché d'avoir fait obstacle à l'ordre d'évacuation de la Présidente du Tribunal civil de l'arrondissement de La Côte du 24 février 2021, décision exécutoire et assortie de la menace de la peine d'amende prévue par l'art. 292 CP, et de ne pas avoir obéi aux diverses injonctions de la police chargée de la mise à exécution, dès le 30 mars 2021 à 7h20, de la décision précitée. 
 
A.b. Par acte du 12 avril 2021, Me D.________, déclarant agir pour "B.________", a formé opposition à cette ordonnance. Il a joint à cet acte une procuration par laquelle une personne déclare le mandater, qui contient les annotations manuscrites "X.________" et "xx/xx/21", ainsi qu'une signature illisible sous la mention manuscrite "LE.A CLIENT.E [SIGNATURE]".  
 
A.c. Après avoir indiqué à Me D.________ qu'il considérait l'opposition et la procuration comme viciée et l'avoir invité à se déterminer, respectivement à réparer le vice, le ministère public a, par avis du 27 mai 2021, déclaré maintenir son ordonnance pénale et a transmis le dossier au Tribunal de police de l'arrondissement de La Côte.  
 
B.  
 
B.a. Par courrier du 28 mai 2021, le Tribunal de police de l'arrondissement de La Côte a imparti à Me D.________ un délai au 10 juin 2021 pour se déterminer sur la validité de la procuration et tout autre élément qui lui paraîtrait utile sur la question de la recevabilité.  
Me D.________ s'est déterminé par courrier du 24 juin 2021, dans le délai prolongé à sa demande, en concluant notamment au constat de la nullité de l'ordonnance pénale, subsidiairement au constat de la validité de l'opposition et de la procuration et au renvoi du dossier au ministère public. 
 
B.b. Le 14 octobre 2021, le ministère public a transmis au Tribunal de police de l'arrondissement de La Côte le rapport d'investigation de la Police de sûreté du 15 septembre 2021, dont il ressortait que les investigations menées avaient permis d'établir que l'inconnue qui s'était identifiée sous le pseudonyme "B.________" était en réalité A.________, ressortissante française née en 1996, étant précisé que celle-ci avait déjà été contrôlée à proximité de la "Zone à défendre" (ZAD) le 21 mars 2021 et s'était à cette occasion légitimée avec son permis de conduire français.  
 
B.c. Par prononcé du 12 novembre 2021, le Tribunal de police de l'arrondissement de La Côte a déclaré irrecevable l'opposition à l'ordonnance pénale du 31 mars 2021 formée le 12 avril 2021 par Me D.________, déclarant agir pour "B.________", dit que l'ordonnance pénale rendue le 31 mars 2021 était exécutoire, ordonné le retour du dossier au Ministère public de l'arrondissement du Nord vaudois et dit que la décision était rendue sans frais.  
 
B.d. Par publication dans la Feuille des avis officiels (FAO) du 19 novembre 2021, le tribunal de police a avisé "B.________", que l'opposition déposée en son nom contre l'ordonnance pénale rendue contre elle le 31 mars 2021 avait été déclarée irrecevable.  
Le prononcé a été notifié à Me D.________ le 12 novembre 2021 en qualité "d'auteur de l'opposition". 
 
C.  
 
C.a. Par acte du 25 novembre 2021, A.________ a recouru en son propre nom auprès de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois contre ce prononcé, en concluant, en substance, principalement à sa réforme en ce sens que la validité de son opposition soit constatée et le dossier de la cause renvoyé au ministère public. Elle a également conclu au constat de la nullité de l'ordonnance pénale.  
 
C.b. Par avis du 7 décembre 2021 adressé en copie à Me D.________, le Président de la de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois a imparti à A.________ un délai de dix jours pour produire une pièce de légitimation officielle comportant sa photographie et sa signature, à défaut de quoi il ne serait pas entré en matière sur son recours.  
Le 17 décembre 2021, A.________ a produit une copie de sa carte d'identité nationale française comportant sa photographie et sa signature. 
 
C.c. Par arrêt du 1 er juillet 2022, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois a en particulier admis le recours et réformé le prononcé attaqué en ce sens qu'il a été constaté que l'ordonnance pénale rendue le 31 mars 2021 par le Ministère public de l'arrondissement du Nord vaudois à l'encontre de "B.________" était nulle et dit que l'opposition formée le 12 avril 2021 par Me D.________ contre cette ordonnance pénale, au nom de cette inconnue était sans objet. La Chambre des recours pénale a en outre renvoyé le dossier de la cause au ministère public pour nouvelle instruction et nouvelle décision, tout en laissant les frais d'arrêt, par 2'090 fr., à la charge de l'État.  
 
D.  
Par acte daté du 3 août 2022, le Procureur général du canton de Vaud forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt précité. Il conclut, principalement, à l'admission du recours et à la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens que le recours est rejeté et que les frais d'arrêt, par 2'090 fr., sont mis à la charge de la recourante. Subsidiairement, il conclut à l'admission du recours, à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
E.  
Invités à se déterminer, la Chambre des recours pénale y a renoncé, se référant aux considérants de son arrêt, l'intimée n'ayant, quant à elle, pas procédé. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office (art. 29 al. 1 LTF) et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 149 IV 9 consid. 2; ATF 146 IV 185 consid. 2). 
 
1.1. L'arrêt attaqué ne met pas fin à la procédure (cf. art. 90 LTF), dès lors que la cause est renvoyée au ministère public pour nouvelle instruction et nouvelle décision. Formellement, il s'agit ainsi d'une décision de renvoi, soit d'une décision incidente qui ne peut faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral qu'aux conditions de l'art. 93 LTF (ATF 133 V 477 consid. 4.2. et 4.3).  
Selon la jurisprudence constante, il y a matière à retenir l'existence d'un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF lorsqu'une autorité cantonale annule une décision du ministère public et lui renvoie la cause pour nouvelle décision, puisque ce dernier se voit contraint de rendre une décision qu'il considère comme contraire au droit sans pouvoir ensuite la remettre en cause devant l'autorité de recours, respectivement devant le Tribunal fédéral (ATF 144 IV 377 consid. 1; 142 V 26 consid. 1.2; arrêt 6B_1232/2022 du 20 décembre 2022 consid. 2.3 et les arrêts cités). Tel est le cas en l'espèce, dès lors que la cour cantonale a jugé nulle l'ordonnance pénale à la base de la présente procédure et a renvoyé la cause au ministère public, qui n'est cependant plus censé disposer d'aucune latitude de jugement sur cette question précise dans la suite de la procédure. 
Le recours est ainsi recevable quant à son objet (art. 78, 80 et 93 al. 1 let. a LTF) et le recourant, qui dispose d'un intérêt juridique à faire trancher la question litigieuse discutée ci-après, a qualité pour recourir (cf. art. 81 al. 1 let. b ch. 3 LTF; cf. aussi art. 27 al. 2 de la loi vaudoise du 19 mai 2009 sur le ministère public [LMPu/VD; BLV 173.21]). Il convient donc d'entrer en matière. 
 
2.  
Le recourant conteste que l'ordonnance pénale du 31 mars 2021 rendue à l'encontre de l'intimée puisse être qualifiée de nulle. 
La problématique en question a été traitée par la cour de céans dans son arrêt du 27 septembre 2022 (6B_1325/2021 et 6B_1348/2021, publié aux ATF 149 IV 9), qui concerne le même contexte général que la présente cause. 
 
2.1. Dans cet arrêt, la cour de céans a eu l'occasion de rappeler les principes concernant la nullité d'une décision, en particulier en droit pénal (consid. 6.1 et 6.2), et d'apporter différentes précisions concernant les exigences relatives au contenu d'une ordonnance pénale, s'agissant de la désignation de la personne prévenue (consid. 6.3). Il a en l'occurrence été jugé que lorsque les données personnelles de cette dernière demeurent en tout ou en partie inconnues, il incombe à l'autorité de pallier ces éventuelles carences par toutes mesures utiles permettant de garantir une identification et une désignation claire de celle-ci, propre à prévenir tout risque de confusion. Il a ainsi été retenu que rien n'excluait une désignation générique accompagnée de données signalétiques, pourvu que l'on puisse être certain que la personne qui fait l'objet de la procédure est bien celle que désigne l'ordonnance pénale, à l'exclusion de toute autre. Sous ces conditions, la désignation peut être qualifiée de suffisante, malgré l'absence de données nominatives complètes ( ibid.).  
Sur la base des considérants qui précèdent, la cour de céans a retenu qu'une ordonnance pénale comportant une désignation générique analogue à celle retenue en l'espèce (cf. supra A.a) ne pouvait pas être qualifiée de nulle. Par identité de motifs, les griefs soulevés par le ministère public à l'encontre de l'arrêt attaqué, qui retient une solution opposée à celle de la cour de céans dans l'arrêt précité, s'avèrent fondés.  
 
3.  
Le recours doit en conséquence être admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause doit être renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision. 
Il n'y a pas lieu d'allouer une indemnité à l'accusateur public qui obtient gain de cause (cf. art. 68 al. 3 LTF). L'intimée n'ayant pas procédé, il est statué sans frais judiciaires (art. 66 al. 1, 2e phrase, LTF). L'intimée, qui succombe, et qui n'a pas procédé, n'a pas droit à des dépens. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale. 
 
 
Lausanne, le 23 août 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Denys 
 
Le Greffier : Dyens