Avis important:
Les versions anciennes du navigateur Netscape affichent cette page sans éléments graphiques. La page conserve cependant sa fonctionnalité. Si vous utilisez fréquemment cette page, nous vous recommandons l'installation d'un navigateur plus récent.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_382/2021  
 
 
Arrêt du 2 septembre 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Chaix, Juge présidant, 
Merz et Weber, Juge suppléant. 
Greffier : M. Alvarez. 
 
Participants à la procédure 
A.A.________et B.A.________, 
C.C.________et D.C.________, 
tous les quatre représentés par Me Nicolas Wisard, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
E.________et F.________, 
intimés, 
 
Département du territoire de la République et canton de Genève, Office des autorisations de construire, Service des affaires juridiques, case postale 22, 1211 Genève 8. 
 
Objet 
Autorisation de construire, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 18 mai 2021 (A/2372/2018-LCI - ATA/531/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
F.________ et E.________ sont propriétaires de la parcelle no 4030, feuille 19 de la Commune de Lancy, sise en 5ème zone à bâtir, sur laquelle est érigée une villa. 
Le tiers sud-est de la parcelle présente une déclivité variable jusqu'à la limite de propriété. Un cèdre se dresse sur la partie en pente de la parcelle et un second, plus grand, juste de l'autre côté de la limite. 
Immédiatement en contrebas de la parcelle no 4030, sont situées les parcelles nos 4081 et 4083, propriétés respectives de B.A.________ et A.A.________, d'une part, et de D.C.________ et C.C.________, d'autre part (ci-après: A.A.________ et consorts). 
 
B.  
Le 14 février 2018, le Département cantonal du territoire (ci-après: DT) a enregistré une requête de F.________ et E.________ en vue de la construction d'un mur de soutènement d'une hauteur de 1,6 m et d'une longueur totale de 22 m ainsi que d'un terrassement. 
Le 27 mars 2018, la Direction cantonale générale de l'eau, devenue l'Office cantonal de l'eau (OCEau), a préavisé favorablement le projet sous condition que les eaux pluviales ne gênent en aucun cas le voisinage ou ne soient dirigées vers le domaine public. Le même jour, la Direction cantonale générale de l'agriculture et de la nature (ci-après: DGAN) a aussi émis un préavis favorable, sous cinq conditions, dont notamment que le terrain naturel soit maintenu dans le domaine vital des cèdres (aplomb des couronnes, plus 1 m), aucun apport de terre n'étant toléré dans cet espace, et qu'aucune construction ne soit réalisée à cet endroit. 
Par décision du 5 juin 2018 (APA/49'923), le DT a délivré l'autorisation requise en la soumettant aux conditions des différents préavis rendus. 
 
C.  
Par acte du 5 juillet 2018, les propriétaires des parcelles voisines nos 4081 et 4083 ont recouru contre cette décision au Tribunal administratif de première instance de la République et canton de Genève (ci-après: TAPI). 
Dans le cadre de l'instruction, le TAPI a procédé à un transport sur place le 11 septembre 2018. A cette occasion, il a notamment constaté que les travaux relatifs à l'autorisation de terrassement étaient en cours et que le terrain avait été creusé; il a également constaté des travaux d'ores et déjà effectués concernant notamment le drainage et l'écoulement des eaux. 
Le 29 août 2019, le TAPI a ordonné la mise en oeuvre d'une expertise, mandat confié à G.________ SA. La mission d'expertise portait notamment et en substance sur l'établissement d'un plan indiquant l'emplacement du bâtiment principal ainsi que celui des cèdres situés du côté de la parcelle n° 4081, poussant sur la parcelle n° 4030 ou dont l'espace vital (aplomb de la couronne + 1 m) s'étendait sur la parcelle no 4030, s'agissant d'une part de l'emplacement de leur tronc et d'autre part de leur couronne rapportée au sol. L'expert devait également établir des coupes amont-aval jusqu'en limite, en indiquant le niveau actuel du terrain de la parcelle n o 4030. Il devait aussi établir le niveau naturel du terrain de la parcelle no 4030.  
Par jugement du 29 octobre 2020, le TAPI a admis le recours des voisins, annulé l'autorisation de construire et renvoyé la cause au département pour nouvelle instruction. Le tribunal a en résumé estimé que les plans produits par les constructeurs étaient insuffisants; ils ne permettaient notamment pas au département de vérifier quelle était l'emprise du remblai par rapport aux cèdres; il ressortait tant du plan topographique que de la coupe A-A' établis par l'expert que le remblai prévu empiétait sur l'espace vital du plus petits des deux arbres. Les questions d'écoulement des eaux n'étaient en revanche pas de son ressort, mais relevaient du DT, dans le cadre d'un éventuel ordre de remise en état. 
 
D.  
Le 12 novembre 2020, F.________ et E.________ ont recouru contre ce jugement à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
Par arrêt du 18 mai 2021, la Cour de justice a admis le recours, annulé l'arrêt du TAPI du 29 octobre 2020 et rétabli l'autorisation de construire délivrée le 5 juin 2018 (APA/49'923). Elle a considéré que le TAPI avait à tort retenu que le profil du terrain actuel serait tout à fait différent de celui figurant sur les plans d'enquête. C'était également à tort que le TAPI avait jugé que le projet empiéterait sur la surface vitale du plus petit des cèdres, les conditions figurant dans le préavis de la DGAN, qui faisaient partie intégrante de l'autorisation, excluant une telle atteinte. 
 
E.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.A.________ et consorts demandent au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt cantonal. Ils requièrent également l'octroi de l'effet suspensif, accordé par ordonnance du 16 juillet 2021. 
La Cour de justice persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Le Département cantonal du territoire conclut au rejet du recours. Sans prendre de conclusions formelles, les intimés demandent implicitement le rejet du recours. Les recourants répliquent, persistant dans leurs conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
En concluant à l'annulation de l'arrêt attaqué, les recourants perdent de vue que le recours en matière de droit public n'est pas un pourvoi en cassation mais un recours en réforme (art. 107 al. 2 LTF; cf. ATF 133 III 489 consid. 3.1). Il ressort néanmoins clairement de leur mémoire qu'ils entendent demander la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens que le recours cantonal est rejeté et le jugement du TAPI, annulant le permis de construire litigieux, confirmé. Ainsi comprise, la nature cassatoire de leur conclusion ne s'oppose pas à l'entrée en matière. Au surplus, dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans une cause relevant du droit public de l'aménagement du territoire et des constructions (art. 82 let. a LTF), le recours est recevable comme recours en matière de droit public, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Les recourants sont propriétaires de parcelles directement voisines du bien-fonds no 4030, sur lequel prend place le projet litigieux, de sorte qu'ils sont particulièrement touchés par l'arrêt attaqué qui en confirme l'autorisation. Ils ont un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification et bénéficient partant de la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Les autres conditions de recevabilité étant par ailleurs réunies, il y a lieu d'entrer en matière sur le recours. 
 
 
2.  
A titre liminaire, il convient de préciser que les critiques des recourants en lien avec les travaux d'ores et déjà réalisés excèdent l'objet du litige, cantonné à l'examen de la conformité de l'autorisation de construire délivrée le 5 juin 2018. Elles sont partant irrecevables (cf. ATF 144 II 359 consid. 4.3; arrêt 1C_480/2020 du 30 juin 2021 consid. 3.1). Cet aspect pourra le cas échéant faire l'objet d'une procédure de remise en état des lieux. Sont également irrecevables les griefs en lien avec les regards d'eaux usées. L'arrêt cantonal ne renferme en effet aucune considération à cet égard, sans que pour autant les recourants ne s'en plaignent, singulièrement sous l'angle d'un établissement incomplet des faits; le Tribunal fédéral n'est ainsi pas en mesure de se prononcer (cf. art. 105 al. 1 et art. 106 al. 2 LTF). Le TAPI avait d'ailleurs indiqué que cette problématique n'était pas de son ressort, mais appartenait au DT dans le cadre d'un éventuel ordre de remise en état. Il faut enfin concéder au DT que la question soulevée par le projet et réglementée par l'autorisation de construire porte uniquement sur l'écoulement des eaux pluviales, en particulier pour éviter les dommages sur les parcelles en aval, propriétés des recourants, et non sur les eaux usées. 
 
3.  
Les recourants se prévalent d'une violation de l'art. 22 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT; RS 700) ainsi que d'une application arbitraire des règles du droit cantonal sur le contenu et la précision des autorisations de construire. Selon les recourants, les plans produits par les intimés seraient insuffisants et le permis de construire ne déterminerait pas suffisamment la construction autorisée. 
 
3.1. Selon l'art. 22 al. 1 LAT, aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente. L'art. 22 al. 2 LAT prévoit que l'autorisation est délivrée si la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone (let. a); le terrain est équipé (let. b). Le droit fédéral et le droit cantonal peuvent poser d'autres conditions (art. 22 al. 3 LAT).  
 
3.1.1. La Cour de justice a considéré que rien ne permettait de conclure que le plan de coupe produit par les intimés à l'appui de leur demande d'autorisation, ne correspondrait pas à la réalité du terrain; la comparaison avec le plan de coupe établi par l'expert ne menait en particulier pas à une telle conclusion. En outre, le projet tel qu'autorisé, assorti de différentes conditions - posées notamment par la DGAN - ne portait pas atteinte à l'espace vital des cèdres et apparaissait à cet égard suffisamment précis. Les recourants soutiennent, pour leur part, que l'autorisation de construire aurait été délivrée sans que des plans permettant d'appréhender "de manière correcte et utile" la situation n'aient été transmis au DT. En outre, l'autorisation de construire, assortie de différentes conditions émises par les services de l'Etat concernés, ne permettrait pas de comprendre "l'état futur autorisé".  
 
3.1.2. L'art. 22 LAT est une norme fédérale minimale directement applicable qui règlemente de manière globale l'obligation d'un permis de construire et de transformer pour toute construction ou installation (cf. arrêt 1C_107/2011 du 5 septembre 2011 consid. 3.1; ALEXANDER RUCH, in Commentaire pratique LAT: Autorisation de construire, protection juridique et procédure, 2020, n. 4 ad art. 22 LAT). En l'espèce, il n'est toutefois pas contesté que le projet litigieux nécessite une autorisation de construire, si bien que rien ne commande de s'attarder sur cet aspect de la disposition. Il est vrai que la jurisprudence déduit par ailleurs de l'art. 22 LAT que la procédure d'autorisation doit permettre à l'autorité de contrôler, avant la réalisation du projet, sa conformité aux plans d'affectation et aux réglementations applicables (cf. arrêt 1C_618/2014 du 29 juillet 2015 consid. 3.1, publié in RDAF 2015 I p. 499; voir également RUCH, op. cit., n. 6 ad art. 22 LAT). Or, les constructeurs ont produit des plans, sur la base desquels les différents services et autorités de l'Etat concernés se sont penchés avant de délivrer leurs préavis, d'émettre des conditions, respectivement d'autoriser le projet. Le dossier comporte en outre des plans établis par un expert judiciaire dans le cadre de la procédure de première instance. Il n'apparaît ainsi pas, au regard des exigences minimales du droit fédéral, que les éléments au dossier aient été insuffisants pour l'examen de la conformité du projet au plan d'affectation. Au surplus, il n'est ni prétendu ni n'apparaît que le projet supposerait l'application d'autres normes de droit fédéral prévoyant des exigences particulières, plus étendues, quant à la documentation à fournir en cours d'enquête, à l'instar d'un projet soumis à étude de l'impact sur l'environnement (EIE), dont le contenu est précisément régi par le droit fédéral (cf. art. 8 ss de l'ordonnance fédérale du 19 octobre 1988 relative à l'EIE [OEIE; RS 814.011]). Les détails, la forme, la nature et l'auteur des pièces à produire par les constructeurs à l'appui de leur projet - dont se prévalent également les recourants - relèvent ainsi en l'espèce de la seule application du droit cantonal. A ce sujet, le DT a au demeurant confirmé céans que l'architecte chargé de la demande d'autorisation de construire avait considéré que l'ensemble des plans et coupes présentés permettaient de comprendre de manière précise et détaillée le projet litigieux.  
 
3.1.3. Quant au degré de précision prétendument insuffisant de l'autorisation de construire, plus spécialement des conditions dont elle est assortie, l'argumentation des recourants ne commande pas non plus de revenir sur l'arrêt attaqué. Tout d'abord, s'agissant de la brève critique des recourants quant au préavis de la Commission cantonale d'architecture (CA) du 15 mars 2018, qui impose une légère diminution du volume des talus en aval, elle est irrecevable. Ce point s'inscrit certes dans l'examen de l'application du droit fédéral (cf. art. 106 al. 1 LTF), singulièrement de l'art. 22 LAT; il est également vrai que bien que le grief de violation de l'art. 22 LAT n'ait pas été soulevé devant les instances cantonales, celui-ci peut être invoqué pour la première fois devant le Tribunal fédéral (cf. ATF 142 I 155 consid. 4.4.3). Ce dernier ne l'examine cependant qu'à la condition qu'il se fonde sur l'état de fait retenu par l'instance précédente ( ibid.), condition qui n'est en l'occurrence pas réalisée, l'arrêt attaqué étant muet quant aux questions abordées par ce préavis, sans toutefois que les recourants ne s'en plaignent. Ensuite, en ce qui concerne les exigences posées par la DGAN, discutées par la cour cantonale, celles-ci apparaissent concrètes et claires quant à la préservation du domaine vital des cèdres. Il est prévu l'interdiction de toute construction, y compris terrassement, desserte, canalisations etc; le terrain naturel doit être maintenu dans le domaine vital des cèdres et aucun apport de terre ne sera toléré dans cet espace; le muret projeté au sud de la parcelle doit être stoppé avant le domaine vital des cèdres en place; aucune construction ne sera tolérée dans cet espace. On relèvera encore que l'autorisation mentionne expressément que ces réserves priment les plans d'enquête initialement versés. Il faut enfin concéder au DT que l'art. 7 al. 1 de la loi cantonale sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI; RS/GE L 5 05) prévoit l'obligation de déposer une attestation globale de conformité mettant en évidence le fait que les travaux réalisés l'on été conformément à l'autorisation délivrée, des mesures et sanctions pouvant être prises, notamment un ordre de remise en état (cf. art. 129 let. e et art. 130 LCI; arrêt 1C_80/2018 du 23 mai 2019 consid. 5.1.2).  
 
3.2. Les recourants se prévalent ensuite de la violation de différentes disposition du droit cantonal, spécifiquement de la LCI et de son règlement d'application du 27 février 1978 (RCI; RS/GE L 5 05.01). A l'examen de l'arrêt cantonal et des écritures des parties, il n'apparaît cependant pas qu'une telle argumentation aurait été développée devant la Cour de justice. Les recourants ne le prétendent d'ailleurs pas, pas plus qu'ils ne se plaignent à cet égard d'un déni de justice formel. Ainsi, soulevé pour la première fois devant le Tribunal fédéral, le grief d'application arbitraire du droit cantonal est irrecevable (cf. arrêt 1C_276/2020 du 16 février 2021 consid. 3.4 et les arrêts cités).  
 
3.3. Enfin, les recourants n'exposent pas en quoi le projet serait concrètement contraire à la planification. Cette question, qui relève ici exclusivement de l'application du droit cantonal (cf. arrêts 1C_510/2020 du 21 juin 2021 consid. 5.1 et la référence citée; 1C_505/2018 du 5 août 2019 consid. 3), et qui n'a au demeurant pas été discutée devant l'instance précédente, n'a ainsi pas à être examinée d'office par le Tribunal fédéral (art. 106 al. 2 LTF).  
 
4.  
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours, dans la mesure de sa recevabilité, aux frais des recourants, qui succombent (art. 66 al. 1 et 5 LTF). Il n'est pas alloué de dépens, les intimés ayant procédé sans l'assistance d'un mandataire professionnel (art. 68 al. 1 et 2 LTF; cf. ATF 135 III 127 consid. 4; arrêt 1C_78/2021 du 1er avril 2022 consid. 8). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux. 
 
3.  
Il n'est pas alloué de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, aux intimés, au Département du territoire de la République et canton de Genève ainsi qu'à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 2 septembre 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Chaix 
 
Le Greffier : Alvarez