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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
7B_412/2023  
 
 
Arrêt du 31 août 2023  
 
IIe Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme le Juge fédéral Abrecht, Président, 
Koch et Hofmann. 
Greffier : M. Valentino. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Robert Ayrton, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public STRADA du canton de Vaud, p.a. Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD. 
 
Objet 
Libération conditionnelle, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale, du 10 juillet 2023 (n°565 - AP23.007891-PAE). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par ordonnance du 19 juin 2023, la Juge d'application des peines du canton de Vaud a refusé d'accorder à A.________ la libération conditionnelle. 
 
B.  
Par arrêt du 10 juillet 2023, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours interjeté par A.________ contre cette ordonnance. 
En substance, les éléments suivants ressortent de cet arrêt. 
 
B.a. A.________ est né en 1996 au Cameroun, pays dont il est ressortissant. Il n'a pas de statut légal en Suisse.  
 
B.b. Il exécute les peines privatives de liberté suivantes, selon l'avis de détention du 6 avril 2023:  
 
- 60 jours, prononcés le 19 octobre 2018 par le Ministère public de l'arrondissement de l'Est vaudois, pour séjour illégal; 
- 40 jours, prononcés le 11 mars 2022 par le même Ministère public, pour entrée et séjour illégaux; 
- 19 mois, sous déduction de 353 jours de détention avant jugement et de 8 jours à titre de réparation du tort moral, prononcés le 16 mars 2023 par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de l'Est vaudois, pour rupture de ban et infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants (LStup; RS 812.121); son expulsion a en outre été ordonnée du territoire suisse pour une durée de 20 ans. 
 
B.c. L'extrait du casier judiciaire suisse de A.________ fait également état des condamnations suivantes:  
 
- 3 février 2017, Ministère public cantonal Strada: peine privative de liberté de 40 jours pour séjour illégal et délit contre la loi fédérale sur les stupéfiants; 
- 13 avril 2017, Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne: peine privative de liberté de 55 jours et expulsion de 5 ans pour séjour illégal et délit contre la loi fédérale sur les stupéfiants; 
- 9 février 2018, Ministère public de l'arrondissement de l'Est vaudois: peine privative de liberté de 60 jours pour entrée et séjour illégaux. 
 
B.d. A.________ est incarcéré depuis le 14 avril 2022 à la prison du Bois-Mermet. Le 15 juin 2023, il a atteint les deux tiers de ses peines, dont le terme est fixé au 28 janvier 2024.  
 
C.  
Par acte du 7 août 2023, A.________ recourt en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 10 juillet 2023. Il conclut principalement à la réforme de la décision entreprise en ce sens que sa libération conditionnelle lui soit accordée. A titre subsidiaire, il demande l'annulation de cette décision et le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision. Il sollicite l'assistance judiciaire. 
Invités à se déterminer sur le recours, la Chambre des recours pénale et le Ministère public y ont renoncé et se sont référés à l'arrêt attaqué. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Dirigé contre une décision sur l'exécution de peines et de mesures (art. 78 al. 2 let. b LTF) émanant d'une autorité cantonale de dernière instance (art. 80 al. 1 LTF), le recours, interjeté dans le délai légal (art. 100 al. 1 LTF) et satisfaisant aux exigences de forme (art. 42 al. 1 et 2 LTF), est recevable. Le recourant, qui a pris part à la procédure devant l'autorité précédente, dispose d'un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision entreprise, partant de la qualité pour recourir (art. 81 al. 1 LTF). 
 
2.  
 
2.1. Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 86 CP en lui refusant la libération conditionnelle, plus particulièrement d'avoir abusé de son pouvoir d'appréciation dans l'examen du pronostic, accordant trop de poids aux critères en défaveur du recourant, au détriment de ceux qui auraient dû l'amener à lui accorder la libération conditionnelle.  
 
2.2.  
 
2.2.1. Aux termes de l'art. 86 al. 1 CP, l'autorité compétente libère conditionnellement le détenu qui a subi les deux tiers de sa peine, mais au moins trois mois de détention, si son comportement durant l'exécution de la peine ne s'y oppose pas et s'il n'y a pas lieu de craindre qu'il commette de nouveaux crimes ou de nouveaux délits.  
La libération conditionnelle constitue la dernière étape de l'exécution de la sanction pénale. Elle est la règle et son refus l'exception, dans la mesure où il n'est plus exigé qu'il soit à prévoir que le condamné se conduira bien en liberté (cf. art. 38 ch. 1 al. 1 aCP), mais seulement qu'il ne soit pas à craindre qu'il commette de nouveaux crimes ou délits. Autrement dit, il n'est pas nécessaire pour l'octroi de la libération conditionnelle qu'un pronostic favorable puisse être posé. Il suffit que le pronostic ne soit pas défavorable (ATF 133 IV 201 consid. 2.2). 
Le pronostic à émettre doit être posé sur la base d'une appréciation globale, prenant en considération les antécédents de l'intéressé, sa personnalité, son comportement en général et dans le cadre des délits qui sont à l'origine de sa condamnation, le degré de son éventuel amendement ainsi que les conditions dans lesquelles il est à prévoir qu'il vivra (ATF 133 IV 201 consid. 2.2 et 2.3 et les références citées; arrêts 7B_308/2023 du 28 juillet 2023 consid. 2.2; 6B_277/2023 du 22 mars 2023 consid. 1.2). Par sa nature même, le pronostic ne saurait être tout à fait sûr; force est de se contenter d'une certaine probabilité; un risque de récidive est inhérent à toute libération, conditionnelle ou définitive (ATF 119 IV 5 consid. 1b). Pour déterminer si l'on peut courir le risque de récidive, il faut non seulement prendre en considération le degré de probabilité qu'une nouvelle infraction soit commise, mais également l'importance du bien qui serait alors menacé. Ainsi, le risque de récidive que l'on peut admettre est moindre si l'auteur s'en est pris à la vie ou à l'intégrité corporelle ou sexuelle de ses victimes que s'il a commis par exemple des infractions - même graves - à la loi fédérale sur les stupéfiants, lesquelles menacent de manière abstraite la santé publique (ATF 133 IV 201 consid. 3.2; ATF 124 IV 97 consid. 2c). 
Afin de procéder à un pronostic différentiel, il sied de comparer les avantages et désavantages de l'exécution de la peine avec la libération conditionnelle et déterminer, notamment, si le degré de dangerosité que représente le détenu diminuera, restera le même ou augmentera en cas d'exécution complète de la peine (ATF 124 IV 193 consid. 4d et 5b/bb; arrêts 7B_308/2023 précité consid. 2.2 et 2.4.6; 6B_277/2023 précité consid. 1.2). Il y a également lieu de rechercher si la libération conditionnelle, éventuellement assortie d'une assistance de probation ou de règles de conduite, ne favoriserait pas mieux la resocialisation de l'auteur que l'exécution complète de la peine (ATF 124 IV 193 consid. 4d/aa/bb; arrêt 6B_277/2023 précité consid. 1.2). 
Dans l'émission du pronostic, l'autorité compétente dispose d'un large pouvoir d'appréciation, de sorte que le Tribunal fédéral n'intervient que si elle l'a excédé ou en a abusé, notamment lorsqu'elle a omis de tenir compte de critères pertinents et s'est fondée exclusivement sur les antécédents du condamné (ATF 133 IV 201 consid. 2.3; arrêt 7B_308/2023 précité consid. 2.2). 
 
2.2.2. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation, mais aussi dans son résultat (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1; 143 IV 241 consid. 2.3.1). Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF; ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 143 IV 500 consid. 1.1). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 145 IV 154 consid. 1.1).  
 
2.3. Après avoir relevé que le recourant avait exécuté les deux tiers de ses peines le 15 juin 2023 et que son comportement en détention était bon, si bien que les deux premières conditions posées par l'art. 86 al. 1 CP à la libération conditionnelle étaient réalisées, les juges cantonaux ont considéré que le pronostic sur son comportement futur était résolument défavorable, au vu de son statut de multirécidiviste, de son absence d'amendement et de l'inexistence de tout projet réaliste de réinsertion tenant compte de son expulsion (arrêt entrepris, consid. 2, pp. 8-9).  
 
2.4.  
 
2.4.1. Contrairement à ce que soutient le recourant, la cour cantonale n'a pas omis de considérer, dans l'appréciation du pronostic, que certaines des sanctions prononcées contre lui étaient "relativement légères", sa dernière condamnation à une peine privative de liberté de 19 mois étant en revanche importante. Elle a retenu que les cinq premières condamnations n'avaient eu aucun effet sur l'intéressé, ce que celui-ci ne conteste d'ailleurs pas.  
Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir opéré "une spéculation hasardeuse" en estimant que la peine qu'il exécute actuellement - qu'il qualifie d'"épreuve pour lui inédite" compte tenu de la durée de sa détention - n'avait pas eu d'impact sur lui. En cela, il ne démontre toutefois pas que la cour cantonale aurait établi les faits respectivement apprécié les preuves de manière arbitraire en retenant, sur la base notamment de ses déclarations devant la juge d'application des peines, qu'il ne s'estimait pas dangereux malgré la gravité des faits ayant conduit à sa dernière condamnation pour infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants et qu'à cet égard, sa prise de conscience demeurait à tout le moins faible. 
Contrairement à ce que soutient le recourant, la cour cantonale n'a pas fondé son appréciation du pronostic défavorable sur ce seul élément. Elle a procédé à une appréciation globale, dans le cadre de laquelle elle a porté un jugement négatif sur le comportement du recourant, qui avait récidivé alors qu'il était sous le coup d'une expulsion judiciaire d'une durée de cinq ans prononcée en 2017. La cour cantonale en a déduit, d'une manière qui échappe au grief d'arbitraire, que le recourant n'avait tiré aucune leçon de cette mesure. Il n'apparaît ainsi pas que l'instance précédente se soit laissée guider par des critères étrangers à la situation, de sorte que le grief du recourant doit être rejeté. 
 
2.4.2. Le recourant reproche aux juges cantonaux d'avoir considéré, sur la base de ses propos devant la juge d'application des peines selon lesquels il irait "se loger chez B.________ ou C.________" s'il était libéré au 15 juin 2023 (P. 7, lignes 58-59), qu'il ne semblait absolument pas avoir pris conscience de son statut illégal en Suisse. Le recourant fait valoir que la conclusion de la cour cantonale aurait dû être "nettement plus nuancée", dans la mesure où, replacées dans leur contexte, ses déclarations signifieraient simplement que dès sa libération, il logerait auprès de structures d'accueil d'urgence, dans l'attente de son expulsion.  
En cela, il ne démontre toutefois pas en quoi la cour cantonale aurait versé dans l'arbitraire, en retenant, sur la base de l'ensemble de ses explications, qu'il entendait demeurer en Suisse en toute illégalité. Au demeurant, il ressort de son audition devant la juge d'application des peines que le recourant a déclaré qu'il ne se souvenait pas de toutes ses précédentes condamnations, qu'il ignorait avoir l'interdiction de pénétrer en Suisse et qu'à sa sortie de détention, il souhaitait vivre et travailler en Europe, "peu importe le pays", mais qu'il ne retournerait pas au Cameroun, ni ailleurs en Afrique, malgré sa situation illégale en Europe (P. 7, lignes 49-50, 55, 66-67). Au vu de ces éléments, qui ont été repris par la cour cantonale (arrêt entrepris, pp. 8-9), celle-ci pouvait sans arbitraire émettre des doutes sérieux sur une réelle prise de conscience du recourant et sur son amendement quant au comportement qu'il adopterait à sa sortie de prison. 
 
2.4.3. Le recourant ne soutient pas que la cour cantonale aurait omis de procéder à un examen du pronostic différentiel, mais lui reproche d'avoir erré dans son appréciation quant à la portée du concept de dangerosité dans cet examen.  
Contrairement à ce que suggère le recourant en se référant à l'ATF 133 IV 201 consid. 2.2.1, les juges cantonaux n'ont pas retenu, dans leur analyse, un pronostic défavorable uniquement sur la base de ses antécédents. En particulier, il a été tenu compte, en sus de la gravité - abstraite mais sérieuse - des infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants entrant en considération dans l'appréciation du risque de récidive, des perspectives relatives à ses conditions de vie en liberté. 
Au demeurant, il apparaît que la dangerosité du recourant - qui ne doit pas être sous-estimée - ne serait pas moindre en cas de libération anticipée - éventuellement assortie d'une assistance de probation ou de règles de conduite (art. 87 al. 2 CP) - qu'en cas de libération en fin de peine, car l'intéressé, expulsé, devrait quitter la Suisse par la force; il ne serait alors plus possible de le surveiller et, le cas échéant, d'ordonner sa réintégration en vue de l'exécution du solde de la peine en cas de nouvelle infraction (art. 89 al. 1 CP), compte tenu de la difficulté notoire de la mise en oeuvre et de la vérification des mesures d'accompagnement à l'étranger (cf. arrêts 7B_308/2023 précité consid. 2.4.6; 6B_460/2021 du 9 juin 2021 consid. 5.4). 
 
2.4.4. Enfin, le recourant fait valoir que le reproche qui lui est adressé de ne formuler "aucun projet concret tenant compte de son statut administratif en Suisse" (arrêt entrepris, p. 9) reviendrait à refuser automatiquement l'accès à la libération conditionnelle à tout détenu étranger faisant l'objet d'une mesure de renvoi de Suisse.  
En cela, il ne démontre toutefois pas que la cour cantonale aurait violé le droit fédéral. En tant que de besoin, il suffit de relever à ce sujet que la phrase mise en évidence par le recourant ne signifie pas qu'il n'a aucun projet en Suisse, mais qu'il n'en a pas qui tienne compte de son expulsion. Or, le recourant n'allègue pas, ni a fortiori ne démontre que la cour cantonale aurait arbitrairement fait abstraction de l'existence de perspectives professionnelles. Ainsi, il n'est pour le moins pas insoutenable de retenir, de ce point de vue également, l'absence de prise de conscience quant à la nécessité de quitter la Suisse et de volonté de se soumettre à l'expulsion judiciaire. 
 
2.5. En définitive, c'est ensuite d'une appréciation globale et dénuée d'arbitraire que la cour cantonale a retenu un pronostic défavorable. Ce pronostic justifie le refus de libérer conditionnellement le recourant au sens de l'art. 86 CP.  
 
3.  
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. Comme les conclusions étaient vouées à l'échec, l'assistance judiciaire ne peut pas être accordée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant, qui succombe, devra donc supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera toutefois fixé en tenant compte de sa situation financière (art. 65 al. 2 LTF), laquelle n'apparaît pas favorable. 
 
 
 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
La requête d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué au recourant, au Ministère public STRADA du canton de Vaud et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale. 
 
 
Lausanne, le 31 août 2023 
 
Au nom de la IIe Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Abrecht 
 
Le Greffier : Valentino