Avis important:
Les versions anciennes du navigateur Netscape affichent cette page sans éléments graphiques. La page conserve cependant sa fonctionnalité. Si vous utilisez fréquemment cette page, nous vous recommandons l'installation d'un navigateur plus récent.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
5D_127/2022  
 
 
Arrêt du 29 novembre 2022  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Herrmann, Président, 
von Werdt et Schöbi. 
Greffière : Mme de Poret Bortolaso. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Pierre-Xavier Luciani, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
B.________ SA, 
intimée. 
 
Objet 
validation de la mise à ban, action possessoire, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 27 juillet 2022 (JI21.008161-220439 390). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. B.________ SA est propriétaire des biens-fonds nos 35 et 36 de la Commune de U.________, situés respectivement au chemin V.________ et à l'avenue W.________. Elle exploite un appart'hôtel sur la parcelle no 35.  
A.________ est locataire du restaurant " C.________ ", situé sur la parcelle no 35 précitée. 
 
A.b. Le 25 février 2012, les parties ont conclu un contrat de bail à loyer pour locaux commerciaux, portant sur l'usage de ce restaurant et neuf places de parc.  
 
B.  
B.________ SA a déposé une requête de mise à ban auprès de la Juge de paix du district de l'Ouest lausannois (ci-après: la juge de paix) afin d'interdire le stationnement sur les parcelles dont elle est propriétaire. 
Par décision du 24 septembre 2020, la juge de paix a notamment interdit à quiconque - ayants droit exceptés - de stationner sur les propriétés sises au chemin V.________ et à l'avenue W.________ à U.________, sous la peine d'amende selon la loi sur les contraventions. 
La mise à ban a été affichée au pilier public et B.________ SA a fait poser un panneau reproduisant l'interdiction prononcée par la juge de paix à l'entrée de la propriété concernée, comme le lui permettait la décision du 24 septembre 2020. 
A.________ a fait opposition à la décision de mise à ban le 23 octobre 2020. 
Par avis recommandé du 26 octobre 2020, la juge de paix a informé B.________ SA que l'opposition formée par A.________ rendait caduque la mise à ban envers celui-ci. 
 
C.  
Le 13 février 2021, B.________ SA a déposé une demande auprès de la Présidente du Tribunal civil de l'arrondissement de l'Est vaudois (ci-après: la présidente). Elle a conclu à ce que la mise à ban de ses parcelles nos 35 et 36 soit validée (I), à ce que l'opposition à la mise à ban formée par A.________ soit levée, à ce qu'interdiction soit faite à celui-ci de stationner sur les parcelles précitées, à l'exception des places qui lui étaient attribuées selon le bail liant les parties et qui étaient marquées " Restaurant " (II), dite interdiction étant assortie de la menace de la peine d'amende prévue à l'art. 292 CP en cas d'insoumission (III), et à ce qu'ordre soit donné à A.________ de faire respecter cette interdiction par ses ayants droit (IV), dite injonction étant également assortie de la menace de la peine d'amende prévue à l'art. 292 CP (V). 
A.________ a conclu à l'irrecevabilité de la demande, subsidiairement à son rejet. 
Par jugement du 20 mars 2022, la présidente a fait interdiction à A.________ de stationner sur les parcelles nos 35 et 36 appartenant à B.________ SA, à l'exception des places de parc qui lui étaient attribuées selon le contrat de bail à loyer le liant à celle-ci et identifiables grâce au marquage au sol " Restaurant " (I), constaté que la mise à ban prononcée le 24 septembre 2020 par la juge de paix était opposable au défendeur (II), réglé la question des frais judiciaires et des dépens (III à V) et rejeté toutes autres ou plus amples conclusions (VI). 
Le 27 juillet 2022, la Cour d'appel civile a rejeté l'appel formé par A.________ à l'encontre de cette décision et confirmé celle-ci. 
 
D.  
Le 7 septembre 2022, A.________ (ci-après: le recourant) dépose un recours constitutionnel subsidiaire au Tribunal fédéral contre cet arrêt. Il conclut à l'annulation de la décision rendue par la cour cantonale et, principalement, au renvoi de la cause à celle-ci pour nouvelle décision dans le sens des considérants; subsidiairement il demande la réforme de l'arrêt cantonal en ce sens que la demande déposée par B.________ SA (ci-après: l'intimée) est irrecevable; à titre sub-subsidiaire, il réclame la réforme de la décision entreprise dans le sens d'un rejet de dite demande. 
Des déterminations n'ont pas été demandées. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Il est admis que la valeur litigieuse de la cause, rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF), n'atteint pas 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF). Seule la voie du recours constitutionnel subsidiaire est ainsi ouverte (art. 113 LTF) dès lors qu'aucune question juridique de principe n'est soulevée (art. 74 al. 2 let. a LTF). Les conditions de recevabilité d'un tel recours sont ici réalisées (art. 115 LTF; art. 75 et art. 114 LTF, art. 90 et art. 117 LTF, art. 100 et art. 117 LTF cum art. 46 al. 2 let. a LTF [mesures provisionnelles: ATF 133 III 638 consid. 2; arrêt 4A_197/2017 du 13 mars 2018 consid. 2 non publié aux ATF 144 III 145]).  
 
2.  
 
2.1. Le recours constitutionnel subsidiaire peut être formé pour violation des droits constitutionnels (art. 116 LTF), dont la garantie contre l'arbitraire (art. 9 Cst.). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF (applicable en vertu du renvoi de l'art. 117 LTF), le Tribunal fédéral n'examine toutefois que les griefs expressément soulevés et motivés conformément au principe d'allégation. Le recourant doit indiquer quel droit ou principe constitutionnel a été violé par l'autorité précédente et dans quelle mesure, en présentant une argumentation claire et circonstanciée (ATF 145 I 121 consid. 2.1 et les références); des critiques simplement appellatoires ne sont pas admissibles (ATF 143 II 283 consid. 1.2.2; 142 III 364 consid. 2.4).  
Une décision ne peut être qualifiée d'arbitraire (art. 9 Cst.) que si elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité (ATF 144 I 170 consid. 7.3; 141 III 564 consid. 4.1); il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable; pour que cette décision soit annulée, encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1; 144 I 113 consid. 7.1, 170 consid. 7.3; 142 II 369 consid. 4.3). 
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 118 al. 1 LTF). Le recourant ne peut obtenir leur rectification ou leur complètement que s'il démontre une violation de droits constitutionnels (art. 118 al. 2 LTF). Il doit ainsi exposer avec précision, conformément au principe d'allégation (cf. supra consid. 2.1), en quoi la constatation d'un fait, pertinent pour l'issue du litige, est manifestement insoutenable, c'est-à-dire en contradiction évidente avec la situation de fait, reposant sur une inadvertance manifeste ou dépourvue de toute justification objective (ATF 136 I 332 consid. 2.2 et les citations).  
 
3.  
Le recourant invoque d'abord l'application arbitraire de l'art. 58 CPC, estimant que la cour cantonale aurait confirmé une décision qui statuait au-delà des conclusions de l'intimée. 
 
3.1. La cour cantonale a considéré sur ce point qu'en comparant les conclusions prises par l'intimée avec le dispositif de la décision de la justice de paix, elle parvenait à la conclusion que celle-ci n'avait pas alloué autre chose ou plus que ce qui était demandé. Le fait de requérir la validation de la mise à ban et la levée de l'opposition formulée par le recourant, puis qu'interdiction lui soit faite de stationner sur les places de parc en question, conformément à la mise à ban - cf. conclusions de l'intimée ( supra let. C) - revenait à constater que cette mise à ban était opposable à l'intéressé - cf. dispositif de la décision de première instance ( supra let. C).  
 
3.2. Le recourant ne démontre nullement l'arbitraire de ce raisonnement: il s'attache en effet à rappeler la définition de l'arbitraire, de même que la teneur de l'article 58 al. 1 CPC et le fait que le demandeur détermine librement l'étendue de la prétention qu'il déduit en justice, puis se limite à retranscrire les conclusions de l'intimée, pour en définitive se borner à affirmer que la juge de paix aurait modifié celles-ci. Manifestement insuffisante au regard des exigences de motivation ici applicables (consid. 2.1 supra), cette critique est irrecevable.  
 
4.  
Le recourant reproche ensuite à la cour cantonale d'avoir arbitrairement refusé de déclarer irrecevables les conclusions formulées par l'intimée dès lors qu'elles se fonderaient sur deux procédures et fondements juridiques distincts. La cour cantonale ne pouvait en effet confirmer la décision de première instance en tant qu'elle se prononçait sur la validation de l'opposition à la mise à ban (procédure gracieuse), alors que cette dernière procédure était indépendante de l'action possessoire (procédure contentieuse) dont elle était saisie et devait être considérée comme close. 
 
4.1. La cour cantonale a considéré qu'aucun mélange de procédures ne pouvait être discerné. La juge de paix avait d'abord statué sur la mise à ban, avant que la présidente statue sur l'action possessoire. L'intimée avait ainsi agi conformément à ce qui lui incombait, en requérant la protection de sa possession à la suite d'une opposition à une mise à ban. C'est ainsi à juste titre que le premier juge avait levé dite opposition.  
 
4.2. La décision de mise à ban (art. 258 al. 1 CPC) relève de la procédure gracieuse (parmi plusieurs: BOHNET, in Commentaire romand CPC, 2e éd. 2019, n. 3 ad art. 258 CPC; STEINAUER, la mise à ban générale: du juge civil au juge pénal, in Droit pénal et criminologie, Mélanges en l'honneur de Nicolas Queloz, 2020, p. 423 ss, n. 6; TENCHIO/TENCHIO, in Basler Kommentar ZPO, 3e éd. 2017, n. 2 ad art. 258 CPC). Elle est prise en procédure sommaire et les tiers qui devront la respecter ne peuvent ni participer à la procédure ni contester la décision prise par le juge (STEINAUER, op. cit., n. 6; TENCHIO/TENCHIO, op. cit., n. 8 ad art. 258 CPC). Lorsque la mise à ban a été publiée et placée de manière visible sur l'immeuble conformément à l'art. 259 CPC, ils ont en revanche la possibilité d'adresser dans les trente jours une opposition à l'autorité qui a pris la mesure selon l'art. 260 al. 1 CPC. L'opposition n'est cependant pas une voie de recours (Message relatif au code de procédure civile suisse [CPC] in FF 2006 6841, p. 6960) mais s'apparente plutôt à l'opposition en cas de poursuite (Message, ibid.; GÖKSU in Sutter-Somm et al. (éd.), Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 3e éd. 2016, n. 6 ad art. 260 CPC; STAEHELIN/STAEHELIN/GROLIMUND, Zivilprozessrecht - Unter Einbezug des Anwaltsrechts und des internationalen Zivilprozessrechts, 3e éd. 2019, § 21, n. 61) : elle ne doit pas être motivée (art. 260 al. 1 CPC) et rend la mise à ban caduque envers son auteur (art. 260 al. 2 CPC). Le bénéficiaire de la mise à ban qui souhaite la faire valider et obtenir ainsi que l'interdiction s'applique également à l'opposant doit alors ouvrir contre lui " une action devant le tribunal " (art. 260 al. 2 2e phr. CPC). Cette " action en reconnaissance de droit " (" Anerkennungsklage ") peut prendre la forme, aux conditions ordinaires, d'une action négatoire et/ou d'une action en raison du trouble de la possession (STEINAUER, op. cit., n. 6; TENCHIO/TENCHIO, op. cit., n. 6 ss ad art. 260 CPC; GÖKSU, op. cit., n. 6 ad art. 260 CPC), relevant de la procédure contentieuse. Le jugement rendu au terme d'une telle action est revêtu de l'autorité de la chose jugée entre les parties et lie le juge pénal si par la suite celui-ci est appelé à sanctionner une violation de la mise à ban (STEINAUER, op. cit., n. 6 et les références).  
 
4.3. Les conclusions formulées par l'intimée devant la présidente apparaissent conformes aux principes qui viennent d'être mentionnés et ne sauraient être déclarées irrecevables: après avoir eu connaissance de l'opposition du recourant, la société intimée a demandé la validation de la mise à ban à l'encontre de sa partie adverse en introduisant une action possessoire; la présidente a statué sur cette action possessoire en interdisant au recourant de stationner sur les parcelles de l'intimée, à l'exception des places de parc qui lui étaient réservées selon le bail liant les parties, décision qui a eu pour conséquence de valider la mise à ban à l'encontre du recourant et de la lui rendre ainsi opposable. L'on peut à cet égard se référer au parallèle sus-évoqué de l'opposition au commandement de payer ( supra consid. 4.2), dont il n'est pas contesté que la levée peut être réclamée dans les conclusions de l'action en paiement dirigée contre le débiteur poursuivi.  
 
5.  
Le recourant soutient ensuite que les faits auraient été arbitrairement établis: aucun trouble illicite et excessif ne pouvait être ici relevé; l'art. 928 CC aurait été appliqué manifestement à tort. 
 
5.1. La cour cantonale a retenu que, conformément au contrat de bail conclu entre les parties, le recourant n'avait que la possibilité de se garer sur les places identifiées par le marquage au sol " Restaurant " et ne pouvait donc pas stationner sur les autres places se trouvant sur les parcelles nos 35 et 36, sur lesquelles il ne disposait d'aucun droit préférable. En tant que, lors de l'audience du 9 septembre 2021 devant le premier juge, il avait admis se garer où bon lui semblait dès lors que l'intimée infligeait des amendes à ses clients, le trouble à la possession de l'intimée était établi; à défaut d'autorisation légale, il était de surcroît illicite, en sorte que les conditions d'application de l'art. 928 CC étaient ici réalisées. C'était en conséquence à juste titre que le premier juge avait admis l'action en raison du trouble exercée par l'intimée.  
 
5.2. Ici encore, le recourant se limite à une argumentation appellatoire, inapte à démontrer l'arbitraire du raisonnement cantonal: il ne conteste pas que le contrat de bail le liant à l'intimée ne l'autoriserait à se garer que sur des places spécifiquement désignées et ne nie pas avoir admis se garer " où bon lui semblerait ", se limitant à affirmer à cet égard que cette déclaration n'aurait pas été protocolée. Prétendre qu'un parcage occasionnel en dehors des places prévues n'entraînerait aucun trouble insupportable de la possession de l'intimée ne trouve enfin aucun appui tangible dans l'ATF 135 III 633 auquel se réfère le recourant, jurisprudence qui traite des effets d'une restriction de droit public sur le caractère illicite d'un trouble de la possession.  
 
6.  
En définitive, le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. Les frais sont mis à la charge du recourant qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Aucune indemnité de dépens n'est octroyée à l'intimée qui n'a pas été invitée à se déterminer. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 29 novembre 2022 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
La Greffière : de Poret Bortolaso